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 Autour de Lévinas : de la religiosité à la réciprocité

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جنون
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Autour de Lévinas : de la religiosité à la réciprocité  Empty
26022016
مُساهمةAutour de Lévinas : de la religiosité à la réciprocité

La position de Lévinas qui valorise la relation à l'autre dans le renoncement à soi (autrement qu'être) me parait être irrationnelle en un double sens: ni raisonnée ni raisonnable: 
    1) Elle n'est pas universalisable; car elle ne  pose pas la question de savoir ce qui se passe si les deux partenaires de la relation adoptent la même attitude de dépossession de soi vis-à-vis de l'autre; chacun faisant de l'autre un tout autre absolument transcendant donc sacré et intouchable; à mon humble avis, il ne peut rien se passer. En tout cas rien de l'ordre d'un réel échange de plaisir. L'angélisme, comme relation à l'autre sacralisé, conduit à l'impuissance et/ou à  la domination par l'autre quand ce n'est pas au désir plus ou moins inavoué d'être dominé pas l'autre dans le renoncement pervers à son propre plaisir; renoncement sur fond du  désir  (à tort selon moi) de renoncer au plaisir pour soi et au désir d'appropriation qu'il implique toujours, afin de  jouir du plaisir valorisé et valorisant de sainteté; comme quoi la négation ou le dépassement  du désir n'est jamais, à mon sens,  qu'une ruse du désir dans une stratégie, consciente ou non, de manipulation de soi et des autres . 
    2) Elle dénie la réalité au nom d'un idéal d'absolu et de sainteté inhumain et donc ni possible ni souhaitable: cette réalité est que la relation à l'autre implique toujours des rapports de plaisir et de déplaisirs  (sexuels au sens freudien), avoués ou non, ainsi que la pulsion de mort, et qu'en cela, elle met toujours en oeuvre des relations de pouvoirs. Du reste, comme l'avait bien compris Pascal, tout désir d'absolu est irrationnel par nature: raisonner c'est relier et relativiser et donc douter de et critiquer ce qui se présente comme absolu (inconditionnel) 
Du reste, il me semble que Lévinas lui même, lorsqu'il traite de l'érotisme et du désir se garde bien de les confondre avec l'expérience du visage dont il fait un modèle éthique de référence; cette expérience est religieuse pour ne pas dire mystique, je la considère dangereuse (perverse) pour l'échange du plaisir à hauteur d'homme, dans l'autonomie et l'égalité des droits et des devoirs. Car, là encore, qui veut faire l'ange risque de faire la bête. 
Posons-nous cette question simple: est-il plus désirable  d'être aimé comme un dieu par l'autre ou comme un homme et une femme, c'est-à-dire comme un corps désirant et pensant par et pour lui-même en vue du plaisir et du bonheur? Et si la réponse est non, il n'y a pas de raison sérieuse de supposer qu'il en soit différemment pour autrui, sauf à s'embarquer dans une histoire sado-maso . Ne pas se poser cette  question c'est, a mon avis se fourvoyer dans  l'hypocrisie du pieux mensonge édifiant et renoncer à philosopher; c'est à dire à comprendre ce qu'il en est de notre expérience humaine de l'amour, du désir d'être aimé, reconnu et désiré et du pouvoir sur nous et notre environnement pour en faire le meilleur usage possible dans des relations d'échange donnant/donnant (commerce) ou mieux encore, quand c'est possible dans l'amour réciproque, gagnant/gagnant. Le temps des héros et des saints  sacrifiés et sacralisés, à l'heure ou l'on en fabrique et en consomme aussitôt  tous les jours, est à mon sens, dans nos sociétés, révolu; et c'est tant mieux, car l'authentique  puissance ou exigence d'être réside dans l'orientation généreuse, créatrice et raisonnée du désir érotique. 
Je ne vois pas en quoi le discours soi-disant phénoménologique de Levinas se distingue d'un prêchi-prêcha  particulièrement sophistiqué pour nous convaincre que nous pouvons échapper à l'égoïsme et à la finitude inscrits dans nos déterminations biologiques, psychologiques et sociales.  Cette fameuse expérience du visage me parait une fiction édifiante qui comme toute fiction de ce type qui prétend à la vérité (réaliste) escamote par la magie du langage la réalité déterminée de l'humaine condition au profit d'un idéal humain divinisé et inconditionnel, posé comme suprême réalité téléologique. Nous sommes là au cœur de l'illusion idéologique de type moral ou  religieux, ce qu'ont bien vu, chacun à leur manière et dans leur domaine, Spinoza, Marx, Nietzsche et Freud. Cette idéalisation opère  par la réduction de  l'expérience humaine à un seul coté supposé positif purifié du négatif (la contradiction, de l'ambivalence du désir et de la finitude). En cela Pascal est plus philosophe que Lévinas car tous deux se situent bien à la frontière entre le religieux et le philosophique, mais alors que le premier la marque clairement , le second tend à l'effacer dans une confusion qui, à mon sens,  ne bénéficie ni à l'une, ni à l'autre. À choisir entre la  phénoménologie de Hegel et celle de Lévinas, je choisis la première; celle-là me parait plus authentique car moins moralisante, plus philosophique car moins «édifiante ».. Les analyses de Lévinas me paraissent trop moralement belles pour être philosophiquement intéressantes et utiles au bien-penser et au bien-vivre. 
Le désir, dit Hegel, est en l’homme conscient de soi, désir du désir. Qu’est-ce à dire ? 
Le désir est à la fois désir du désir de l'autre et désir de son propre désir comme expression de soi, c'est en cela qu'il diffère du besoin ou du simple appétit (voir Spinoza): il est conscience d'un appétit qui se désire lui-même à travers, pour et par le désir de l'autre ; il est donc nécessairement médié par le désir de l'autre de deux manières : 
    1) En tant qu’il est imitation du désir de l’autre dans son objet (rivalité mimétique). On ne désire que ce qui est désirable pour soi et les autres dans le cadre d’une concurrence  pour la reconnaissance (rôle de la rareté) 
    2) En tant qu’il désire la reconnaissance désirante de l’autre : désirer être désiré par l’autre pour se reconnaître soi, ou désirer le désir de l’autre est une composante essentielle de tout humain, même lorsqu’il passe par des objets apparemment matériels mais éminemment symboliques (argents, objets de prestige etc..). Dans l’amour c’est le désir de l’autre qui est directement désiré comme objet/sujet du désir. 
Ainsi cette nécessaire médiation implique une provocation stimulante du désir de l'autre; cette provocation est la séduction inhérente à toute stratégie du désir. Séduire c’est tenter de capter le désir de l’autre en se faisant objet/sujet de son désir pour faire du désir de l’autre son objet/sujet en vue de la reconnaissance de soi. 
Deux état sont alors possibles: l'autre ne répond pas au désir d séduction pour des motifs profondément inscrits dans son histoire personnelle consciente et inconsciente et alors le désir échoue dans une humiliation tendanciellement violente. Ou la médiation s'opère sur fond de conflit et de rapport de force favorable relativement équilibrés et l'amour et la confiance dans l'autre comme médiateur du rebondissement de son propre désir devient possible ; c'est ce que l'on appelle l'amour réciproque qui avec le temps prend la forme de la tendresse comme relation de confiance moins provocante et moins conflictuelle car plus assurée de la réponse espérée; mais à une condition, c'est que le conflit reste latent; c'est à dire présente à la conscience de soi la possibilité de perdre le désir de l'autre ce qui oblige à renouveler  la provocation séductrice, sous des formes plus ou moins renouvelée, dans le jeu ou dans le sérieux du risque de la mort ou de la perte de l'autre au profit d'un concurrent ; sinon la tendresse (rapport de confiance) fera s’évanouir le désir et se transformera en ennui profond. C'est pourquoi il n'y a pas d'amour qui dure sans sa mise constante à l'épreuve et que l'authenticité de l'amour (désir accompagné de tendresse) se mesure à l'épreuve indéfiniment prolongée de cette dialectique temporelle de la tendresse et de la provocation du désir de l'autre pour stimuler son propre désir d'être et d'agir en vue de la reconnaissance et de l'amour de soi. L'échec de cette médiation engendre le désir de la domination violente ou du désir de mort; et c'est l'échec du conflit amoureux qui génère la domination de la pulsion de mort sur la pulsion érotique; alors que son succès, toujours problématique, permet de mettre la pulsion de mort au service de la  pulsion de vie. Faire un bon usage du désir, à savoir soumettre la pulsion de mort à la pulsion de vie dans un provocation amoureuse oscillante équilibrée suppose le dialogue érotique prolongé  des désirs en paroles et en actes autour d'intérêts construits ensemble; pour cela aucun ne doit renoncer à son désir propre au profit de désir de l'autre; mais chacun doit s'efforcer de faire consoner son désir avec celui de l'autre, dans une excitation mutuellement valorisante. 
L'amour humain satisfaisant est à l'antipode de l'amour de Dieu et de l'abnégation masochiste (renoncement à son pouvoir de désirer pour soi) qu'il implique. Il n'est qu'humain, ce qui ne le rend pas facile à vivre pour autant, mais le savoir est la condition de la réussite. 
S.Reboul, 08/01/2000



De la perversion religeuse en amour..
Le visage de l’autre est l’icône du divin pour Lévinas dès lors que cet auteur élève la relation à l’autre par chacun à une rencontre ineffable au delà de son être propre et de tout être empirique, en une extase vécue comme un absolu moral inconditionnel qui nous délivre, sans sacrifice, de tout souci de soi et nous enjoint d’aimer infiniment . En cela sa position est mystique et non pas conceptuelle et rationnelle , à savoir relative à quelques désirs ou besoins que ce soient, déterminés par des fins particulières. Nous trouvons appliquée au visage "du tout autre" la dimension religieuse de l’agapé ou amour sans désir, délivré de toute recherche de possession par l’effet de dépossession de soi ou d’aliénation (au sens propre) qu’il provoque.
Mais alors qu’en est-il de cette délivrance extatique dès lors qu’elle est dépossession de soi et donc présente peu ou prou le risque irrésistible de la soumission au désir de l’autre élevé à l’absolu, qu’en est-il de ce devoir d’aimer absolument de point de vue de la réciprocité du désir ? Qu’en est-il de l’amour humain dans le partage des plaisirs et des peines ? Qu’en est-il de la dimension érotique de la vie. N’y a-t-il pas dans cette attitude mystique un angélisme mortifère qui nous fait voir l’autre en son corps comme ni désirable ni désirant, et nous fait l’aimer comme s’il devait toujours être déjà mort ?
Qui veut faire l’ange fait la bête et qui veut le paradis sur terre gagne une mort anticipée certaine en réduisant l’autre à n’être qu’un fantasme de pureté proprement inhumain. Un tel fantasme est pervers en cela qu’il valorise l’amour de l’autre en tant qu’être destiné à souffrir. Il privilégie, comme condition de l’amour purifié de tout désir, la souffrance au plaisir.
le 11/03/08






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