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الموقع : منسقة و رئيسة القسم الفرتسي بالمدونات تاريخ التسجيل : 10/04/2010 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 4
| | Jeudi, 3 mai 2001 DE LA STRATÉGIE À LA GÉOPOLITIQUE, QUELQUES ÉLÉMENTS D'UNE APPROCHE PLURIDISCIPLINAIRE Qu'est-ce que la stratégie ? D'après l'étymologie grecque, la stratégie signifie « conduire l'armée », Platon précisant d'emblée que la guerre, donc | |
Jeudi, 3 mai 2001 Qu'est-ce que la stratégie ? D'après l'étymologie grecque, la stratégie signifie « conduire l'armée », Platon précisant d'emblée que la guerre, donc la stratégie, doit être soumise à la politique, l'art militaire à celui du gouvernement. Avant les Grecs, Sun Tzu (VIème siècle avant J.C) est le premier théoricien reconnu comme tel de la stratégie, son Art de la guerre étant encore étudié par tous les stratégistes et stratèges et conservant une surprenante actualité, notamment en raison de l'importance accordée par le penseur chinois aux moyens psychologiques et non militaires dans la guerre, phénomène qui caractérise plus que tout autre l'ère stratégique moderne du nucléaire. Il faudra toutefois attendre 1794 pour qu'apparaisse pour la première fois dans notre langue le mot stratégie, sous la plume du général prussien Frierdrich Wilheim Bülow. La stratégie est à fois une action déterminée par des actions contingentes, militaires, économiques, culturelles, sociologiques, et un discours, dimension considérablement renforcée avec l'avènement de la télématique et de l'Infowar, la guerre de l'information. La stratégie comporte des opérations intellectuelles et des opérations physiques, « concrètes », choisies parmi une palette d'actions réalisables et acceptables. De ce point de vue, la stratégie est d'abord un choix, une science de la décision. D'après le Petit Larrousse, la stratégie est l'« art de coordonner l'action de forces militaires, politiques, économiques et morales impliquées dans la conduite d'une guerre ou la préparation de la défense d'une nation ou d'une coalition », ou encore l'« art de coordonner des actions, de manoeuvrer habilement pour atteindre un but ». Le Robert préfère la définition plus simple : « art de gouverner les sociétés ». Les définitions les plus courantes demeurent celles qui ont été élaborées par les grands stratégistes classiques, de Karl von Clausewitz à Basil H. Liddell Hart et à Raymond Aron : « L'art d'employer les forces militaires pour atteindre les résultats fixés par la politique » (André Beaufre : Introduction à la stratégie ), l'auteur remarquant lui-même que « cette définition est [...] étroite, puisqu'elle ne concerne que les forces militaires ». Aussi propose-t-il de lui substituer deux autres définitions : « L'art de faire concourir la force à atteindre les buts de la politique » et, afin de souligner le caractère spécifique de l'action stratégique, « l'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit ». D'après Clausewitz, la stratégie est un « art de la guerre » sachant que la guerre est la « continuation de la politique par d'autres moyens ». La stratégie, comme « art de commander » est donc « obligée de se soumettre et de souscrire aux objectifs politiques, reliée aux forces tactiques dont elle coordonne et organise l'action », explique le général de la Maisonneuve . Cette relation hiérarchique entre les deux concepts est d'ailleurs confirmée par l'un des grands stratégistes classiques, Liddel Hart, qui définit la stratégie comme « l'art de distribuer et de mettre en uvre les moyens militaires pour accomplir les fins de la politique ». Mais la conception de la stratégie de Liddel Hart ou Clausewitz demeure encore exclusivement liée au domaine militaire. Or, nous verrons plus loin que, depuis l'avènement du feu nucléaire, les progrès technologiques en matière d'information et l'apparition de conflictualités non militaires (menaces transnationales, mafias, terrorisme, guerres économiques, « nouvelles menaces », etc), la stratégie a tendance à s'affranchir de plus en plus du domaine purement militaire. Toutefois, l'intérêt des définitions données par Clausewitz, Liddel Hart ou les stratégistes classiques en général est de mettre en évidence les liens qui unissent la stratégie à la politique et à la tactique. Pour définir la stratégie, on le voit, il est donc préalablement nécessaire de la différencier d'une série de concepts et de disciplines qui lui sont étroitement associés mais avec lesquels elle ne doit pas être confondue, au risque de perdre de vue sa signification et son objet propres. Aussi articulerons nous la première partie de ce travail sur la différence et les liens existant entre la stratégie, elle-même, la géopolitique, discipline connexe mais distincte, qui lui sert d'outil analytique et d'élaboration majeur mais non exclusif, la politique, qui la détermine, et la tactique, qui a pour fonction de permettre d'atteindre les objectifs fixés par elle. La géopolitique nécessitant une attention toute particulière en tant que démarche scientifique indépendante des phénomènes politiques et de la stratégie militaire, nous étudierons dans un premier temps les rapports entre politique stratégie et tactique.
Politique, stratégie et tactique
- La politique est une triade qui comporte, comme l'explique le général Jean Salvan : le dessein que l'on veut réaliser (projet de société, idéologie), la lutte pour parvenir au pouvoir (national, impérial ou mondial) et s'y maintenir, c'est-à-dire « l'art de gouverner » et la projection de la puissance, et, enfin, la désignation des « amis » et des « ennemis » , les responsables politiques ayant en principe pour tâches premières de veiller à la concorde intérieure de l'unité politique, généralement la nation ou l'Etat - menacée de l'intérieur par des phénomènes désagrégateurs ou subversifs (« ennemi internes »: mouvances sécessionnistes, désagrégatrices) - et à la sécurité extérieure de cette même unité, toujours potentiellement menacée de l'extérieur (« envahisseurs », hégémonies impérialistes, ennemis des valeurs fondamentales ou adversaires géoéconomiques, etc). Pour Raymond Aron, la Politique est « la recherche de l'intérêt national », définition qui a le mérite d'exprimer clairement la relation entre la stratégie et la politique, puisque la stratégie, en tant qu'art de commander les forces destinées à défendre la nation, est l'émanation directe du pouvoir politique qui a pour mission première de préserver l'unité et la pérennité de l'unité politique existante. Plus concrètement encore, en cas de conflits, ce sont donc les responsables politiques qui définissent les stratégies et les buts de guerre. Il n'est d'ailleurs pas inutile de définir cette autre notion clé de la science géostratégique. D'après nous - mais cette classification peut être contestée - les buts de guerre sont : « le résultat précis, évaluable, permettant de concrétiser le succès d'une stratégie générale (définie par les Politiques) qui a justifié le déclenchement d'une guerre ». Les buts de guerre ne sont autre que la stratégie globale - ou générale - ramenée au théâtre de guerre et à l'aire géopolitique à laquelle ce théâtre appartient. Il y a donc deux niveaux de buts de guerre : premièrement, les « buts de guerre » ou « objectifs tactiques » des états-majors ; deuxièmement, les « objectifs stratégiques » à plus long terme ou « buts de guerre stratégiques » définis par les politiques à l'uvre dans le contexte régional et général auquel appartient un théâtre donné. On retrouve la traditionnelle dichotomie entre le tactique et le stratégique. Ainsi, la politique fixe les buts et mobilise les moyens nécessaires à la réalisation d'une stratégie. Les États sont la source de l'autorité stratégique, qu'ils délèguent pour une mission déterminée. « Pour atteindre les buts de leur concept, les chefs politiques ont besoin d'une méthode et de moyens, c'est la stratégie » , résume le général Salvan. - La stratégie ainsi comprise est par conséquent « l'ensemble des méthodes et moyens permettant d'atteindre les fins exigées par le politique » (Salvan) ou encore « l'art de faire concourir la force à atteindre les buts de la politique » (Beaufre). Dans cette acception « haute », étroitement liée et subordonnée au politique, on parle généralement de stratégie totale, terme sur lequel nous reviendrons ultérieurement. La stratégie est la conduite militaire d'une alliance politique en vue d'une action totale : ce n'est pas une pensée ou une réflexion abstraite, mais une action que la pensée éclaire, à partir d'objectifs politiques précis. Il faut toutefois bien préciser qu'aujourd'hui, la stratégie comme la notion de forces ne doivent pas être limitées à leur acceptions militaire ou guerrière premières. Il existe également des stratégies culturelles (en particulier aux Etats-Unis), économiques, diplomatiques, voire même psychologiques et médiatiques. C'est d'ailleurs cette mutation liée aux progrès techniques et au processus de mondialisation qui conduit le stratégiste américain Edward N Luttwak à définir la stratégie comme « toute action de force organisée ou menée face à une hostilité consciente ». - La tactique, quant à elle, est essentiellement « l'art du combattant » ainsi que « l'emploi des moyens permettant de lutter contre un ennemi ». D'un point de vue militaire classique, la tactique opérationnelle vise les buts de la stratégie militaire, laquelle concourt à atteindre les objectifs de la stratégie totale. Plusieurs définitions peuvent également être données de la tactique. Pour Clausewitz, « la tactique, c'est l'usage des forces armées dans le combat ». Pour Luttwak, elle est « la combinaison des moyens techniques, des hommes sur le terrain (ou dans le milieu) précis face à un ennemi » . D'après Le Petit Larousse, la tactique est « l'ensemble des moyens habiles employés pour obtenir un résultat voulu ou la manière de combattre elle-même pendant la bataille », ou encore « l'art de diriger une bataille en combinant par la manoeuvre l'action des différents moyens de combats et effets des armes ». Enfin, pour le général Salvan, la stratégie est « l'art d'employer des moyens et des hommes pour atteindre un objectif fixé par le stratège » : on est par conséquent dans la tactique dès que des armes - classiques ou modernes - sont employées, y compris, bien sûr, contre des objectifs civils . Comme la stratégie dont elle dépend, la tactique est par conséquent fort diversifiée. Elle peut être militaire, révolutionnaire, de guérilla, classique, nucléaire, géoéconomique, etc.
Pour résumer la relation entre les trois notions, dont l'imbrication réciproque fait penser à un enclenchement de poupées russes, ainsi que l'explique le général Salvan, on peut dire que la stratégie vise à réaliser les buts politiques, que les objectifs stratégiques conditionnent la tactique, qui a quant à elle pour mission d'employer les armes pour les atteindre le plus efficacement possible. La tactique est donc, par essence, concrète. Elle vise des objectifs précis sur le terrain, qu'il soit militaire, économique, diplomatique, psychologique, etc. D'autres stratégistes modernes ont ajouté avec raison un autre élément fondamental à cette triade : la technique, qui, avec l'avènement du nucléaire, a véritablement révolutionné les données classiques de la stratégie et de la tactique. Ainsi, dans son ouvrage Le paradoxe de la stratégie, Edward Luttwak explique qu'il existe une véritable architecture à cinq niveaux : au plus bas, le technique, qui consiste en la conception, la réalisation et la mise en uvre des moyens, de l'homme, de la quantité, et de l'emploi dans l'espace ; ensuite, la tactique, qui combine les moyens techniques des hommes sur le terrain précis face à un adversaire donné. Puis viennent deux niveaux intermédiaires, non mentionnés précédemment : l'opérationnel (terme très usité dans le langage militaire), qui fait intervenir le temps et la distance, et la stratégie de théâtre, qui combine le niveau opérationnel avec les constantes et variables géographiques et spatiales (d'où la pertinence du terme géostratégique) ; enfin la grande stratégie, qui gouverne et doit faire converger les efforts déployés aux quatre niveaux inférieurs (militaires et/ou civils) en cohérence avec les décisions du pouvoir politique. Enfin, dans une logique plus classique mais rendant également compte de l'enchevêtrement des différents concepts, on peut également citer l'amiral Castex qui, dans son Traité sur les théories stratégiques (1937), explique que « la stratégie militaire est comme le spectre solaire. Elle a un infrarouge qui touche le royaume de la stratégie générale par lequel elle s'interpénètre avec la politique générale, et un ultraviolet qui interfère avec le domaine de la tactique ».
Les différents niveaux de stratégie D'après nous, mais ce choix est discutable et non exhaustif, on peut distinguer trois grands niveaux de stratégie : 1/ la stratégie globale, terme utilisé par le général Lucien Poirier pour définir le plus haut niveau de stratégie, défini par le pouvoir politique. Dans la terminologie classique utilisée pour l'enseignement militaire supérieur français, la stratégie globale est appelée intégrale. Elle conçoit les desseins nationaux suprêmes et détermine la stratégie générale, qui fixe les buts à atteindre dans les domaines diplomatique, économique, culturel, psychologique, militaire, technologique, informationnel, etc. Elle est indifféremment nommée grande stratégie (Luttwak), stratégie nationale (Pentagone), ou encore stratégie totale (Beaufre, Salvan), par allusion à l'engagement total, terme qui définit bien les guerres modernes « totales » (voire totalitaires) et les processus d'hégémonie globale dont le leadership américain est l'exemple contemporain majeur. 2/ la Stratégie des moyens, par laquelle un Etat ou un groupe d'Etats décide de se doter de moyens : technologiques, militaires, industriels, etc, (ex : arme nucléaire ; satellites, etc) lui permettant d'exercer sa puissance ; 3/ les stratégies régionales ou stratégies particulières (Salvan), déclinaisons locales de la stratégie globale - suivant les aires géoéconomiques et civilisationnelles - fixant les objectifs opérationnels et les échéances. Comme on le voit, la stratégie conduit inévitablement à la géopolitique, les deux démarches étant extrêmement imbriquées - parfois même confondues - et analysant les mêmes phénomènes : les guerres et les différentes formes de conflictualités opposant entre elles les nations ou les entités géopolitiques.
Géostratégie : de la stratégie à la géopolitique Si la stratégie est au départ « l'art du combat », la géopolitique, quant à elle, comme la géographie dont elle découle, « sert d'abord à faire la guerre », ainsi que l'a expliqué le chef de file de la pensée géopolitique française moderne, le géographe Yves Lacoste (1967). C'est seulement ensuite, comme la stratégie, qu'elle s'est peu à peu émancipée des cellules de prospectives militaires et des champs de bataille pour devenir une discipline propre, issue de la science géographique mais également liée aux autres disciplines des sciences sociales, notamment la science politique. D'après Yves Lacoste, le terme géopolitique désigne une démarche intellectuelle et scientifique plus qu'une science à proprement parler, une façon de voir les choses qui privilégie les configurations spatiales et géographiques (géopolitiques) des différents types de phénomènes qui relèvent de la catégorie du politique. Ainsi définie, la géopolitique prend en compte les rivalités de pouvoirs dans la mesure où celles-ci portent sur des territoires, le contrôle (ou la possession) du territoire étant un moyen d'exercer une autorité ou une influence sur les hommes et les ressources qui s'y trouvent. Il s'agit par conséquent non seulement des rivalités entre les États sur des espaces qui peuvent être de très grande envergure, mais aussi des conflits ou de concurrence entre d'autres types de forces politiques et sur des territoires qui peuvent être de relativement petites dimensions, y compris dans le cadre d'une ville. On le voit, le lien entre la géopolitique, comme démarche scientifique, et la stratégie, en tant qu'art de la guerre, est quasiment consubstantiel, puisque la géopolitique est l'outil conceptuel et analytique fondamental du stratège comme du stratégiste. L'expression géostratégique ne fait en fin de compte que retranscrire cette réalité. Ce néologisme permet par ailleurs de souligner l'ouverture de la stratégie moderne aux domaines non exclusivement militaires ainsi que la possibilité de cet art de la guerre de servir également d'outil d'observation, au service d'une démarche scientifique géopolitique analysant les conflits et guerres et leurs motivations politiques. Pour certains stratégistes « puristes », l'expression géostratégie serait une redondance dans la mesure où la stratégie utilise nécessairement et par essence les catégories de la géographie et de la géopolitique. Mais nous pensons quant à nous qu'elle est heureuse en ce sens qu'elle traduit l'évolution sémantique et polémologique de la stratégie vers une discipline scientifique.
Quant à la géopolitique, elle est une approche pluridisciplinaire, à cheval sur la stratégie, les constantes et variables géographiques, économiques et climatiques, la science politique et l'étude des civilisations. Depuis quelques années, l'importance de l'économie et des conflictualités économiques, voire même la substitution de celles-ci aux guerres militaires classiques au sein du monde occidental, a fondé l'apparition d'un autre néologisme également étroitement lié à la stratégie et la géopolitique, la « géoéconomie ». En France, deux grands géopolitologues ont contribué à réhabiliter cette discipline, jadis surtout étudiée en Allemagne, en Russie et dans les pays anglo-saxons : le premier est au départ un stratège, le Général Pierre Marie Gallois, initiateur de la « force de frappe nucléaire française » et de la théorie de la « dissuasion du faible au fort », véritable révolution dans la stratégie. Pour lui, la géopolitique étudie essentiellement « l'influence du milieu sur l'homme ». Le second est le géographe Yves Lacoste, pour qui la géopolitique a essentiellement pour objet « l'étude des rivalités territoriales de pouvoirs et leurs répercussions dans l'opinion » . Paradoxalement, le général Pierre Marie Gallois accorde une place plus centrale à la géographie et au milieu qu'Yves Lacoste, lequel défend une conception moins géographiquement déterministe et plus proche de la science politique. Pour le célèbre géographe, en effet, il « ne s'agit pas d'une science (...) mais d'un savoir-penser l'espace terrestre et les luttes qui s'y déroulent, pour essayer de mieux percer les mystères de ce qui est en train de se passer afin d'agir plus efficacement ». Toujours est-il que la différence et la complémentarité entre les deux approches géopolitiques telles que définies par Gallois ou Lacoste illustre bien la pertinence de la notion de géostratégie.
Stratégie, géopolitique et « guerre des représentations » Dans un soucis de désoccultation, et en tant que démarche scientifique analysant les raisons profondes des conflits, la géostratégie, comme la géopolitique moderne, analyse tout particulièrement les « représentations », qu'Yves Lacoste définit comme des « forces motrices de l'histoire ». Celles-ci président à l'élaboration, par les responsables politiques des différents camps belligérants, des processus de mobilisation, dont la pierre d'achoppement est, la plupart du temps, une rivalité de pouvoirs quant à des territoires, des ressources et des stratégies d'influence, et parfois même des enjeux idéologiques, notamment lorsque, fanatiques (exemple des islamistes talibans, du GIA, des réseaux Bin Laden, du Gamaà islamiyya égyptien, etc), ceux-ci supplantent momentanément les impératifs géo-économiques. Nous avons précisé momentanément, car non seulement il est assez rare que les considérations purement idéologiques ou religieuses pèsent plus lourd que les considérations économiques et géostratégiques « concrètes », mais on constate que l'idéologie et la religion sont souvent instrumentalisées par les politiques à des fins de mobilisation dans le cadre de stratégies de puissances et de rivalités de pouvoirs. Mais cela ne veut aucunement dire, contrairement à ce que pensent nombre de géopolitologues ou stratégistes hostiles au « paradigme civilisationnel », que les représentations religieuses et identitaires soient négligeables ou superficielles, c'est-à-dire de simples prétextes. Comme le rappelle Yves Lacoste, les représentations identaitaires, civilisationnelles et idéologiques sont bien réelles, quand bien même elles sont instrumentalisées, car elles « font sens » pour des milliers d'être humains qui vont mourir pour elles et parce qu'elles ont des conséquences géopolitiques réelles. Loin d'être de simples leviers de mobilisations, les représentations géopolitiques désignent « l'ensemble des idées et perceptions collectives d'ordre politique, religieux ou autre qui anime les groupes sociaux et qui structure leur vision du monde » . Reconnaissant le rôle primordial des représentations, bien qu'étant hostile au paradigme des civilisations développé par le professeur américain Samuel Huntington (The Clash of civilisations), le géopoliticien français François Thual, analyse quant à lui la nature de cette pierre d'achoppement à travers le concept de « conflit identitaire », au sein duquel les « représentations » sont l'élément central puisqu'elles construisent et légitiment les revendications d'un camp (supposé être « antérieur » ou « pur », donc « propriétaire légitime »), face au camp adverse, « ultérieur », « usurpateur », « infidèle », voire « envahisseur », donc illégitime. Aussi les « représentations » sont-elles destinées à légitimer le « désir de territoire » , la « volonté de puissance » du « camp Ami », et donc à disqualifier les motivations et revendications du « camp Ennemi ». Considérant qu'avec l'avènement des moyens télématiques modernes et le regain général des conflits identitaires, consécutif à la fin de la guerre froide et au retour du refoulé identitaire, conséquence et réaction à la mondialisation, les représentations font plus sens que jamais, nous pensons quant à nous que l'expression guerre des représentations est plus heureuse que jamais pour désigner ce type de phénomènes inséparables de la guerre psychologique et médiatique. Du point de l'analyse médiologique et psychologique, en effet, la guerre des représentations revêt également une dimension psychologique et subversive. Pour Laurent Murawiec, spécialiste des nouvelles formes de guerre, la guerre de l'information (Information Warfare : InfoWar), la « cyberguerre », la guerre psychologique et la guerre des représentations sont autant de notions voisines et interdépendantes incluses dans ce qu'il nomme génériquement la « guerre informationnelle ». Née d'une triple révolution technologique : électronique, informatique et télécoms, l'InfoWar ne fait que reprendre et rendre plus efficaces les vieilles recettes de propagande, de stratégie subversive et de manipulation décrites depuis Sun Tzu. Dans ce contexte, la guerre des représentations consiste prioritairement à démoraliser l'ennemi , distordre son contact avec le réel en implantant chez lui une pseudo réalité, une fausse représentation des événements d'autant plus apparemment « vraie » et incontestable, qu'elle semble irréfutablement prouvée, voire même vécue en direct par le spectateur médusé par la « réalité » des images. Les progrès technologiques dans les domaines du « virtuel » ont donc incontestablement contribué à briser la frontière entre le réel et l'imaginaire, de sorte que les stratégies de manipulation collectives au services du pouvoir et de la guerre n'ont jamais été aussi redoutables qu'aujourd'hui, au sein même de sociétés dites démocratiques. Mais parallèlement à l'avènement de la télématique, qui a permis une utilisation moderne extrêmement efficace et inédite des stratégies subversives et des phénomènes de guerre psychologique et informationnelle, une attention toute particulière doit être accordée à l'avènement de l'arme nucléaire, laquelle a non seulement engendré une véritable révolution géostratégique, mais a considérablement renforcé la portée des formes de guerres représentatives et psychologiques précédemment étudiées, la guerre classique devant partiellement s'effacer devant d'autres formes de guerre du fait du caractère dissuasif de la force de frappe nucléaire et de ses conséquences.
Géostratégie et ère nucléaire
Avec le nucléaire, une nouvelle question stratégique et | |
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الإثنين فبراير 22, 2016 10:41 am من طرف جنون