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| | A la recherche d’une stratégie | |
Maxence Gaillard (Centre d’épistémologie des sciences cognitives, ENS Lyon) La notion de stratégie, à tort ou à raison, a pris une place prépondérante dans la gouvernance de la recherche contemporaine. L’élaboration d’une stratégie de recherche se traduit en général par un document ayant valeur de guide pour tous les acteurs d’une institution donnée, définissant des priorités de recherche (et donc en excluant d’autres), des objectifs à attendre et des modalités pour parvenir à ces fins. Dans l’idéal, la stratégie a vocation à produire une base rationnelle et légitime à l’agenda de recherche. Un des points culminants de cette tendance récente en France fut l’élaboration de la Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation (SNRI) en 2009 au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Cet exercice « est né du constat qu’il n’y avait aucun document de référence disponible définissant les priorités à quatre ans, que sont les grands défis de la connaissance, les grands défis » technologiques, et les grands défis sociétaux que la recherche doit nous permettre de relever1. L’existence de documents « stratégiques » peut également se décliner selon différents niveaux institutionnels lorsque chacun d’eux définit et expose ses axes prioritaires : un organisme, une université, toute structure institutionnelle de recherche peut ou doit élaborer une stratégie de recherche, sans compter les autres niveaux politiques, comme l’Europe ou les Régions, qui peuvent avoir leurs problématiques propres. L’intrusion dans le domaine de la recherche du vocabulaire militaire auquel appartient traditionnellement ce terme de stratégie peut surprendre, mais un détour par l’histoire de cette notion met justement en lumière la dissolution du sens de ce mot ces dernières décennies. En théorie militaire, la stratégie s’oppose à l’origine à la tactique : - اقتباس :
Conduire la guerre revient donc à ordonner et diriger la lutte… la lutte se décompose en un nombre plus ou moins grand d’actes isolés qui constituent de nouvelles unités, et que l’on nomme des combats. De là naissent deux activités absolument distinctes, la tactique et la stratégie, dont la première ordonne et dirige l’action dans les combats, tandis que la seconde relie les combats les uns aux autres pour arriver aux fins de la guerre2. Il s’agit alors pour le stratège de fixer les objectifs militaires de la guerre, de faire le plan des campagnes, et de laisser au tacticien le soin de mener les combats. Toutefois le sens de ce terme en théorie militaire évolue depuis les années 19503, proliférant et se diluant à la fois. Les stratégies se multiplient : à la stratégie conventionnelle s’ajoute une stratégie nucléaire qui peut en être autonome, la stratégie de guérilla concurrence la stratégie conventionnelle, qui elle-même peut se décliner en stratégie terrestre, stratégie maritime, stratégie aérienne, etc. A cette multiplication des stratégies en fonctions de types de conflits de plus en plus variés s’ajoute une dilution du sens du terme oscillant entre objectifs politiques et tactique opérationnelle : la stratégie militaire n’est plus qu’une stratégie parmi des stratégies politique, diplomatique, économique. Cela ne doit pas nous empêcher de nous arrêter sur une définition au moins provisoire du mot, toutes ces stratégies s’avérant reliées : par exemple les choix d’une stratégie nucléaire et d’une stratégie conventionnelle peuvent être intégrés dans une stratégie militaire, comme la stratégie militaire s’intègre dans le cadre de la politique extérieure d’un pays avec sa stratégie diplomatique. Au sens le plus abstrait la stratégie désigne - اقتباس :
l’élaboration et la réalisation d’un plan pour l’emploi coordonné des ressources afin d’atteindre certains objectifs fixés. La stratégie relie les objectifs avec les moyens de les atteindre dans la paix et la guerre. [size=16]4[/size] La stratégie consiste donc à faire des choix en fonction des objectifs (la discussion de ceux-ci peut ou non faire partie de l’élaboration de la stratégie) et des moyens disponibles. La nécessité de recourir à des choix stratégiques s’impose dans le cadre d’un environnement conflictuel ou compétitif : l’argument classique veut qu’il vaut mieux avoir une stratégie que pas de stratégie, surtout si les adversaires ou compétiteurs en élaborent une (le modèle sous-jacent à cet argument est celui de la rationalité des actions complexes : une action rationnelle a plus de chances d’atteindre ses objectifs qu’une action irrationnelle). Dans ce contexte l’élaboration de la stratégie devra si possible tenir compte des objectifs et des moyens de l’adversaire lui-même. Le discours politique et économique a alors pu s’approprier la notion de stratégie sans difficultés. Afin de prendre de l’avance sur ses concurrents, une grande entreprise a intérêt à consacrer une partie de ses ressources à la réflexion sur sa stratégie, en cherchant à anticiper les évolutions des marchés et en se penchant sur les grandes tendances de son champ d’action par des méthodes de prospective et l’élaboration de scénarios. Une stratégie politique défendra elle les intérêts de la nation, parfois sans avoir peur d’insister sur la rhétorique agonistique5. Quel sens peut prendre cette notion dans le domaine de la politique scientifique ? Il s’agit de définir les objectifs et les moyens de la recherche dans un intervalle de temps futur donné, et pour cela l’élaboration d’une stratégie passe par le choix de grandes orientations sur les directions dans lesquelles la recherche scientifique peut et doit s’engager – ce que le discours de Valérie Pécresse cité plus haut désigne comme des « grands défis » et des « priorités ». Cette définition, qui correspond au sens récent et élargi de la stratégie, reprend dans une certaine mesure l’héritage de la définition traditionnelle de la stratégie en opposition à la tactique : si cette dernière est laissée au chercheur qui a l’art du combat avec les virus et les microbes sur la paillasse, les grandes orientations scientifiques et technologiques peuvent être fixées à un niveau supérieur, celui de la nation ou de l’institution commanditant cette recherche. Si aujourd’hui la SNRI veut développer explicitement une stratégie nationale, la politique scientifique a été confrontée depuis sa naissance à des choix qui peuvent être dits stratégiques. Ainsi la création des organismes de recherche thématiques doit mettre en œuvre les développements scientifiques liés aux grandes priorités nationales : immédiatement après la seconde guerre mondiale sont créés le CEA pour la défense et l’atome, ou encore l’Inra pour moderniser l’agriculture. Il y a bien là à la fois fixation des grands objectifs (comme le nucléaire), et des moyens opérationnels pour les réaliser (un organisme de recherche dédié, le CEA) – et il s’agit à la fois de recherche fondamentale et appliquée. De même aux Etats-Unis les National Institute of Health sont créés sur impulsion du politique pour donner les moyens aux chercheurs de travailler sur des thématiques de santé jugées prioritaires. Parfois de grands programmes peuvent être lancés sur des sujets importants à la manière de la « guerre au cancer » lancée par le Président Nixon dans les années 1970. Parmi les facteurs à l’origine de la présence croissante de la stratégie dans les discours sur la recherche sont souvent cités la compétition internationale pour et par la science et la technologie, la volonté croissante de prendre en considération les demandes sociétales liées aux sciences et aux technologies, mais aussi la demande d’évaluation et de publicisation du travail des chercheurs. D’un point de vue politique et économique, il parait justifié de faire de la stratégie, par exemple de cibler les problèmes de santé publique à régler et de se donner les moyens scientifiques pour ce faire. Dans le contexte de compétition international de la recherche, étant donné les enjeux de prestige, les enjeux économiques (pour attirer des entreprises étrangères, stimuler la croissance par la technologie) et les enjeux de défense ou de sécurité par exemple (c’est typiquement le cas sur le nucléaire), il parait nécessaire de ne pas laisser ces grandes décisions au seul hasard de l’histoire. Ainsi on peut concevoir une stratégie étatique de recherche comme on conçoit une stratégie militaire ou une stratégie d’entreprise, dans un souci d’efficacité dans un contexte concurrentiel. Mais une seconde source peut être invoquée pour justifier la place de la stratégie dans la gouvernance de la recherche, celle de la légitimité. Les choix scientifiques correspondent aussi à des choix de société – partant du principe que tout développement technologique possible n’est pas forcément souhaitable et qu’il faut mener une réflexion sur leur pertinence, des structures politiques ont été mises en place dans divers pays, en France l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) remplit un tel rôle. Les institutions de la recherche publique élaborent également des documents d’orientation afin de négocier et de rendre des comptes à l’administration centrale en tant qu’ils dépendent de l’Etat. Notre thèse est ici qu’il y a une tension entre (au moins) deux types d’arguments qui se recoupent pour justifier la notion de stratégie : une tradition économique et militaire d’un côté qui se place dans un contexte de compétition, de lutte, de conflit, et de l’autre côté une tradition plus politique, qui met l’accent sur la valeur des choix collectifs en démocratie6. Nous tentons de montrer par la suite comment ces deux tendances sont présentes dans tout exercice de stratégie et que de la résolution de cette tension dépend notre capacité à produire un modèle de gouvernance de la recherche cohérent pour l’avenir. C’est peut-être en rattachant la notion de stratégie à des grandes conceptions de la nature de la science et à des modèles de gouvernance que nous comprendrons mieux ses différentes significations. Le modèle théorique le plus systématique en ce sens est celui qui accorde à la recherche une autonomie totale par rapport au champ politique en reconnaissant la nature spécifique de la science par rapport aux autres activités humaines. Dans ses finalités comme dans ses modalités la science diffère des autres entreprises sociales. Là où ces dernières ont pour but la production, le profit et le pouvoir, la science poursuit la vérité, ce qui fait d’elle une entreprise particulière, qui a ses exigences et ses normes propres. Parmi celles-ci et entre mille autres, l’honnêteté intellectuelle et le désintéressement du savant, son esprit critique, sa capacité à remettre en cause les doctrines établies, l’universalité de la vérité qui ne saurait avoir de propriétaire, la publicité intrinsèque des méthodes, protocoles et démonstrations si elles veulent pouvoir être validées par les pairs, le rôle structurant de la communauté scientifique elle-même (un subtil dosage de consensus sur les vérités établies et de désaccord raisonnable sur les pistes de recherche et les vérités non établies) font qu’il existe au sein de la société une « république de la science » à part pour reprendre l’expression de Michael Polanyi7. Par conséquent l’organisation du système de recherche doit permettre de respecter toutes ces particularités : ne pas laisser des non-experts évaluer les projets, respecter le temps long de la recherche, permettre aux savants d’entreprendre des recherches jugées hasardeuses mais potentiellement fructueuses à long terme… Le besoin d’autonomie de toute recherche fondamentale est résumé par Vannevar Bush dans le rapport fondateur qui a donné naissance à la National Science Foundation américaine : | |
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السبت فبراير 13, 2016 1:34 pm من طرف فدوى