[size=32] LA PSYCHOPATHIE[/size]
Patrick Juignet, Psychisme, 2011.
La psychopathie, parfois appelée sociopathie ou déséquilibre, est caractérisée par un ensemble de conduites répétitives à caractère antisociales. Des facteurs sociaux désasteux interfèrent avec une personnalité intermédiaire (limite ou perverse) ou psychotique, pour donner ces aspects pathologiques graves.
PLAN
1/ Clinique
Pour parler de psychopathie, il faut une gravité et une chronicité des troubles. La simple délinquance ou l’impulsivité ne peuvent être assimilées à la psychopathie.
L’enfance
D’emblée se produit une carence affective dû à une mère insuffisante, incohérente, ou encore des abandons. Puis vient une enfance à histoires : instabilité, cruauté, fugues, bagarres, inadaptation scolaire, placements. Dès la seconde enfance on constate une intolérance réciproque entre le sujet et le milieu social (provocations entraînant une répression). Les méfaits n’entraînent aucune culpabilité et les punitions sont vécues comme injustes. Le milieu familial et social ne sont pas équilibrant : famille dissociée, rôle paternel qui n’est pas tenu, parents perturbés, milieu délinquant. L’enfant est confié à des grands-parents, à une famille d’accueil, à des institutions spécialisées. Au seins de celles-ci, il rencontre d’autres psychopathes, si bien qu’il apprend à vivre sur le mode de la menace et de la violence. Tout cela organise une exclusion du jeu social normal. A l’adolescence se produit une explosion de la psychopathie : arrêt de la scolarité, errance, délinquance (vol, prostitution, arnaque, trafic), toxicomanie, hospitalisations, prison. De nouveau loi, échange, réciprocité sont absents. Cette vie mouvementée contraste avec un manque de dynamisme et d’initiative de ces jeunes.
Le caractère et les relations
Le sujet est toujours impulsif, la colère et l'agressivité surviennent facilement, donnant lieu à des actions violentes. La colère peut être utilisée pour effrayer et intimider les autres. Il se montre dans l’ensemble infantile et irresponsable, vivant dans le présent.
L’ennui est caractéristique. En dehors des moments forts, le psychopathe s’ennuie faute d’une dynamique interne lui donnant envie de faire quelque chose. L'activité est en général limitée et le sujet souffre d'un désintérêt général pour le monde. La solitude est constante, soit du fait d'un isolement effectif, soit par le vécu subjectif : même en groupe le psychopathe se sent seul, il ne participe pas à une identification commune, il n’a pas de vrais amis et se méfie des autres. On constate pourtant une dépendance aux autres, qui conduit à une attitude de parasitisme. Il s’inclut à un moment donné dans des groupes, des institutions, qu’il exploite sans en partager les valeurs, ni donner en échange.
Le sujet n’a aucune empathie envers les autres, ni de morale, qui viendrait limiter ses actions. Les autres sont pour lui des objets pouvant servir à ses besoins, ou des ennemis qu’il faut combattre et détruire. Les relations sont utilitaires marquées par l’envie, la méfiance, l’agressivité, la persécution. Il n'y a pas de principes pour réguler les relations c’est la loi du plus fort et du plus malin. Il n’y a pas de relation amoureuse car l'autre est dévalorisé, vidé, ou vu sous un jour mauvais. Les relations sexuelles sont souvent marquées par les traits régressifs et agressifs. Parfois on note une liaison platonique avec une femme maternelle préservée de la haine.
La violence est permanente, attendant l’occasion de s’exprimer. Elle donne des bouffées de haine qui provoque les innombrables altercations, bagarres, et parfois les auto-agressions (mutilation, suicide). Elle répond au sentiment de persécution très large, qui concerne l’entourage et la société en général. Il existe pour le psychopathe un fort risque de dévalorisation masqué derrière une indifférence et un mépris agressif. Il s’abrite derrière une apparence de dur (habillement cuir et clou, tatouages, visage fermé, manières rogues). En même temps, il cherche l’approbation, la valorisation, et pour cela ment, fabule, s’invente un personnage. Ses victoires sur l’autre (domination, tromperie, arnaque) sont des occasions de se revaloriser. La mentalisation est pauvre, remplacée par l’action et le calcul pour arriver à ses fins. Ces sujets sont influençables, ils peuvent être enrôlés dans des bandes. Il existe parfois une véritable plasticité qui leur permet de changer de manière d’être par rapport au milieu. On note un désintérêt constant pour tout ce qui est intellectuel ou culturel.
Les conduites générales
Il existe de nombreux moments critiques. Ce sont des épisodes sub-délirants avec une indistinction entre imaginaire et réalité. Les crises peuvent être liées au déchaînement pulsionnel généralement sadique ou peuvent provoquer des ruptures et voyages pathologique. Une fois passée, la crise est oubliée, mise de côté. Le passage à l'acte est une tendance constante. La mise en acte est liée au faible contrôle, à l’incapacité tolérer les frustrations, à l’intensité des pulsions agressives. Le psychopathe peut être dangereux. Il inclut parfois un aspect de provocation ou utilitariste (extorsion, intimidation). Il peut aller jusqu’au crime commis sans remords
Les conduites addictives concernent principalement l'alcool, le tabac, l'héroïne. Parfois elles sont véritablement toxicomaniaques avec dépendance, parfois sans assujettissement. Les conduites à risques sont constantes et entraînent des accidents, des maladies et parfois la mort. C’est la recherche d’émotions fortes au travers des jeux d’argent, des sports dangereux (courses motorisées, roulette russe). Ces conduites visent l’obtention de moments grandioses qui font vivre au sujet une supériorité intense. La délinquance peut aussi entrer dans ce type de conduites puisqu’elle permet d’associer risque et vedettariat. La mort précoce, par accident, maladie, assassinat, overdose, suicide, est une issue fréquente. Sur le plan sexuel, on constate une absence d'inhibition, mais la sexualité est marquée par des tendances perverses en particulier sadiques.
Les conduites antisociales
Le premier degré est l’aspect « associal » : impossibilité de s’inclure durablement dans un groupe ou dans une institution. Le psychopathe est toujours plus ou moins seul. Il est aussi incapable de garder longtemps un travail, facteur essentiel de l’intégration sociale.
Le second degré est constitué par les conduites antisociales, c’est à dire qui attaquent le lien social. Le psychopathe agresse, provoque des dissensions des disputes dans l’entourage ne peut partager un projet commun. Il est toujours plus ou moins délinquant car amené à s’attaquer aux biens (vol, destruction gratuite, pyromanie) et aux personnes (agressions physiques). Ils réalisent ainsi une transgression de fait de la loi normative, mais aussi une transgression volontaire.
Par l’adoption d’idéologies les confortant dans leur sentiment de persécution et leur mépris des autres, les psychopathes peuvent devenir casseurs, terroristes, adhérer à un parti politique extrémiste. On constate assez souvent une rancœur puissante contre la société exprimée verbalement.
2/ Théorisation
Facteurs psychiques
Plusieurs types de personnalités sont retrouvées chez les psychopathes : états-limites, pervers et psychotiques. Certains formes d’états-limites graves à tendance agressive et égoïste, sont plus particulièrement prédisposées à prendre une tournure psychopathique. Dans tout les cas on trouve : - une identification primaire déficiente -une importance des pulsions agressives - une exacerbation de l’envie -des tendance persécutives - un rejet de la loi.
Dans les relations précoces le mauvais objet domine et les frustration répétées font que les pulsion agressives se portent contre l’objet pour le détruire. L’identification primaire manque et c’est ce qui donne l’inhumanité de certains psychopathes. Ultérieurement se met en place une défense par dévalorisation du référent objectal. Du fait de la prédominance du mauvais objet, la défense consiste dans la neutralisation du référent objectal potentiel (l’autre) ce qui est facile compte tenu de l’absence d’identification primaire. Dans un certain nombre de cas limites développent d’une fusion entre le soi et l’idéal archaïque se produit (soi grandiose) du type décrit dans la forme limite égoïste (voir plus haut). La fonction de contrôle, par intégration de l’apaisement symbolisant et ensuite par secondarisation des processus ne se met pas en place correctement.
Il n’y a aucune intégration de l’ordre symbolique( la Loi) qui est malgré tout connu. L’ordre des générations est situé, mais par contre il n’est pas assujetti à la loi, ce qui correspond à l’absence d’évolution du surmoi qui resté archaïque. Cela fait que les contraintes légales sont ressenties comme des persécutions toutes puissantes à défier et combattre.
Facteurs sociaux
Élevées dans leur jeunesse au sien d’un environnement social catastrophique, ces sujet deviennent des « psychopathes ». Aux carences affectives s’ajoutent des carence sociales. Il existe toujours dans la famille d'importants problèmes sociaux et culturels : identité sociale incertaine, éducation délaissée, perte des repères, rébellion contre un ordre social injuste et incompréhensible. Le défaut de socialisation, provoque des identifications antisociales : le personnage idéalisé à imiter est le dur, le chef violent, le mafieux, le « mac ». Ces modèles sont trouvés dans le milieu d’origine ou lors des stages en prison. Une socialisation archaïque par le clan, la bande, se produit. Il n’y a pas accès à un ordre social général réglé par la loi. La loi normative (des règles de conduite au code pénal) est incompréhensible et constitue un obstacle à combattre lorsqu’il gène.
L’absence de lien social vient du fait qu’il n’y a pas d’identification à l’autre, ni au groupe. Il n’y a pas non plus de valeurs communes à partager. L’échange, la réciprocité, n’ont jamais été expérimentés. Cette dimension de la socialité est absente et se double d’attaques contre la société. Le monde social et relationnel est vu sous un jour péjoratif, car il apparaît dangereux et hostile. Le sujet se sent une victime de la société, et se croit autorisé à se venger. Il n’est donc pas indifférent ou neutre mais agressif. Il s’en prend aux rôles et des statuts sociaux qui sont contestés agressant ou tournant en dérision ce qui représente l’ordre social. C’est globalement une attaque du lien social dont il se sent exclu et qu’il cherche à détruire. La délinquance entre dans cette perspective.
De par son influençabilité, le psychopathe peut être le vecteur inconscient de conflits sociaux ou institutionnels qui le dépassent, dont il devient l’exécuteur des basses œuvres : casse, terrorisme. Il peut aussi se « sociabiliser » dans des institutions comme l’armée (la légion, les parachutistes), qui représentent pour lui un ordre tout puissant et idéalisé.
3/ Prise en charge thérapeutique
La possibilité de traitement de la psychopathie reste sujet à controverses. Le psychopathe n'est jamais demandeur de soins.
Le traitement est toujours demandé par une institution (prison, hôpital, parfois injonction thérapeutique du juge) et non par le sujet lui même, ce qui limite les possibilités et biaise la finalité. Dans cette mesure la psychothérapie ne parai pas indiquée d'autant que du fait de la nature en partie sociale du trouble elle en réglera pas le problème.
L'utilisation de stabilisateur de l'humeur peut être favorable. Les neuroptiques sédatifs sont utilisés lors des crises de violence.
La prévention est à coup sur le meilleur des traitement. Elle dépend d’une volonté politique qui conduirait à prendre des mesures de socialisations renforcées vis-à-vis de jeunes se trouvant dans des situations de précarité sociale.