[size=32]Angoisse Dépression Excitation
(Syndromes communs ou ubiquitaires) [/size]
Patrick Juignet, Psychisme, 2012.
Nous qualifions ces syndromes cliniques de "communs" ou "d'ubiquitaires", car ils sont présents à tous les âges, chez toutes les personnalités et dans toutes les maladies multifactorielles. Ils sont fréquemment réactionnels, c'est-à-dire provoqués par les circonstances et les conditions de vie, mais aussi inscrits dans le fonctionnement psychique, si bien qu'ils se manifestent de manière récurrente. Leur intensité est très variable selon les cas.
PLAN
1/ Syndromes ou état ?
1/ Les syndromes concernés
Un syndrome n'est pas une personnalité, ni une maladie, c'est seulement un ensemble de symptôme formant un tout cohérent et stable, de telle sorte qu'ils peuvent être décrits et repérés comme des entités remarquables par le clinicien.
Nous nous limiterons dans cet article aux trois syndromes les plus courants.
L’angoisse : Le syndrome anxieux associe une sensation de peur à des manifestations somatiques diverses.
La dépression : La dépression se manifeste par la tristesse et peut aller jusqu'à la douleur morale, à quoi s'ajoute un cortège de manifestions somatiques.
L'excitation : L'excitation se manifeste par la jovialité, l'hyperactivité, la bonne humeur, et va jusqu'à l'agitation incoercible.
2/ Le support neurofonctionnel
Du point de vue psychopathologique, ces syndromes résultent d'un dysfonctionnement psychique parfois chronique, parfois transitoire. Ce sont des mouvements affectifs et à ce titre ils ont un support neurofonctionnel. Ce dysfonctionnement est en lien direct avec des modifications neurobiologiques encore mal connues, mais certaines.
[size=undefined]Certains récepteurs neuronaux génèrent l'angoisse et d'autres l'empêchent. La structure cérébrale la plus concernée est l'amygdale et ses connexions à l'hippocampe. Sont en jeu les récepteurs à l'acide gamma amino butyrique (GABA). Ce sont les récepteurs du genre A, de sous type oméga 1, qui ont un effet anxiolytique. On associe la dépression au déficit des voies sérotoninergiques centrales (dont la stimulation chimique permet une rémission) et à une diminution de la plasticité cérébrale. Pour l'excitation on incrimine une hyperactivité sérotoninergique ou une hyperactivité catécholaminergique cérébrale, mais ce n'est pas prouvé.
[/size]
3/ Parfois des états stables
Lorsque le dysfonctionnement neurobiologique se maintient au fil du temps, on en voit les effets sur le caractère et dans toutes les conduites. La vie du sujet en est modifiée. Il est alors légitime de parler d'état, car il s'agit d'une manière d'être globale de l'individu qui perdure dans le temps. Cet état peut avoir une durée variable, de quelques semaines à plusieurs années.
Le terme d'état est souvent employé dans la littérature psychiatrique européenne (on dit "état dépressif", "état anxieux", "état maniaque") et nous paraît bien adapté. Nous le définirions de la manière suivante : un état se caractérise par des manifestations cliniques en lien avec un dysfonctionnement neurobiologique qui se maintiennent un certain temps inchangées. Ces états sont généralement réversibles, mais peuvent se chroniciser.
Ces grands syndromes sont très communément rencontrés et présents dans toutes les formes d'organisation psychique. Selon la personnalité sous-jacente, ils prendront une tournure plus ou moins intense et auront des évolutions très différentes. On les retrouve dans les maladies multifactorielles (schizophrénie, maladie maniaco dépressive), au cours desquelles ils peuvent prendre des tournures intenses et très graves.
2/ L’angoisse
Le syndrome associe une sensation de peur à des manifestations somatiques diverses.
1/ Clinique de l'état anxieux
Le ressenti
Le patient a un sentiment de peur, d'intensité variable. Mais contrairement à la peur ordinaire qui est transitoire et réactionnelle à un événement précis, l'angoisse s'installe durablement. Elle est constante, mais est le plus souvent récurrente, ressurgissant par moment sans motif particulier. Parfois, elle se focalise sur une idée générale et vague comme la peur de mourir ou qu'il ne survienne une catastrophe (de nature indéterminée).
Le patient anxieux ressent un désarroi et une faiblesse. Il est amoindri par l'angoisse.
Les manifestations somatiques
Les manifestations somatiques sont toujours présentes et très diverses. Ce sont des manifestations fonctionnelles qui touchent tout les appareils. Citons, en vrac, les palpitations cardiaques, la transpiration, les tremblements, l'impression d'étouffement, la gêne thoracique, les nausées, une gêne abdominale, la gorge serrée, l'estomac noué, etc.
Les conduites dans la vie courante
Chez l'adulte l'angoisse est généralement perçue comme telle et exprimée. Elle donne lieu à un repli dans une existence routinière ou parfois une fuite dans l'hyperéctivité.
Pathologie
Pour parler d'état anxieux pathologique, il faut une persistance et une intensité de ces symptômes.
2/ Formes cliniques
La crise aiguë : vécu de panique, avec sensation de vertige ou d'évanouissement, perte de contact avec la réalité. Le patient a un sentiment d'irréalité ou de dépersonnalisation (être détaché de soi), il a une peur de perdre le contrôle de lui-même ou de devenir fou.
L'anxiété chronique : C'est une appréhension flottante et diffuse quasi permanente, qui occasionne un état d'alerte constant. Le sommeil est perturbé, le sujet asthénique, il se désintéresse de sa vie de son travail, de la sexualité.
L'anxiété masquée : Le ressenti anxieux n'est pas présent car le mécanisme générateur fait l'objet de défenses. Se traduira par une agitation, une fuite dans l'hyperactivité, une prise de toxiques, etc. Chez l'enfant l'angoisse n'est pas exprimée comme telle. Ce sont des cris, pleurs, sanglots, une pâleur, des plaintes somatiques.
3/ Neurophysiologie
Certains récepteurs neuronaux génèrent l'angoisse et d'autres l'empêchent. La structure cérébrale la plus concernée est l'amygdale et ses connexions à l'hippocampe. Au sein de ces structures anatomiques, ce sont les récepteurs à l'acide gamma amino butyrique (GABA) qui agissent. Plus précisément ce sont les récepteurs du genre A, de sous type oméga 1, qui ont un effet anxiolytique.
4/ Etiologie des états anxieux et traitement approprié
Facteurs actuels dus à l'environnement relationnel et social
L'angoisse peut avoir pour motif un évènement grave (maladie, licenciement, rupture, menace) qui obère son avenir et vis-à-vis duquel il n'a pas de solution. Le retentissement de l'évènement est différent selon la personnalité et prend l'une des formes cliniques décrites ci-dessus. La suppression de la cause événementielle et un travail d'élaboration psychothérapique permet à l'angoisse de se dissiper. Une prescription d'anxiolytiques se justifie comme aide transitoire, afin de favoriser l'adaptation à la situation difficile et/ou de surmonter une symptomatique invalidante par son intensité.
Facteurs psychiques agissant constamment
Dans un grand nombre de cas, l'angoisse n'a pas de motif événementiel actuel et correspond à un problème psychique ancien. Dans les personnalités névrotiques l'angoisse est causée par une émergence pulsionnelle réprimée et l'insatisfaction chronique qui en découle. Elle s'accompagne d'une demande d'aide et de plaintes. Chez les personnalités du pôle intermédiaires (limites) les angoisses sont plus rares, causées par un risque d'insuffisance, d'échec. Enfin, chez les personnalités psychotiques au sens psychogénétique, ce sera plutôt des angoisses de mort, d'anéantissement, de déstructuration. Elles prennent volontiers des formes intenses de crise de panique.
L'émergence récurrente du problème psychique provoque la résurgence de l'angoisse. La réponse à l'angoisse par la prescription systématique d'anxiolytiques est totalement inadaptée. Ce ne peut être qu'une aide transitoire afin de surmonter le syndrome trop invalidant. Le traitement, s'il est possible, est psychothérapique. C'est le seul moyen de traiter l'angoisse durablement.
Facteurs constitutionnels
Sans se prononcer sur leur caractère acquis ou innés, il est patent que chez certaines personnes, il existe une tendance anxieuse constitutionnelle. La personne se sent facilement stressée, elle a souvent des somatisations fonctionnelles (douleurs, spasmes, hypotension, sudation, etc.). Ces personnes réagissent trop aux stimulations diverses de l’environnement concret et social. Seront plutôt indiquées les thérapies corporelles de type relaxation, massage, le sport, qui peuvent amener une détente, ou ce qui peut améliorer la maîtrise corporelle comme le yoga.
Facteurs toxiques
La prise de certains toxiques (cannabis, cocaïne) ou leur arrêt (et dans ce dernier cas cela s'étend à l'alcool et au tabac), provoque des état anxieux. Dans ce cas il s'agit de gérer une désintoxication.
La schizophrénie
Les angoisses sont fréquentes et violentes, liées au sentiment de dépersonnalisation ou d'influence. Les anxiolytiques ordinaires (de type benzodiazépine ou antihistaminique) ne sont pas indiqués, car il existe des neuroleptiques très puissamment anxiolytiques comme le Nozinan*.