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سوسية
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18022016
مُساهمةage 1 sur 2 La psychanalyse pourrait-elle être scientifique ?

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La psychanalyse pourrait-elle être scientifique ?
 
Nous avons décrit dans un ouvrage les différents courants psychanalytiques (La psychanalyse, Histoire des idées et bilan des pratiques, Grenoble, PUG, 2006). Ici, nous allons montrer comment la psychanalyse pourrait être une science humaine parmi les autres et dire quel genre de science ce pourrait être… si un tel destin lui advenait. Cela lui permettrait de s'intégrer à l'évolution de la connaissance en psychopathologie et qu'elle soit enseignée en psychiatrie et en psychologie clinique.
 
JUIGNET Patrick. La psychanalyse pourrait-elle être scientifique ?. Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com
 
 



  • PLAN

    • 1/ La démarche de Freud

      • 1.1 Les débuts 
      • 1.2 La désignation d’un référent

        • Le champ d’investigation
        • La détermination des faits
        • Le référent de la psychanalyse


      • 1.3 Le problème insoluble du psychisme


    • 2/ Vers la science ?

      • 2.1 Le champ empirique de la psychanalyse

        • Les faits considérés
        • Les problèmes épistémologiques rencontrés


      • 2.2 La nature du psychisme

        • Le psychisme
        • Les problèmes épistémologiques


      • 2.3 Les théorisations psychanalytiques

        • Les différent types
        • Problèmes et particularités


      • 2.4 L’enjeu de la scientificité


    • 3/ Les spécificités de la connaissance psychanalytique

      • 3.1 Les différences d’avec les psychologies
      • 3.2 Une connaissance impure


    • 4/ Conclusion : La psychanalyse comme science de l’homme





 

1/ La démarche de Freud

Freud avait espéré que la psychanalyse soit une science spécialisée comme les autres. La postérité n’en a pas décidé ainsi. Rappelons les étapes décisives de sa recherche, afin de réfléchir sur les problèmes épistémologiques qui se sont posés et qui n’ont pas été résolus.

1.1 Les débuts 

Freud s’est appuyé fortement sur la biologie de son temps. (voir par exemple Sulloway F.J., Freud biologiste de l’esprit, Paris, Fayard, 1981). Au tout début de sa recherche, il a tenté une neuropsychologie explicative, appelée l’Esquisse d’une psychologie scientifique, qui est restée sans suite. Se rendant compte de l’impossibilité de cette démarche, il l’a abandonnée, quoique sans renoncer à s’appuyer sur la biologie.
Vint alors un travail décisif pour son cheminement intellectuel. Freud a étudié l’hystérie et plus particulièrement les paralysies hystériques, lors de son séjour dans le service de Charcot, en 1886. Au cours de ce travail, il lui est apparu que certaines paralysies ne pouvaient avoir une détermination neurophysiologique, car leurs caractères cliniques étaient incompatibles avec ce type de détermination. En effet, la distribution anatomique de la paralysie constatée ne correspondait pas à celle des trajets nerveux. S’il y avait une détermination neurophysiologique, elle y correspondrait nécessairement. Il faut donc supposer un autre type détermination. Freud la trouve dans la finalité du geste qui ne peut être effectué à cause de la paralysie.
Il a alors pensé pouvoir théoriser ce genre de détermination grâce à la psychologie associationniste, en utilisant la notion de « représentation ». La détermination de la paralysie viendrait des représentations. Dans son article de 1893, Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organiques et hystériques, il fait l’hypothèse d’une « altération fonctionnelle sans lésion organique concomitante », constitué par deux faces inséparables, « l’excitabilité physiologique » et « la représentation ou l’accessibilité associative ».Au passage, Freud a pris une importante leçon sur ce que doit être la clinique. Comme il faisait remarquer au patron de la Salpêtrière que les symptômes décrits ne répondaient pas au dogme admis, Charcot lui répondit « ça ne les empêche pas d’exister ». Le sous-entendu épistémologique, c’est que les faits doivent primer sur la théorie et que le praticien doit se plier à eux (et non l’inverse). Freud l’ayant rapporté dans sa correspondance, cela donne à penser que le conseil n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
Nous avons là, constitué dès le départ, l’originalité profonde de la psychanalyse qui distingue deux champs, neurophysiologique et représentationnel, sans les cliver ni les opposer, avec du point de vue de la méthode, l’affirmation de la primauté de la clinique sur la théorie.

1.2 La désignation d’un référent

Le référent premier de la psychanalyse (ce à quoi elle s'intéresse) est complexe. Il s’est constitué sur plus de dix ans à partir de la réorientation progresssive des travaux de Freud. Nous allons donner quelques indications pour le cerner. 

Le champ d’investigation

Vers 1890, le docteur Freud, médecin et qui exerce en tant que médecin, étend son champ d’investigation médical vers des domaines qui sont traditionnellement dévolus à la littérature et à la philosophie (l’anthropologie et la psychologie). Il ne s’intéresse plus seulement aux symptômes corporels, mais aux perceptions, sensations, souvenirs, sentiments, idées, actes‚ fantasmes, rêves nocturnes, rêveries diurnes, etc. Ce sont là des productions mentales. Mais en plus, il considère ce qui est véhiculé par l’entourage familial et par les conditions culturelles du patient et qui a un impact sur lui. Par exemple, ce qui concerne l’identité, les appartenances, les règles de conduite. Ce sont les apports familiaux verbalisés ou implicites ou les données symboliques appartenant à la culture.
Il aborde ces aspects mentaux et culturels de manière clinique. Faire de la clinique, c’est, confronté à un humain, produire des faits pertinents et en donner une description objective (non déformée) qui soit transmissible à la communauté scientifique. Certes, dans le cas présent, c’est une réalité qui concerne pour une grande part la subjectivité des patients, mais elle n’est pas vue selon la subjectivité du praticien. La pragmatique de la clinique ne consiste pas dans une compréhension intersubjective, mais dans l’objectivation du subjectif. Le matériau est subjectif, mais la méthode est objectivante. C’est là où Freud se différencie radicalement de la littérature ou des psychologies en cours et ouvre une voie de recherche nouvelle. Il crée ainsi un champ factuel caractéristique. 

La détermination des faits

Dans le même temps, Freud s’attaque à rechercher la détermination de ce qui se présente à lui, que ce soit les symptômes, les problèmes caractériels ou les bizarreries comportementales. Cette recherche le mène dans deux directions, d’une part du côté de l’histoire individuelle et d’autre part du côté d’une entité qui mémorise le passé et agit dans le présent.
Les premières recherches de Freud le portent vers les évènements traumatisants qui ont marqué le passé des patients et qui semblent avoir déterminé leur névrose. Mais, dès les Etudes sur l’hystérie (1895) ce ne sont plus des évènements ponctuels, mais les histoires complètes des patients qui sont relatées. Ces récits ont une allure littéraire. C’est, dit Freud, pour ne pas perdre la richesse de la moisson. Toutefois ces récits de vies individuelles et familiales doivent avoir une tournure explicite et objectivante, car raconter une histoire n’est pas la finalité de l’exercice. Il ne s’agit pas d’écrire un roman, mais de constituer le matériau de l’étude. 
Dès le début, Freud remarque que ce sont les souvenirs qui jouent un rôle. Le souvenir n’est pas l’événement lui-même, mais la trace qu’il a laissé dans la mémoire (en particulier la trace émotionnelle). Il individualise une double trace sous forme de représentation et d’affect. Puis viendra la notion d’après coup. Concernant cette trace, ce sont les remaniements ultérieurs (principalement de l’adolescence) qui la rendent traumatisante, car elle se charge de significations et d’affects qu’elle n’avait pas à l’origine.
Le psychisme est cette entité intermédiaire entre le passé et le présent (une mémoire affective) qui agit au présent. Cette entité supposée doit être théorisée, car c’est grâce à cette théorie que les faits cliniquement constatés seront expliqués. C’est la référence au psychisme qui fait le propre de la psychanalyse. Freud le note dans son livre sur l’interprétation des rêves. Sur un plan purement descriptif, il reprend ce qui a déjà été fait avant lui, mais sur le plan explicatif, il procède tout autrement : il procède par référence au psychisme. Les rêves sont explicables par les mécanismes psychiques. Cette attitude vaut pour l’ensemble des faits cliniques : ils sont considérés comme étant déterminés psychiquement. 

Le référent de la psychanalyse

Le référent de la psychanalyse associe les faits construits par une méthode clinique élargie aux aspects culturels, avec la mémorisation de l’histoire individuelle et familiale, le tout rapporté à une entité, le psychisme, par l’intermédiaire de laquelle passe la détermination des faits constatés. Ce référent s’est mis en place de 1886 à 1893 pour l’essentiel, puis a rebondi par la modélisation du psychisme proposée vers 1905 (théorie nommée la « métapsychologie »). À ce moment on peut considérer qu’il est constitué.
La psychanalyse étudie les conduites des individus humains au sein du groupe social dans le domaine affectif et relationnel. Elle ne considère pas un homme isolé, mais un être humain pris dans l’interaction avec ses proches et la culture. Mais surtout, la psychanalyse étudie les conduites en tant qu’elles ont une détermination interne à l’individu. Plus précisément, cela signifie que les conduites humaines ne sont pas considérées comme existant par elles-mêmes de manière autonome, mais qu’elles sont produites par une entité interne à l’individu nommé le psychisme.
Le référent de la psychanalyse est triple, car il associe des phénomènes observables à une détermination individuelle actuelle, mais renvoyant au passé. On pourrait appeler ce référent « les conduites humaines et leur détermination individuelle au sein du collectif familial et culturel. Un tel référent peut-il se préciser en objet d’étude scientifique ? En arrière plan, un gros problème épistémique menace, celui de la nature du psychisme. 

1.3 Le problème insoluble du psychisme

Concernant le psychisme, Freud au début de son travail, a une approche empiriste. Les perceptions, sensations, souvenirs d’évènements, sentiments, émotions, idées, actes‚ motions, fantasmes, rêves nocturnes, rêveries diurnes, sont les matériaux qui le constituent. Autrement dit, les aspects mentaux constatés par la clinique sont attribués au psychisme. Freud parle volontiers de phénomènes. On trouve des expressions comme « phénomènes psychiques » (Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, p. 22). ou, « groupe de phénomènes » (Résultats. Idées. Problèmes, t. 2, Paris, PUF, p. 292). Pour Freud le psychisme a, de prime abord, un aspect factuel, il est composé d'éléments qui apparaissent (ou sont susceptibles d'apparaître) dans l'expérience empirique. Cette expérience est principalement interindividuelle puisque ces aspects sont communiqués dans la situation clinique.
Les éléments empiriques ne restent pas bruts. Ils sont schématisés par les concepts de représentation et d'affect issus de l'associationnisme. Freud donne ainsi forme à son expérience et la ramasse en éléments homogènes susceptibles de se composer entre eux. L’emploi de la psychologie associationniste pousse vers l’analyse, c'est-à-dire à théoriser en termes élémentaristes. Les représentations élémentaires d’ailleurs devront être rapidement regroupées en « complexes ». C’est là un mouvement synthétique, complémentaire de l’analyse. Mais il se trouve que certains « complexes de représentations » ne peuvent pas être saisis empiriquement, ce qui pose un problème très sérieux ! Ils sont dits « inconscients ». Freud parle de groupes de représentations isolé ne pouvant être perçus, ni communiqués. Il y a là une contradiction, puisqu’un fait est nécessairement perçu empiriquement. S’il ne l’est pas, ce n’est pas un fait. Quelque chose qui est postulé comme nécessaire, mais est inaccessible empiriquement n’est pas un fait, c’est une entité d’un autre genre.
Ce problème conduit vers l’idée du psychisme comme ordre de détermination, que l’on suppose, car constitué d’éléments non perceptibles. Il est aussi présumé à partir des représentations, des événements, et des symptômes qu’il est censé déterminer. Dans cette acception, le psychisme est une entité non empirique, un ordre, dont la nature est indéterminée. Il ne se confond pas avec le champ des phénomènes à partir duquel on en montre l'existence. Il y a pour Freud « la nécessité d’admettre une réalité psychique derrière la vie de l’âme » (Lettre à Mme Favez Boutonier, Bulletin de la société française de philosophie, n°1, 1955). L’âme, s’entend ici au sens des faits mentaux. La définition empirique du psychisme est contrariée dès le début des recherches de Freud.
En ce qui concerne la théorisation du psychisme selon le modèle métapsychologique, Freud prend souvent une position non réaliste. L'appareil construit pour modéliser le psychisme, ce n’est qu’un schéma théorique opérationnel construit à partir des faits. Le terme de métapsychologique est là pour marquer la différence avec le psychologique, qui traditionnellement s’occupe des représentations mentalisées et donc conscientes. Mais d’un autre côté d’être empirique, il est devenu une entité posée comme nécessaire, dont on suppose l'existence. Le psychisme inconscient est une chose que « l'on ignore absolument, mais à laquelle cependant des arguments péremptoires nous obligent à conclure ». « L'analyste lui aussi se refuse à définir l'inconscient, mais il peut mettre en évidence le groupe de phénomènes dont l'observation lui fait postuler l'existence de cet inconscient » (Le Mot d'esprit dans ses rapports avec l'inconscient, Paris, Gallimard, p. 268). On voit l’embarras de Freud lorsqu’il indique qu’on ne peut définir le psychisme, mais que toutefois on peut affirmer son existence et en donner un modèle. Ce modèle est plus ou moins abstrait, plus ou moins imagé, plus ou moins complet, plus ou moins cohérent, comme le montre l'évolution des conceptions métapsychologiques.
Cette entité psychique ne se limite pas au représentationnel, car les représentations ont aussi une inscription cérébrale. Le psychisme est aussi de nature neurologique et plus généralement biologique, car le domaine hormonal est régulièrement évoqué.  Pour dire ce rapport, Freud a utilisé une métaphore géologique : « pour le psychisme, la biologie joue le rôle du roc qui se trouve au-dessous de toutes les strates » a-t-il suggéré dans Analyse finie et analyse infinie (1937). La psychanalyse étudie « l’activité psychique de l’écorce cérébrale » écrit Freud en 1895. Il rappelle en 1920 (Dualisme des instincts) que, dans l’avenir, la biologie donnera des réponses qui pourront contredire l’édifice métapsychologique. C’est donc qu’il considère que le psychisme est lié au niveau biologique. Nous insistons sur ce point, car la vulgate psychanalytique prétend le contraire, si bien qu’on lui reproche à Freud un dualisme auquel il est foncièrement étranger.
Le concept de pulsion note, qu’outre son rôle de support, le biologique intervient causalement dans le fonctionnement psychique lui-même. La pulsion nomme ce qui se joue à la limite entre les deux, et indique le passage des influences biologiques dans le psychique. Elle représente « dans le psychisme les exigences d’ordre somatique » (Abrégé de psychanalyse, 1938). La pulsion d’origine biologique génère les forces à l’œuvre dans le psychisme, elles sont la cause ultime de toute activité. Le ça est constitué par les pulsions organisées dans des formes structurées par les évènements de la vie. Autrement dit ce qui vient du biologique y prend une forme plus élaborée, psychique, dit Freud. La psychanalyse freudienne est une connaissance fondamentalement non dualiste. Le psychisme freudien est une entité composite à la fois représentationnelle et biologique. Il n’est donc pas facile à situer. 
La perplexité de Freud quant à ce qu’il découvre et nomme le psychisme se manifeste par l'utilisation de divers termes pour le qualifier comme « en soi », « réel », « état de choses réel », « réalité inconnaissable », « ce qui est derrière le sensible », etc. In sich est une locution assez fréquente en allemand qui signifie en soi-même. Ce terme fait aussi référence à la vision post-kantienne du monde, répandue dans mes milieux scientifiques de l'époque. Dans cette conception la réalité est connue grâce aux phénomènes, mais, en elle-même (in sich), ontologiquement), on ne sait pas ce qu'elle est. Le réel en-soi est inconnaissable, mais peut se refléter dans notre expérience et notre pensée (Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, p. 70-71).
Le terme « en soi » (an sich) renvoi donc implicitement à Kant, mais la référence de Freud à Kant n'est ni fidèle, ni massive. Il s'agit plutôt d'une inspiration épistémologique qui vient du kantisme ambiant. Binswanger a pu écrire « de même que Kant postulait derrière le phénomène la chose en soi, de même (Freud) postulait derrière le conscient, qui est accessible à notre expérience, l'inconscient qui ne peut jamais être l'objet d'une expérience directe » (Binswanger L., Discours, Parcours, Freud. Paris, Gallimard, 1970, p. 275). Il exprime ainsi, en le rapportant à une problématique kantienne, ce que l'on a précédemment constaté chez Freud. Pourquoi Freud tente-t-il d'assimiler psychisme inconscient et chose en soi ? Probablement cherchait-il un repère pour aborder le problème du rapport entre le factuel (phénoménal) et le non phénoménal puisque le psychisme s’avère être les deux à la fois, ce qui est contradictoire. La question que se pose Freud est de savoir si les faits perceptibles cliniquement, manifestent une chose en soi qui serait alors ce que lui appelle le psychisme inconscient. L’affaire n’a pas été résolue. 
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age 1 sur 2 La psychanalyse pourrait-elle être scientifique ? :: تعاليق

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رد: age 1 sur 2 La psychanalyse pourrait-elle être scientifique ?
مُساهمة الخميس فبراير 18, 2016 10:36 am من طرف سوسية
appelle le psychisme inconscient. L’affaire n’a pas été résolue. 
S’il en a fermement indiqué l’existence, Freud est toujours resté flou quant à la nature exacte du psychisme. Après avoir montré que le psychisme n’est pas réductible au fonctionnement neurologique, il affirme que le psychisme est un ordre de l’existant possédant une force de détermination propre, à l’égal de tous les autres ordres (physique, chimique, biologique). En cela Freud s’oppose au réductionnisme, tout en essayant d’inscrire la psychanalyse dans les sciences. 
Se refusant le dualisme, il ne pouvait pas situer le psychisme du côté de l’esprit. Mais le psychisme bien que lié au biologique, se définissant de n’être pas neurologique (donc pas biologique), Freud n’avait pas d’alternative ontologique valable. Finalement, il reste indécis sur la nature du psychisme, affirmant seulement la nécessité de postuler son existence. De temps à autre il a utilisé pour se positionner le néokantisme situant le psychisme comme « chose en soi », que l’on peut supposer à partir des phénomènes. Freud s’est heurté à un problème épistémologique très difficile qu’il n’a jamais résolu et il a pris le parti de le laisser en suspens pour préserver la poursuite de sa recherche. Ce problème est resté irrésolu, aucune solution valide n’ayant été proposée depuis.

2/ Vers la science ?

Nous allons examiner les aspects théoriques et pratiques de la psychanalyse en nous centrant sur le problème irrésolu de la nature du psychisme. 

2.1 Le champ empirique de la psychanalyse

Les faits considérés

Aucune science ne s’occupe de phénomènes ordinaires pris directement dans la perception spontanée du monde. Toute science construit ses faits selon une méthode générale et une pragmatique particulière qui demande un savoir faire technique. Les faits dont s’occupe la psychanalyse d’orientation scientifique sont construits par l’activité clinique du praticien. Il s’agit d’une pratique empirique guidée par des concepts et encadrée par une technique. Cette activité clinique vise les conduites de l’individu et en particulier celles qui le mettent en relation avec ses semblables. Elle concerne aussi les traits de caractère, les productions mentales (souvenirs, sentiments, idées, actes‚ fantasmes, rêves nocturnes, rêveries diurnes), les symptômes individualisés (mentaux et corporels), les productions culturelles. 
Les conditions environnementales (familiales groupales et culturelles sociales) sont prises en compte par la psychanalyse qui ne considère pas un individu isolé mais dans son contexte relationnel et historique. Le clinicien note les relations interpersonnelles qui s’instituent dans l’enfance et formeront les prototypes des relations ultérieures. Ce sont des schèmes relationnels qui sont ainsi reconstitués. On porte un intérêt particulier à leurs transformations, car l’histoire individuelle intervient au présent en tant qu’elle est mémorisée et subit des remaniements.
On peut regrouper ce qui vient d’être désigné ci-dessus en trois catégories. La première concerne les conduites observables affectant la réalité environnementale de l’homme. Il ne s’agit pas des comportements simples réactionnels (comme un réflexe ou un automatisme moteur ou langagier), mais des comportements complexes et finalisés que nous appelons des conduites ou des attitudes et en particulier des conduites interpersonnelles à forte valeur émotionnelle. Les régularités dans les attitudes attribuables à un individu constituent des constantes appelées les traits de caractères.
Deuxième catégorie, les phénomènes mentaux transmissibles comme les pensées, les souvenirs, les sentiments, les fantasmes, les rêves, les rêveries, les délires, etc.  Il s’agit de phénomènes produits par l’individu, saisissables par le sens interne et transmis par un média quelconque (langage oral, écriture, dessin, jeu, modelage, etc.). Il ne s‘agit absolument pas d’idées ou de « qualias » supposément présentes dans l’esprit.
Les symptômes qui sont des aspects pathologiques bien délimités appartiennent aux deux catégories, car ils peuvent être comportementaux (comme des conduites d’échec) ou mentaux (comme des obsessions ou un délire) ou mixtes comme les phobies (pensées et actes d’évitement).
La troisième catégorie a trait aux données culturelles transmises par l’entourage. Par exemple, concernant l’identité (le nom, le positionnement masculin ou féminin), les appartenances familiales claniques, les codes sociaux, les règles de conduite, les normes et rôles, etc. Ce sont là des aspects culturels qui sont imposées et mémorisés précocement par l’enfant.
Comme dans la clinique médicale, la saisie des faits se produit dans l’interaction entre le praticien et le patient. Elle donne lieu à une description qui doit être transmissible sans ambiguïté aux autres praticiens. Les descriptions à visée exhaustive portant sur un individu donnent une « étude de cas » et leur généralisation donne des « tableaux cliniques », tels ceux qui sont décrits dans les manuels (voir Juignet P., Manuel de psychopathologie psychanalytique, Grenoble, PUG, 2002).
La psychanalyse porte un intérêt particulier à la signification (aspects symboliques, sémantiques ou cognitifs au sens large) des faits étudiés. Elle ne se limite absolument pas aux aspects comportementaux objectifs, ni du point de vue de la langue, aux signifiants. Cette prise en compte de la signification demande une approche compréhensive/interprétative, puis de schématisation/abstraction pour constituer des faits précis et communicables. Ce type de clinique donne un matériel riche et complexe qui prend parfois un aspect littéraire afin d’en restituer la richesse.

Les problèmes épistémologiques rencontrés

Les conduites sont facilement descriptibles tant dans leurs aspects pratiques qu’intentionnels. Les phénomènes mentaux aussi, car ils sont rapportés par les patients. Il suffit d’avoir les catégories nécessaires à leur saisie, qui se trouvent dans un certain nombre de manuels. Puis, il faut apprendre à les appliquer, ce qui demande de la pratique. Cette mise en oeuvre clinique est assez facile, le problème est dans l’évaluation de la qualité du résultat. La complexité et la richesse du champ considéré permettent-elles une clinique fiable, une transmission de l’observé convenable, et une reproductibilité ? Est-il possible pour une science de s’occuper de faits  complexes et emprunts de signification ? La première des réponses possibles est que ce n’est pas sa catégorie qui décide de la recevabilité d’un fait, mais la qualité de la pragmatique qui a permis de le produire (les manières de faire pour régler l’expérience afin de rendre le fait irréfutable).
Ici, la pragmatique (la méthodologie pratique) est clinique. La clinique est une pratique organisée par des concepts et encadrée par une procédure. Faire de la clinique, consiste à appliquer une procédure pratique puis en exposer les résultats de manière communicable pour la communauté. La méthode clinique est une pragmatique ancienne, mise au point par la médecine. Elle a une validité mais aussi des limites du point de vue de la reproductibilité et de la fiabilité. La reproductibilité n’est pas possible de manière contrôlée (par expérimentation), mais elle a lieu de fait, car on constate que les mêmes faits se reproduisent chez la plupart des humains, y compris dans une temporalité historique, ce qui permet de noter des régularités non réfutables.
La fiabilité est limitée, car des biais se produisent de par l’interaction entre le clinicien et le patient. Les biais proviennent du contre-transfert mais aussi des préjugés culturels. Ces biais peuvent être contrés par la réflexivité acquise par apprentissage, grâce à la psychanalyse personnelle du praticien, puis par un exercice de rétrocontrôle constant. La part de déformation due au praticien peut être limitée par sa capacité réflexive, mais elle n’est jamais éliminée. Une autre manière de contourner la difficulté est fournie par la régulation collective dan le temps. Si dans un cas individuel on ne peut avoir de certitudes les régularités constamment retrouvées permettent de compenser les erreurs.
Une grande partie de ce qui est décrit par la clinique ressortit de ce que nous nommons le champ représentationnel (signification et symbolique). Un problème spécifique se pose dans ce cas, car il faudrait une clinique du représentationnel qui pour l’instant n’est pas au point. C’est une insuffisance de la psychanalyse qui s’en remet pour partie à une approche littéraire.
La méthode clinique présente des inconvénients par rapport à l’approche expérimentale, mais c’est la seule possible. Ces inconvénients ne peuvent être supprimés, mais ils peuvent être limités par une pragmatique appropriée. La clinique psychanalytique est recevable en tant que pragmatique scientifique, mais elle présente une fiabilité limitée.


 

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