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  Marxisme et structuralisme

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فدوى
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13022016
مُساهمة Marxisme et structuralisme

  Marxisme et structuralisme

La seconde précision concerne cette bipolarité marxisme-structuralisme à partir de laquelle, dans les années 1970, se serait organisé le débat intellectuel à l'intérieur du champ disciplinaire. En ce qu'elle appelle l'image de deux bastions séparés par un no man's land, cette représentation apparaît comme notoirement réductrice, dans la mesure notamment où elle fait passer par profits et pertes des approches renouvelées de problèmes majeurs, dans lesquelles chacun des deux courants a eu sa part, en dépit de perspectives analytiques évidemment distinctes. Maintenant que de vieilles querelles sont apaisées, et nullement parce que nous serions au royaumes des « spectres », pour reprendre un mot de Jacques Derrida, les relations entre le structuralisme et le marxisme pourraient utilement faire l'objet d'une mise au point scientifiquement productive.
On ne manquera pas de se souvenir, tout d'abord, que Lévi-Strauss – qui annonçait vers 1955 la parution d'un essai intitulé Ethnologie et marxisme – n'a jamais cessé de reconnaître sa dette à l'endroit de Marx – de faire état de la « ferveur » éprouvée pour cette « grande pensée » –, et que ses positions théoriques ont été définies – ou dénoncées – comme relevant aussi bien d'un « néo-marxisme » que d'un « idéalisme matérialiste » (sic). La critique marxiste de l'anthropologie en général et de l'anthropologie structuraliste en particulier prend effet bien avant que ne se différencie en France un courant anthropologique marxiste – autant minoritaire qu'hétérogène –, puisqu'elle date du début des années 1950, avec la publication par Claude Lefort de deux articles dont les titres révèlent le contenu : « L'échange et la lutte des hommes » (1951), « Société „sans histoire“ et historicité » (1952), articles repris en 1978 dans son livre Les Formes de l'histoire. Il convient d'autant mieux de prendre la mesure des analyses de Lefort que celles-ci fixent en quelque sorte le statut général d'une notable partie des critiques qui seront par la suite adressées à Lévi-Strauss, sous les étiquettes de « scientisme » ou d'un idéalisme qui n'est plus désormais matérialiste, mais « rationaliste ». Ce qui frappe chez Lefort, notamment dans le premier des deux textes cités, dans lequel l'anthropologie de Lévi-Strauss est envisagée dans le sillage de l'œuvre de Mauss, c'est, par-delà les points de désaccord attendus, quelque chose qui est de l'ordre d'une certaine proximité de pensée, qu'on a pu juger propice à l'établissement d'un dialogue, lequel ne s'est cependant pas établi à l'époque. Sur cette première lancée, et bien qu'il s'agisse de rechercher des convergences plutôt que des divergences, la tentative de Lucien Sebag dans Marxisme et structuralisme (1964), conduite de l'intérieur du structuralisme plutôt que du marxisme, s'apparente à la précédente. Par la suite, c'est encore à l'intérieur de la mouvance lévi-straussienne que devaient se développer, tout à fait indépendamment l'une de l'autre, deux entreprises scientifiques d'inspiration radicalement opposée, celles de Pierre Clastres et de Maurice Godelier, dont les noms, pour le moins, sont rarement associés. Implicitement pour la première et explicitement pour la seconde, elles posaient la question de la place que la réflexion anthropologique est susceptible de ménager à l'approche marxiste des faits sociaux.
Avec le recul des années, tout semble indiquer que si le dialogue entre structuralisme et marxisme avait pu se développer normalement, tout spécialement à l'intérieur de l'anthropologie – mais peut-être le contexte politique d'alors s'y prêtait-il mal –, les conditions auraient été tôt réunies pour un débat serein sur les rapports entre l'anthropologie et l'histoire, qu'il devait finalement appartenir à Lévi-Strauss de clore seul, en revenant sur la distinction, esquissée dès 1961 dans l'entretien avec Georges Charbonnier, entre sociétés « froides » et sociétés « chaudes ». Il n'y a pas là renvoi à une opposition, qui n'aurait aucun sens, entre absence et présence d'historicité, mais entre deux représentations de l'histoire, non cumulative dans le premier cas, cumulative dans le second. Le souvenir s'est estompé de ces discussions déjà anciennes, et l'on se prend aujourd'hui à considérer que le reproche d'antihistoricisme fait au structuralisme n'aura finalement été rien d'autre qu'une variante plutôt faible du reproche d'antihumanisme. Dans le sillage de ce qui précède, on hésitera à faire du non-débat qui, si l'on peut dire, oppose leSartre de la Critique de la raison dialectique (1960) et le Lévi-Strauss de La Pensée sauvage, un avatar de la confrontation entre marxisme et structuralisme, même si la question de la relation entre structure et praxis y demeure centrale.

  Critique des fondements du structuralisme

Autour de 1968, l'histoire de la discipline enregistre deux événements de nature et de portée différentes. Il s'agit, d'une part, de la naissance, à côté du Laboratoire d'anthropologie sociale qu'a fondé Lévi-Strauss, d'un nouveau cadre de recherche « généraliste » (le Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative, qu'accueille l'université de Nanterre), qui, d'évidence, entend se tenir à l'écart des positions théoriques supposées prépondérantes dans l'anthropologie française. Et, d'autre part, de l'ouverture d'un débat d'ordre épistémologique sur un structuralisme qui a quitté le devant de la scène publique et n'appelle donc plus que des évaluations proprement scientifiques. Trois écrits, qui paraissent à peu près simultanément, signalent principalement cette inflexion. Le Concept de modèle (1969), d'Alain Badiou, qui s'exprime au nom de l'épistémologiemarxiste qu'il entreprend de constituer, contient une récusation pour « néo-positivisme » de l'emploi que Lévi-Strauss fait du concept en question. À quoi sert la notion de « structure » ? (1968), de Raymond Boudon, qui puise notamment son inspiration dans l'œuvre du sociologue américain Talcott Parsons, ne liquide nullement la conception lévi-straussienne de la structure, mais, à considérer la multiplicité des validations de la notion, conteste que l'une d'elles puisse être au fondement d'une méthode d'analyse se donnant pour générale. Le Structuralisme en anthropologie (1968), de Dan Sperber, anthropologue alors proche du structuralisme, profondément influencé par la linguistique générative, se présente comme un exposé scrupuleux des acquis de l'anthropologie lévi-straussienne, dont l'auteur entend cependant marquer les limites. « Les hypothèses structuralistes [...], écrit Sperber, ont une portée certaine, même si elles ne sont ni également fondées, ni également fécondes », en quoi est discrètement annoncée la critique développée dans Le Savoir des anthropologues, qui se veut sans appel à force d'exigence de méthode, mais dont on a retenu qu'en situant le structuralisme lévi-straussien à l'orée d'une introuvable scientificité, il en valide, en creux, le rendement analytique.
Symptomatiquement, c'est dans un contexte qu'on pourrait appeler par anticipation « déconstructionniste » que Lévi-Strauss livre la formulation la plus vigoureuse, certains diront la plus abrupte, de sa pensée, dans trois textes majeurs : le « Finale » de L'Homme nu, déjà évoqué, qui date donc de 1971, « Race et culture », publié la même année, où il est fait retour sur la réflexion engagée vingt ans plus tôt dans Race et histoire, enfin « Structuralisme et écologie », paru en anglais en 1972, l'un des très rares écrits de l'auteur dont le titre comporte le mot « structuralisme ». Ces deux derniers textes seront repris dans Le Regard éloigné (1983). En manière de congé signifié une fois pour toutes, ou presque – quelques polémiques sont encore à venir –, aux adversaires du structuralisme, ces écrits, en dépit de la diversité des visées qui en sous-tendent le propos, forment un tout, le dernier cité devant cependant retenir plus particulièrement l'attention. En effet, ce texte, d'intention autant philosophique qu'anthropologique, nous propose un parachèvement de l'édifice structuraliste dans un registre de pensée qu'Eugène Fleischmann, aussi circonspect que précisément « séduit », avait annoncé dans un bel essai paru en 1966. Avec « Structuralisme et écologie », nous disposons d'un exposé systématique sur la question de l'articulation entre les ressources de l'esprit et le donné extérieur naturel et infrastructurel, c'est-à-dire l'environnement de l'homme en société. Relisons : « Loin de voir dans la structure un pur produit de l'activité mentale, on reconnaîtra que les organes des sens ont déjà une activité structurale et que tout ce qui existe en dehors de nous [possède] des caractères analogues. [...]. Quand l'esprit se saisit de données empiriques préalablement traitées par les organes des sens, il continue à travailler structuralement [...] une matière qu'il reçoit déjà structurée. Il ne pourrait le faire si l'esprit, le corps auquel l'esprit appartient, et les choses que le corps et l'esprit perçoivent, n'étaient partie intégrante d'une seule et même réalité. »
L'œuvre de Lévi-Strauss ne s'achève pas, loin s'en faut, sur cette pleine expression de sa pensée, un quart de siècle après la publication de l'article-programme de Word. Il demeure que le début des années 1970 prend statut de coupure dans l'histoire du structuralisme anthropologique, plus nettement, nous semble-t-il, que le tournant des années 1966-1967, qui, pour François Dosse, sépara le temps du « champ du signe » de celui du « chant du cygne » dans l'histoire du structuralisme en généra
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