سميح القاسم المد يــر العـام *****
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تعاليق : شخصيا أختلف مع من يدعي أن البشر على عقل واحد وقدرة واحدة ..
أعتقد أن هناك تمايز أوجدته الطبيعة ، وكرسه الفعل البشري اليومي , والا ما معنى أن يكون الواحد منا متفوقا لدرجة الخيال في حين أن الآخر يكافح لينجو ..
هناك تمايز لابد من اقراره أحببنا ذلك أم كرهنا ، وبفضل هذا التمايز وصلنا الى ما وصلنا اليه والا لكنا كباقي الحيونات لازلنا نعتمد الصيد والالتقاط ونحفر كهوف ومغارات للاختباء تاريخ التسجيل : 05/10/2009 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 10
| | L'éveil politique et le nouvel ordre mondial | |
| | google_ad_client = "pub-1591488516340780";/* 200x200, created 11/9/09 */google_ad_slot = "0032844167";google_ad_width = 200;google_ad_height = 200;google_protectAndRun("ads_core.google_render_ad", google_handleError, google_render_ad);google_ad_client = "pub-1591488516340780";/* 200x200, created 5/22/09 */google_ad_slot = "0626022255";google_ad_width = 200;google_ad_height = 200;google_protectAndRun("ads_core.google_render_ad", google_handleError, google_render_ad); | Mondialisation.ca, Le 16 aout 2010
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| Une transformation unique dans l’histoire de l’humanité a lieu dans le monde entier. Il s’agit d’un changement d’une portée et d’une ampleur sans précédent, représentant également la menace la plus importante à laquelle font face toutes les structures de pouvoir mondiales: « l’éveil politique mondial ». Le terme, forgé par Zbigniew Brzezinski, fait référence, comme il l’écrit, au fait suivant : Pour la première fois dans l’histoire, presque toute l’humanité est politiquement active, politiquement consciente, et politiquement interactive. L’activisme mondial génère une montée de la quête du respect culturel et de l’opportunité économique dans un monde marqué par les souvenirs de la domination coloniale ou impériale. [1] C’est essentiellement ce puissant éveil politique mondial qui présente le défi le plus sérieux et le plus important pour les pouvoirs organisés de la mondialisation et l’économie politique mondiale, soit les États-nations, les compagnies multinationales, les banques, les banques centrales, les organisations internationales, l’armée, les services du renseignement, les médias et les institutions académiques. La classe capitaliste transnationale (CCT), ou « super-classe », comme l’appelle David Rothkopf, sont plus que jamais mondialisée. Pour la première fois de l’histoire, nous avons une élite véritablement mondiale et fortement intégrée. Puisque les élites ont mondialisé leur pouvoir, en cherchant à construire un « nouvel ordre mondial » de gouvernance planétaire et en dernier lieu de gouvernement mondial, elles ont simultanément mondialisé les populations. La « révolution technologique » (ou « technétronique » comme la qualifiait Brzezinski dans les années 1970) implique deux développements géopolitiques majeurs. Le premier étant qu’avec l’évolution technologique, les systèmes de communication de masse se développent rapidement et les peuples du monde sont en mesure de communiquer entre eux instantanément et d’avoir accès à des informations provenant du monde entier. Au cœur de ce développement se trouve le potentiel et, à la limite, la principale source d’un important éveil politique mondial. Simultanément, la révolution technologique a permis aux élites de rediriger et de contrôler la société par des moyens jamais imaginés, pour culminer en une dictature scientifique mondiale, comme bon nombre l’ont annoncé depuis les premières décennies du 20e siècle. Au moment où la science déchaîne la puissance de la génétique, de la biométrie et de la surveillance, ainsi que de nouvelles formes modernes d’eugénisme implantées par une élite scientifique équipée de systèmes de contrôles psycho-sociaux (l’usage de la psychologie dans le contrôle des foules), le potentiel de contrôle des masses n’a jamais été aussi grand. Qu’est-ce que l’« éveil politique mondial »? Afin de répondre à cette question, il est préférable de laisser Zbigniew Brzezinski parler pour lui-même, puisqu’il s’agit de son propre terme. En 2009, basé sur un discours qu’il avait livré à Chatham House à Londres, M. Brzezinski a publié un article dans leur revue académique International Affairs. Chatham House, appelé autrefois Royal Institute of International Relations, est la contrepartie du Council on Foreign Relations, situé aux États-Unis, deux « institutions sœurs » fondées en 1921 afin de coordonner la politique étrangère anglo-américaine. Son article, « Major foreign policy challenges for the next US President » (Les grands défis de la politique étrangère pour le prochain président étasunien) analyse pertinemment les grands défis géopolitiques de l’administration Obama dans la gestion de l’État hégémonique mondial à cette époque critique. M. Brzezinski fait référence à l’« éveil politique mondial » comme un « événement véritablement transformateur sur la scène planétaire », car : Pour la première fois dans l’histoire, presque toute l’humanité est active, consciente, et interactive sur le plan politique. Seules quelques parcelles d’humanité dans les coins les plus reculés du monde ne sont pas alertes sur politiquement et engagées dans l’effervescence et l’agitation politique si répandues aujourd’hui à travers le monde. L’activisme politique mondial qui en résulte génère une montée de la quête de la dignité personnelle, du respect culturel et de l’opportunité économique dans un monde douloureusement marqué par les souvenirs de plusieurs siècles de domination étrangère, coloniale ou impériale. [2] Brzezinski suggère que l’« éveil politique mondial » représente l’un des développements géopolitiques les plus dramatiques et significatifs, et qu’il « apparaît sous des formes radicalement différentes, de l’Irak à l’Indonésie, de la Bolivie au Tibet ». Comme l’explique l’économiste, « bien que les États-Unis aient mis l’accent sur leur notion des désirs des peuples (la démocratie et la richesse créée par le libre-échange et les marchés libres), M. Brzezinski pointe dans une autre direction : Il s’agit de dignité ». En outre, M. Brzezinski fait valoir que « l’aspiration mondiale à la dignité humaine est le défi central inhérent au phénomène de l’« éveil politique mondial » [3]. En 2005, Brzezinski a écrit un essai pour The American Interest intitulé « The Dilemma of the Last Sovereign » (Le dilemme du dernier souverain), dans lequel il explique le paysage géopolitique dans lequel se trouvent les États-Unis et le reste du monde. Il écrit que « [p]our la plupart des États, la souveraineté frôle la fiction légale » et il critique les objectifs de la politique étrangère et la rhétorique de l’administration Bush. Brzezinski a été un critique féroce de la « guerre au terrorisme » et de la rhétorique inhérente à celle-ci, à savoir, la diabolisation de l’Islam et des musulmans, lesquels constituent la religion et l’une des populations ayant la plus forte croissance au monde. M. Brzezinski craint l’ensemble des conséquences négatives que cela pourrait avoir sur la politique étrangère étasunienne et sur les objectifs et les aspirations du pouvoir mondial. Il écrit : Les États-Unis doivent affronter directement une nouvelle réalité mondiale d’importance capitale : la population mondiale vit un éveil politique d’une ampleur et d’une intensité sans précédent, entraînant la transformation des politiques populistes en politiques de pouvoir. La nécessité de réagir face à ce puissant phénomène pose un dilemme historique aux États-Unis, pays d’une souveraineté exceptionnelle : quelle devrait être la définition fondamentale du rôle mondial des États-Unis [4]? Brzezinski explique que la conception d’une politique étrangère fondée sur un seul événement, les attaques du 11 septembre 2001, a légitimé à la fois des mesures illégales (la torture, la suspension de l’habeas corpus, etc.), lancé une « guerre mondiale au terrorisme » et pacifié les citoyens afin qu’ils acceptent cette guerre sans fin. La rhétorique et les émotions inhérentes à cette politique étrangère ont créé une vague de patriotisme et un sentiment de rédemption et de vengeance. Ainsi, M. Brzezinski explique : Il n’était pas nécessaire de préciser davantage qui étaient réellement les terroristes, d’où ils venaient, quels motifs historiques, quelles passions religieuses, ou quelles doléances politiques avaient axé leur haine sur les États-Unis. Le terrorisme a par conséquent remplacé les armes nucléaires soviétiques comme principale menace et les terroristes (potentiellement omniprésents et généralement identifiés comme étant musulmans) ont remplacé les communistes en tant que menace ubiquiste [5]. Brzezinski fait comprendre que cette politique étrangère ayant embrasé l’anti-américanisme dans le monde, spécifiquement dans le monde musulman, la principale population ciblée par la rhétorique « terroriste », a en fait attisé davantage l’« éveil politique mondial ». Il écrit : Ce n’est pas le terrorisme mondial qui pose le principal défi de notre temps, mais plutôt l’intensification de l’agitation causée par l’éveil politique mondial. Cet éveil est socialement imposant et se radicalise politiquement [6]. Bien que son ampleur soit unique actuellement, cet « éveil politique mondial », écrit Brzezinski, provient des idées et des actions de la Révolution française, laquelle était au cœur de la « transformation de la politique moderne par l’émergence d’une conscience nationale socialement puissante ». Brzezinski explique l’évolution de l’« éveil » : Durant les 216 années subséquentes, l’éveil politique s’est propagé comme une tache d’encre, graduellement, mais inexorablement. L’Europe de 1848, et de manière plus générale les mouvements nationalistes de la fin du 19e et du début du 20e siècle, ont reflété les nouvelles politiques des passions populistes et un engagement progressif des masses. À certains endroits, cette combinaison embrassait le manichéisme utopique pour lequel la Révolution bolchévique de 1917, la prise de pouvoir des fascistes en Italie en 1922 et celle des Nazis en Allemagne en 1933 ont été des tremplins. L’éveil politique a également balayé la Chine, précipitant ainsi plusieurs décennies de conflits. Les sentiments anticoloniaux ont galvanisé l’Inde, où la tactique de résistance passive a efficacement désarmé la domination impériale et, après la Seconde Guerre mondiale, l’agitation politique anticoloniale a mis fin aux empires européens subsistants. Dans l’hémisphère occidental, dès les années 1860, le Mexique a vécu une première bribe d’activisme politique, ayant finalement mené à la Révolution Mexicaine du début du 20e siècle [7]. Au bout du compte, en dépit des résultats des éveils précédents, cela signifie que c’est la population qui est au cœur du concept d’« éveil politique », le peuple, assumant une conscience politique et sociale et prenant part subséquemment à une importante action politique et sociale visant à provoquer un virage et un changement majeurs ou une révolution dans les domaines politique, social et économique. Par conséquent, aucune transformation sociale ne présente un défi aussi grand et aussi direct aux structures de pouvoir centralisées et établies, qu’elles soient de nature politique, sociale ou économique. Brzezinski explique par ailleurs l’évolution de l’« éveil politique mondial » des temps modernes : Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’aujourd’hui au 21e siècle, la plupart des populations des pays développés sont politiquement agitées et effervescentes à de nombreux endroits. Il s’agit d’une population excessivement consciente de l’injustice sociale, comme jamais auparavant, et souvent pleine de ressentiment face à la perception qu’elle a de son manque de dignité. L’accès quasi universel à la radio, à la télévision et, de plus en plus, à Internet crée une communauté partageant des perceptions et de l’envie pouvant être galvanisées et dirigées par des passions démagogiques, politiques, ou religieuses. Ces énergies transcendent les frontières souveraines et représentent une menace à la fois pour les États existants et pour la hiérarchie mondiale existante, au sommet de laquelle sont perchés les États-Unis [8]. Brzezinski fait comprendre que plusieurs zones de l’« éveil politique mondial », telles que la Chine, l’Inde, l’Égypte, la Bolivie, les pays musulmans du Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie du Sud-est, de plus en plus l’Europe et les territoires amérindiens en Amérique latine « définissent toujours plus ce qu’ils désirent en réaction à ce qu’ils perçoivent comme un impact hostile du monde extérieur sur eux. Ils n’aiment pas le statu quo de différentes manières et à divers degrés d’intensité, et bon nombre d’entre eux sont susceptibles d’être mobilisés contre le pouvoir extérieur qu’ils envient et perçoivent également comme préoccupé, par intérêt personnel, par ce statu quo ». Brzezinski élabore sur le groupe le plus affecté par cet éveil : La jeunesse du Tiers-monde est particulièrement agitée et rancunière. La révolution démographique qu’ils incarnent constitue dès lors elle aussi une bombe à retardement politique. À l’exception de l’Europe, du Japon et des États-Unis, l’expansion rapide du gonflement démographique dans la tranche d’âge des 25 ans et moins crée une masse énorme de jeunes gens impatients. Leurs esprits ont été agités par des sons et des images émanant de loin et qui intensifient leur mécontentement face à leurs préoccupations. Leur fer de lance révolutionnaire potentiel émergera probablement de la tonne de millions d’étudiants concentrée dans les institutions d’enseignement de « niveau supérieur » des pays en développement, d’une intellectualité souvent douteuse. Dépendamment de la définition de l’enseignement de niveau supérieur, il existe actuellement entre 80 et 130 millions d’« étudiants » sur la planète. Provenant généralement de la classe moyenne inférieure, socialement dépourvue d’assurance, et embrasés par un sens d’indignation sociale, ces millions d’étudiants sont des révolutionnaires en devenir, déjà partiellement mobilisés en grandes congrégations, connectés par Internet et pré-positionnés pour une reprise de ce qui a eu lieu des années auparavant à Mexico ou sur la place Tiananmen.Leur énergie physique et leur frustration émotionnelle n’attendent qu’une cause, une foi ou une haine pour se déclencher [9]. Brzezinski affirme donc qu’afin d’aborder ce nouvel « affrontement » planétaire visant les pouvoirs établis, particulièrement les États-nations qui ne peuvent se mesurer convenablement à des populations inflexibles et à des demandes populistes, il est nécessaire « d’accroître la coopération supranationale promue activement par les États-Unis ». En d’autres termes, Brzezinski favorise une internationalisation accrue et étendue, ce qui n’est pas surprenant si l’on considère qu’il a jeté les bases intellectuelles de la Commission trilatérale. Il explique qu’« en soi, la démocratie n’est pas une solution durable », car elle pourrait être rattrapée par un « populisme radicalement rancunier ». Il s’agit véritablement d’une nouvelle réalité universelle. Une humanité politiquement éveillée a soif d’une dignité politique pouvant être renforcée par la démocratie. Toutefois, la dignité politique englobe également l’autodétermination nationale ou ethnique, la définition de soi sur le pan religieux, ainsi que les droits humains et sociaux, tout ça dans un monde désormais excessivement conscient des iniquités raciales, ethniques et économiques. La quête de dignité politique, surtout par l’autodétermination nationale et la transformation sociale, fait partie de l’impulsion d’affirmation de soi des défavorisés du monde [10]. En conséquence, écrit Brzezinski, « une réaction efficace ne peut que venir des États-Unis, un pays confiant et véritablement consacré à une nouvelle vision de la solidarité mondiale ». Cette idée veut que pour faire face aux revendications engendrées par la mondialisation et les structures mondiales de pouvoir, les États-Unis et le reste du monde doivent étendre et institutionnaliser le processus de mondialisation, non seulement dans la sphère économique, mais aussi dans les sphères sociale et politique. Il s’agit d’une logique pour le moins défaillante, si la solution à ce problème est d’accroître et de renforcer les problèmes systémiques. On n’éteint pas un feu en y ajoutant du carburant. Brzezinski a même écrit : « Qu’on se le dise maintenant : la supranationalité ne devrait pas être confondue avec le gouvernement mondial. Même si cela était souhaitable, l’humanité est loin d’être prête pour un gouvernement mondial et le peuple étasunien n’en veut certainement pas. » Les États-Unis doivent plutôt être au centre de la construction d’un système de gouvernance mondiale, fait valoir Brzezinski, « au cœur de la formation d’un monde moins défini par la fiction que constitue la souveraineté étatique et davantage par la réalité d’une interdépendance élargie et politiquement réglementée [11] ». Autrement dit, il ne s’agit pas de « gouvernement mondial », mais de « gouvernance mondiale », -- simple astuce rhétorique -- puisque la gouvernance mondiale, peu importe à quel point elle paraît chevauchante, sporadique et décousue, représente en fait une étape clé et une transition nécessaire dans la démarche vers un réel gouvernement mondial. Ainsi, en pratique, plutôt que d’aborder le problème et de l’affronter, la rhétorique et la réalité d’une « guerre mondiale au terrorisme » attise encore plus l’« éveil politique mondial ». En 2007, Brzezinski a dit au Sénat étasunien que la « guerre au terrorisme » était un récit mythique et historique [12] » ou autrement dit, une pure fiction. Du pouvoir et des peuples Afin de comprendre correctement l’« éveil politique mondial », il est impératif de comprendre et d’analyser les structures de pouvoir qu’il menace le plus sérieusement. Pourquoi Brzezinski traite-t-il de ce sujet avec tant de véhémence? De quel point de vue aborde-t-il ce problème? Les structures de pouvoir mondiales sont représentées la plupart du temps par des États-nations. On en compte plus de 200 dans le monde et la vaste majorité d’entre eux dominent des populations de plus en plus éveillées politiquement et davantage modelées par les communications et les réalités transnationales (comme la pauvreté, les iniquités, la guerre, l’empire, etc.) que par des questions nationales. Parmi les États-nations, les pouvoirs occidentaux sont les plus dominants, particulièrement les États-Unis, siégeant au sommet de la hiérarchie planétaire des nations à titre d’hégémonie mondiale (empire). La politique étrangère étasunienne a été dotée de l’élan impérial par un réseau allié de laboratoires d’idées réunissant les personnalités de haut rang des domaines politique, bancaire, industriel, académique, médiatique, militaire et du renseignement afin de formuler des politiques coordonnées. Les plus notables de ces institutions socialisant les élites au-delà des frontières nationales et fournissant la logique et l’élan de l’empire forment un réseau associé de cercles de réflexions internationaux. En 1921, les élites académiques anglaises et étasuniennes ont rencontré d’importants groupes bancaires internationaux pour fonder deux « institutions jumelles » : le Royal Institute of International Affairs (RIIA), à Londres, connu aujourd’hui sous le nom de Chatham House, et le Council on Foreign Relations aux États-Unis. Des groupes d’analystes affiliés ont été créés ultérieurement au Canada, comme l'Institut canadien des affaires internationales (ICAI) connu de nos jours comme le Conseil International du Canada, et d’autres en Afrique du Sud, en Inde, en Australie et plus récemment au sein de l’Union Européenne avec la création du Conseil européen des relations étrangères [13]. Après la Première Guerre mondiale, ces forces ont cherché à remodeler l’ordre du monde selon leurs conceptions. Woodrow Wilson a proclamé le droit à « l’autodétermination nationale », entraînant ainsi la formation d’États-nations a travers le Moyen-Orient, dominé avant la guerre par l’Empire ottoman. Par conséquent, la proclamation du droit à « l’autodétermination » pour tous les peuples est devenue en réalité un moyen de construire des structures de pouvoir sous la forme d’États-nations que les nations occidentales ont non seulement contribué à construire, mais sur lesquelles elles ont aussi exercé leur hégémonie. Afin de contrôler les peuples, il faut construire des institutions de contrôle. Des pays comme l’Irak, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, le Liban, la Syrie, le Koweït, etc., n’existaient pas avant la Première Guerre mondiale. Les élites ont toujours cherché à contrôler les populations et les individus pour satisfaire leurs propres désirs de pouvoir. Il importe peu que le système politique soit fasciste, communiste, socialiste ou démocratique. Les élites cherchent le pouvoir et le contrôle et sont inhérentes à chaque système de gouvernance. En 1928, Edward Bernays, le neveu du père de la psychanalyse Sigmund Freud, a écrit une de ses œuvres les pus influentes, Propaganda, ainsi que le livre Public Relations. Il est connu comme le « père des relations publiques » et, en dehors de ce domaine, rares sont ceux qui le connaissent. Toutefois, son impact sur les élites et le contrôle social a été très profond et d’une grande envergure. Bernays a mené le travail de propagande derrière le coup de la CIA au Guatemala en 1954, en le formulant comme une « libération du communisme », alors qu’il s’agissait en réalité de l’imposition de dictatures qui allaient durer des décennies et visaient à protéger les intérêts de la compagnie United Fruit, qui avait engagé Bernays pour gérer la campagne médiatique contre le gouvernement social-démocrate du Guatemala. Bernays a également trouvé un fan et un étudiant chez le ministre de la Propagande d’Hitler, Josef Goebbels, lequel a puisé bon nombre de ses idées dans les écrits de Bernays. Parmi les projets tristement célèbres de ce dernier on trouve la popularisation du tabagisme chez les étasuniennes : il a engagé de jolies femmes pour qu’elles marchent le long de l’avenue Madison en fumant des cigarettes, donnant aux femmes l’impression que fumer était synonyme de beauté. Dans son livre de 1928 Propaganda, Bernays a écrit : « [S]i l’on parvenait à comprendre le mécanisme et les ressorts de la mentalité collective, ne pourrait-on pas contrôler les masses et les mobiliser à volonté sans qu’elles s’en rendent compte? » Il écrit en outre : La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays […] [D]ans la vie quotidienne, que l’on pense à la politique ou aux affaires, à notre comportement social ou à nos valeurs morales, de fait nous sommes dominés par ce nombre relativement restreint de gens […]en mesure de comprendre les processus mentaux et les modèles sociaux des masses. Ce sont eux qui tirent les ficelles : ils contrôlent l’opinion publique [14] […] Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont devenus la toute-puissance mondiale, à laquelle le concept stratégique d’« endiguement », visant à refouler l’expansion du communisme, a donné son élan impérial. Ainsi, les aventures impériales étasuniennes en Corée, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud en sont venues à se définir par le désir de « repousser » l’influence de l’Union Soviétique et du communisme. L’idée d’« endiguement » comme principale caractéristique de la politique étrangère est venue, sans surprise, du Council on Foreign Relations [15]. Toujours à la même époque, on a également donné aux États-Unis la responsabilité de superviser et de gérer le système monétaire international et l’économie politique mondiale par la création d’institutions et d’accords tels que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l’OTAN, les Nations Unies, le GATT (l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce qui deviendra plus tard l’Organisation mondiale du commerce – OMC). Le groupe Bilderberg, boîte de réflexion internationale fondée en 1954, a été pour sa part l’une des principales institutions de pouvoir à jouer un rôle significatif dans l’établissement d’un consensus parmi les élites occidentales et à offrir un forum destiné à étendre l’hégémonie occidentale sur la planète [16]. Zbigniew Brzezinski, un universitaire prometteur s’est joint au Council on Foreign Relations au début des années 1960. En 1970, Brzezinski, qui avait assisté à quelques rencontres du Bilderberg, a écrit un livre intitulé Between Two Ages: America’s Role in the Technetronic Era (La Révolution technétronique), dans lequel il analyse l’impact de la « révolution technologique et électronique », donc de « l’ère technétronique ». Il définit la « société technétronique » comme « une société dont la forme est déterminée sur le plan culturel, psychologique, social et économique par l’influence de la technologie et de l’électronique – tout particulièrement dans le domaine des ordinateurs et des communications. Le processus industriel n’est plus désormais le principal facteur des changements sociaux, de la modification des mœurs, des structures sociales et des valeurs de la société [17] ». En expliquant plus en détail les notions de contrôle social semblables à celles propagées par Edward Bernays, Brzezinski écrit : « Certains affirment que ce comportement de l’homme peut être prédéterminé et soumis à un contrôle délibéré. » Il cite ensuite un « savant spécialisé dans le contrôle de l’intelligence » déclarant : « Je prévois l’époque où nous disposerons des moyens – et où nous serons donc inévitablement tentés de le faire – qui nous permettrons de manipuler le comportement et le fonctionnement intellectuel de tous les hommes, en intervenant dans leur environnement et en manipulant leur cerveau grâce à la biochimie [18]. Dans un exposé révélateur de son pouvoir d’observation et de son habileté à identifier les grandes tendances mondiales, Brzezinski écrit que « nous assistons à la naissance d’élites transnationales […] composées désormais d’hommes d’affaires, de savants, de spécialistes et de hauts fonctionnaires. Les liens qui unissent entre eux les membres de cette nouvelles élite traversent les frontières et ces personnes ont des points de vue qui ne sont pas limités par les traditions nationales et des intérêts qui dépendent plus de la fonction qu’ils occupent que du pays dont ils sont originaires. Il poursuit en affirmant qu’« avant longtemps, les élites sociales de la plupart des pays les plus avancés auront un esprit et une allure extrêmement internationalistes et mondialistes ». Brzezinski prévient que cette internationalisation accrue des élites « risque cependant d’ouvrir une large brèche entre ces élites et les masses politisées, dont l’“indigénisme” -- exploité par les dirigeants politiques les plus nationalistes – pourrait s’opposer aux élites “cosmopolites” » [19]. L’auteur mentionne également « l’apparition graduelle d’une société plus strictement contrôlée et dirigée [au sein de la] révolution technétronique ». Il explique : Une telle société serait placée sous la domination d’une élite dont la prétention à diriger les affaires reposerait sur un savoir-faire scientifique prétendument supérieur. Cette élite, qui ne s’encombrerait pas des réserves imposées par les valeurs libérales traditionnelles, n’hésiterait pas, pour réaliser ses objectifs politiques, à utiliser les techniques les plus modernes qui permettent d’agir sur le comportement du public et à placer la société sous une surveillance et un contrôle de tous les instants. Dans de telles circonstances, l’élan scientifique et technologique du pays ne serait pas rompu, mais se nourrirait d’une situation qu’il exploiterait [20]. Il ajoute enfin : « Une crise sociale persistante, l’apparition d’une personnalité charismatique et l’exploitation des moyens d’information des masses en vue d’obtenir la confiance du public seraient alors les étapes d’une transformation progressive des États-Unis en une société étroitement contrôlée[…] La société étasunienne, traditionnellement démocratique, pourrait se transformer, en raison de la fascination qu’exerce sur elle l’efficacité technique, en une société étroitement contrôlée et ses qualités humaines et humanistes disparaîtraient alors [21]. Dans son livre, Brzezinski réclame la coordination et l’intégration d’une « Communauté des pays développés » constituée de l’Europe de l’Ouest, de l’Amérique du Nord et du Japon, dans le but de façonner un « nouvel ordre mondial » basé sur les idées de gouvernance mondiale et dirigé par des élites de ces régions. En 1972, Brzezinski et son ami David Rockefeller ont présenté l’idée aux réunions annuelles de Bilderberg. À l’époque, M. Rockefeller était président du Council on Foreign Relations et PDG de la Chase Manhattan Bank. En 1973, Brzezinski et Rockefeller ont créé la Commission trilatérale – une sorte d’institution jumelle du groupe Bilderberg comptant sensiblement les mêmes membres – intégrant ainsi le Japon dans la sphère économique et politique occidentale. [22] En 1975, la Commission trilatérale a publié le rapport d’un groupe de travail ayant pour titre The Crisis of Democracy (La Crise de la démocratie), dont l’un des principaux auteurs était le politologue Samuel Huntington, proche associé et ami de Zbigniew Brzezinski. Dans ce rapport, Huntington affirme que dans les années 1960, on a assisté à une escalade de la démocratie aux États-Unis, avec une flambée de la participation citoyenne, souvent « sous la forme de marches, de manifestations, de mouvements de protestation et d’organisations défendant une “cause”[23] » De plus, « les années 1960 ont donné lieu à la réaffirmation de la primauté du principe d’égalité en tant que but de la vie sociale, politique et économique [24]. Les statistiques démontraient par ailleurs que durant les années 1960 et au début des années 1970, un pourcentage fortement accru de gens croyaient que les dépenses des États-Unis dans le domaine de la défense étaient trop élevées (une hausse de 18 % en 1960 à 52 % en 1969, due en grande partie à la Guerre du Vietnam) [25]. Pour Huntington, cette hausse dramatique relevait de l’« escalade démocratique ». Autrement dit, les gens devenaient politiquement sensibilisés à l’empire et à l’exploitation. Huntington écrit que l’« essentiel de l’escalade démocratique des années 1960 était une contestation générale des systèmes d’autorité existants, publics et privés, » et que « [l]es gens ne se sentaient plus contraints comme avant à obéir à ceux qu’ils considéraient autrefois supérieurs en termes d’âge, de rang, de statut, d’expertise, de réputation ou de talent ». L’auteur explique que dans les années 1960, « la hiérarchie, l’expertise et la richesse [ont été] en butte à de fortes critiques [26] ». Il déclare que trois questions clés étaient au centre de la participation politique accrue à cette époque : Les questions sociales telles que la consommation de drogues, les libertés civiles et le rôle des femmes; les questions raciales concernant l’intégration, le ramassage scolaire, l’aide gouvernementale aux groupes minoritaires et les émeutes urbaines; les questions militaires concernant principalement, bien sûr, la guerre au Vietnam, mais aussi la conscription, les dépenses militaires, les programmes d’aide militaire et de manière plus générale le rôle du complexe militaro-industriel [27]. Huntington, présente essentiellement ces questions, comme composantes de la « crise de la démocratie », car elles ont accentué la défiance envers le gouvernement et l’autorité, elles ont mené à une polarisation idéologique et sociale, ainsi qu’à un « déclin de l’autorité, du statut, de l’influence et de l’efficacité de la présidence [28] ». Huntington conclu que bien des problèmes de gouvernance aux États-Unis proviennent d’un « excès de démocratie » et que « le fonctionnement efficace d’un système politique démocratique requiert habituellement une certaine apathie et la non-intervention de certains groupes et individus ». Huntington explique que la société a toujours comporté des « groupes marginaux » ne participant pas à la vie politique. Tout en admettant que l’existence de « certains groupes marginaux est intrinsèquement non démocratique », il admet qu’elle a « permis à la démocratie de fonctionner efficacement ». Huntington considère « les Noirs » comme un de ces groupe devenu actif sur le plan politique et présentant le « danger de surcharger le système politique de revendications [29] ». En conclusion, Huntington affirme que la vulnérabilité de la démocratie, essentiellement la « crise de la démocratie », découle d’une « société très instruite, mobilisée et participative » et qu’un « équilibre supérieur » est nécessaire, dans lequel on trouve des « limites souhaitables à l’expansion indéfinie de la démocratie politique [30] ». En résumé, le rapport du groupe de travail de la Commission trilatérale explique fondamentalement que la « crise de la démocratie » résulte d’un excès de démocratie et que pour « résoudre » cette « crise » il doit y avoir moins de démocratie et davantage d’« autorité ». Le nouvel ordre mondial Après la chute de l’Union Soviétique en 1991, les idéologues étasuniens, politiciens et universitaires, ont commencé à discuter de l’émergence d’un « nouvel ordre mondial », idée selon laquelle tout le pouvoir du monde est centralisé en une seule puissance, les États-Unis. Ils ont ainsi entamé l’expansion d’une idéologie élitiste relative à la notion de « mondialisation » : le pouvoir ainsi que ses structures doivent être mondialisés. Bref, « le nouvel ordre mondial » devait être un ordre planétaire avec une gouvernance mondiale. Il devait être mené à court terme par les États-Unis, lesquels doivent être le principal acteur dans l’établissement d’un nouvel ordre mondial et finalement, d’un gouvernement mondial [31]. Anne-Marie Slaughter, actuelle directrice de la planification des politiques pour le département d’État des États-Unis, est une universitaire de renom au sein de l’élite étasunienne établie, ayant occupé divers postes au département d’État, dans des universités d’élite, et au conseil du Council on Foreign Relations. En 1997, Mme Slaughter a rédigé un article pour la revue de ce groupe, Foreign Affairs, dans lequel elle aborde les fondements théoriques du « nouvel ordre mondial ». Elle y écrit : « L’État n’est pas en train de disparaître, il se désagrège en différentes parties fonctionnellement distinctes, comme les tribunaux, les organismes de réglementation, les exécutifs et même les législatures. Ces parties développent des réseaux avec leurs contreparties à l’étranger, créant ainsi un tissu serré de relations formant un ordre nouveau et transétatique […] Le transgouvernementalisme devient rapidement le type de gouvernance international le plus répandu et le plus efficace [32]. » Bien avant l’analyse du « nouvel ordre mondial » par Slaughter, Richard N. Gardner a publié dans Foreign Affairs un article intitulé « The Hard Road to World Order » (La difficile route vers un ordre mondial). Ancien ambassadeur étasunien et membre de la Commission trilatérale, Gardner écrit : « La quête d’une structure mondiale assurant la paix, faisant avancer les droits humains et offrant les conditions propices au progrès économique, ce que l’on appelle généralement l’ordre mondial, n’a jamais semblé à la fois si frustrante et si étrangement prometteuse [33]. » « Si un gouvernement mondial immédiat, une révision de la Charte (de l’ONU) ainsi qu’un Tribunal international bien plus puissant n’offrent pas les réponses, quel espoir de progrès y a-t-il? La réponse ne satisfera pas ceux qui cherchent des solutions simples aux problèmes complexes, mais elle se résume essentiellement à ceci : dans un avenir rapproché, l’espoir ne se situe pas dans la fondation de quelques institutions centrales ambitieuses à adhésion universelle et de juridiction de droit commun, tel qu’envisagé à la fin de la dernière guerre. Il se trouve plutôt dans un processus davantage décentralisé, désordonné et pragmatique, visant à inventer ou adapter des institutions de juridiction spécifique et limitée, avec des membres sélectionnés s’occupant de problèmes particuliers, au cas pas cas, si les pays concernés considèrent qu’une coopération est nécessaire [34]. » Il ajoute : « Bref, la "maison de l’ordre mondial" devra être construite de bas en haut plutôt que de haut en bas.Elle aura l’air d’une « grande confusion de sensations », pour utiliser la fameuse description de la réalité de William James, mais en contournant la souveraineté nationale, en l’émiettant pièce par pièce, on pourra accomplir bien plus qu’avec un assaut frontal suranné [35]. » En 1992, Strobe Talbott a écrit un article pour Time Magazine, « The Birth of the Global Nation », (La naissance de la nation mondiale). Talbott a travaillé comme journaliste pour Time pendant 21 ans, il est membre de la Yale Corporation, administrateur d’Hotchkiss School, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, du Council on Foreign Relations, du Comité exécutif nord-américain de la Commission trilatérale et de l’American Association of Rhodes Scholars, ainsi que participant du Forum économique mondial. Talbott a été sous-secrétaire d’État de 1994 à 2001 sous le gouvernement Clinton et est actuellement président de la Brookings Institution, un des principaux cercles de réflexion étasuniens. Dans son article de 1992, Talbott écrit : « [A]u cours des cent prochaines années, le statut de nation tel qu’on le connaît sera obsolète : tous les États reconnaitront une seule autorité mondiale. Il explique : Tous les pays sont au fond des arrangements sociaux, des adaptations à des circonstances variables. Peu importe à quel point ils semblent permanents, voire sacrés à une époque donnée, en réalité, ils sont tous artificiels et temporaires. À travers les époques, il y a eu une tendance générale de groupes plus grands revendiquant leur souveraineté et, paradoxalement, une diminution graduelle du degré de souveraineté détenue par chaque pays [36]. Il ajoute que « les événements de notre propre siècle, à la fois superbe et terrible, ont été nécessaires à la victoire de la cause du gouvernement mondial. Avec l’avènement de l’électricité, de la radio et de l’aviation, la planète est devenue plus petite que jamais, sa vie commerciale plus libre, ses pays plus interdépendants et ses conflits plus sanglants qu’autrefois » [37]. David Rothkopf, un érudit de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, ancien sous-secrétaire du Commerce affecté au commerce international dans l’administration Clinton, ancien administrateur délégué de Kissinger Associates et membre du Council on Foreign Relations, a récemment écrit le livre Superclass: The Global Power Elite and the World They are Making (La superclasse : l'élite du pouvoir mondial et le monde qu'elle fabrique). En tant que membre de cette « superclasse », ses écrits devraient offrir un aperçu indispensable de la construction de ce « nouvel ordre mondial ». Il affirme que « [d]ans un monde de migrations internationales et où les menaces ne présentent pas leur passeport aux frontières nationales, il n’est plus possible pour un État-nation agissant seul de remplir ses engagements prévus dans le contrat social ». Il ajoute qu’il y aura toujours du progrès », mais cela constituera un défi car, « il fait concurrence à de nombreuses structures de pouvoir locales et nationales ainsi qu’à des concepts culturels profondément ancrés dans le berceau de la civilisation humaine, à savoir, la notion de souveraineté. Il complète en déclarant que « les mécanismes de gouvernance mondiale peuvent davantage s’accomplir dans l’environnement actuel » et que ces mécanismes « sont souvent créatifs et offrent des solutions temporaires à des problèmes urgents qui ne peuvent attendre que le monde adopte une idée plus grande et plus controversée comme celle d’un vrai gouvernement mondial » [38]. En décembre 2008 le Financial Times publiait l’article « And Now for A World Government » (Et maintenant, place au gouvernement mondial) dans lequel l’auteur, Gideon Rachman, autrefois participant aux réunions de Bilderberg, écrit : « [P]our la première fois de ma vie, je crois que la formation d’un certain type de gouvernement mondial est plausible […] Un “gouvernement mondial” impliquerait bien plus qu’une coopération entre pays. Il s’agirait d’une entité possédant des caractéristiques semblables à celles d’un État, soutenue par un corps de loi. L’Union européenne a déjà mis en place un gouvernement continental pour 27 pays qui pourrait représenter un modèle. L’UE a une cour suprême, une devise, des milliers de pages de loi, une vaste fonction publique et la capacité de déployer une force militaire » [39]. Rachman affirme par ailleurs qu’« il est de plus en plus évident que les problèmes les plus difficiles auxquels font face les gouvernements nationaux sont de nature internationale : il y a un réchauffement planétaire, une crise financière mondiale et une “guerre mondiale au terrorisme” ». Selon lui, le modèle européen pourrait « se mondialiser » et un gouvernement mondial « pourrait être formé », puisque « la crise financière et le changement climatique poussent les gouvernements nationaux vers des solutions mondiales, même dans des pays comme la Chine et les États-Unis, qui sont traditionnellement des gardiens acharnés de la souveraineté nationale ». Il cite un conseiller du président Sarkozy : « "Gouvernance mondiale" n’est qu’un euphémisme pour "gouvernement mondial" […] La principale cause de la crise financière internationale est que nous avons des marchés financiers internationaux, mais pas de règle de droit internationale. » Rachman soutient toutefois que toute poussée vers un gouvernement mondial « sera un processus long et pénible ». Il ajoute qu’un des principaux problèmes de cette poussée peut s’expliquer à l’aide d’un exemple de l’UE, laquelle « a subit une série de défaites humiliantes lors de référendums, lorsque des plans pour une "union sans cesse plus étroite" ont été référés aux électeurs. La gouvernance mondiale a tendance à être efficace seulement lorsqu’elle est antidémocratique » [40]. L’éveil politique et la crise économique mondiale Face à la crise économique internationale, le processus ayant mené à l’éveil politique mondial évolue rapidement puisque les inégalités et les disparités sociales, politiques et économiques qui lui ont donné naissance sont toutes exacerbées et en expansion. Par conséquent, cet éveil entre en soi dans une période où il subira une transformation rapide, expansionniste et mondiale. Cet « éveil politique mondial », que Brzezinski voit comme un des principaux défis géopolitiques actuels, a été illustré, jusqu’à tout récemment, par les « pays émergents » ou les pays du « tiers-monde » au Moyen-Orient, en Asie centrale et du Sud-Est, en Afrique et en Amérique latine. L’évolution des dernières décennies au Venezuela, en Bolivie et en Iran démontre que cet éveil, qui a lieu dans un monde allant progressivement de plus en plus vers une gouvernance et des institutions mondiales, s’oriente surtout vers le nationalisme. En 1998, Hugo Chavez est devenu président du Venezuela en appuyant sa campagne sur des promesses d’aide à la majorité pauvre du pays. En 2002, une tentative de coup d’État a eu lieu au Venezuela, mais Chavez a conservé le pouvoir. La tentative de coup lui a donné davantage de courage et il a obtenu une forte vague de soutien dans la population. Il a entrepris un processus qu’il qualifie de « socialisme bolivarien » et a pris une position anti-étasunienne catégorique et farouche en Amérique latine, laquelle fut longtemps considérée comme « l’arrière-cour » des États-Unis. Il y a soudainement une rhétorique virulente et du mépris envers les États-Unis et son influence dans la région, elle-même soutenue par l’énorme richesse pétrolière du Venezuela. En 2005, Evo Morales a été élu président de la Bolivie, un des pays les plus pauvres d’Amérique latine. Il était également le premier dirigeant autochtone de ce pays à occuper ce poste de pouvoir, longtemps dominé par l’oligarchie terrienne des descendants espagnols. Evo Morales a été porté au pouvoir par une vague de divers mouvements sociaux en Bolivie, dont l’un des plus important, celui de la « guerre de l’eau », est né en 2000 à Cochabamba, troisième ville en importance en Bolivie. La guerre de l’eau a débuté après que la Banque mondiale ait forcé la Bolivie à privatiser son eau afin que des compagnies étasuniennes et européennes puissent en acheter les droits. Cela signifiait que la population de l'un des pays les plus pauvres d’Amérique du Sud ne pourrait même pas boire de l’eau de pluie sans payer ces compagnies pour avoir le « droit » de l’utiliser. Dès lors, la révolte s’est déclenché et a favorisé l’ascension d’Evo Morales. Aujourd’hui, Morales et Chavez représentent la « nouvelle gauche » en Amérique latine et celle-ci s’accompagne d’une antipathie grandissante envers l’impérialisme étasunien. Pays défini davantage par le nationalisme que par les polarités ethniques, l’Iran est devenu pour sa part la principale cible de l’ordre mondial hégémonique occidental, puisqu’il se situe sur d’énormes réserves de pétrole et de gaz, qu’il est âprement anti-étasunien et fermement opposé à l’hégémonie occidentale au Moyen-Orient. Toutefois, en raison de la rhétorique accrue contre l’Iran, son régime et ses élites politiques bénéficient encore plus d’encouragement et de renfort politique au sein de sa population, majoritairement pauvre. Les conditions économiques et sociopolitiques mondiale sont directement liées à l’émergence et à l’expansion de l’« éveil politique mondial ». Depuis 1998, « trois milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour et 1,3 milliards de personnes avec moins d’un dollar. Soixante-dix pour cent de ces dernières sont des femmes [41] ». En 2003, un rapport de la Banque mondiale révélait qu’« une minorité de la population mondiale (17 %) consomme la plupart des ressources de la planète (80 %), ce qui laisse les 20 % restants à quelque 5 milliards d’êtres humains. En conséquence, des milliards de personnes sont dépourvues des besoins les plus fondamentaux : nourriture, eau, logement, installations sanitaires [42] ». En ce qui a trait aux statistiques sur la pauvreté et la faim, « plus de 840 millions de personnes dans le monde souffrent de malnutrition et 799 millions d’entre elles vivent dans les pays en développement. Malheureusement, plus de 153 millions d’entre elles (soit la moitié de la population des États-Unis) ont moins de 5 ans ». En outre « chaque jour, 34 000 enfants de moins de 5 ans meurent de faim ou d’autre maladies liées à la malnutrition, ce qui entraîne six millions de décès annuellement ». C’est l’équivalent d’un « holocauste de la faim » qui a lieu chaque année. « Sur les 6,2 milliards de personnes vivant aujourd’hui, 1,2 milliards le font avec moins d’un dollar par jour depuis 2003 et près de 3 milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour [43]. » En 2006, un rapport innovant et détaillé publié par l’Institut mondial de recherche sur l'économie du développement des Nations Unies (UNU-WIDER) révélait que « 2 % des adultes les plus riches de la planète possèdent plus de la moitié de la richesse des ménages dans le monde. L’une des statistiques incroyablement saisissante était la suivante : [E]n l’an 2000, 1 % pour cent des adultes les plus riches possédaient à eux seuls 40 % de tous les actifs du monde et 10 % des adultes les plus fortunés en détenaient 85 %. Par comparaison, la moitié des personnes les plus démunies au monde possédaient 1 % de la richesse mondiale [44]. Cela mérite d’être répété : 1 % des plus riches détiennent 40 % des actifs mondiaux; 10 % des plus riches en possèdent 85 %; et 50 % des plus démunis en détiennent 1 %. Des chiffres qui portent à réfléchir, en effet. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. En 2009, le rapport des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) révélait que cette année là « entre 55 et 90 millions de personnes de plus que ce que l’on avait anticipé avant la crise vivraient dans l’extrême pauvreté ». En outre, « la tendance encourageante d’éradication de la famine depuis le début des années 1990 s’était renversée en 2008, surtout en raison de la hausse du prix de la nourriture ». Dans les régions en développement, la famine s’est accrue de 17 % en 2008 et « les plus touchés sont les enfants [45] ». En avril 2009, Oxfam, une organisation caritative internationale, rapportait que quelques billions de dollars donnés aux banques pour les renflouer auraient pu suffire « à mettre un terme à l’extrême pauvreté pendant 50 ans [46]». En septembre 2009, l’organisme révélait que « chaque minute » la crise économique « condamnait 100 personne à la pauvreté ». Oxfam affirmait que « partout dans le monde les pays en développement luttent pour faire face à la récession qui continue à réduire considérablement les revenus, à détruire des emplois et a contribué à accroître à un milliard le nombre de personnes souffrant de la faim sur la planète [47] ». La crise financière a frappé le monde « en développement » bien plus durement que les pays développés de l’Occident. L’ONU rapportait en mars 2009 que « [l]a réduction de la croissance en 2009 coûtera environ 18 milliards de dollars ou 46 $ par personne aux 390 millions d’individus vivant dans l’extrême pauvreté en Afrique subsaharienne. Cette perte prévue représente 20 % des revenus par habitant chez les Africains démunis – un chiffre qui minimise les pertes subies dans le monde développé [48] ». La majorité des habitants de la planète vivent donc dans la pauvreté absolue et les perturbations sociales. Il s’agit de la conséquence directe d’un ordre planétaire mondialisé toujours en construction. À l’heure actuelle, alors que l’on continue à se baser sur la même infrastructure et à l’institutionnaliser davantage, les gens sont plus que jamais poussés à l’« éveil ». Leur pauvreté même les force à s’éveiller. Il existe une conception apparemment oubliée selon laquelle on juge une société par la façon dont elle traite les plus faibles de ses membres, les démunis. La pauvreté oblige les gens à voir le monde différemment, car ils voient les dures contraintes imposées par la société sur l’esprit humain. La vie ne peut pas se résumer à lutter pour effectuer des paiements chaque semaine, à se procurer de l’eau, un abri et de la nourriture, à vivre selon les dictats de l’argent et du pouvoir. À l’aune de l’histoire, on peut voir que des sociétés les plus oppressives naît la plus grande humanité. La Russie, un pays qui de toute son histoire n’a jamais connu de véritable liberté politique, a produit certaines des plus grandes œuvres musicales, artistiques, expressives et littéraires en guise de cri vibrant d’humanité, émanant d’une société accablée par le besoin de contrôler. Puisqu’ils peuvent surgir de ce genre de tyrannie, de tels triomphes de l’esprit humain sont un exemple éclairant du grand mystère que constitue l’être humain. Pourquoi gaspiller notre espèce en la soumettant à la pauvreté? Pensez à la différence que l’on pourrait faire si l’on permettait à tous de prospérer individuellement et collectivement, pensez à tout l’art et l’intellect, à toute la beauté, l’expression, toutes les idées des sans voix dont nous sommes privés. Tant que nous n’abordons pas cette question fondamentale, toute notion d’humanité basée sur la « civilité » n’est qu’une farce cynique. Si l’on entend par là « civilisation humaine », nous n’avons pas encore compris de quoi il s’agit. Nous n’avons pas encore de définition adéquate pour « civilisé » et nous devons en trouver une qui soit « humaine ». L’Occident et l’éveil Les classes moyennes occidentales subissent en ce moment une transition dramatique, exacerbée dans la foulée de la crise économique. Au cours des dernières décennies, la classe moyenne est devenue un rang social fondé sur l’endettement, sur lequel elle basait presque entièrement sa consommation. Son pouvoir d’achat et sa capacité à servir d’assise au système capitaliste n’est donc que pure fiction. La classe moyenne n’a jamais été si en péril, notamment les jeunes diplômés arrivant sur un marché du travail des plus difficiles des dernières décennies [49]. La crise mondiale de la dette qui a débuté en Grèce et se propage à travers les économies de la zone euro, soit en Espagne, au Portugal, en Irlande et, en dernier lieu, partout dans l’Union européenne, consumera le Royaume Uni, le Japon et se rendra jusqu’en Amérique [50]. Il s’agira d’une véritable crise mondiale de la dette. Les mesures gouvernementales visant à s’attaquer à ce problème sont centrées sur l’implantation de « mesures d’austérité budgétaire » afin de réduire le fardeau de la dette et de payer des intérêts sur celle-ci. L’« austérité budgétaire » est un terme vague faisant en réalité référence à des réductions dans les dépenses relatives aux programmes sociaux et à des hausses d’impôts. Cela a pour effet de dévaster le secteur public puisque tous les actifs sont privatisés, les travailleurs de ce secteur font l’objet de mises à pied massives, le chômage devient endémique, les soins de santé et l’éducation disparaissent, les impôts grimpent de manière draconienne et les devises sont dévaluées afin que les entreprises internationales et les banques puissent acheter les actifs à moindre coût, ce qui provoque de l’inflation au niveau national, entrainant par la suite une montée en flèche des coûts du pétrole et de la nourriture. Bref, l’austérité budgétaire implique la destruction sociale car on dépossède les pays et les peuples de leurs fondements sociaux. Les États deviennent alors despotiques et oppriment les peuples, lesquels se révoltent naturellement contre l’« austérité », soit la stérilisation de la société.
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