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 POLITIQUE La philosophie politique

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فدوى
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فدوى


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13022016
مُساهمةPOLITIQUE La philosophie politique

La philosophie politique se définit, depuis ses débuts en Grèce, comme la tentative de saisir par la pensée la nature (la structure fondamentale) de l'État. Elle n'est pas une science positive des phénomènes politiques, des facteurs observables, des faits statistiques, etc., données dont elle profitera pour pouvoir vérifier ses propres affirmations, puisqu'une structure ne se révèle que dans le structuré ; essentiellement, elle se demande ce qui fait que tel fait, telle texture de faits relèvent de la politique ou lui importent. Elle veut comprendre la vie des hommes en communauté, laquelle forme de vie constitue pour elle le fait fondamental. Toute philosophie politique développe ainsi, ou du moins implique, uneanthropologie philosophique.
De la constatation que la structure ne se révèle et n'est réelle que dans le structuré découle que la philosophie politique se réfère, d'autre part, à l'histoire, ce mot étant pris au sens le plus large : histoire politique, des religions, des mœurs, du sentiment, des formes du travail social, etc. La pensée politique, comme toute pensée humaine, même là où elle aboutit à des résultats qui ne comportent, quant à leur contenu, aucun paramètre temporel, tels les théorèmes arithmétiques, naît à un certain moment : la philosophie, pour citer un mot de Hegel, n'est rien d'autre que la saisie de sa propre époque dans la pensée. Cela s'applique particulièrement à la philosophie politique : Platon dit des choses essentielles sur l'État, mais il n'a rien de spécifique à nous dire d'un État dont la puissance est fondée sur une industrie de type moderne, et les considérations d'Aristote sur la nature de l'esclave ne nous enseignent rien, à moins que nous n'en transposions les principes premiers – ce qui indique qu'une telle transposition est possible, c'est-à-dire qu'un acquis existe, mais qu'il doit être réactivé, repensé lorsque les conditions ont changé.
La philosophie politique, comme l'indique le terme (politique, du grec polis, cité-État), n'a pas affaire à toutes les formes de communautés ; ce n'est que pour pouvoir y opposer son propre problème qu'elle peut s'intéresser à des groupements « primitifs », dans lesquels il existe sans doute un pouvoir, mais où ce pouvoir n'est pas réfléchi, c'est-à-dire potentiellement mis en question par les membres de la communauté : des conflits existent, des luttes pour la préséance se rencontrent dans des sociétés animales, à plus forte raison dans des sociétés humaines hautement développées sur les plans administratif,technique, religieux ; mais le pouvoir y est longtemps considéré comme sacré, divin, éternel, et si nous pouvons y découvrir des luttes entre clans, groupes, classes, partis, les concepts dont nous nous servons alors sont les nôtres, non ceux dans lesquels pensaient les sujets et les dirigeants de ces unités au sein desquelles la vie politique est un fait, mais où une réflexion sur ce fait ne peut pas naître : elle ne naît qu'en Grèce, où une pluralité d'unités politiques se rencontre, dont chacune est assez forte pour repousser les autres et dont aucune n'est puissante au point de pouvoir les soumettre, là où, pour le dire autrement, se pose la question du meilleur État, question à laquelle on sait ne pouvoir répondre qu'après avoir déterminé ce qu'est la politique, comme aspect fondamental de la vie humaine.

1.  L'État en lui-même : la politique pure et la formation du citoyen

On peut définir la philosophie politique comme la recherche de ce qui constitue l'État en tant qu'organisation d'une communauté historique, qui permet à celle-ci de prendre des décisions engageant sa forme de vie et sa survie. Le caractère abstrait de cette définition apparaît tout de suite. Que l'État prenne des décisions n'est qu'une façon de parler ; les décisions sont prises par des individus ou par des groupes agissant d'un commun accord : comment la décision est-elle prise ? Sur quoi portent les choix ? Quand convient-il d'en prendre ? Dans quelles limites le choix est-il ouvert ? La série des questions semble infiniment étendue ; elle se réduit cependant à une racine commune, que l'on peut désigner par le concept de pouvoir (ou de l'autorité, celle-ci étant comprise comme ce qui, aux yeux des membres de la communauté, justifie l'exercice du pouvoir) ; seul le pouvoir, la possibilité d'un seul ou d'un groupe particulier de prendre des décisions effectives au nom de la communauté, garantit l'unité et l'indépendance de la communauté. En ce sens, l'État, de même que la politique, est l'ensemble organisé des procédés et des procédures du pouvoir destinés à éliminer ou à résoudre les conflits intérieurs et extérieurs. Depuis que, dans les vallées des grands fleuves, des communautés se sont organisées en société de travail sous commandement central, l'État, un État à pouvoir sacré, a existé. Une théorie de l'État ne s'y rencontre pas.

  La philosophie grecque

La philosophie grecque découvre très tôt la multiplicité des formes dans lesquelles s'exerce le pouvoir et, grâce à cette observation, le rôle central du pouvoir. Les sophistes, il est vrai, ne s'intéressent pas à la question de son usage bon ou mauvais, mais ils constatent, omniprésente, la lutte pour le pouvoir : chacun désire les avantages que son détenteur en retire, richesse, considération, toutes les satisfactions des désirs humains. Ce qu'ils offrent, c'est une technique pour la conquête d'un pouvoir désacralisé. La réaction de Socrate, leur disciple et adversaire, qui, en opposition à cette science positive (et positiviste), fonde la philosophie politique, ne consiste nullement dans une critique de cette analyse des faits ; il y oppose une question préalable : la simple volonté de conquérir le pouvoir en vue de la satisfaction de désirs qui s'observent aussi chez l'animal définit-elle un but à l'action politique ? Elle en est parfaitement incapable, car les désirs des individus sont par essence en conflit entre eux et ne peuvent que conduire à la destruction de l'unité, à la lutte des factions, à la révolte de ceux qui se voient exclus des avantages auxquels ils pensent avoir un titre. Le bien de l'État, le seul vrai bien, est son unité même. Et il sera atteint là où ceux qui détiennent le pouvoir et qui ainsi disposent du moyen d'éduquer les autres sont raisonnables, c'est-à-dire déterminent ce qui découle du principe même d'un intérêt général placé au-dessus de tout intérêt de faction et que, le cas échéant, ils soumettront par la force à la loi commune. Le moyen de parvenir à une telle union est fourni par une discussion toujours ouverte qui révèle et élimine ainsi les présupposés dogmatiques des interlocuteurs, ce faux savoir que confond l'ironique ignorance de Socrate.
Si Socrate semble s'être contenté de développer un art universel de la discussion (dialectique) et de chercher des définitions universellement acceptables, Platon et, à sa suite, Aristote se tournent vers le problème spécifique de la politique, celui de la définition, non d'un État quelconque, mais du vrai État. Comme leur maître, ils considèrent que l'unité du corps politique est l'exigence première et que l'État vrai est caractérisé par l'absence de conflits conduisant à l'emploi de la violence. Mais la question qu'ils posent dépasse le cadre de la dialectique (qu'ils considèrent cependant comme la méthode indispensable pour la découverte du bon pouvoir et de la critique des États existants) : il s'agit de trouver la bonne constitution.
En leur esprit, la constitution n'est pas seulement le règlement juridique de l'exercice du pouvoir, elle concerne la totalité de la vie des citoyens, leur morale, leur religion, voire leur art : le citoyen n'a pas d'existence en dehors de sa cité (Socrate préférera la mort à l'exil). Par la loi, l'État est l'éducateur de ses citoyens, et il repose sur des citoyens qu'il a éduqués ; sa constitution est celle d'un être vivant et qui se sait vivant dans tous ses membres.

  Platon

Il s'agit donc de découvrir un mode de vie en commun qui maintienne la paix à l'intérieur au moyen d'une éducation telle que chacun place l'intérêt général au-dessus de son intérêt particulier. Or ce résultat ne peut pas être atteint dans tous les cas ; les hommes, naturellement égoïstes et égocentriques, cherchent le plaisir des sens et les satisfactions de l'amour de soi, la richesse et l'honneur (motif qui ne disparaîtra plus de la philosophie politique et qui apparaîtra sous sa forme la plus pure chez Hobbes). Platon en tire toutes les conséquences : il faut soumettre les hommes égoïstes à un gouvernement qui réalise le bien de tous ; et, pour réaliser le bon gouvernement, il faut éduquer (chez ceux qui s'y prêtent, les autres n'étant accessibles qu'à la contrainte) le sens de l'honneur ; il faut écarter d'eux tout intérêt matériel ; il faut qu'ils deviennent des sages et que, en attendant (et l'attente peut durer), ils obéissent librement aux sages, à ceux qui connaissent la place de l'homme dans le cosmos parce qu'ils connaissent ce cosmos tel qu'il est éternellement présent dans la vue (theôria) de ses structures immuables, dans les formes, les Idées.
Nulle part on ne trouve une affirmation plus radicale de la politique pure que dans La République. Les sages, maîtres de l'État, sont seuls à réaliser complètement les possibilités humaines, la possibilité de l'homme, en accédant à la pure vérité de ce qui, immuable, permet de comprendre les phénomènes fuyants en ce qu'ils contiennent de permanent. Or, pour qu'ils puissent s'adonner à la theôria (très différente de ce qu'on nomme aujourd'hui théorie, terme sous lequel on entend une science visant à ladomination, non à la compréhension de ce qui est donné), il faut que la cité ne soit pas déchirée par des luttes intestines. La première condition est alors que l'intérêt matériel soit neutralisé : le commerce, l'industrie, l'agriculture, l'argent et ceux qui le manient ne jouent aucun rôle dans la république ; leur existence est reconnue comme nécessaire, mais la partie de la population vouée à ces besognes ne dispose d'aucun droit politique. Elle ne sera cependant pas exploitée ou brimée, car ceux qui, sous la direction des sages, exécutent les tâches de police et défendent l'État contre tout adversaire extérieur (la république a une armée constamment sur le pied de guerre, mais exclusivement défensive, puisque toute conquête détruirait l'équilibre de l'État), les gardiens, sont étrangers à tout intérêt personnel, n'ayant pas de possessions (ils reçoivent de ceux qui travaillent et qu'ils défendent une subsistance limitée au strict minimum), ni de famille (ils ne connaissent pas leurs enfants) ; ils ont été formés à l'amour de ce qui est noble et à une noble compétition par le sport, la musique, par l'étude des mathématiques par une religion d'État.
Platon lui-même n'a pas cru qu'un tel État soit réalisable ; il était même convaincu que, si par miracle il devait naître quelque part, il dégénérerait nécessairement comme tout ce qui est du monde d'ici-bas et qu'il le ferait par l'introduction de la famille, de la propriété, des éléments qu'on appelle socio-économiques. Il a voulu penser la politique et la chose politique en leur pureté et leur essence, en considérant la structure de l'homme en sa nature composite. Ce qu'il a ainsi laissé en héritage à tous ses successeurs, c'est que la vie en commun est une vie de conflits qui peuvent toujours se transformer en affrontements violents et que la tâche de la politique est d'écarter cette violence ou de la réprimer, le cas échéant avec les moyens de la violence et de la ruse. Naturellement, c'est-à-dire dans l'état non éduqué, les hommes sont sous la domination de leurs passions, et leurs passions ne connaissent, en ce qui regarde les rapports humains, que des ennemis ou des compétiteurs, avec lesquels on s'alliera tout au plus en vue de fins limitées. Seule une politique raisonnable, c'est-à-dire de la satisfaction de tous et de chacun, mais de chacun à la place que lui attribuent sa nature et son éducation, garantira la possibilité d'une morale vivante, vécue et vivable, en même temps que la possibilité d'une éducation, différente selon les tempéraments, mais une en son intention, et d'une existence sensée. Toute autre forme de vie et de constitution sera défectueuse, puisque, à des degrés de déchéance différents, elle placera l'intérêt d'une partie, soit masse, soit élite, soit chef unique, au-dessus de l'intérêt général.

  Aristote

Le social et l'économique prendront leur revanche avec Aristote. Disciple fidèle de Platon, puisque les questions du maître resteront celles de son successeur, il s'en sépare par l'intérêt qu'il porte à la réalité : il ne suffit pas de savoir quel serait l'État idéal en se donnant un endroit idéal et une population encore innocente de tous les vices des peuples historiques ; il faut se demander comment on réalise des États supportables sous des conditions données. La réalité historique doit être comprise avant d'être jugée ; et cette réalité est déterminée – l'idéal de référence restant celui de l'unité politico-morale – par les tensions spécifiques qui caractérisent les communautés existantes, toujours historiques, toujours déjà différenciées par la distribution de la richesse, le rapport, qui en découle, entre les classes, la tradition morale et l'éducation déjà reçue sous des lois déjà en vigueur. On ne maintiendra pas par les mêmes lois l'unité de la communauté dans tous les cas, on ne la rétablira pas ainsi là où elle s'est décomposée : les conditions socio-économiques, pour employer le langage moderne (non sans justification, puisque Aristote est le père de la sociologie politique), fixent le cadre de l'action politique. La forme de la cité grecque restera inconcevable lorsque des populations sont habituées à l'esclavage, sans participation aux décisions, sans indépendance économique. Une cité dont la richesse est concentrée entre les mains d'un petit groupe aura un gouvernement aristocratique (si les gouvernants agissent dans l'intérêt commun) ou oligarchique (s'ils poursuivent leur propre avantage) ; ou bien on versera dans un régime de masses pauvres qui se distribueront les possessions des riches, détruiront ainsi l'industrie et le commerce, et finiront par tomber sous le joug d'un tyran, représentant dégénéré du roi patriarcal du passé, qui ne respectera rien ni personne après avoir flatté et trompé la multitude.
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POLITIQUE La philosophie politique :: تعاليق

فدوى
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مُساهمة السبت فبراير 13, 2016 2:08 pm من طرف فدوى
Chacune de ces constitutions aura ses lois à elle : le bon citoyen d'une tyrannie sera lâche, obséquieux, traître à ses amis au profit du tyran ; celui d'une oligarchie fera preuve de courage et de fidélité envers le groupe dominant auquel il appartient et se montrera cruel et sans foi à l'égard de ceux qu'ensemble les maîtres de la cité privent de tous les droits et de tous les avantages. Il y a une nature de chaque forme de vie politique.
Quel sera alors l'État bon, celui qui réalise la vraie nature de l'État, et où peut-il se rencontrer ? Il sera bon si le citoyen formé par les lois, le bon citoyen de cet État, est en même temps homme de bien et réalise toutes les possibilités de l'homme, jusques et y compris la vie la plus haute, celle de la theôria (qui constitue, pour Aristote comme pour Platon, le sens et la justification de la politique). Et cet État pourra exister là où les hommes connaissent la liberté politique, c'est-à-dire là où chacun, à tour de rôle, saura commander et obéir, où toutes les fonctions essentielles de l'État, pouvoir législatif, pouvoir judiciaire, pouvoir délibératif, seront accessibles à tous ceux qui ne sont pas étrangers résidents (métèques, entre les mains desquels Aristote laisse une grande part de l'activité économique, précisément parce que, sans obligations en l'absence de droits politiques, ils peuvent s'y consacrer) ou esclaves. Matériellement, un tel État aura sa base dans une distribution de la richesse telle qu'une couche moyenne s'opposera aux entreprises des grands comme des pauvres ; en l'absence de cette base, une autre forme de gouvernement, sans pour autant être bonne, sera la meilleure possible, vu que la constitution morale, économique, sociale ne supporterait que celle-là : même la tyrannie se justifie lorsqu'une communauté malade ne peut garder qu'à ce prix un minimum de cohésion.

2.  Le maître absolu et la société des individus privés

Le vrai État rend possible la forme la plus haute de la vie humaine, la theôria du cosmos, pour ceux qui en ont la vocation ; aux autres, ses lois procurent une existence digne dans une liberté responsable. Il est vrai que certains philosophes, les cyniques, les épicuriens, les héritiers des sophistes, voient dans la cité, dans la morale traditionnelle, dans les lois autant d'inventions arbitraires qui séparent l'homme de la nature ; mais aussi n'élaborent-ils pas une philosophie politique et se retirent-ils de toute vie publique, prêchant tout au plus (surtout les cyniques) un salut par le retour à la nature ; leur apparition coïncide, et nullement par hasard, avec l'assujettissement des cités par les royaumes et les empires naissants.
La forme de la vie dans la cité reste cependant la seule que peuvent concevoir ceux parmi leurs contemporains qui ne se détournent pas des problèmes de l'action en commun. Nulle part cette persistance n'est plus frappante que chez les stoïciens (il est vrai qu'à ses débuts l'école est très près des cyniques, mais elle retourne bientôt au problème politique, à partir du moment où elle finit, comme ses grands prédécesseurs, par définir l'homme non par le désir et la passion, mais par la raison) : s'ils ne peuvent pas éviter de reconnaître le déclin de la cité terrestre, ils en sauvent le concept en parlant d'une cité cosmique qui réunit dieux et hommes en une unité organisée par une Raison impersonnelle, omniprésente, toute-puissante, absolument sage, qui détermine le cours des événements, cours visible, il est vrai, au seul sage, mais auquel également l'homme qui n'a pas atteint la sagesse peut et doit s'abandonner : le fatum, loin d'être fatalité oppressive, lui donne l'assurance que tout possède un sens, quand bien même il ne le saisirait pas.
La cité des hommes et des dieux n'est que la plus vaste et la plus haute d'une hiérarchiede communautés. Déjà en naissant, l'homme se tourne vers ses parents, non par raison et réflexion, mais par un instinct social, le même qui le conduira à des associations toujours plus étendues, famille, ville, État (si Aristote définit l'homme comme animal politique, il ne s'agit pas pour lui d'un instinct, mais de la constatation que l'homme ne se réalise pleinement que dans la cité). Cet instinct est transfiguré dès que l'homme accède à la raison : ce qui était penchant devient conscience du devoir envers autrui et la communauté, et une morale élaborée peut naître, ensemble de devoirs, relatifs il faut l'admettre, puisqu'ils ne lient pas le sage, mesure vivante du vrai bien et du vrai mal, mais devoirs pour tous ceux qui ne sont pas des sages.
Le concept du devoir prédomine ainsi : il n'y a plus de cité qui puisse par ses lois éduquer l'individu à la vertu (au sens de perfection de l'homme sous tous les aspects de son être et de ses possibilités) : l'individu a beau faire confiance à la Raison de l'univers, il se trouve obligé de s'orienter dans son existence au moyen de règles qu'il s'impose lui-même ; encore quand il suit un maître à penser, c'est lui qui l'a choisi sous sa propre responsabilité. La loi n'est plus que la volonté du prince, du roi, de l'empereur, et elle peut être contraire à la raison, à l'humanité (concept d'origine stoïcienne) : l'homme de bien suivra la voix du devoir, quelles qu'en puissent être les conséquences, qu'il soit esclave, telÉpictète, ou qu'il soit sur le trône, tel Marc Aurèle. Son devoir n'est pas devoir de Grec ou de Barbare, d'homme libre ou d'outil à face humaine acheté au marché : il est devoir d'homme.
On comprend pourquoi cette philosophie a pu devenir celle de la Rome de l'époque des guerres civiles et de l'Empire, et pour des groupes politiquement opposés : philosophie de la noblesse régnante (Cicéron, Brutus) ou opprimée (conspirations sénatoriales contre les empereurs), philosophie du sujet vivant dans l'insécurité, philosophie de celui à qui incombe l'exercice du commandement et qui se considérerait comme tyran s'il n'écoutait pas la loi naturelle (concept qui constitue la contribution la plus importante de l'école à la discussion philosophique portant sur la politique). Elle y réussit d'autant plus facilement que le droit romain, à l'origine applicable seulement aux citoyens romains, a dû développer des règles valables pour les conflits entre membres de communautés de traditions différentes, entrés en contact et en opposition depuis qu'ils vivent sous la même domination : tout individu juridiquement libre est dans un rapport immédiat au pouvoir judiciaire comme il l'est, philosophiquement, à la nature et, politiquement, au pouvoir absolu.
Le résultat en est la naissance d'une société a-politique. Le pouvoir se trouve entre les mains d'un maître qui est seul à prendre des décisions : les citoyens mènent une vie privée, c'est-à-dire sans droits politiques. En principe, ils jouissent de la sécurité de leur vie et de leurs possessions, mais grâce à la bonne volonté de leur maître. Le sens de leur existence n'est plus situé au niveau d'une communauté qui choisit son avenir, son sort, sa morale. Aussi la religion, n'étant plus religion de la cité, joue-t-elle un rôle tout autre ; en particulier chez ceux qui, parce que pauvres, ne peuvent pas jouir des plaisirs que ce monde offre aux riches, la quête d'une consolation (et l'espoir d'un juste retour des choses), une religion du sentiment, de l'espérance en un au-delà, en des divinités qui prennent soin, non de la cité, mais de l'individu, se répand rapidement. On obéit aux lois parce que l'on n'a pas le choix ; mais ce n'est pas dans la loi qu'on se sent enraciné ; on travaille ou l'on attend du gouvernement sa subsistance ; mais toujours plus nombreux sont ceux qui ne se satisfont pas d'un sort qui ne leur laisse que le rôle de sujet du droit privé : ce que les Grecs et les Romains de l'époque républicaine avaient considéré comme leur liberté, cela a disparu ; l'homme qui ne se contente pas du pain quotidien et des amusements (panis et circences) qu'offre l'empereur cherche dans son salut ce qui l'élève au-dessus de ce monde.

3.  La cité terrestre et le salut de l'humanité

  Le christianisme et l'Empire romain

Parmi les religions transcendantes, c'est le christianisme qui, en Occident, l'a emporté. Une des raisons (non l'unique) de son succès se trouve dans le fait que, très tôt, il s'organise comme Église (assemblée) ouverte à tous, sans condition de race, tradition, richesse, langue, condition juridique. Cette organisation est du type de celle de l'Empire par son esprit universaliste qui fait qu'elle n'exclut même plus les esclaves et les Barbares ; elle est du même type encore par la stricte organisation du pouvoir, lequel, non politique, du moins au départ, mais spirituel, décide de la vraie foi (dogme), tout en établissant une hiérarchie des fonctions d'autorité administratives, voire juridiques : le peuple de Dieu vit sous la houlette de ses propres chefs. L'évolution vers un pouvoir unique, centralisé, sera lente, et elle ne sera jamais achevée ; la tendance fondamentale n'en est pas moins évidente.
Or le peuple de Dieu est en même temps le peuple de l'Empire, et ceux qui cherchent leur salut dans l'Église doivent trouver leur subsistance sous le règne de l'empereur : l'individu appartient en même temps à deux communautés. Abstraitement, le conflit entre les deux organisations n'est pas inévitable : l'Évangile et les lettres pauliniennes prônent l'obéissance aux puissances légitimes de ce monde, en ne réservant que les droits de Dieu ; on est soumis aux autorités, à moins que celles-ci n'exigent des actes qui seraient des trahisons à la foi. Aussi l'Empire peut-il se faire chrétien : son chef sera dorénavant empereur par la volonté divine, et sa majesté sera sacrée, non au sens antique de ce qui a droit à une obéissance et un respect absolus, quoique ce droit lui reste, mais par un décret du Dieu personnel portant son choix sur une personne vivant sous son regard.
À Byzance, malgré des conflits incessants entre la cour et les dignitaires de l'Église, le principe d'une telle fusion (césaropapisme) sera toujours reconnu. La situation sera tout autre en Occident, où l'interruption de la succession des empereurs, à côté de la continuité des fonctions papales, fait passer le principe de l'unité de la communauté du côté des autorités religieuses et où le pouvoir politique ne parviendra à s'affirmer que dans une lutte avec l'Église qui durera de longs siècles. C'est saint Augustin qui, au moment de la chute de l'Empire d'Occident, révèle les difficultés du rapport entre les deux autorités : l'Église, communauté des élus (Église invisible, mais représentée sur terre par une Église visible qui englobe des pécheurs damnés à côté des élus), reconnaît l'État comme l'organisation des hommes charnels, nécessaire pour refréner la concupiscence d'êtres qui, depuis la chute première, ne suivent pas spontanément la loi divine et qui, sous peine de vivre dans le désordre, la violence, le crime, ont besoin d'une autorité contraignante pour leur propre bien terrestre. Mais ce bien n'est pas le bien véritable, il est subordonné, par essence, à la recherche du salut et ne peut valoir que pour autant que l'État soumet, à l'aide de ses propres moyens, les pécheurs à la discipline ecclésiastique et fait entrer dans l'Église les adorateurs des faux dieux. C'est l'Église qui juge si l'État est bon ou mauvais, si ses dirigeants appartiennent à la masse des rejetés ou au nombre des croyants auxquels est réservé le salut éternel. Il y a deux glaives, deux couronnes, deux lois et les deux ne sont pas de dignité égale. L'État est dévalué, ses lois et ses actes peuvent être invalidés par l'Église au nom de la loi divine, comme au nom d'une loi que révèle la nature, elle aussi voulue par Dieu et lisible comme expression de sa volonté (historiquement, c'est un retour aux idées stoïciennes : la protection des enfants à naître contre l'avortement, des nouveau-nés contre l'exposition, le principe de l'humanité à respecter en tout homme, de la propriété, de la sainteté de la famille, des contrats librement ou tacitement conclus, des devoirs d'État, etc.). Lorsque le monde ne se soumet pas à cette double loi, c'est le règne de la violence ou bien la conspiration des violents associés sous une loi dont ils ont besoin pour pouvoir agir, mais qui est d'inspiration diabolique.
فدوى
رد: POLITIQUE La philosophie politique
مُساهمة السبت فبراير 13, 2016 2:08 pm من طرف فدوى

  Le pape et l'empereur au Moyen Âge

Le conflit entre les deux autorités remplit l'histoire et la pensée politique du Moyen Âge. Le souvenir de l'Empire romain ne périt pas et affleure toujours de nouveau, particulièrement dans la pensée des légistes, défenseurs et propagandistes de l'autonomie de l'empire et bientôt de ces États particuliers qui refusent la subordination à tout pouvoir universel, soit d'Église, soit d'empire. La religion chrétienne n'en est pas moins reconnue en sa valeur absolue et comme ce qui distingue le monde occidental du monde arabo-musulman. En ce sens, elle est la religion des États ; mais elle est la religion des individus en tant que tels, ces individus constitueraient-ils la totalité des citoyens (ce qui ne fut pas toujours le cas, par exemple au royaume sicilien de Frédéric II) : le prince peut ainsi affirmer son autorité contre une Église qui, en cas de conflit, en appelle à la conscience religieuse des sujets, les délie de leurs obligations politiques, et proclame la déchéance religieuse, donc politique selon elle, du chef désobéissant (ainsi, l'empereur Henri IV doit faire à Canossa pénitence de chrétien).
Concrètement et, par la suite, sur le plan des idées, cette lutte se poursuivra et se décidera au niveau de la société. Autant que l'État, l'Église est engagée dans ce monde dont elle tire les moyens de maintenir son gouvernement et son administration. Or, au moment du réveil des cités antiques en Italie, de la naissance de nouvelles cités dans l'Europe du Nord, de larenaissance d'un commerce et d'une industrie (tissus, mines, navigation, etc.), le calcul prend une place de plus en plus grande dans les esprits. On veut faire son salut, mais sans renoncer à la rationalité du monde qui travaille, produit, s'enrichit : l'Église n'a pas à intervenir dans les affaires de la société, laquelle pense se trouver mieux si elle n'était soumise qu'à des princes qui, en lutte les uns avec les autres, ont intérêt à disposer de moyens que seule la bourgeoisie naissante peut mettre à leur disposition. L'alliance des princes avec les villes est dans la nature des choses (de ce monde).
Il n'en découle pas que les deux grands mouvements anti-universalistes du début des Temps modernes aient été inspirés par de pures considérations d'intérêt matériel : ni les différentes Réformes, ni le nouveau patriotisme ne sont d'inspiration « matérialiste ». Sous d'autres conditions sociales, ils n'auraient cependant pas mieux réussi que tant de tentatives de retour à un christianisme pur et non installé dans le monde qui les ont précédés. La recherche du salut se fait donc dans le monde, mais contre le monde ; or l'individu qui a pris conscience de ses intérêts avec une sorte de mauvaise conscience constate que l'Église elle-même s'est faite mondaine. Il doit chercher lui-même, il n'accepte plus d'être conduit, tel un enfant, par une autorité qui n'est que trop clairement celle d'une Église visible, sécularisée dans ses aspirations politiques comme dans ses techniques financières.
Le conflit des deux mondes s'approfondit ainsi. En tant que membre de la société du travail dont proviennent toute richesse et toute puissance, le chrétien cherche des satisfactions auxquelles, malgré la prédication d'une Église qui lui paraît trop intéressée, il pense avoir droit comme habitant de ce monde. Il se tourne donc vers l'autorité du prince pour être défendu de la tyrannie spirituelle et de l'exploitation économique. Il se fait citoyen, mais il se fait citoyen, par opposition à l'homme antique, au niveau de la société, abandonnant au prince le souci des affaires politiques et se montrant prêt à le soutenir dans ses combats pour l'indépendance d'une société qui se fait nationale précisément parce qu'elle se tourne vers un prince qui ne peut pas ne pas chercher à réaliser, dans toute la mesure du possible, une unité politico-administrative puissante, donc étendue et riche ; cette unité a sa morale dans la loyauté envers l'État, loyauté fondée sur l'appel à une tradition commune, historique ou à créer.

4.  L'État au service de la société

  De Machiavel au « contrat social »

C'est Machiavel qui formule les principes de la nouvelle pensée politique avec le plus de rigueur. Seul un État fort à l'intérieur comme à l'extérieur peut donner à ses citoyens ce que ceux-ci regardent légitimement comme leurs droits fondamentaux : la sécurité de leur vie, de leur honneur (protection contre les insultes), de leur fortune. Les hommes ne cesseront d'être immoraux, violents, menteurs qu'à ce prix. Aussi seul un État autonome, État d'une communauté historique fondée sur une langue, une culture, un souvenir communs, pourra-t-il résister, grâce à l'esprit de sacrifice de citoyens protégés en leurs droits, aux assauts de ses voisins et à la décomposition interne. Machiavel veut une société morale, c'est-à-dire où règne la confiance mutuelle, à l'abri d'un pouvoir respectueux des membres de la société. Il n'y a qu'apparente contradiction dans le fait que le même Machiavel conseille au fondateur d'un tel État l'emploi de tous les moyens même les plus immoraux : c'est que l'État reste à créer et que le monde à partir duquel et contre lequel il doit être édifié est violent, sans morale, sans véritable communauté, et qu'il faut éliminer tout ce qui survit deféodalité, de particularisme, de prétentions mondaines d'une Église politisée. Qu'une vie morale ne soit guère possible sans « religion », sans reconnaissance vécue de principes derniers, Machiavel le sait ; mais une telle religion (ou faut-il dire : religiosité ?) ne peut exister que dans l'État d'une communauté vraie et sera fidélité religieuse envers lui ; ce ne saurait être une religion qui détourne l'homme du monde, dans lequel il vit et agit pour le transformer en âme à la recherche d'un salut transcendant et en faire l'esclave de ceux qui disposent, pour leurs intérêts très terrestres, de l'accès à l'autre monde.
Jean Bodin élaborera le concept de souveraineté de l'État, c'est-à-dire du prince, en toute clarté. Ce qu'implique ce concept n'en est pas moins présent chez Machiavel et s'y dessine peut-être mieux. Le souverain (roi, aristocratie, assemblée) est le défenseur de la société ; il a tous les droits, puisque rien n'existe au-dessus de lui ; mais son intérêt aussi bien que la loi naturelle de la distinction du mien et du tien, de l'inviolabilité des contrats, du respect dû à l'individu restreignent l'exercice d'une prérogative en principe sans limites : en ruinant la société, le prince ruinerait l'État, qui tire sa puissance d'une société dont cette loi naturelle exprime le principe. Car ce que cherche l'homme à présent, ce n'est plus la félicité intemporelle du sage antique, ni celle, espérée, du chrétien : c'est l'être de besoins et de désirs qui peuple la société et l'État. Hobbes l'exprimera sous la forme la plus radicale : seul un État tout-puissant protégera les membres de la société contre la démesure de leurs désirs innés de gloire et de richesse qui, sans contrôle, déchaîneraient la lutte de tous contre tous. Les individus abdiquent tout leur pouvoir entre les mains d'un seul afin d'être défendus contre eux-mêmes, non pour s'occuper des affaires d'État, mais pour pouvoir vaquer à leurs affaires à eux et pour pouvoir jouir en paix de leurs biens acquis.
C'est ainsi que naît l'idée d'un contrat social, idée contradictoire puisqu'elle suppose un contrat pour fonder la possibilité de tout contrat, idée pourtant très compréhensible puisqu'elle expose la façon selon laquelle l'homme s'interprète maintenant : il est, non pas être raisonnable, mais être rationnel, calculateur de son intérêt et, puisqu'il ne peut pas atteindre ses buts ni conserver les avantages obtenus en l'absence d'une régulation sûre des rapports de tous avec tous, il mesure ce qui est à l'idéal d'un contrat conclu entre êtres qui mettent leur avantage durable au-dessus des satisfactions immédiates de l'amour de soi, contrat donc entre hommes naturellement égaux, naturellement conduits par les mêmes désirs, naturellement calculateurs, naturellement portés à la recherche de la sécurité. Que ce contrat soit sans condition aux yeux de Rousseau, qu'il soit complété, comme chez Locke, par un quasi-contrat qui stipule les conditions sous lesquelles la société se soumet au prince et qui la dispense de toute obéissance si celui-ci enfreint les stipulations acceptées, il reste toujours que l'État est le produit de la société et qu'il doit justifier son existence devant elle : ce n'est pas un hasard que l'on n'ait jamais parlé de contrat politique, mais seulement de contrat social.
En fait, les États qui sont ainsi soumis au jugement ne sont pas nés d'un contrat. Ils ont été créés par des « ramasseurs de terres », ils sont historiques, comme sont historiques les sociétés particulières qu'ils organisent, administrent, conduisent : Rousseau est logique s'il désespère du salut des États de son époque, tous également éloignés du pur principe, tous dominés par des morales et des formes constitutionnelles historiques. Montesquieu a beau développer les principes moraux des différentes formes de gouvernement, il aura beau chercher l'équilibre dans une constitution qui réconcilie l'élément monarchique avec l'aristocratie et la démocratie de l'égalité sociale, son enseignement porte des fruits là où société et État ne font que naître (aux États-Unis) ou là où l'absolutisme a échoué (en Angleterre), mais ces fruits ne gardent leur fraîcheur que jusqu'au moment de la grande lutte de la société contre un État qu'elle condamne comme purement historique et qui, selon elle, outrepasse ses droits et restreint ceux du citoyen sans pouvoir se réclamer d'une nécessité rationnelle.
فدوى
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مُساهمة السبت فبراير 13, 2016 2:09 pm من طرف فدوى

  État historique et État rationnel

Ainsi, l'État ne doit pas se mêler de la religion de l'individu aussi longtemps que ses croyances ne troublent pas l'ordre social et politique, en quel cas il peut et doit intervenir, mais non en prenant parti pour l'une ou l'autre des confessions (Spinoza, Bayle) ; les règlements financiers ne doivent pas être conçus au profit d'une cour, d'une noblesse, d'une Église, que l'on peut tout au plus laisser subsister si ces formations historiques ne gênent pas le fonctionnement de la société moderne et rationnelle ; les postes de responsabilité dans l'administration et dans l'armée ne doivent pas être réservés aux membres de telle ou telle caste ; la propriété et l'exercice des métiers ne doivent pas être asservis sous prétexte d'être protégés ; la circulation des biens doit être libre. Tout doit mener, sous l'aiguillon de la concurrence, au succès des plus compétents et ainsi au plus grand accroissement de la richesse sociale. Et, comme les privilégiés entendent défendre leurs avantages et leur honneur particuliers, le conflit éclate entre un pouvoir étatique historique et une société qui veut un État rationnel à son image.
C'est l'époque des grandes révolutions bourgeoises qui suivent ou accompagnent les révoltes anti-universalistes religieuses ou politiques (les premières et les secondes historiquement liées entre elles, à moins qu'elles n'unissent leurs forces) : révolution puritaine, révolution des colonies anglaises de l'Amérique du Nord, Révolution française et celles qui suivent en Europe la restauration (passagère) des anciennes formes. L'individu réclame ses droits d'un État qu'il veut défenseur et protecteur des intérêts de la société, organisateur et législateur dans la mesure du strict nécessaire (Smith, Saint-Simon,Comte, Wilhelm von Humboldt).
Ce que le membre de la société découvre cependant au cours de cette lutte et surtout après sa victoire, c'est que même l'État postrévolutionnaire ne se réduit pas au simple rôle de serviteur de la société. La pluralité des sociétés particulières constituées en États fait qu'une lutte purement politique, quoique reposant sur un fondement social, s'établit entre les sociétés-États ; et l'enseignement de Machiavel et de Rousseau sur la nécessité d'une religion du patriotisme, les thèses de Montesquieu sur le rôle du principe moral remontent à la surface, pour autant qu'ils aient été oubliés. L'État n'est pas seulement, comme le déclarent Kant et Fichte (et Hobbes avant eux), État du besoin et du calcul (Not- und Verstandesstaat) ; s'il est l'organe de la réflexion et de la décision rationnelle d'une communauté particulière, il n'est pas seulement cela, il est aussi, peut-être surtout, l'institution dans laquelle une morale vivante et historique se comprend en se réalisant. La révolution de la société contre l'État historique aboutit à l'État rationnel d'une nation née de l'histoire.

5.  La philosophie politique moderne

  Hegel

C'est dans la pensée de Hegel que se rencontrent tous les courants du passé, à l'exception des idées universalistes et théocratiques, et c'est à partir d'elle que de nouvelles façons d'interpréter la réalité politique prennent leur origine. Selon Hegel, la vie politique naît avec la distinction du mien et du tien ; de là, elle passe au contrat, elle exclut, avec les concepts de crime et de punition, l'idée de la violence, et va à l'affirmation du principe de l'universalité d'une morale formelle pour laquelle l'individu humain constitue une valeur absolue. Mais comme cet impératif (kantien) n'est que formel, la réalité ne s'en contente pas ; ce qui la structure, c'est une morale concrète, à la fois historique et soumise aux exigences rationnelles du travail social tel qu'il a pris forme avec l'avènement du machinisme et la division du travail. Comme toute morale, elle exige de l'individu qu'il soumette sa volonté particulière aux nécessités d'un Tout qui, en revanche, en reconnaît les droits sur le plan, socialement et légalement institutionnalisé, de la propriété, du métier, de la famille et de la religion.
La société du travail constitue ainsi la perspective sous laquelle le monde historique apparaît à l'individu. Mais précisément, dans cette perspective, le monde historique présent devient incompréhensible : la propriété privée des moyens de production industrielle, la concentration de la richesse entre les mains d'un groupe toujours plus restreint sous l'influence de la concurrence maintenant mondiale, les crises que cette même concurrence provoque font que le processus social apparaît comme un sort aveugle. La fortune des fortunés dépend de facteurs qu'ils ignorent et ne peuvent pas maîtriser, et une masse d'hommes de plus en plus considérable est vouée à un travail parcellaire et insensé pour eux, à une insécurité permanente qui les exclut, simples instruments, sujets interchangeables, de tout accès à la condition de ceux qui possèdent un métier ou un capital et qui, conscients de leur dignité d'hommes reconnus dans la société, vivent une morale concrète, ont une religion, une famille aussi longtemps que la crise ne les précipite pas dans la masse. Concentration des capitaux, prolétarisation continue, pour employer des termes modernes, décomposent la société nationale de l'intérieur et révèlent des contradictions qu'elle ne sait surmonter.
Hegel n'a pas été le premier à constater cette dialectique de la société capitaliste industrielle : Saint-Simon, Comte, Ricardo la discernent également ; mais tandis qu'ils attendent la solution d'une abolition de l'État historique au profit de la société par l'action de ceux qui comprennent le mécanisme socio-économique et y occupent les places décisives (à moins qu'ils ne désespèrent de toute solution sinon par une restauration du passéorganique : Sismondi, de Maistre, Bonald), Hegel attend précisément du gouvernement, en fait d'une administration neutre sur le plan social, la guérison des maux : l'État seul est capable de voir la structure de la société moderne, internationale ou supranationale par suite de la concurrence universelle, de prévoir, de défendre les intérêts de la société particulière, de maintenir le droit à l'intérieur, l'indépendance à l'extérieur (par la guerre s'il le faut), d'imposer aux riches une conduite qui tienne compte de l'honneur de tous et de chacun, à la société en sa totalité les sacrifices qu'exige la dignité nationale, fondement de la dignité des citoyens. L'État est et reste un appareil de contrainte, mais de contrainte à la rationalité et à la morale de la dignité de l'homme, d'un homme qui sera libre et se saura libre parce que rien ne lui sera imposé qu'il ne puisse comprendre comme nécessaire, qu'il aura une place et des droits dans une société organisée et non plus de pure lutte entre intérêts aveugles, qu'il pourra se faire entendre du gouvernement, et que ses convictions, à condition de ne pas mener à des actions contraires au droit, en particulier ses convictions religieuses, seront respectées. C'est dans l'État que la société se pense, et c'est lui qui seul peut préserver l'héritage qui constitue la nation. L'État est en effet historique ; mais il est par là au-dessus du rationalisme de la société : son histoire est celle de la raison incarnée qui, pensant la réalité, la transforme pour y rendre concrètes la liberté, la dignité, la satisfaction de l'homme éduqué par elle.

  Marx et Lénine

Le plus grand des disciples de Hegel, Marx, reste dans la ligne ainsi tracée, mais l'infléchit sur un point décisif : Hegel, selon lui, parle d'un État idéal, d'un État neutre, tandis que, en fait, aucun des États existants n'est capable de jouer le rôle d'arbitre et de guide désintéressé : le gouvernement et l'administration ont été accaparés par la classe capitaliste et ne sont que des instruments d'exploitation des masses laborieuses, auxquelles la propagande des nantis essaie constamment de cacher leurs véritables intérêts. Marx suit ainsi les premiers socialistes ; ce qui le distingue d'eux, c'est que son intention n'est nullement d'élaborer une utopie (et c'est une utopie à ses yeux que de demander aux capitalistes de se conformer aux règles d'une vraie société) ; fidèle à Hegel, il cherche à découvrir dans la raison historique, et ainsi incarnée, mais encore imparfaitement incarnée, les facteurs qui agissent en vue du but raisonnable, les forces déjà à l'œuvre, déjà constituées en contradictions réelles, dialectiquement antagonistes et collaborantes en même temps. Or la loi du mouvement historique se trouve là où réside l'essentiel du monde moderne, dans son économie et dans les processus de production. Le mode de production capitaliste, comme Hegel et ses maîtres en économie l'avaient vu, crée inévitablement le prolétariat, c'est-à-dire, ajoute Marx, une masse d'hommes qui sont obligés de vendre la totalité de leur force de travail aux conditions du marché et de se transformer eux-mêmes en marchandises que les acheteurs, les capitalistes, sont forcés, par la concurrence qui régit leurs relations, à acheter au plus bas prix possible pour obtenir la plus-value la plus élevée. Mais les forces de production et le rendement technique augmentent, pendant que les acheteurs possibles s'appauvrissent, sinon continuellement, du moins régulièrement ; la production devient anarchique, parce que la forme technique du travail social et les formes juridiques et politiques de la propriété se contredisent, et des crises de plus en plus profondes détruiront la société moderne, à moins que tout le système ne soit radicalement transformé. Pour cela il est nécessaire, mais aussi suffisant, que le prolétariat comprenne sa propre situation et, avec elle, celle de la société tout entière : la révolution des vrais producteurs contre leurs exploiteurs, contre l'appareil de contrainte et de propagande que sont les institutions politiques existantes sera la fin d'une histoire dans laquelle la raison n'a agi qu'inconsciemment, et une histoire de la liberté pourra s'instaurer grâce à l'action de la classe qui, parce que privée de tout, n'aura pas d'intérêt particulier à cacher sous les mots de liberté et de dignité. Une société réellement organisée apportera à tous ce que, jusqu'ici, seuls des groupes limités avaient obtenu à leur propre avantage et au prix de l'oppression de ceux dont les intérêts ne coïncidaient pas avec les leurs.
C'est cette science de la dialectique réelle (« matérialiste ») qui permettra une stratégie également scientifique, conduisant le prolétariat à la victoire. Contre les intérêts particuliers, seule la révolution peut conduire à la victoire de la société sur l'État. Elle ne sera pas nécessairement violente : elle pourra, sous des conditions favorables, se faire par les voies légales de la démocratie formelle ; elle sera cependant toujours révolution, parce qu'elle renversera toutes les conditions historiques, politiques, économiques, sociales. Le but est la création d'une société mondiale des producteurs, sans guerres, sans contraintes policières, sans oppressions, une société dans laquelle ce qui subsiste d'État ne sera plus que l'administration des choses, de la production, de la distribution, non un gouvernement des hommes par d'autres hommes.
La révolution elle-même sera néanmoins politique, étant la conquête de l'appareil politico-administratif, voire son perfectionnement : après la prise du pouvoir, il faudra pouvoir dompter par la dictature et la terreur la révolte contre-révolutionnaire des capitalistes survivants et de ceux qui succombent à leur propagande. De cette nécessité, Lénine tirera les conséquences : la révolution sera l'œuvre de révolutionnaires professionnels, de fonctionnaires de la révolution pourrait-on dire, sans lesquels les masses ne viseraient que des avantages temporaires, non une transformation radicale du tout de la société. Il s'oppose ainsi à l'anarchisme, né de l'aspiration au même idéal d'une libre association des producteurs (Proudhon, Bakounine, récemment H. Marcuse), mais faisant confiance à la spontanéité des masses et hostile à toute organisation autoritaire, fût-elle celle d'un parti révolutionnaire ; pour Lénine, l'État, monopole de la violence légitime, ne doit pas être détruit, mais dépérir par la disparition de l'exploitation des hommes, donc de la violence dans la société.
فدوى
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مُساهمة السبت فبراير 13, 2016 2:09 pm من طرف فدوى

  Pratique et théorie à l'époque actuelle

La conception marxiste de la politique de l'histoire, de l'action a incontestablement exercé une influence décisive sur la pensée politique contemporaine, et non seulement parce que le marxisme est devenu théorie d'État pour une grande partie de l'humanité. Mais cette influence s'est souvent exercée sur le seul plan de la détermination des problèmes, qui, par la suite, ont été traités dans un esprit opposé au sien. On a fait observer que l'histoire n'a pas suivi la route que lui avait tracée Marx, et que la pratique avait contredit la théorie qui serait donc à abandonner ou à réviser : la révolution a eu lieu dans des pays à prolétariat faible, non dans les sociétés à capitalisme développé, l'État ne semble pas dépérir dans les pays socialistes, etc. On a ensuite protesté contre la pratique de la théorie qui conduit dans une première phase, mais celle-ci dure, à la restriction des droits individuels – dont la reconnaissance est pourtant un article fondamental de la théorie pratique. Les objections relèvent sur ce point d'une philosophie héritière du libéralisme d'un Tocqueville, d'un John Stuart Mill (qui, de même que plus tard Schumpeter, veulent concilier socialisme et libertés individuelles), aux yeux desquels l'État a pour tâche principale de favoriser le plein développement intellectuel et moral de l'individu par ses propres forces, non par une éducation contraignante : il ne faut pas sacrifier les libertés déjà acquises à une réalisation totale à atteindre seulement dans un avenir infiniment distant et sous la conduite d'une dictature incontrôlée et incontrôlable.
Ces critiques peuvent s'allier à des attitudes pragmatiques : le problème signalé par le marxisme et le socialisme en général est réel et urgent, mais il peut être résolu par des mesures empiriques, appuyées sur des sciences positives comme l'économie politique ou la sociologie analytico-descriptive qui circonscrivent avec précision les difficultés, les tensions, les conflits existants ou naissants et élaborent des schèmes de solution sous forme hypothétique (si l'on veut ceci, il faut prendre telle mesure ; si l'on prend telle mesure, voici ses conséquences), le but étant la préservation ou le rétablissement de la paix intérieure. L'influence d'un J. M. Keynes sur la politique de F. D. Roosevelt en fournit une illustration ; de remarquables analyses de la situation intellectuelle, par ce qu'elle signifie pour les décisions politiques, se rattachent à cette lignée (Raymond Aron). Une opposition de fond est venue d'une manière de penser qu'on pourrait qualifier de néo-classique. On s'est alors attaqué aux fondements philosophiques du marxisme, particulièrement à son historisme, et cela de deux côtés : d'une part, on renvoie à une loi naturelle d'origine divine, soit révélée dans l'histoire, soit lisible dans le livre de la création (enseignement officiel de l'Église catholique, théories de type augustinien ou thomiste) ; de l'autre, on retourne à l'enseignement de Platon et, dans une moindre mesure, d'Aristote, en insistant non sur lesdroits de l'homme, mais sur ses obligations, voyant dans l'homme non un être de désir à la recherche de jouissances (ce qui est reconnu comme étant le cas sur le plan de l'observation, mais comme montrant aussi la déchéance humaine), mais l'être raisonnable qui à chaque moment doit réaliser sa nature (Leo Strauss). Si les premiers critiques du marxisme n'élaborent pas une philosophie politique et se contentent d'une tradition à leur idée évidente, les seconds ne paraissent pas proposer une méthode d'application pour des thèses qu'ils formulent en philosophes, sans référence directe à la réalité du jour.
La discussion contemporaine suit les lignes de partage tracées par les théories classiques. On accorde généralement que la philosophie politique traite de l'État, considéré comme institution-organisation d'un groupe historique (nation), ayant pour but de défendre celui-ci contre ses ennemis extérieurs (armée) et de la violence à l'intérieur (police), disposant du droit de prélever une partie du revenu des individus pour ces fins (finances), réprimant les infractions aux lois qui règlent les rapports entre individus et groupes (pouvoirs législatif et judiciaire) ; il est ainsi détenteur du monopole de la violence légitime (qu'il peut en partie déléguer) et appareil de contrainte envers ceux qui enfreignent sa loi et s'opposent à ses décisions.
La discussion commence dès que l'on pose la question de la justification de cette institution et de sa finalité. Lorsque cette justification est cherchée dans les services que l'État rend à la société de libre compétition, on voudra restreindre l'intervention de l'État dans la mesure du possible ; l'on se défiera d'un pouvoir trop fort, en prônant un système de contrepoids et de garanties juridiques (cours constitutionnelles, référendum populaire, etc.). Les adversaires de ces libéraux et de la démocratie formelle visent, eux, une transformation radicale des structures sociales ; ils sont d'accord avec ceux-là sur la prééminence de la société, dont l'État doit être le serviteur, mais ils ajoutent que l'État tel qu'il existe ne peut pas remplir ce rôle : les anarchistes considèrent la disparition de tout gouvernement comme le premier but, tandis que ceux qui se réclament de Marx, d'Engelset de Lénine voient dans cette disparition le stade dernier du processus historique de la transformation sociale, laquelle est cherchée ou bien au moyen de la révolution violente, ou bien par la conquête légale du pouvoir (les positions changent selon les moments et les lieux). Aux libéraux comme aux radicaux s'opposent les penseurs qui, subordonnant la société à l'État, affirment l'autonomie de ce dernier et d'une politique pure. Les deux premiers partent, consciemment ou non, du principe de certains droits inaliénables de l'homme et du citoyen, fondé sur une anthropologie philosophique cosmique, naturaliste ou religieuse ; les seconds n'assignent à l'action du gouvernement (de l'État) aucune limite autre que celle que constituent les circonstances intérieures et extérieures, de telle façon que tout problème moral tombe en dehors du domaine politique, et que le seul rapport d'hostilité ou d'alliance entre groupes à l'intérieur avec des puissances à l'extérieur suffit à faire comprendre et à diriger la réalité politique (C. Schmitt) : l'État est l'État d'une nation qu'il constitue plus qu'elle ne le constitue (nationalisme, fascisme et, en ce qui concerne le droit, positivisme juridique qui définit la justice par renvoi au droit existant).
Entre les deux positions extrêmes, dont la première pourrait être caractérisée comme d'inspiration aristotélicienne, la seconde comme de tradition platonicienne, toutes sortes de théories intermédiaires se rencontrent : la souveraineté de l'État peut être limitée à une souveraineté purement intérieure (fédération d'États, États fédératifs), l'État peut être considéré comme celui d'une communauté religieuse (religion d'État) ou raciale, comme étant essentiellement en concurrence avec d'autres États jouissant d'une organisation socio-économique différente (lutte entre systèmes, coexistence pacifique), comme la cellule mère d'un monde sans frontières (communisme de diverses obédiences, libéralisme économique à l'échelle mondiale) ; la compétition mondiale pour les richesses naturelles peut mobiliser le sentiment national et le patriotisme d'État. Les variantes sont nombreuses ; aucune théorie qui se veut adéquate à la compréhension (non seulement à la critique) de la réalité politique n'évite de reconnaître les deux aspects fondamentaux indiqués ; chacune variera au gré des circonstances et accentuera l'un ou l'autre des deux, parfois en faisant d'une théorie élaborée ou modifiée ad hoc une arme dans la lutte pour ses buts (propagande, ou, en cas d'adhésion subjectivement sincère à une théorie insuffisante mais utile, idéologie).
Éric WEIL
 

POLITIQUE La philosophie politique

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