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 L’équipement politique des passions

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كاتب الموضوعرسالة
سميح القاسم
المد يــر العـام *****
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سميح القاسم


التوقيع : تخطفني الغاب، هذه امنيتي الحارقة حملتها قافلتي من : الجرح الرجيم ! أعبر من ازقة موتي الكامن لاكتوي بلهب الصبح.. والصبح حرية .

عدد الرسائل : 3209

تعاليق : شخصيا أختلف مع من يدعي أن البشر على عقل واحد وقدرة واحدة ..
أعتقد أن هناك تمايز أوجدته الطبيعة ، وكرسه الفعل البشري اليومي , والا ما معنى أن يكون الواحد منا متفوقا لدرجة الخيال في حين أن الآخر يكافح لينجو ..
هناك تمايز لابد من اقراره أحببنا ذلك أم كرهنا ، وبفضل هذا التمايز وصلنا الى ما وصلنا اليه والا لكنا كباقي الحيونات لازلنا نعتمد الصيد والالتقاط ونحفر كهوف ومغارات للاختباء
تاريخ التسجيل : 05/10/2009
وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 10

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07122010
مُساهمةL’équipement politique des passions

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  • 1 . On n’aura garde d’abuser du quantificateur existentiel qui tend, en ce genre de circonstances, à a(...)
  • 2 . Réédition Gallimard, coll. « Quatro ».

1L‘analyse remarquable de la réception proposée ici même par Jean-Marc Leveratto m’offre l’opportunité de n’avoir pas à insister sur les différentes épreuves de grandeur entre auctores et lectores que l’on rencontre nécessairement en pareille occasion et d’aller directement au cœur de mon propos, qui consiste à explorer quelques chemins reliant ma recherche aux travaux de Michel Foucault. N’ayant donc pas à expliciter les multiples dettes que j’ai, comme tout un chacun, contractées vis-à-vis de lui, je puis préciser que cette exploration ne rend pas compte d’un lien simple. C’est en effet à un certain moment d’une réflexion théorique engagée sans référence à lui que la lecture de Foucault m’a confronté à d’autres formulations de problèmes que je me posais. Ce qui, dans un premier temps, s’offrait à moi comme une simple alternative à ma conceptualisation, a pourtant progressivement fonctionné comme une incitation à l’approfondissement. S’il faut désigner d’un trait les circonstances personnelles 1 de cette progression, je dirai que, lecteur cadré par la précision organisée des trois volumes de l’Histoire de la sexualité, je me suis au contraire laissé emporter par la précision proliférante des Dits et écritsD&É » désormais). Non spécialiste des travaux de Foucault, je n’ai évidemment aucune thèse à formuler sur cette réception différentielle et peu concerné par la hiérarchisation des textes, je choisirai dans ce qui suit de me référer presque exclusivement à ces deux volumes posthumes 2.


  • 3 . La formule est à double entente : il s’agit que les individus produisent et par là ils seront prod(...)
  • 4 . On en trouve évidemment différentes variantes dans le tome II des D&É : « [...] et pour cela i(...)
  • 5 . Ainsi, en 1977, dans un entretien avec les psychanalystes lacaniens d’Ornicar, Michel Foucault se(...)

2Le point d’ancrage de mes retrouvailles est au fond une formule trouvée au hasard d’une de mes relectures de Foucault, une formule qui sonne comme le programme d’une économie politique de la production des individus 3. Une formule qui dit à peu près que l’impératif politique d’une société un minimum étatisée est d’« aller chercher le plus loin possible l’individu » 4. Non pour le barrer, le contraindre, mais au fond pour que ce qui serait dépourvu de cette forme élémentaire d’expression productive n’aille pas se disséminer et affaiblir la société, mais au contraire contribue à produire plus de société et d’État. On ne s’attardera pas ici sur l’originalité de la conception du pouvoir chez Foucault, malgré la persistance des malentendus, entretenus parfois par l’auteur lui-même 5, sinon pour dire d’un trait : s’il faut nier que le pouvoir soit « intriqué dans d’autres types de relations (de production, d’alliance, de famille, de sexualité) », qu’il soit de formes multiples (et non exprimé par le seul interdit ou châtiment), que l’« entrecroisement/des relations de pouvoir/dessine des faits généraux de domination » (au lieu d’en être l’effet), qu’il soit à la fois dispersé, hétéromorphe et réajusté par des stratégies globales (D&É-II, p. 425), alors, vraiment, mieux vaut dire que « le pouvoir ça n’existe pas » (D&É-II, p. 302). On ne s’y attardera pas, parce que ces mises en garde et ces distinctions n’ont de véritable intérêt que si elles orientent l’étude de contextes précis (comme Foucault lui-même l’a fait par l’analyse de figures historiques précises de techniques de gouvernement des individus). C’est pourquoi je suis particulièrement intéressé par la remarque sur la rationalité politique de notre temps qui figure presque à la fin de « La technologie politique des individus » : « La caractéristique majeure de notre rationalité politique tient, à mon sens, à ce fait : cette intégration des individus en une communauté ou une totalité résulte d’une corrélation permanente entre une individualisation toujours plus poussée et la consolidation de cette totalité » (D&É-II, p. 1646). Cette phrase donne une double direction à toute recherche empirique qui viserait à expliciter ce qu’« aller chercher le plus loin possible l’individu » veut dire.


  • 6 . On essaiera, mais c’est sans doute difficile, d’éviter le double écueil, vraisemblablement inhéren(...)

3Pourtant ces formulations invitent à se poser plusieurs questions 6, que l’on peut rassembler en deux séries, l’une visant les degrés d’intégration des individus, l’autre la variété de leurs investissements explicites dans la société.

4L’utilisation par Foucault des concepts de « techniques de soi » (répondant à la question : « comment constituons-nous directement notre identité ? », D&É-II, p. 1633) et de « technologies politiques » (répondant à la question : « comment sommes-nous amenés à nous reconnaître en tant que sociétés ? », D&É-II, p. 1633) vise à rendre compte de ce mouvement d’équipement tendanciel des individus, mais, en première lecture du moins, ne nous dit rien sur ses différents degrés d’accomplissement, pourtant présupposés à juste titre par l’utilisation de la métaphore (« aller chercher le plus loin possible »). Tous les équipements anatomo-politiques ou bio-politiques seraient-ils équivalents ? Jouent-ils sur les mêmes ressorts de stabilité ? Au bout du compte, quelles définitions de la société et de l’État cela produit-il ? J’aimerais tenter de répondre à ces questions en utilisant la notion de « processus de politisation », que j’essaie de caractériser depuis de nombreuses années.

  • 7 . Voir, ici même, la mise au point de Jean-Paul Resweber, sur de Certeau et Foucault.

5Pour autant, ce mouvement, orchestré sans doute par des sujets variables et qui ne sont probablement que très partiellement concertants, ne produit pas que de la conformité : on sait bien que Foucault a déployé beaucoup d’énergie et de talent pour saisir toutes les formes de ratages, de décalage, de rébellion, de résistance, déclenchés par ce processus. L’accent mis, soit sur les formes de résistance, soit sur les formes d’étrangeté, n’a-t-il pas conduit à négliger les intermédiaires, c’est-à-dire l’infinité des formes d’hybridation des technologies politiques et des techniques de soi ? Il me semble que, plus neutralisée que la notion de « tactiques » utilisée par de Certeau 7, la notion de « cristallisations » pourrait permettre d’avancer sur cette voie. Et, au-delà, quelle conception de l’actant se trouve ainsi présupposée ? Plus encore qu’une question de vocabulaire, c’est une question d’ontologie : quel est cet « individu », qu’on va « chercher » ?
Technologies et équipements politiques : questions de degré et de stabilité


6Soient donc les « technologies politiques », c’est-à-dire les équipements codifiés qui visent à intervenir de façon positive et non pas seulement de façon négative dans la vie des individus 8. Notons au passage (mais on y reviendra plus loin) : on peut s’attacher à une conception prussienne (où la Politik assume le négatif, c’est-à-dire la lutte légale et militaire contre les ennemis et où la Polizei assume le positif, c’est-à-dire « accroître en permanence la production de quelque chose de nouveau, censé consolider la vie civique et la puissance de l’État », D&É-II, p. 1644) ou on peut s’attacher à une interprétation libérale des fonctions de l’État (où l’État n’assumerait que des tâches négatives) ; en d’autres termes, en transposant, on peut concevoir un État équipementier ou, au contraire, on peut se représenter des procédures d’équipement aléatoires et labiles, la libre rencontre marchande étant un effet de la main invisible ; mais dans tous les cas, il s’agit bien d’équiper pour stabiliser le lien social.

  • 8 . L’utilisation du terme « équipement » pourrait prêter à confusion. Il est certes utilisé par Fouca(...)

Les dispositifs de politisation des passions


7Par d’autres chemins 9, j’ai cherché à rendre compte de ces moyens de convertir les individus à des modes d’expression préférentiels de leurs passions, en termes de « processus de politisation ». Cette notion a, selon moi, l’avantage de rendre compte aussi bien des macro-stratégies de consolidation du contrôle social, inhérentes aux grands dispositifs de police, que des micro-stratégies disparates mises en œuvre par différents groupements privés au sein de la société. Le processus (asymptotique) de politisation, considéré comme le tissage, non systématisé mais relativement cohérent, d’un ensemble de liens (forts, faibles, absents ou insignifiants, contingents, potentiels 10, etc.) est un processus d’équipement cumulatif, au sens où chaque équipement de politisation peut en quelque sorte s’appuyer sur le précédent, quelle qu’en soit la distance, techniquement qualifiée. Cette cohérence tient moins, selon moi, à une ruse de la raison ou à une stratégie de construction de système, qu’à des parentés de visions du monde. Ainsi, par exemple, les différents dispositifs de maintien à domicile des personnes âgées, qu’ils soient à visée de community care 11 ou de prise en charge à la manière française, reposent-ils sur une composition entre une vision du monde autonomiste et une vision du monde compensatoire 12 (une même composition de visions du monde peut, par ailleurs, soutenir des dispositifs apparemment très éloignés les uns des autres, tant par les moyens qu’ils mettent en œuvre que par les comportements qu’ils visent à codifier).

  • 9 . Il s’agissait au départ d’une recherche sur les différentes formes d’expression des conflits se re(...)
  • 10 . Plus que cette énumération provisoire, une caractérisation des liens et de leurs diverses formes d(...)
  • 11 . Sur les fondements des problématiques du care et leur rapport avec Foucault, voir, ici même, la co(...)
  • 12 . « Vision du monde » est considérée ici au sens que lui donne Apostel et « autonomiste » renvoie à(...)


8Le principal point de convergence avec l’analyse de Foucault porte ici sur l’existence de dispositifs de codification des passions autres que les « disciplines », ce qu’il appelle parfois des « disciplines consensuelles » (à condition de ne pas l’entendre au sens habermassien d’action concertée). Ainsi en va-t-il, par exemple, de l’« informal justice », autre forme de fonctionnement de la justice pénale, mais qui ne liquide pas la question du pouvoir, sous prétexte que d’autres formes d’autorité s’y établissent. D’où le rappel : « Le pouvoir ce n’est pas la discipline ; la discipline est une procédure possible du pouvoir», (D&É-II, p. 1409). L’autre point de convergence porte sur l’impossibilité de déduire de la forme ou de l’inspiration d’un équipement son effet codificateur précis : « Rien ne prouve, par exemple, que dans la relation pédagogique [...] ce soit l’autogestion qui donne les meilleurs résultats ; rien ne prouve au contraire que ça ne bloque pas les choses », (D&É-II, p. 1408). Degrés de politisation


9Reste, dans l’ombre pour l’instant, la question des degrés de mise en forme de ces équipements politiques que l’on peut, selon moi, aborder – même si tout ne s’y résume pas – à partir du couple déstabilisation/stabilisation. Équiper, c’est mettre en forme, c’est-à-dire stabiliser. Mais cette stabilité acquise à force d’équipements, à peine assise, est toujours menacée d’être débordée, comme l’a bien montré Michel Callon, lorsqu’il a mis en évidence l’importance de la tension entre le « cadrage » (framing) et le « débordement » (overflowing) que ce soit sur des marchés ou dans de nombreuses situations d’incertitude ou dans les « forums hybrides » 13. Lorsque le cadre est submergé, il s’agit bien d’élargir 14 son formatage, en produisant de nouveaux équipements, plus accessibles, moins explicitement contraignants. Une nouvelle stabilisation est à ce prix, celui d’un « investissement de formes » 15. Dans une telle conception, il s’agit bien de poser l’existence de degrés de politisation, où la passion civilisatrice est toujours la même, mais où les contraintes d’engagement peuvent être ordonnées sur une échelle de difficulté. Rien ne dit que l’échelonnement soit l’effet d’une stratégie a priori, mais rien n’interdit de penser non plus qu’il ne soit réajusté a posteriori, comme le montrent les exemples suivants.

  • 13 . Michel Callon, “An essay on framing and overflowing : economic externalities revisited by sociolog(...)
  • 14 . Foucault parle souvent de « mécanismes infinitésimaux » de pouvoir qui se trouvent « déplacés ». V(...)
  • 15 . L. Thévenot, « Les investissements de forme », in L. Thévenot (dir.), Conventions économiques, Cah(...)


10Si l’on examine la politique française de prise en charge des toxicomanies, il faut bien admettre qu’à côté des disciplines initiales de traitement frontal (criminalisation et injonction thérapeutique d’une part ; sevrage d’autre part), ont été mises en place de manière progressivement cohérente des disciplines fondées sur l’idée de substitution et que je propose de traiter comme des dispositifs de politisation hiérarchisés selon leur degré d’exigence. La métaphore du « seuil », empruntée aux dispositifs britanniques (threshold), sert ici de vecteur. Lorsque l’on soumet la distribution de la méthadone à des conditions d’ancienneté dans la carrière et de gravité des pathologies associées, pour les patients et à des taux d’encadrement pour les professionnels, on fait bien entrer des individus dans un protocole relativement exigeant. L’incapacité de ce dispositif expérimental à faire face aux « débordements » du SIDA et de l’hépatite C a conduit l’État à assouplir les conditions d’entrée (1994), pour mettre en place des « structures à bas seuil » – qui, dès lors, font apparaître, par contraste, les équipements antérieurs comme étant « à haut seuil ». Ces structures à bas seuil (comme les sleep in) abaissent les seuils d’exigence, en direction des usagers et des professionnels. Enfin, la possibilité donnée, à partir de 1995, à des médecins généralistes, de prescrire une molécule de substitution (le Subutex®), abaisse encore le seuil : face à des médecins qui sont le plus souvent dépourvus de compétences en matière de traitements psycho-sociaux des drogues et animés de craintes à leur égard, les demandeurs de prescription peuvent se comporter comme des clients pressés, sans réelle nécessité d’un travail de gestion de la façade, comme il se doit habituellement dans l’État social. Une interprétation hâtive de cet élargissement du cadre pourrait laisser croire que le souci de protéger la société contre les risques infectieux et criminels est le principal objectif de cette politique de substitution (qui s’appelle d’ailleurs en France, la « réduction des risques »). Sans doute peut-on dire que cette stratégie est présente, puisque l’État ne se donne pas les mêmes moyens pour lutter, au sein de la même population, contre la progression de l’hépatite C, qui est moins prompte à franchir les barrières des groupes sociaux. Mais ce serait oublier que le contrôle direct de cette population par le respect de critères n’est pas possible et qu’il faut lui permettre de se stabiliser sans contrepartie, en réduisant non seulement les risques, mais les dommages (ce qui s’appelle « harm reduction » dans le reste de l’Europe).
11Cet exemple montre ce que peut être un dispositif de politisation des passions relativement cohérent, quoiqu’il n’ait été que progressivement ajusté à des transformations des pratiques sociales. Chaque nouveau degré de politisation permet d’atteindre de nouvelles franges de population, sans pour autant rendre caducs les anciens : dans le cas considéré, les institutions de sevrage et de réhabilitation contractuelles restent actives, tout comme les textes de pénalisation. On peut même trouver (par exemple en Suisse ou aux Pays-Bas) des expérimentations de nouvelles formes de haut seuil, comme la prescription d’héroïne sous contrôle. On notera enfin que la justification de ces abaissements des seuils repose sur une vision du monde autonomiste : l’efficacité ne saurait être obtenue par l’accroissement des compétences technicistes des professionnels, mais par les usagers mis en situation (stabilisée) d’éprouver les limites de leur différence.
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