Eminent spécialiste de la question du temps en physique, Etienne Klein a, il faut l'avouer, un sens certain du timing. A peine le tohu-bohu suscité par Stephen Hawking et ses déclarations fracassantes sur la
« création spontanée » de l'Univers a-t-il cessé que sort son « Discours sur l'origine de l'Univers ». L'occasion pour l'auteur des « Tactiques de Chronos » de remettre les pendules à l'heure.
A ceux que le mot discours rebuterait, précisons tout de suite que Klein n'est pas du genre à pontifier : le lecteur y retrouvera ces traits d'esprit et ces jeux de mots auxquels il nous a habitués. Et il se laissera gaiement entraîner jusqu'aux confins de la science, à la frontière de la métaphysique.
Comme nous le savons maintenant tous, l'Univers a une histoire, vieille de 13,7 milliards d'années. Comme nous le savons moins, les cosmologistes, à l'instar des géologues, ont découpé cette longue évolution en ères successives. Mais, tandis que les 4,5 milliards d'années d'existence de la Terre se divisent en périodes homogènes, la chronologie universelle a une furieuse tendance à s'accélérer quand on remonte le temps. Ainsi l'ère leptonique (fusion des noyaux d'hydrogène) a duré une centaine de secondes…
après la première seconde de l'Univers ; l'ère hadronique qui l'a précédée, une fraction de cette première seconde ; l'ère électrofaible, une fraction de la fraction restante… Et ainsi de suite jusqu'à l'origine - si tant est qu'il y en ait une !
Car c'est tout le propos de l'auteur de démystifier cet
« instant zéro » auquel on assimile trop souvent le Big Bang. Celui-ci constitue une théorie solide, bien étayée par les observations. Mais faut-il pour autant extrapoler l'idée d'origine - de
« singularité », disent les physiciens -de cette description des tout premiers instants (mais pas
du premier instant) de l'Univers ? Rien n'est moins sûr, répond Klein, qui rappelle qu'au bout du chemin balisé par les cosmologistes se dresse un mur théorique, le « mur de Planck », contre lequel viennent buter tant la relativité générale que la physique quantique. D'un côté de ce mur, il y a l'Univers tel que nous le connaissons (ou du moins pouvons espérer le connaître) et ses 13,7 milliards d'années d'évolution. De l'autre côté… mystère !
Mieux : un rapide tour d'horizon des différentes pistes explorées par les physiciens pour franchir ce mur (fluctuations du vide quantique, « branes » flottant dans un espace-temps à dix dimensions ou plus…) montre qu'elles ont un seul point commun : elles évacuent toutes la notion de singularité. Comme le dit notre stimulant discoureur, la question du début pourrait bien être une question… sans fin !
YANN VERDO L'extrait « Tout se passe comme si le mariage de la physique quantique et de la relativité générale […]
devait aboutir à l'abolition de la création de l'Univers, si l'on peut dire. » L'auteur Etienne Klein dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière du CEA et enseigne à l'Ecole Centrale.