Face à la crise: la semaine de quatre jours? Gérald Andrieu | Lundi 11 Mai 2009 à 07:00 | Lu 8857 fois
Imprimer Augmenter la taille du texte Diminuer la taille du texte Dans son dernier essai, le responsable socialiste Pierre Larrouturou propose sa «solution interdite» pour faire face à la crise: la semaine de 4 jours! (photo : Robbert van der Steeg - Flickr - cc)
Clairvoyant et entêté, ainsi est
Pierre Larrouturou. Clairvoyant car l’ancien délégué national à l’Europe du PS est de ceux qui, vraiment, depuis des années, prédisaient la crise qui vient de nous exploser au visage. Entêté car depuis au moins aussi longtemps, il milite pour la mise en œuvre de la très décriée semaine de 4 jours. Et à l’aune de ce séisme qui secoue la planète, il pense que l’avènement des 32 heures est venu. C’est la thèse qu’il développe dans son dernier essai paru chez Desclée de Brouwer,
Crise : la solution interdite.
Depuis le temps qu’il porte cette croix — car c’en est une — son argumentaire, il faut le reconnaître, est bien rodé. Tout en se montrant critique à l’égard des 35 heures (
« On a donné 70 milliards de francs d’exonération mais on ne demandait aux entreprises aucune contrepartie en emplois ! »), il sait jouer avec les chiffres pour amener ses lecteurs à penser qu’un nouveau partage du temps de travail pourrait être la clé pour en finir avec le chômage de masse et créer, dit-il,
« 1 600 000 emplois ».
Statistiques à l’appui, il prend un malin plaisir à tordre le cou à toutes les idées reçues qui se mettent en travers de la route des 32 heures. Les Français travailleraient déjà moins que les autres ?
« Ce n’est pas vrai. En 2008, la durée moyenne du travail — tous emplois confondus — était de 31,4 heures aux Pays-Bas, de 31,9 heures en Grande-Bretagne, de 34,6 heures au Danemark et de 36,3 heures en France. » Peut-être mais notre productivité laisse franchement à désirer ?
« Les Anglais et les Japonais ont une productivité nettement plus faible que la nôtre : selon Eurostat , si la productivité horaire est en moyenne de 100 pour l’Europe des 15, elle est de 118 en France et de 95 seulement en Grande-Bretagne. » De toute façon, la semaine de 4 jours n’est qu’une théorie qui, si elle était mise en pratique, se révèlerait fumeuse ?
« La semaine de 4 jours est déjà une réalité dans plus de quatre cents entreprises : Fleury Michon, Mamie Nova ou Monique Ranou, mais aussi des centaines de PME inconnues. » « Vous ne voulez pas gagner plus ? » Son argumentaire est tellement rodé que lorsqu’il rencontre Nicolas Sarkozy en 1993 pour le convaincre des bienfaits supposés des 32 heures, celui qui est alors ministre du Budget n’a qu’une seule et unique question à lui poser. Pierre Larrouturou travaille à l’époque pour Andersen Consulting (devenu depuis Accenture) : «- Vous gagnez combien chez Andersen ? - 30 000 francs à peu près. [i] - C’est pas beaucoup ! Quelqu’un comme vous, vous pourriez gagner beaucoup plus ! Vous ne voulez pas gagner plus ?[/i]
[i][i][i][i] Et le voilà qui me donne des conseils pour “gagner plus”. En quelques minutes, l’entretien a[/i]
[i]tourné court. Il refuse absolument le débat sur les 4 jours puisque son conseiller lui a dit que [i][i][i]j’avais réponse à tout. Et il me donne des conseils pour “gagner plus” alors que je viens[/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i]
[i][i][i][i][i][i][i] lui parler de chômage et de précarité, et que je suis sans doute parmi les salariés les mieux[i][i][i][i][i][i][i][i][i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i]
[i][i][i][i][i][i][i][i][i][i][i][i][i][i][i][i] payés du pays… »[/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i] [/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i][/i]
Mauvais partage du travail ou mauvaise rémunération du travail ? Mais aussi rodé soit-il, son argumentaire comporte des failles. La plus dérangeante concerne la question des salaires :
« Si l’on crée 1,5 millions d’emplois, explique-t-il,
la négociation se fera dans un tout autre climat. Un nouveau partage de la valeur ajoutée, nettement plus favorable aux salariés, va assez vite se mettre en place ».
C’est exact : le chômage de masse joue en la défaveur des salariés. Mais si la semaine de 4 jours ne parvennait pas à créer autant d’emplois qu’il le prédit (le programme du PS prévoyait de créer, avec les 35 heures, 700 000 emplois et les socialistes reconnaissent aujourd’hui en avoir effectivement créé moitié moins ou presque !) ? Et si même, au final, les 32 heures arrivaient à donner naissance à 1,6 million d’emplois (puisque Pierre Larrouturou estime
« qu’en réalité 4,7 millions d’hommes et de femmes sont directement touchés par le chômage »), alors le
« nouveau partage de la valeur ajoutée » qu’il annonce ne serait, en fait, qu’une vaine incantation et nous connaîtrions les mêmes aberrations que nous connaissons déjà aujourd'hui. Des aberrations qu’il pointe pourtant brillamment du doigt au début de son essai, lorsqu'il explique que la crise que nous traversons
« n’est pas une crise financière » mais une conséquence de la sous-rémunération du travail…