Introduction générale
Chapitre 1.organise la vie sociale de personnes différenciées
Section 1. Le droit constitutionnel moderne
1. Le droit constitutionnel moderne a un triple objet. Il se définit comme un droit qui est appliqué par un juge spécialisé. Il organise le système juridique tout entier. (Louis Favoreu,
Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit, Revue française de Droit constitutionnel, n°1, 1990, pp. 71-89).
§ 1. Le triple objet du Droit constitutionnel
2. Tout d'abord, le droit constitutionnel a pour objet de décrire les institutions politiques, d'étudier les problèmes juridiques qui les concernent, d'exposer quelles sont les bases constitutionnelles des institutions administratives et juridictionnelles. C'est le droit constitutionnel institutionnel.
Ensuite, le droit constitutionnel a pour objet l'étude des normes (ce qui doit être fait ou qui ne doit pas être fait, donc ce qu'il est "normal" de faire ou de ne pas faire). Assez souvent le mot "norme" est utilisé dans le même sens que le mot "règle" (rule en anglais). Les normes sont internationales, nationales et locales. C'est le droit constitutionnel normatif.
Enfin, le droit constitutionnel a pour objet l'étude des Droits fondamentaux de la personne humaine et donc de ses libertés. C'est le droit constitutionnel relationnel ou substantiel.
§ 2. Le Droit constitutionnel est appliqué par un juge spécialisé
3. L'application du Droit constitutionnel peut être réalisée par le juge judiciaire ou le juge administratif mais sous le contrôle et les directives (jurisprudence) du juge spécialisé qu'est le juge constitutionnel (Cour suprême, Cour constitutionnelle, Tribunal constitutionnel, Conseil constitutionnel).
§ 3. Le Droit constitutionnel organise le système juridique tout entier
4. Le Droit constitutionnel est le droit qui comprend l'ensemble des normes qui fonde un certain ordre juridique, l'Etat de Droit, qui intègre rationnellement toutes les branches du droit (droit administratif, droit pénal, droit civil et leurs multiples subdivisions).
Section 2. L'organisation de la vie sociale de personnes différenciées
5. Le Droit constitutionnel étant le droit qui fonde l'ordre juridique qui reconnaît, organise et garantit, les Droits fondamentaux de la personne humaine et donc ses libertés (l'Etat de Droit) est le Droit fondamental, duquel tous les autres droits découlent nécessairement.
Or les personnes humaines sont des personnes sociales, qui vivent dans des groupes sociaux. Et il est facile de constater que les groupes sociaux sont divers, pour la raison première que les personnes humaines sont différenciées.
L'organisation sociale par le Droit de groupes sociaux différenciés ne peut être opérative, c'est à dire susceptible de permettre la vie et le développement de l'espèce humaine toute entière, que si elle respecte la nature complexe de l'humanité.
L'organisation sociale par le Droit ne peut imposer l'uniformité puisque l'harmonie sociale résulte du libre jeu de relations complexes qui sont différenciées et complémentaires.
C'est pourquoi le Droit doit tenir compte du fait que la personnalité humaine n'est pas une mais plurale, ce qui justifie pleinement que l'on puisse s'interroger sur sa consistance, c'est à dire sur la place de l'individu dans la Société, sa nature et les formes que prend son action sociale, ce qui ne peut que déterminer la nature et la consistance des normes constitutionnelles.
Le Droit constitutionnel, fondement de tous les droits, est fait pour l'être humain, pour lui permettre de se réaliser pleinement, et non pour permettre aux dirigeants d'imposer leurs intérêts.
Chapitre 2. Individu et Société
6. La nature humaine existe, au-delà des différences entre les individus et les peuples.
Bien qu'il soit toujours aussi difficile de la définir (pour une tentative d'approche plus scientifique on peut lire l'ouvrage, assez difficile d'accès cependant, de Jacques Mehler et Emmanuel Dupoux : Naître humain, 281 pages, Odile Jacob, Paris, 1990), il semble possible d'écrire que l'être humain est une personne sexuée, intelligente et agressive, qui vit dans des groupes sociaux hiérarchisés.
Section 1. L'être humain est une personne
7. L'être humain est l'être sexué dont le développement du cerveau fait une personne intelligente plus ou moins agressive, positivement et négativement.
§ 1. L'être humain est un être sexué néo-cortexé
A/ Un être sexué
8. L'influence du sexe sur le comportement humain n'est pas une découverte récente.
Dans toutes les sociétés traditionnelles l'on fait la différence entre le comportement féminin et le comportement masculin. Il en est ainsi, par exemple, dans la philosophie chinoise du Tao.
Les découvertes scientifiques
les plus récentes confirment la différence, l'autonomie et la complémentarité, de la féminité et de la masculinité.
Ce qui n'empêche nullement
les idéologues de prétendre le contraire.
I. Le Yin Yang de la philosophie du Tao
9. Le Yin, c'est à dire le principe féminin, la féminité, et le Yang, c'est à dire le principe masculin, la masculinité, constituent dans la philosophie chinoise du Tao les deux forces vitales de l'Univers, différentes mais complémentaires, corrélatives.
1° Les deux forces vitales de l'Univers
10. Le Tao est le Principe de l'Univers, l'Ordre naturel de toute chose, la Vie, qui se partage entre le Yin et le Yang, le Yin comportant du Yang et le Yang comportant du Yin.
Le Yin est la fécondité naturelle, le coeur et les sentiments, l'instinct et l'intuition, la subjectivité mais aussi l'équilibre et la sagesse. C'est la non-violence de la possession contrôlée mais c'est aussi la passion aveugle qui peut être destructive.
Le Yang c'est le mouvement et l'expansion, l'autorité et la déduction, la force créatrice de la pénétration. Mais c'est aussi l'angoisse du devenir et l'excès dominateur qui asservit et détruit.
Tout être humain, quel que soit son sexe organique, est Yin ou Yang, avec les conséquences que cela entraîne sur son comportement.
2° Des forces corrélatives
11. La Vie c'est l'interaction, l'inter-relation, la corrélation, d'un Yin naturel avec un Yang culturel.
Le Yang n'est pas supérieur au Yin, et le Yin n'est pas supérieur au Yang. Si le Yin est cité en premier, dans la philosophie du Tao, c'est qu'il est le support fonctionnel du Yang, sur lequel ce dernier agit, mais par lequel il est également agi.
II. Le point de vue scientifique
12. Si les scientifiques sont, évidemment, divisés, en cette matière comme en toute matière, ils semblent être d'accord sur un certain nombre de faits.
Les hormones sexuelles mâles, les androgènes, sont un facteur d'agressivité, alors que les hormones sexuelles femelles, les oestrogènes, sont un facteur d'émotivité.
Psychologiquement les comportements sont différents. L'être masculin, qui peut être une femme masculine, est un obsédé de la compétition, qui veut être le plus fort, le premier, le meilleur. Il est extraverti. Sa stratégie est une stratégie de pénétration. L'être féminin, qui peut être un homme féminin, ne souhaite pas conquérir le monde mais vivre en harmonie avec lui. Il est introverti. Sa stratégie est une stratégie d'accueil et de contrôle.
B/ Cerveau animal et néo-cortex
13. Le cerveau animal, qu'il soit envisagé en une seule partie et qualifié de rhinencéphale, ou en deux parties avec les cerveaux reptilien et paléomammalien (Mac Lean, 1975), est le cerveau de la conservation, alors que le cerveau humain, le néo-cortex, est le cerveau de la conscience.
I. Le cerveau de la conservation
1° C'est le cerveau des instincts
14. C'est le cerveau des instincts et des émotions, qui permettent la survie de l'individu et de l'espèce (alimentation, reproduction, défense).
2° Réactions et action
15. Dans son environnement, face aux situations dangereuses pour sa survie, l'individu a une réaction naturelle de fuite. Si la fuite est impossible, sa réaction est l'attaque de légitime défense.
16. Face à des situations non-défavorables, l'individu est agi par son agressivité animale, qui est variable et notamment fonction du facteur sexuel. L'action est déterminée par le génotype, le patrimoine génétique de l'individu.
II. Le cerveau de la conscience
17. Le cerveau humain, le néo-cortex, est le cerveau de l'acquis culturel, avec ses réactions et son action.
1° Le cerveau de l'acquis culturel
18. Le cerveau humain n'est pas un ordinateur programmé. Il présente une souplesse d'adaptation qui permet l'apprentissage de réactions volontairement contrôlées. En conséquence, il peut ne pas répondre à la stimulation, la réponse est plus imprévisible que la réponse instinctive.
L'apport de l'apprentissage éducatif est donc essentiel, bien que le génotype soit déterminant pour ce qui est des grandes tendances, des potentialités principales.
2° Réactions et action
19. Les réactions du néo-cortex, face aux situations de contrainte, sont soit le retrait soit l'affirmation de soi. Le retrait c'est le recul, qui peut permettre l'observation attentive, nécessaire à la contre-attaque. Mais c'est aussi l'acceptation, l'abandon, le ralliement, l'identification. L'affirmation de soi est contestation active, effort constructif, différenciation ; c'est la soif de liberté qui pousse à se construire et à construire.
Face aux situations non-contraignantes, l'être humain demeure agi par son agressivité animale, plus ou moins contrôlée par la conscience, de telle sorte que l'action se développe en fonction du milieu et de la personnalité de chacun.
On peut dire que le cerveau humain agit, avec plus ou moins d'efficacité, comme un accélérateur ou comme un frein sur le moteur instinctif : l'imagination est un accélérateur, les règles sociales, et notamment morales, sont des freins.
§ 2. Une personne plus ou moins agressive, positivement et négativement
A/ Caractère et personnalité
20. Le caractère, par la personnalité, détermine un certain comportement psychosocial.
I. Le caractère
21. Chacun est poussé à faire, ou à ne pas faire, en fonction de son caractère.
Les classifications caractérologiques sont nombreuses, qui relèvent des diverses écoles psychologiques. La classification psychanalytique, selon la typologie de Sigmund Freud, distingue les caractères suivants : érotique, obsessionnel, narcissique, érotique-narcissique, narcissique-obsessionnel, érotique-obsessionnel. La psychopathologie distingue, par exemple, les schizoïdiques, cycloïdiques, hystéroïdiques, épileptoïdiques, déviants sexuels. La morphologie somatique distingue les bilieux, lymphatiques, sanguins, nerveux. La psychologie des propriétés de Le Senne distingue les caractères passionné, colérique (exubérant), sentimental, nerveux, flegmatique, sanguin (réaliste), apathique (inhibé froid), amorphe (nonchalant). Gaston Berger a considérablement développé la typologie de Le Senne en une grille de 512 types.
L'on peut, encore, considérer certaines tendances comportementales fondamentalement opposées comme les tendances de prédation et de création-construction, de statisme et de dynamisme, de tribalisme et d'universalisme.
Les caractérologues, sauf exceptions, pensent qu'un caractère est difficilement modifiable, qui est déterminé par le génotype.
II. La personnalité
22. Contrairement aux caractérologues, la plupart des personologues pensent que le caractère est, dans une certaine limite, modifiable par le milieu, par l'éducation, par la culture.
C'est dès la conception, pendant la grossesse, que le milieu est en interaction avec le génotype pour la constitution du phénotype, l'ensemble des caractères apparents qui expriment la personnalité. C'est pendant toute son existence que la personne est soumise à l'influence du milieu, et c'est donc en permanence qu'apparaissent des possibilités d'ajustement, d'adaptation.
Le milieu joue donc un rôle très important, qui peut être positif ou négatif sur l'évolution de la personne et son comportement social.
B/
Agressivité positive et négativeI. L'agressivité constructive
1° L'affirmation de soi est le moteur de la civilisation
23. Toute personne est, plus ou moins, agressive, c'est à dire qu'elle va, plus ou moins, de l'avant (agressio, agredi).
L'agressivité constructive, sur la base de l'agressivité animale instinctive, est une affirmation de soi. L'être humain est l'être psychique qui entend se différencier des autres tout en se conformant, ce qui le conduit à la compétition, donc à la civilisation.
2° Conséquences positives et négatives
24. Les conséquences positives sont évidentes, puisque c'est l'histoire des civilisations, qui fait passer l'être humain de l'homo sapiens sapiens d'il y a 130 000 ans en Afrique à l'homo sapiens sapiens technologique d'aujourd'hui.
Toutefois, les conséquences ne sont pas que positives. La compétition entre les individus au sein des groupes sociaux, et la compétition intergroupes, est une compétition sanglante et douloureuse, que l'équilibre nucléaire dit "de la terreur" n'a pas, comme l'on sait, supprimée.
C'est la conséquence de la mise en oeuvre d'une agressivité constructive qui peut être particulièrement excessive, d'un égocentrisme individuel et social. La mégalomanie, notamment des Chefs d'Etat, peut être extrêmement dommageable. Dans ce domaine le XXème siècle est parfaitement illustratif.
II. L'agressivité destructive
1° Sadisme et nécrophilie caractérologique
25. Certaines personnes sont atteintes d'un dysfonctionnement du comportement, qui les conduit à commettre des actes sadiques et nécrophiles.
Le sadisme est la perversion du comportement social qui s'exprime par la passion du contrôle de l'autre, par la passion de le réduire à l'état d'objet, par la passion d'en faire un esclave.
La nécrophilie caractérologique est la psychose de celui qui a un attrait passionné, irrésistible, pour ce qui est mécanique, répétitif, ennuyeux, morbide, qui le pousse à salir, détruire et tuer.
2° Conséquences négatives et positives
26. Les conséquences négatives sont évidentes pour les personnes et les groupes sociaux. C'est la désagrégation des personnalités, l'affaiblissement et/ou la disparition des sociétés.
Mais des conséquences positives peuvent naître de la destruction, qu'elle soit le résultat de la mise en oeuvre d'une agressivité destructive ou d'une agressivité constructive égocentrique. On peut dire que l'organisation sociale policée, la civilisation humaniste, est née, notamment, de la nécessité vitale qu'il y a, pour les groupes sociaux, de réguler les comportements, afin de pouvoir préserver la vie et assurer son développement.
Section 2.
Personne et Société27. Selon la formule, bien connue, du philosophe grec
Aristote (Aristotélès, 484-322), l'être humain est un animal politique, qui vit dans des groupes sociaux organisés hiérarchiquement, dans des Cités (polis), groupes sociaux qui ont leurs règles de fonctionnement, leurs règles sociales.
Or, l'on constate que certains phénomènes psycho-sociologiques facilitent la vie en société, la cohésion sociale. Il s'agit de l'attachement, de l'obéissance et de la conformité, qui conduisent, par le conformisme, à la cohésion nécessaire de toute société. Mais la société ne peut se développer que par l'innovation, c'est à dire une certaine forme de non-conformisme.
§ 1. Cohésion sociale et innovation
A/ L'attachement
28. Il y a, chez les psychologues, deux conceptions de l'attachement.
I. L'attachement au sens étroit
29. Selon le psychologue britannique John Bowlby (
L'attachement, PUF, Paris, 1978) l'attachement est le lien affectif privilégié qui unit le jeune enfant à sa mère biologique ou à une "mère de substitution".
Le fait, pour un enfant, de ne pas avoir pu s'attacher, pendant sa période critique de développement (pour Bowlby pendant les trois premières années, pour d'autres psychologues pendant la première année), serait un facteur d'inadaptation sociale, par manque de "racines".
La notion étroite d'attachement est à rapprocher de la notion d'empreinte, telle qu'elle a été développée par Konrad Lorenz (
Essais sur le comportement animal et humain, Le Seuil, collection Points n°51, Paris, 1970). L'empreinte est le phénomène par lequel, dans les premiers instants de sa vie, un jeune animal s'imprègne du premier objet en mouvement qu'il rencontre, habituellement sa mère, mais qui peut être une "mère de substitution". Chez les humains l'empreinte permet d'acquérir les racines culturelles qui permettront de faire la différence entre les seins et les autres, de s'attacher aux siens et à leurs valeurs.
II. L'attachement au sens large
30. Selon le psychologue français Hubert Montagner (
L'Attachement, les débuts de la tendresse, Odile Jacob, Paris, 1988) l'attachement est le lien affectif privilégié qui unit une personne à une autre, et/ou, par substitut, à des valeurs sociales, à des croyances, à des idées.
Hubert Montagner est d'avis qu'il faut abandonner le concept de période critique, et l'idée que l'empreinte est irréversible. L'attachement de la première enfance ne doit pas être exclusif des autres. Les racines culturelles peuvent être multiples et successives. Dans les sociétés modernes, qui sont des sociétés en évolution, il est bon que les personnes puissent s'attacher sans difficulté, mais il est néfaste qu'elles demeurent attachées toute leur vie, et exclusivement, aux mêmes personnes et aux mêmes valeurs, aux mêmes racines.
L'attachement social facilite la vie en société, il va dans le sens de l'obéissance, et donc de la conformité.
B/ L'obéissance
31. C'est un phénomène bien établi, les êtres humains sont, sauf exceptions, relativement obéissants.
I. Les causes
32. Elles sont évidemment diverses. L'habitude, la crainte de la sanction, l'espoir des récompenses
الأربعاء مارس 02, 2016 9:22 am من طرف جنون