Louis XVI Chapitre 1. Le système constitutionnel français de 1789 à 1870
([url=http://www.denistouret.net/conshistoire/1789-1792.html#monarchie limitée]Section 1. La Monarchie limitée[/url])
113. Très schématiquement cette période historique est marquée en France par une profonde
instabilité politique et constitutionnelle due notamment aux conflits idéologiques et économiques qui opposent, d'une part :
- l'aristocratie traditionnelle conservatrice, composée de grands propriétaires terriens, qui est fidèle à la théorie catholique du droit divin (
Noblesse et Haut clergé de l'Ancien Régime),
- la bourgeoisie moderne libérale (une partie du Tiers-Etat de l'Ancien Régime : avocats, marchands..., mais également quelques nobles libéraux éventuellement francs-maçons, y compris de la Haute noblesse, et même de la famille royale) adepte de la théorie démocratique issue de la Réforme et de la Philosophie des Lumières, diffusée par exemple dans les loges maçonniques et influencée par l'Angleterre
(Il y a 703 loges maçonniques en 1789, le cousin du roi Louis XVI, Louis Philippe d'Orléans, qui deviendra Philippe-Egalité, votera la mort du roi et sera lui-même guillotiné, est le Grand Maître du Grand Orient de France de 1771 à 1793, son secrétaire très actif étant le frère Chaderlos de Laclos, auteur des sulfureuses
Liaisons dangereuses);
et, d'autre part, au sein de la bourgeoisie :
- la grande et la moyenne bourgeoisie, (par exemple girondins, très influencés par l'Angleterre), qui entendent s'en tenir au libéralisme politique,
- la petite bourgeoisie, alliée aux non-propriétaires, (par exemple jacobins montagnards), qui souhaite instaurer un système social égalitaire.
Les conséquences de ces conflits furent : 3 révolutions, 1789-1795, 1830, 1848 ; 2 coups d'Etat, 1799, 1851 ; 11 constitutions, 1791, 1793, 1795, 1799, 1802, 1804, 1814, 1815, 1830, 1848, 1852 ; 4 formes de régimes politiques d'Etat : Monarchie limitée, (de fait 1789-1791), 1791-1792, 1814 et 1815-1830 (Restauration), République, 1792-1804, 1848-1852, Empire, 1804-1814, 1815, 1852-1870, Monarchie parlementaire, 1830-1848.
Section 1. La Monarchie limitée : 1789-1792
114. Lorsque les Etats Généraux, convoqués par Louis XVI, se déclarèrent (coup de force politique, autodéclaration) Assemblée Nationale, le 17 juin 1789, la Monarchie absolue avait, de fait, cessé de vivre.
En droit elle cessa de vivre lorsque l'Assemblée adopta la première Constitution française, le 3 septembre 1791.
L'Assemblée Nationale avait, auparavant, le 26 août 1789, affirmé solennellement,"
en présence et sous les auspices de l'Etre Suprême", les Droits de l'homme et du citoyen, dans une Déclaration de même inspiration libérale que les
Déclarations américaines des Droits (Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis d'Amérique du 4 juillet 1776, Déclarations des Droits des Constitutions des treize colonies anglaises d'Amérique), elles-mêmes héritières du libéralisme anglais.
§1. La Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen du 26 août 1789
115. Elle fonde une démocratie moderne libérale individualiste sur les droits "
naturels et imprescriptibles de l'Homme" que sont "
la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression" (art.2).
Elle affirme que "
les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" et que "
les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune" (art.1).
Sont donc reconnus les principes fondamentaux suivants :
-
l'égalité juridique, et non l'égalité de fait, des citoyens français, ce qui implique l'égalité devant la justice et les emplois publics (art.6), devant l'impôt (art.13),
- la liberté juridique de l'individu, les droits de la Société étant déterminés par la Loi (art.4 et 5), ce qui implique la sûreté des personnes contre les arrestations et détentions arbitraires (art.7), la
liberté d'opinion et de manifestation des opinions (art.10),
- la liberté de la propriété privée, le
droit de propriété étant proclamé "droit inviolable et sacré" (art.17, prévoyant l’exception de l’expropriation pour cause d’utilité publique),
- le principe de la Souveraineté nationale,"Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément (art.3), la Loi étant "l'expression de la volonté générale" (art.6),
- le principe de la séparation des pouvoirs - législatif, exécutif, judiciaire - principe considéré comme étant, notamment, la garantie des libertés (art.16).
§2. La Constitution du 3 septembre 1791
116. Première Constitution de la France, la Constitution de 1791 organise une Monarchie limitée dont le régime s'inspire partiellement de la Monarchie parlementaire britannique et du régime présidentiel américain créé par la Constitution de 1787.
Consacrant le principe de la Souveraineté nationale (A/) affirmé en 1789 la Constitution de 1791 organise un gouvernement représentatif avec séparation des pouvoirs (B/).
A/ Le principe de la Souveraineté nationale
117. Selon ce principe théorique le Pouvoir politique appartient à la Nation, c'est à dire à une entité abstraite sensée incarner la permanence de la collectivité (mythe symbolique).
En conséquences :
1. - le suffrage n'est pas universel, il est dit "restreint", et est à deux degrés, c'est le suffrage censitaire,
- voter et être élu n'est pas un droit mais une fonction privilégiée réservée aux citoyens dits "actifs" désignés selon un critère censitaire :
- sont électeurs du premier degré ceux qui paient l'impôt direct (le cens) pour au moins la valeur de trois journées de travail (trois livres)(4 300 000 personnes environ),
- peuvent être électeurs du second degré les citoyens qui paient un impôt d’au moins la valeur de dix journées de travail (dix livres)(environ 500 000 personnes),
- et son éligibles comme représentants ceux qui payent un impôt d’une valeur de 52 journées de travail (livres) (40 000 personnes).
2. - la Nation exerce sa souveraineté par l'intermédiaire de ses représentants, le Corps législatif et le Roi,
- le mandat des élus n'est pas impératif mais représentatif, ce qui signifie que chaque élu est le représentant de la Nation toute entière et non de sa circonscrition électorale (ses électeurs).
B/ Gouvernement représentatif et séparation des pouvoirs
I. Le pouvoir exécutif : le Roi
118. Le pouvoir exécutif est délégué au Roi, personne inviolable et sacrée qui accède à sa fonction par hérédité et porte le titre de
Roi des Français, et non plus Roi de France.
Le Roi est le Chef du Gouvernement. Il nomme et révoque les ministres et les hauts fonctionnaires et promulgue les lois, dont il n'a pas l'initiative. Ses actes sont contresignés par les ministres.
Il est le Chef suprême de l'administration et de l'armée, chargé du maintien de l'ordre et de la sûreté extérieure.
II. Le pouvoir législatif : le Corps législatif
119. Le pouvoir législatif est délégué à une assemblée nationale élue (745 membres) pour deux ans au scrutin majoritaire plurinominal à deux degrés : le Corps législatif, qui seul a l'initiative des lois et les vote. Ses membres ne sont pas immédiatement rééligibles.
Le Corps législatif déclare la guerre et ratifie les traités.
III. La séparation des pouvoirs
120. Le pouvoir judiciaire (troisième pouvoir) est délégué à des juges élus par les citoyens actifs pour une période déterminée. Il ne peut être exercé par le Roi et le Corps législatif.
Il y a séparation des pouvoirs entre le Roi et le Corps législatif :
- le Roi ne peut pas dissoudre l'assemblée,
- le Roi (comme le Président des Etats-Unis, Constitution de 1787 toujours en vigueur, Roosevelt 631 vetos entre 1933 et 1945) dispose d'un droit de veto suspensif. Le veto suspensif lui permet pendant 6 ans de s'opposer à l'application des lois votées par l'assemblée,
- le Corps législatif ne peut pas destituer le Roi,
- le Corps législatif ne délibère pas en présence du Roi,
- le mandat des représentants est incompatible avec des fonctions exécutives et judiciaires,
- les représentants sont protégés par des immunités parlementaires (inviolabilité, irresponsabilité).
De fait l'action révolutionnaire des jacobins montagnards aboutira le 10 août 1792 à la suspension du Roi et à la convocation (coup de force non constitutionnel) d'une Convention élue au suffrage universel public (mais avec seulement 700 000 votants sur 7 000 000 d’électeurs pour 760 députés), qui vote l'
abolition de la Royauté et proclame la République les 21-22 septembre 1792.
Le roi Louis XVI est condamné à mort le 17 janvier 1793 et guillotiné le 21.
Retour première page