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| | Le développement de la production capitaliste Karl MARX IV° section : la production de la plus-value relative Chapitre XV : Machinisme et grande industrie | |
02.29.2016
III. - Réaction immédiate de l’industrie mécanique sur le travailleurIl a été démontré que le point de départ de la grande industrie est le moyen de travail qui une fois révolutionné revêt sa forme la plus développée dans le système mécanique de la fabrique. Avant d'examiner de quelle façon le matériel humain y est incorporé, il convient d'étudier les effets rétroactifs les plus immédiats de cette révolution sur l'ouvrier. A. Appropriation des forces de travail supplémentaires. Travail des femmes et des enfants. En rendant superflue la force musculaire, la machine permet d'employer des ouvriers sans grande force musculaire, mais dont les membres sont d'autant plus souples qu'ils sont moins développés. Quand le capital s'empara de la machine, son cri fut : du travail de femmes, du travail d'enfants ! Ce moyen puissant de diminuer les labeurs de l'homme, se changea aussitôt en moyen d'augmenter le nombre des salariés; il courba tous les membres de la famille, sans distinction d'âge et de sexe, sous le bâton du capital. Le travail forcé pour le capital usurpa la place des jeux de l'enfance et du travail libre pour l'entretien de la famille; et le support économique des mœurs de famille était ce travail domestique [1]. La valeur de la force de travail était déterminée par les frais d'entretien de l'ouvrier et de sa famille. En jetant la famille sur le marché, en distribuant ainsi sur plusieurs forces la valeur d'une seule, la machine la déprécie. Il se peut que les quatre forces, par exemple, qu'une famille ouvrière vend maintenant, lui rapportent plus que jadis la seule force de son chef; mais aussi quatre journées de travail en ont remplacé une seule, et leur prix a baissé en proportion de l'excès du surtravail de quatre sur le surtravail d'un seul. Il faut maintenant que quatre personnes fournissent non seulement du travail, mais encore du travail extra au capital, afin qu'une seule famille vive. C'est ainsi que la machine, en augmentant la matière humaine exploitable, élève en même temps le degré d'exploitation [2]. L'emploi capitaliste du machinisme altère foncièrement le contrat, dont la première condition était que capitaliste et ouvrier devaient se présenter en face l'un de l'autre comme personnes libres, marchands tous deux, l'un possesseur d'argent ou de moyens de production, l'autre possesseur de force de travail. Tout cela est renversé dès que le capital achète des mineurs. Jadis, l'ouvrier vendait sa propre force de travail dont il pouvait librement disposer, maintenant il vend femme et enfants; il devient marchand d'esclaves [3]. Et en fait, la demande du travail des enfants ressemble souvent, même pour la forme, à la demande d'esclaves nègres telle qu'on la rencontra dans les journaux américains. « Mon attention, dit un inspecteur de fabrique anglais, fut attirée par une annonce de la feuille locale d'une des plus importantes villes manufacturières de mon district, annonce dont voici le texte : « On demande de douze à vingt jeunes garçons, pas plus jeunes que ce qui peut passer pour treize ans. Salaire, quatre shillings par semaine. S'adresser, etc. [4] » Le passage souligné se rapporte à un article du Factory Act, déclarant que les enfants au-dessous de treize ans ne doivent travailler que six heures. Un médecin ad hoc (certifying surgeon) est chargé de vérifier l'âge. Le fabricant demande donc des jeunes garçons qui aient l'air d'avoir déjà treize ans. La statistique anglaise des vingt dernières années a témoigné parfois d'une diminution subite dans le nombre des enfants au-dessous de cet âge employés dans les fabriques. D'après les dépositions des inspecteurs, cette diminution était en grande partie l’œuvre du trafic sordide des parents protégés par les médecins vérificateurs (certifying surgeons) qui exagéraient l'âge des enfants pour satisfaire l'avidité d'exploitation des capitalistes. Dans le district de Bethnal Green, le plus malfamé de Londres, se tient tous les lundis et mardis matin un marché public où des enfants des deux sexes, à partir de neuf ans, se vendent eux-mêmes aux fabricants de soie. « Les conditions ordinaires sont de un shilling huit pence par semaine (qui appartiennent aux parents), plus deux pence pour moi, avec le thé », dit un enfant dans sa disposition. Les contrats ne sont valables que pour la semaine. Pendant toute la durée du marché, on assiste à des scènes et on entend un langage qui révolte [5]. Il arrive encore en Angleterre que des grippe-sous femelles prennent des enfants dans les workhouses et les louent à n'importe quel acheteur pour deux shillings six pence par semaine [6]. Malgré la législation, le nombre des petits garçons vendus par leurs propres parents pour servir de machines à ramoner les cheminées (bien qu'il existe des machines pour les remplacer) atteint le chiffre d'au moins deux mille [7]. Le machinisme bouleversa tellement le rapport juridique entre l'acheteur et le vendeur de la force de travail, que la transaction entière perdit même l'apparence d'un contrat entre personnes libres. C'est ce qui fournit plus tard au Parlement anglais le prétexte juridique pour l'intervention de l'Etat dans le régime des fabriques. Toutes les fois que la loi impose la limite de dix heures pour le travail des enfants dans les branches d'industrie non réglementées, on entend retentir de nouveau les plaintes des fabricants. Nombre de parents, disent-ils, retirent leurs enfants des industries dès qu'elles sont soumises à la loi, pour les vendre à celles où règne encore « la Liberté du travail », c'est-à-dire où les enfants au-dessous de treize ans sont forcés de travailler comme des adultes et se vendent plus cher. Mais comme le capital est de sa nature niveleur, il exige, au nom de son Droit inné, que dans toutes les sphères de production les conditions de l'exploitation du travail soient égales pour tous. La limitation légale du travail des enfants dans une branche d'industrie entraîne donc sa limitation dans une autre. Nous avons déjà signalé la détérioration physique des enfants et des jeunes personnes, ainsi que des femmes d'ouvriers que la machine soumet d'abord directement à l'exploitation du capital dans les fabriques dont elle est la base, et ensuite indirectement dans toutes les autres branches d'industrie. Nous nous contenterons ici d'insister sur un seul point, l'énorme mortalité des enfants des travailleurs dans les premières années de leur vie. Il y a en Angleterre seize districts d'enregistrement ou sur cent mille enfants vivants, il n'y a en moyenne que neuf mille cas de mort par année (dans un district sept mille quarante-sept seulement); dans vingt-quatre districts on constate dix à onze mille cas de mort, dans trente-neuf districts onze à douze mille, dans quarante-huit districts douze à treize mille, dans vingt-deux districts plus de vingt mille, dans vingt-cinq districts plus de vingt et un mille, dans dix-sept plus de vingt-deux mille, dans onze plus de vingt-trois mille, dans ceux de Hoo, Wolverhampton, Ashton-under-Lyne et Preston plus de vingt-quatre mille, dans ceux de Nottingham, Stockport et Bradford plus de vingt-cinq mille, dans celui de Wisbeach vingt-six mille, et à Manchester vingt-six mille cent vingt-cinq [8]. Une enquête médicale officielle de 1861 a démontré qu'abstraction faite de circonstances locales, les chiffres les plus élevés de mortalité sont dus principalement à l'occupation des mères hors de chez elles. Il en résulte, en effet, que les enfants sont négligés, maltraités, mal nourris ou insuffisamment, parfois alimentés avec des opiats, délaissés par leurs mères qui en arrivent à éprouver pour eux une aversion contre nature. Trop souvent ils sont les victimes de la faim ou du poison [9]. Dans les districts agricoles, « où le nombre des femmes ainsi occupées est à son minimum, le chiffre de la mortalité est aussi le plus bas [10] ». La commission d'enquête de 1861 fournit cependant ce résultat inattendu que dans quelques districts purement agricoles des bords de la mer du Nord le chiffre de mortalité des enfants au-dessous d'un an, atteint presque celui des districts de fabrique les plus malfamés. Le docteur Julian Hunter fut chargé d'étudier ce phénomène sur les lieux. Ses conclusions sont enregistrées dans le VI° Rapport sur la Santé publique [11]. On avait supposé jusqu'alors que la malaria et d'autres fièvres particulières à ces contrées basses et marécageuses décimaient les enfants. L'enquête démontra le contraire, à savoir « que la même cause qui avait chassé la malaria, c'est-à-dire la transformation de ce sol, marais en hiver et lande stérile en été, en féconde terre à froment, était précisément la cause de cette mortalité extraordinaire [12] ». Les soixante-dix médecins de ces districts, dont le docteur Hunter recueillit les dépositions, furent « merveilleusement d'accord sur ce point ». La révolution dans la culture du sol y avait en effet introduit le système industriel. - اقتباس :
« Des femmes mariées travaillant par bandes avec des jeunes filles et des jeunes garçons sont mises à la disposition d'un fermier pour une certaine somme par un homme qui porte le nom chef de bande (gangmaster) et qui ne vend les bandes qu'entières. Le champ de travail de ces bandes ambulantes est souvent situé à plusieurs lieues de leurs villages. On les trouve matin et soir sur les routes publiques, les femmes vêtues de cotillons courts et de jupes à l'avenant, avec des bottes et parfois des pantalons, fortes et saines, mais corrompues par leur libertinage habituel, et n'ayant nul souci des suites funestes que leur goût pour ce genre de vie actif et nomade entraîne pour leur progéniture qui reste seule à la maison et y dépérit [13]. » Tous les phénomènes observés dans les districts de fabrique, entre autres l’'infanticide dissimulé et le traitement des enfants avec des opiats, se reproduisent ici à un degré bien supérieur [14]. - اقتباس :
« Ce que je sais là-dessus, dit le docteur Simon, fonctionnaire du Privy Council et rédacteur en chef des rapports sur la Santé publique, doit excuser l'horreur profonde que j'éprouve toutes les fois qu'il est question d'occupation industrielle, dans le sens emphatique du mot, des femmes adultes [15]. » - اقتباس :
« Ce sera, s'écrie l’inspecteur R. Baker dans un rapport officiel, ce sera un grand bonheur pour les districts manufacturiers de l'Angleterre, quand il sera interdit à toute femme mariée et chargée de famille de travailler dans n'importe quelle fabrique [16]. » Fr. Engels, dans son ouvrage sur la Situation des classes ouvrières en Angleterre, et d'autres écrivains ont dépeint si complètement la détérioration morale qu'amène l'exploitation capitaliste du travail des femmes et des enfants, qu'il me suffit ici d'en faire mention. Mais le vide intellectuel produit artificiellement par la métamorphose d'adolescents en voie de formation en simples machines à fabriquer de la plus-value, et qu'il faut bien distinguer de cette ignorance naïve qui laisse l'esprit en friche sans attaquer sa faculté de développement, sa fertilité naturelle, ce vide fatal, le Parlement anglais se crut enfin forcé d'y remédier en faisant de l'instruction élémentaire la condition légale de la consommation productive des enfants au-dessous de quatorze ans dans toutes les industries soumises aux lois de fabrique. L'esprit de la production capitaliste éclate dans la rédaction frivole des articles de ces lois concernant cette soi-disant instruction, dans le défaut de toute inspection administrative qui rend illusoire en grande partie l'enseignement forcé, l'opposition des fabricants à cette loi, et dans leurs subterfuges et faux-fuyants pour l'éluder dans la pratique. - اقتباس :
« La législation seule est à blâmer, parce qu'elle a promulgué une loi menteuse qui, sous l'apparence de prendre soin de l'éducation des enfants, ne contient en réalité aucun article de nature à assurer la réalisation de ce prétendu but. Elle ne détermine rien, sinon que les enfants devront être renfermés un certain nombre d’heures (trois heures) par jour entre les quatre murs d'un local appelé école, et que ceux qui les emploient auront à en obtenir le certificat chaque semaine d'une personne qui le signera à titre de maître ou de maîtresse d'école [17]. » Avant la promulgation de la loi de fabrique révisée de 1844, une foule de ces certificats d'école signés d'une croix prouvaient que les instituteurs ou institutrices ne savaient pas écrire. - اقتباس :
« Dans une visite que je fis à une école semblable, je fus tellement choqué de l'ignorance du maître que je lui dis : « Pardon, Monsieur, mais savez-vous lire? - lh jeh summat. » telle fut sa réponse; mais pour se justifier, il ajouta : « Dans tous les cas, je surveille les écoliers. » Pendant la préparation de la loi de 1844, les inspecteurs de fabrique dénoncèrent l'état piteux des prétendues écoles dont ils devaient déclarer les certificats irréprochables au point de vue légal. Tout ce qu'ils obtinrent, c'est qu'à partir de 1844, les chiffres inscrits sur les certificats, ainsi que les noms et prénoms des instituteurs, devaient être écrits de la propre main de ces derniers [18]. Sir John Kincaid, inspecteur de fabrique de l'Écosse, cite maints faits du même genre. - اقتباس :
« La première école que nous visitâmes était tenue par une certaine Mrs. Ann Killin. Invitée par moi à épeler son nom, elle commit tout d'abord une bévue en commençant par la lettre C; mais elle se corrigea aussitôt, et dit que son nom commençait par un K. En examinant sa signature dans les livres de certificats, je remarquai cependant qu'elle l'épelait de diverses manières et que son écriture ne laissait aucun doute sur son incapacité. Elle avoua elle-même qu'elle ne savait pas tenir son registre... Dans une seconde école je trouvai une salle longue de quinze pieds et large de dix, où je comptai soixante-quinze écoliers qui piaillaient un baragouin inintelligible [19]. » Et ce n'est pas seulement dans ces taudis piteux que les enfants obtiennent des certificats mais non de l'instruction; il y a beaucoup d'écoles où le maître est compétent; mais ses efforts échouent presque complètement contre le fouillis inextricable d'enfants de tout âge au-dessus de trois ans. - اقتباس :
« Ses appointements, dans le meilleur cas, misérables, dépendent du nombre de pence qu'il reçoit, de la quantité d'enfants qu'il lui est possible de fourrer dans une chambre. Et pour comble, un misérable ameublement, un manque de livres et de tout autre matériel d'enseignement, et l'influence pernicieuse d'un air humide et vicié sur les pauvres enfants. Je me suis trouvé dans beaucoup d'écoles semblables où je voyais des rangées d'enfants qui ne faisaient absolument rien; et c'est là ce qu'on appelle fréquenter l'école, et ce sont de tels enfants qui figurent comme éduqués (educated) dans la statistique officielle [20]. » En Ecosse, les fabricants cherchent à se passer le plus possible des enfants qui sont obligés de fréquenter l'école. - اقتباس :
« Cela suffit pour démontrer la grande aversion que leur inspirent les articles de la loi à ce sujet [21].» Tout cela devient d'un grotesque effroyable dans les imprimeries sur coton, laine, etc., qui sont réglées par une loi spéciale. D'après les arrêtés de la loi, chaque enfant avant d'entrer dans une fabrique de ce genre doit avoir fréquenté l'école au moins trente jours et pas moins de cent cinquante heures pendant les six mois qui précèdent le premier jour de son emploi. Une fois au travail, il doit également fréquenter l'école trente jours et cent cinquante heures dans le courant d'un des deux semestres de l'année. Son séjour à l'école doit avoir lieu entre 8 heures du matin et 6 heures du soir. Aucune leçon de moins de deux heures et demie ou de plus de cinq heures dans le même jour ne doit être comptée comme faisant partie des cent cinquante heures. - اقتباس :
« Dans les circonstances ordinaires les enfants vont à l'école avant et après midi pendant trente jours, cinq heures par jour, et après ces trente jours quand la somme des cent cinquante heures est atteinte, quand, pour parler leur propre langue, ils ont fini leur livre, ils retournent à la fabrique où ils restent six mois jusqu'à l'échéance d'un nouveau terme, et alors ils retournent à l'école jusqu'à ce que leur livre soit de nouveau fini, et ainsi de suite... Beaucoup de garçons qui ont fréquenté l'école pendant les cent cinquante heures prescrites ne sont pas plus avancés au bout des six mois de leur séjour dans la fabrique qu'auparavant; ils ont naturellement oublié tout ce qu'ils avaient appris. Dans d'autres imprimeries sur coton, la fréquentation de l'école dépend absolument des exigences du travail dans la fabrique. Le nombre d'heures de rigueur y est acquitté dans chaque période de six mois par des acomptes de trois à quatre heures à la fois disséminées sur tout le semestre. L'enfant par exemple se rend à l'école un jour de 8 à 11 heures du matin, un autre jour de 1 à 4 heures de l'après-midi, puis il s'en absente pendant toute une série de jours pour y revenir ensuite de 3 à 6 heures de l'après-midi pendant trois ou quatre jours de suite ou pendant une semaine. Il disparaît de nouveau trois semaines ou un mois, puis revient pour quelques heures, dans certains jours de chômage, quand par hasard ceux qui l'emploient n'ont pas besoin de lui. L'enfant est ainsi ballotté (buffeted) de l'école à la fabrique et de la fabrique à l'école, jusqu'à ce que la somme des cent cinquante heures soit acquittée [22]. » Par l'annexion au personnel de travail combiné d'une masse prépondérante d'enfants et de femmes, la machine réussit enfin à briser la résistance que le travailleur mâle opposait encore dans la manufacture au despotisme du capital [23]. B. Prolongation de la journée de travail. Si la machine est le moyen le plus puissant d'accroître la productivité du travail, c'est-à-dire de raccourcir le temps nécessaire à la production des marchandises, elle devient comme support du capital, dans les branches d'industrie dont elle s'empare d'abord, le moyen le plus puissant de prolonger la journée de travail au-delà de toute limite naturelle. Elle crée et des conditions nouvelles qui permettent au capital de lâcher bride à cette tendance constante qui le caractérise, et des motifs nouveaux qui intensifient sa soif du travail d'autrui. Et tout d'abord le mouvement et l'activité du moyen de travail devenu machine se dressent indépendants devant le travailleur. Le moyen de travail est dès lors un perpetuum mobile industriel qui produirait indéfiniment, s'il ne rencontrait une barrière naturelle dans ses auxiliaires humains, dans la faiblesse de leur corps et la force de leur volonté. L'automate, en sa qualité de capital, est fait homme dans la personne du capitaliste. Une passion l'anime : il veut tendre l'élasticité humaine et broyer toutes ses résistances [24]. La facilité apparente du travail à la machine et l'élément plus maniable et plus docile des femmes et des enfants l'aident dans cette œuvre d'asservissement [25]. La productivité de la machine est, comme nous l'avons vu, en raison inverse de la part de valeur qu'elle transmet au produit. Plus est longue la période pendant laquelle elle fonctionne, plus grande est la masse de produits sur laquelle se distribue la valeur qu'elle ajoute et moindre est la part qui en revient à chaque marchandise. Or la période de vie active de la machine est évidemment déterminée par la longueur de la journée de travail ou par la durée du procès de travail journalier multipliée par le nombre de jours pendant lesquels ce procès se répète. L'usure des machines ne correspond pas avec une exactitude mathématique au temps pendant lequel elles servent. Et cela même supposé, une machine qui sert seize heures par jour pendant sept ans et demi embrasse une période de production aussi grande et n'ajoute pas plus de valeur au produit total que la même machine qui pendant quinze ans ne sert que huit heures par jour. Mais dans le premier cas la valeur de la machine se serait reproduite deux fois plus vite que dans le dernier, et le capitaliste aurait absorbé par son entremise autant de surtravail en sept ans et demi qu'autrement en quinze. L'usure matérielle des machines se présente sous un double aspect. Elles s'usent d'une part en raison de leur emploi, comme les pièces de monnaie par la circulation, d'autre pari par leur inaction, comme une épée se rouille dans le fourreau. Dans ce dernier cas elles deviennent la proie des éléments. Le premier genre d'usure est plus ou moins en raison directe, le dernier est jusqu'à un certain point en raison inverse de leur usage[26]. La machine est en outre sujette à ce qu'on pourrait appeler son usure morale. Elle perd de sa valeur d'échange à mesure que des machines de la même construction sont reproduites à meilleur marché, ou à mesure que des machines perfectionnées viennent lui faire concurrence [27]. Dans les deux cas, si jeune et si vivace qu'elle puisse être, sa valeur n'est plus déterminée par le temps de travail réalisé en elle, mais par celui qu'exige sa reproduction ou la reproduction des machines perfectionnées. Elle se trouve en conséquence plus ou moins dépréciée. Le danger de son usure morale est d'autant moindre que la période où sa valeur totale se reproduit est plus courte, et cette période est d'autant plus courte que la journée de travail est plus longue. Dès la première introduction d'une machine dans une branche de production quelconque, on voit se succéder coup sur coup des méthodes nouvelles pour la reproduire à meilleur marché [28], puis viennent des améliorations qui n'atteignent pas seulement des parties ou des appareils isolés, mais sa construction entière. Aussi bien est-ce là le motif qui fait de sa première période de vie, période aiguë de la prolongation du travail [29]. La journée de travail étant donnée et toutes circonstances restant les mêmes, l'exploitation d'un nombre double d'ouvriers exige une avance double de capital constant en bâtiments, machines, matières premières, matières auxiliaires, etc. Mais la prolongation de la journée permet d'agrandir l'échelle de la production sans augmenter la portion de capital fixée en bâtiments et en machine [30]. Non seulement donc la plus-value augmente, mais les dépenses nécessaires pour l'obtenir diminuent. Il est vrai que cela a lieu plus ou moins toutes les fois qu'il y a prolongation de la journée; mais c'est ici d'une tout autre Importance, parce que la partie du capital avancé en moyens de travail pèse davantage dans la balance [31]. Le développement de la production mécanique fixe en effet une partie toujours croissante du capital sous une forme où il peut d'une part être constamment mis en valeur, et perd d'autre part valeur d'usage et valeur d'échange dès que son contact avec le travail vivant est interrompu. « Si un laboureur », dit M. Ashworth, un des cotton lords d'Angleterre, faisant la leçon au professeur Nassau W. Senior, « si un laboureur dépose sa pioche, il rend inutile pour tout ce temps un capital de douze pence (1 franc 25 centimes). Quand un de nos hommes abandonne la fabrique, il rend inutile un capital qui a coûté cent mille livres sterling (2 500 000 francs) [32]. » Il suffit d'y penser ! rendre inutile, ne fût-ce que pour une seconde, un capital de cent mille livres sterling ! C'est à demander vengeance au ciel quand un de nos hommes se permet de quitter la fabrique ! Et le susdit Senior renseigné par Ashworth finit par reconnaître que la proportion toujours croissante du capital fixé en machines rend une prolongation croissante de la journée de travail tout à fait « désirable [33] ». | |
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الإثنين فبراير 29, 2016 1:44 pm من طرف فدوى