Homme de Piltdown
L'homme de Piltdown est l'un des plus célèbres faux archéologiques.
Ce pseudo-chaînon manquant entre le singe et l'homme s'est finalement révélé un habile assemblage d'ossements humains et simiesques.
Mais qui est le faussaire ?
Découverte d'un nouvel hominidé
En ce 18 décembre 1912, Arthur SmithWoodward, préhistorien anglais célèbre, et Charles Dawson, archéologue amateur reconnu, font la une des journaux. Au cours d'une conférence de presse retentissante, ils annoncent la découverte, à Piltdown, dans le Sussex, des restes d'un homme préhistorique. Et quel homme !
L'homme de Piltdown, rebaptisé Eanthropus Dawsoni, serait le fameux chaînon manquant, l'ancêtre commun aux êtres humains et aux grands singes. En quoi consistent ces restes ? En petits fragments d'une calotte crânienne et d'une mâchoire, qui présentent une particularité remarquable : en effet, autant le crâne rappelle celui de l'homme moderne, autant les mandibules sont simiesques. À ce détail près - et d'importance - que les dents présentent une usure plate, phénomène inconnu chez nos cousins primates.
À partir des mêmes éléments, le crâne reconstitué par Smith-Woodward (à gauche) est franchement simiesque, celui obtenu par Keith (à droite) est humain...
Mais les débris d'Eanthropus ont tout de même un peu de mal à tenir ensemble, car les connexions osseuses entre le crâne et la mâchoire sont brisées. Il faut donc imaginer les attaches naturelles, et les préhistoriens doivent, pour obtenir une tête cohérente, soit humaniser la mâchoire, soit rendre le crâne un peu plus primitif.
Le vilain petit canard
Devant ces bricolages, beaucoup doutent de l'authenticité des ossements.
De nouvelles découvertes semblent leur donner tort. En 1913, le paléontologue français Pierre Teilhard de Chardin trouve à Piltdown une canine.
En 1915, Dawson exhume sur un autre site des restes de crâne humain et une dent simienne usée comme une dent humaine : il s'agirait d'un deuxième Eanthropus présentant les mêmes caractéristiques que le premier.
Le doute n'est plus permis : les détracteurs sont enfoncés. Pourtant, l'homme de Piltdown ne va pas résister aux progrès de l'anthropologie. En Europe, en Asie, en Afrique surtout, on ne cesse de découvrir des vestiges d'hominidés. Tous présentent un air de famille, aucun ne ressemble à l'ancêtre britannique.
Les deux reconstitutions donnent deux conceptions assez éloignées de l'homme de Piltdown
Qui est le coupable ?
Longtemps le British Museum refuse de prêter l'antique relique pour comparaison et lorsque, en 1949, il cède, on la soumet au test du fluor.
Les résultats sont accablants : le crâne et les mandibules avouent respectivement 500 et 600 ans ! Erreur ? Coïncidence ? Non : il s'agit bel et bien d'une fraude.
Le scandale éclate en 1953. On comprend alors que quelqu'un a enfoui dans le terrain une mâchoire d'orang-outan et un crâne d'homme moderne...
Mais qui ? Et pourquoi ? On soupçonne presque tous les acteurs de l'affaire. Dawson, auteur des principales découvertes, est le principal suspect. Mais aurait-il pu mettre en oeuvre seul une fraude aussi élaborée ? Ou qui seraient ses complices ?
Le plus célèbre d'entre eux n'est autre que le très sérieux Teilhard de Chardin, accusé notamment par le paléontologue américain Stephen Jay Gould. Mais pourquoi aurait-il commis cet acte ? Pour plaisanter, simplement. Puis la farce, trop énorme, serait devenue impossible à révéler. En attendant, faute de preuve, le faussaire court toujours....
V. Battaglia (11.2003)
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Enigmes archéologiques