Le cerveau suivrait le rythme des saisons (Ph. Denis Bocquet via Flickr CC BY 2.0)
Il ne s’agit pas de déprime hivernale ni de poussée d’hormones printanière ni de détente estivale… Pour accomplir une même tâche cognitive, la mécanique du cerveau serait différente entre l’hiver, le printemps, l’été et l’automne, ce indépendamment des mouvements d’humeur ou de tout autre facteur psychologique liée au changement de saisons. Tel est la conclusion d’une étude récente parue dans les Comptes-rendus de l’Académie des sciences américaine, qui met en lumière un phénomène inconnu jusqu’ici.
Néanmoins, cette variation de la dynamique des processus cérébraux ne modifie pas nos compétences cognitives : celles-ci demeurent constantes, mais avec un coût cognitif – c’est-à-dire l’activité cérébrale sollicité pour effectuer la tâche – différent entre l’hiver et l’été.
LE CERVEAU S’ACTIVE DIFFÉREMMENT EN ÉTÉ, AUTOMNE, HIVER ET PRINTEMPS
En substance, des chercheurs de l’université de Liège (Belgique), en collaboration avec l’université de Surrey (Royaume-Uni), on découvert que l’activité cérébrale pour effectuer une tâche requérant une attention soutenue est au maximum autour du solstice d’été (21 juin) et au minimum autour du solstice d’hiver (21 décembre).
Au contraire, pour une tâche sollicitant la mémoire de travail, le maximum tourne autour de l’équinoxe d’automne (22-23 septembre) et au minimum à l’équinoxe de printemps (19-21 mars).
DES ACTIVITÉS CÉRÉBRALES EN FORME DE SINUSOÏDES
Entre ces maximums et minimums, les paramètres d’activité cérébrale mesurés croissent et décroissent de manière régulière, formant globalement des sinusoïdes.
Courbes de l’activité cérébrale en fonction des mois pour les deux types de tâches demandées : attention soutenue et mémoire de travail (C. Meyer et al., PNAS 2016) [size]
A l’origine, l’expérience des chercheurs, menée sur 28 volontaires âgés de 20 à 23 ans, se destinait à tester les effets cognitifs sur la déprivation de sommeil. Mais pour des raisons méthodologiques, ils l’ont étendue sur plus d’une année – de mai 2010 à octobre 2011 – à raison de plusieurs séances identiques.
DEUX FONCTIONS CÉRÉBRALES TESTÉES : L’ATTENTION ET LA MÉMOIRE
Il s’agissait en fait de mesurer l’activité cérébrales des volontaires durant des séances de quatre jours et demi, par
IRM fonctionnelle (IRMf), au cours desquelles ils étaient totalement isolés du monde extérieur – afin d’éviter des biais liés à des paramètres de luminosité, température, etc.
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Organisation des séances de tests (C. Meyer et al., PNAS 2016). [size]
Les deux types de tâches à accomplir consistaient, d’une part, à observer l’image d’un chronomètre (en fonction) sur un écran et à appuyer sur un bouton aussi vite que possible dès la réinitialisation du chronomètre (tâche d’attention soutenue). D’autre part, de voir défiler des consonnes et de signaler quand une consonne était la même que celle apparue trois tours avant (tâche de mémoire de travail).
DES VARIATIONS STATISTIQUEMENT CONSTANTES POUR TOUS LES VOLONTAIRES
Durant ces séances, outre 2 jours d’adaptation aux conditions expérimentales et de mesures diverses, les candidats devaient accomplir le deux sortes de taches plusieurs fois tout en étant privés de sommeil durant près de 40 heures puis autorisés à dormir huit heures, puis encore quelques heures de veille. A chaque séance de travail, on enregistrait leur IRMf.
Les chercheurs ont ainsi découvert que le taux et les zones des activations cérébrales durant ces exercices différaient, pour chaque participant, selon la saison. Et que ces variations étaient, en moyenne, de même type pour tous, ce qui statistiquement rend le phénomène général.
QUE GAGNE LE CERVEAU AVEC CES VARIATIONS SAISONNIÈRES ?
Si, grâce aux précautions expérimentales prises par les chercheurs, ceux-ci peuvent affirmer que ces changements saisonniers ne sont pas liés à des variations des paramètres psychologiques, comportementaux, endocriniens ou neurophysiologiques, leur découverte, signalent-ils, n’a pas encore d’explication.
Quel en est le mécanisme et la cause ? A-t-il une origine génétique ? Quel bénéfice pour le cerveau (dans une perspective évolutionniste) ? Cela peut-il expliquer d’autres phénomènes connus, comme la dépression saisonnière ? Il s’agit dès lors de chercher les réponses à ces questions…
–Román Ikonicoff
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