Internationale situationniste Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
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Internationale situationniste (IS) était une organisation
révolutionnaire désireuse d'en finir avec le
malheur historique, avec la société de
classes et la
dictature de la marchandise, se situant dans la filiation de différents courants apparus au début du
XXe siècle, notamment de la pensée
marxiste d'
Anton Pannekoek et de
Rosa Luxemburg, du
communisme de conseils, ainsi que du groupe
Socialisme ou barbarie (
Claude Lefort,
Cornelius Castoriadis notamment) dans les
années 1950. En ce sens, elle pourrait être apparentée à un groupe d'
ultra-gauche. Mais elle représentait à ses débuts l'expression d'une volonté de dépassement des tentatives révolutionnaires des
avant-gardes artistiques de la première moitié du
XXe siècle, le
dadaïsme, le
surréalisme[1] et le
lettrisme[2].Formellement créée en juillet
1957 à la Conférence de
Cosio di Arroscia, l'Internationale situationniste est née du rapprochement d'un ensemble international de mouvements d'avant-garde, dont l'Internationale lettriste (elle même issue d'une rupture avec le
Lettrisme de
Isidore Isou), le
Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste, le
Comité psychogéographique de Londres et un groupe de peintres italiens. Son document fondateur,
Rapport sur la construction de situations..., a été rédigé par
Guy Debord en 1957. Dans ce texte programmatique, Debord pose l'exigence de « changer le monde » et envisage le dépassement de toutes les formes artistiques par « un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne ».L'un des principaux objectifs de l'Internationale situationniste était l'accomplissement des promesses contenues dans le développement de l'appareil de production contemporain et la libération des conditions historiques, par une réappropriation du réel, et ce dans tous les domaines de la vie. Le dépassement de l'art fut son projet originel.Aux débuts, les Situationnistes firent parler d'eux par l'utilisation du calembour comme arme politique. Montant en une soirée de fausses expositions de peintures contemporaines, peintes la veille en riant et en buvant des bières, applaudies au premier degré par toute l'intelligentsia snob et la bourgeoisie faisant l'opinion, ils tentèrent de démontrer l'inanité et le superficiel d'une culture bourgeoise convenue prise à ses propres pièges. De la même manière, inventant des artistes new-yorkais ou allemands totalement imaginaires, ils traînèrent un tout Paris "admiratif" à de magnifiques expositions de sculptures constituées de vélos volés la veille !Puis l'IS s'est rapidement orientée vers une critique de
la société du spectacle, ou société « spectaculaire-marchande », accompagnée d'un désir de révolution sociale. L'année
1962 voit la scission entre « artistes » et « révolutionnaires » et l'exclusion des premiers.D'un point de vue organisationnel, l'IS conserve la position très marxiste d'un parti théorique représentant le plus haut niveau de conscience révolutionnaire. La théorisation de cette position ne se fera qu'assez tardivement dans la
Définition Minimum des Organisations révolutionnaires (IS n°11), adoptée par la 7 °Conférence de l'IS en 1967, qui sera en
France l'une des références du
conseillisme d'après
mai 1968, et en 1969 dans les
Préliminaires sur les conseils et l'organisation conseilliste (IS n°12).
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Théorie(s) situationniste(s) [modifier]Le projet situationniste repose sur :
- la révolution de la vie quotidienne, projet libertaire et hédoniste que l'on pourrait résumer par ce slogan : « Vivre sans temps mort et jouir sans entrave ».
La révolution de la vie quotidienne ne peut se faire que dans le cadre de l'
autogestion généralisée, sur des bases égalitaires, et en supprimant les rapports marchands. Elle s'appuie sur plusieurs idées :
- l'abolition du spectacle en tant que rapport social ;
- la participation des individus (refus des représentations immuables) ;
- la communication (refus des médiations en tant que séparées[3]) ;
- la réalisation et l'épanouissement de l'individu (opposés à son aliénation) : le libre usage de soi-même est un des aspects de cet épanouissement, mais globalement, la subjectivité radicale de chacun-e est censée se développer dans le refus des contraintes de la rentabilité, et ce dans tous les domaines, tout en gardant la responsabilité de ses actes ;
- l'abolition du travail en tant qu'aliénation et activité séparée de la vie qui va, résumée par un slogan, que Guy Debord s'attribue, écrit à la craie sur un mur du quai aboutissant sur la Seine de la rue de Seine en 1952 (à Paris) : « Ne travaillez jamais » ;
- le refus de toute activité séparée du reste de la vie quotidienne : les situationnistes luttent pour l'abolition de l'art contemplatif, des loisirs en tant que séparés de la vie de tous les jours, de l'Université et pour la réunification de toutes les activités humaines : la fin de la division du travail et des séparations entre les différentes sciences. Ils ne font ainsi que reprendre le projet communiste de Marx : l'autogestion communiste permet à l'activité de production de ne plus être un travail[4] et de fusionner avec toutes les autres activités humaines sous une forme artistique et poétique. Ainsi, l'activité de production n'est plus séparée de la réalisation individuelle, des loisirs et de la sexualité. De manière plus générale, le projet situationniste aspire à ce que toutes les activités humaines prennent une forme poétique : celle de la libre création de situations par les individus.
Pour décrire le stade moderne du capitalisme,
Guy Debord réutilise le concept de « spectacle » évoqué par Marx. Ce concept a plusieurs significations. Le spectacle est avant tout l'appareil de
propagande du pouvoir capitaliste, mais c'est aussi « un rapport social entre des personnes médiatisé par des images ».« Le spectacle est la religion de la marchandise »Il apparaît avec la
société de consommation, dans les
années 1930.
Guy Debord distingue trois formes de spectacle, dont la dernière succède aux deux autres :
- le spectaculaire concentré des sociétés totalitaires (capitalisme d'État) ;
- le spectaculaire diffus des sociétés libérales ;
- le spectaculaire intégré, qui est la fusion des deux premiers dans le cours de l'histoire. Anticipant ainsi la chute des démocraties socialistes et leur intégration dans le système capitaliste global il offre une première définition de la post-politique.
Alors qu'en
Union soviétique et dans les pays de l'Est le spectacle se concentre sur la personne du
dictateur (
Staline puis
Khrouchtchev puis
Brejnev), le spectacle se présente dans les sociétés libérales occidentales de manière diffuse, sous la forme de marchandises qui contiennent toute la propagande de l'idéologie capitaliste.
Guy Debord observe que dans les
années 1980 les deux formes de spectacle ont fusionné sous la forme du « spectaculaire intégré » : désormais, le spectacle n'est plus seulement dans la marchandise, les rapports sociaux auxquels elle prédispose ou dans la simple propagande du pouvoir, « désormais, le spectacle est présent partout. » Il régit tout dans les relations entre les personnes, puisque désormais tous les
rapports sociaux tendent à devenir des rapports marchands : les rapports sociaux ne sont plus que des rapports de
signifiants, autrement dit de
simulacres. Ils sont eux-mêmes des
simulacres.Au-delà même des rapports sociaux, le spectaculaire intégré est présent dans les choix de l'
architecture, la
géographie, le modelage des
paysages, des
consciences, la falsification de la nourriture et même la dégradation de la
nature (
pollutions diverses,
radioactivité,
réchauffement climatique,
organismes génétiquement modifiés).De nos jours, plusieurs organisations du
mouvement altermondialiste puisent une partie de leurs idées dans la philosophie situationniste. Des groupes comme
Antipub ou des écrivains comme
Naomi Klein affirment s'inspirer des écrivains situationnistes.
La revue [modifier]L'Internationale situationniste produit ses travaux théoriques dans sa revue
Internationale situationniste et surtout dans deux livres :
Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations (
1967), de
Raoul Vaneigem et
La société du spectacle (
1967), de
Guy Debord.La revue
Internationale situationniste fut également rédigée par
Guy Debord,
Mohamed Dahou,
Giuseppe Pinot-Gallizio,
Maurice Wyckaert,
Constant,
Asger Jorn,
Helmut Sturm,
Attila Kotanyi,
Jørgen Nash,
Uwe Lausen,
Raoul Vaneigem,
Michèle Bernstein,
Jeppesen Victor Martin,
Jan Stijbosch,
Alexander Trocchi,
Théo Frey,
Mustapha Khayati,
Donald Nicholson-Smith,
René Riesel,
René Viénet, etc. 12 numéros furent publiés entre
1958 et
1969. Cette revue était un terrain d'expérimentation discursif et également un moyen de propagande.Tout en étant surtout un groupe de théoriciens, l'Internationale situationniste s'est illustrée par sa pratique dans deux occasions :
- À Strasbourg, en 1967, un an avant la grève généralisée en France, en « prenant le pouvoir » dans la section locale de l'UNEF, et en utilisant celle-ci pour éditer De la Misère en Milieu Etudiant qui allait connaître par la suite de multiples rééditions.
Un tableau dressé à la veille de
Mai 1968
- À Paris lors de la grève générale de mai 1968, notamment par son appel à la grève générale du 16 mai[5], lancé de la Sorbonne. En mai 68, l'Internationale situationniste s'élargit à travers le Comité Enragés-Situationnistes et surtout ensuite dans le Conseil pour le Maintien des Occupations (CMDO), qui donnera naissance à différents groupes « pro-situs ». Lorsque le CMDO se dissout - les usines n'étant pas occupées - l'Internationale situationniste se reconstitue en tant que telle (groupe de théoriciens), avant de s'auto-dissoudre en pleine crise interne, après une série d'exclusions qui la ramenaient à sa plus simple expression. Plusieurs de ses ex-membres à commencer par Guy Debord auront un rôle majeur dans l'apparition des Editions Champ Libre.
Les positions fondamentales développées dans l'Internationale situationniste peuvent se résumer par cet extrait de la Définition Minimum des Organisations Révolutionnaires, adoptée par la 7
e conférence de l'Internationale situationniste et reproduite dans le n°11 de la revue :« Considérant que le seul but d'une organisation révolutionnaire est l'abolition des classes existantes par une voie qui n'entraine pas une nouvelle division de la société, nous qualifions de révolutionnaire toute organisation qui poursuit avec conséquence la réalisation internationale du pouvoir absolu des Conseils Ouvriers tel qu'il a été esquissé par l'expérience des révolutions prolétariennes de ce siècle… Elle (l'organisation) critique radicalement toute idéologie en tant que pouvoir séparé des idées et idées du pouvoir séparé. »Bien qu'auto-dissoute en
1972, l'Internationale situationniste reste aujourd'hui un mouvement peu ou mal étudié, notamment en raison de sa place significative dans l'histoire de la pensée de la
politique et dans l'histoire des théories artistiques ainsi que par l'actualité de son discours critique. Les situationnistes ne reconnaissent pas non plus la
propriété intellectuelle.Dans ce sens, n'importe qui pourra toujours se dire situationniste (ou disons, s'approprier et user théoriquement et pratiquement, ou idéologiquement, des idées situationnistes), à condition bien sûr de critiquer l'Internationale situationniste. Car un situationniste qui ne critiquerait pas les situationnistes n'en serait pas un : là réside la différence entre les situationnistes et ceux qu'ils dénonçaient eux-mêmes sous le terme de « pro-situs » (les adeptes de l'idéologie figés dans le « situationnisme »). En effet, le concept de « situationnisme » a toujours été dénoncé par les situationnistes, en tant qu'il sous-entendrait l'existence d'une
idéologie situationniste avec ses
dogmes et sa
doctrine, ce qui est le contraire de la théorie situationniste, qui repose sur la critique permanente et le dépassement. En
1972, l'Internationale situationniste était devenue une forme d'organisation dépassée mais surtout
à dépasser car, selon elle, elle avait achevé son rôle historique. Les membres de l'IS ont donc décidé de dissoudre leur organisation cette année-là. En
1974 et ensuite, des anciens membres exclus de l'Internationale situationniste ont alors créé l'
Antinationale situationniste, les
nexialistes, etc.
Tracts diffusés par le comité d'occupation de la sorbonne et le C.M.D.O en mai-juin 1968 [modifier]• télégramme de soutien envoyé au comité de grève de sud-aviation occupée • tract
définition minimum des organisations révolutionnaires• tract
camarades, l'usine sud-aviation de Nantes... (15 h) • tract
vigilance ! (16 h 30) • tract
attention ! (17 h) • tract
attention aux manipulateurs ! attention aux bureaucrates ! (18 h 30) • tract
mots d'ordre à diffuser maintenant par tous les moyens (19 h) • tract
en accord avec différents groupes politiques...(20 h)
• tract des ouvriers en grève de Renault (13 h) • télégramme envoyé à l'institut d'histoire sociale Amsterdam Pays-bas • télégramme envoyé au professeur Ivan Svitak Prague Tchecoslovaquie • télégramme envoyé à la zengakuren Tokyo Japon • télégramme envoyé au bureau politique du parti communiste de l'U.R.S.S. le kremlin Moscou • télégramme envoyé au burau politique chinois porte de la paix céleste Pékin • constitution au soir du 17 mai du C.M.D.O. (Conseil pour le Maintien des Occupations)
• tract
rapport sur l'occupation de la Sorbonne• tract
pour le pouvoir des conseils ouvriers• tract
adresse à tous les travailleurs• tract
c'est pas fini ! • tract
communiqué du comité d'action poétique et prolétarienne• dissolution du C.M.D.O.
L'Internationale situationniste (complément) [modifier]Dès le début des années 50, les situationnistes avaient entrepris la critique de la société marchande dans sa modernité même. Mais à l’encontre de certains penseurs tiers-mondistes de cette époque, ils plaçaient la lutte de classes au centre d'un mouvement subversif dont l'épicentre se situait dans les pays développés. En élaborant le programme d'une insurrection qui cherche ses causes et son point d'application au cœur même de la vie vécue par leurs contemporains, ils se proposaient d'actualiser le programme énoncé par le
Manifeste du parti communiste (1848) de
Karl Marx et
Friedrich Engels, compris comme l'effacement du travail au profit d'un nouveau type d'activité libre, la fin du malheur historique, l'autogestion généralisée, l'avènement de la société des maîtres sans esclaves, la réalisation de l'art.L'Internationale Situationniste se proclamait anti-hiérarchique et se présentait comme un exemple de communauté critique dont les membres étaient censés s'approprier égalitairement la critique unitaire de tous les aspects de la vie. En posant cette exigence de cohérence entre la vie réellement vécue et les idées proclamées, elle prétendait ramener le dessein subversif des artistes novateurs au cœur du projet révolutionnaire.Critiquant la nouvelle pauvreté dissimulée sous l'abondance de marchandises, elle prônait la décolonisation de la vie quotidienne dont elle pensait avoir identifié la misère présente comme le principal résultat du pauvre emploi des moyens techniques accumulés par le capitalisme moderne. Contre l'économie des besoins, elle revendiquait une économie du désir : « la société technicienne avec l'imagination de ce qu'on peut en faire ».S'attaquant également à l'idéologie, à la politique spécialisée et aux spécialistes en général, dénonçant le militantisme comme activité aliénée, se réjouissant de la dislocation des familles et de « la disparition du minimum de conventions communes entre les gens, et à plus forte raison entre les générations », s'identifiant « au désir le plus profond qui existe chez tous, en lui donnant toute licence (...) le seul désir de briser toutes les entraves de la vie », soucieux enfin de « fair(e) passer l'agressivité des blousons noirs sur le plan des idées », les situationnistes prétendaient inaugurer un style de vie, condition de participation à l'avant-garde.En développant leur programme de repassionnement de la vie, ils avaient conscience d'avancer sur le terrain de leurs ennemis, gestionnaires, modernisateurs et publicitaires de la société marchande. Mais ils espéraient les prendre de vitesse et voir venir à eux les forces pratiques de la nouvelle insurrection.Pour l'Internationale Situationniste, qui avait prévu le retour de la subversion dans les métropoles du capitalisme développé et annonçait en 1966 le déclin et la chute de l'économie spectaculaire-marchande, le mouvement de
Mai 68 était le prélude à l'assaut décisif du prolétariat. Ne prétendant rien de moins qu'à représenter l'expression théorique générale d'un mouvement historique, mais visant explicitement dans sa victoire sa propre fin en tant qu'organisation séparée, elle s'est finalement dissoute au moment même où ses idées rencontraient le plus de succès.
Critique(s) (des) situationnistes [modifier]Partisane radicale contre le travail aliéné (et aliénant) et le spectacle en tant que rapport social médiatisé par des images, l’IS se refusa à toute aliénation de l’individu et étant un groupe prônant la libération de celui-ci. Ses membres se refusèrent à toutes propositions formelles pouvant la diriger, ce qui fut vivement critiqué par d’autres mouvements de l’« extrême-gauche » de l'époque (le
maoïsme ou le
structuralisme).Les critiques situationnistes, tant sur cette société que sur certains de ceux qui disent la combattre, furent cinglantes et « avant-gardistes », poussant au radicalisme la critique et l’action. Aujourd’hui certaines personnes venant de tous milieux récupèrent Debord, mettant en avant sa personnalité et son style d’écriture, et annihilent sa pensée. On a ainsi vu des expositions et des ouvrages littéraires dans certains lieux comme le
Centre Pompidou (type d’institution très critiqué par les situationnistes). De plus, des
conseillistes continuent à se dire situationnistes. Certains pensent cependant qu'il est abusif de se déclarer comme tel aujourd'hui et que cela revient à une récupération du mouvement, dénoncée dès l'origine (l’IS voulait un dépassement de leur pensée et non la dogmatiser).