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 Du mouvement à la politique : retrouver la voie de l’alternative

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جنون
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الموقع : منسقة و رئيسة القسم الفرتسي بالمدونات
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18092010
مُساهمةDu mouvement à la politique : retrouver la voie de l’alternative

Cet entretien avec René Mouriaux a été réalisé le 4 mars 2009. René Mouriaux est politologue, directeur de recherches honoraire au CEVIPOF. Du mouvement à la politique : retrouver la voie de l’alternative  Rene_MouriauxLe thème de la crise de la représentation politique a été massivement débattu au cours des vingt dernières années. Après deux échecs retentissants de la gauche à l’élection présidentielle (2002, 2007) et l’avènement du sarkozysme comme projet de refondation de la droite française, quelle est la pertinence analytique de cette notion ?René Mouriaux — L’expression apparaît après Mai 68, notamment chez Henri Lefebvre. Mais ce n’est que dans les années 1980 que le thème s’impose en liaison avec les désenchantements suscités par la relève socialiste. Les espoirs que l’Union de la gauche irait plus loin que le Front populaire et transformerait la vie ont fait long feu. La « culture de gouvernement » est passée par là. Dans ce contexte, celles et ceux qui avaient voté pour la transformation sociale se sont sentis dépossédés. La représentation est en crise parce qu’elle ne représente plus. Tel est le sentiment qui prévaut : la politique est synonyme de gestion, on ne sort pas du système, on le modifie à la marge.D’ailleurs, la théorie de la marge est reprise explicitement par la Fédération de l’Education Nationale (FEN). Concrètement, la FEN qui n’a jamais soutenu le programme commun, mais qui espérait avec l’arrivée de la gauche une unification du réseau scolaire et la résolution du problème de la laïcité à l’école sur la base des valeurs de gauche, s’est résignée à l’idée d’un bricolage, d’un rapiéçage de l’existant. La représentation n’a pour objet que la petite touche à apporter à des processus jugés « incontournables ». La crise de la représentation indique, précisément, le décalage par rapport à la visée d’une transformation réelle de la société. Elle perdure parce que l’hégémonie libérale s’est accomplie. On n’envisage guère un passage du libéralisme au socialisme. L’affirmation qu’« un autre monde est possible », popularisée par ATTAC, reste minoritaire. Mais notons aussitôt à quel point cette proposition est faible, floue : on ne dit pas lequel.Il en est de même du combat pour faire advenir une autre Europe. Ainsi, le rejet du Traité Constitutionnel Européen (TCE) lors du référendum du 29 mai 2005 en France n’a pas abouti à un renforcement politique de la gauche. On se bat, mais il n’y a guère de prolongements programmatiques ou organisationnels. La gestion/protestation est le couple prédominant. Point d’alternative cohérente, ni de projet perceptible porté par un courant ou une famille politique à même d’assurer le remplacement alternatif.De ce point de vue, le sarkozysme prospère sur l’absence de relève. Une de ses caractéristiques est de récupérer des thèmes ou des personnalités de gauche pour montrer qu’il n’y a pas d’autre politique. Brice Hortefeux et Eric Besson apparaissent interchangeables. Etre sérieux, c’est être libéral. Se rallier ou se disqualifier en se mettant dans l’utopie ! Ce n’est que dans le mouvement social, hors champ partisan, que l’énonciation de la possibilité de sortir du système est actuellement possible. Le système politique apparaît déséquilibré, et à quelques exceptions près, pratiquement verrouillé.— Le succès du sarkozysme renvoie-t-il simplement à la dépression projectuelle de la gauche dans tous ses états ou exprime-t-il, plus fondamentalement, un constructivisme politique à vocation hégémonique au sein de la droite qui se démarque du gaullisme chiraquien ?René Mouriaux — Ma réponse ne sera pas tranchée. L’originalité du sarkozysme par rapport au chiraquisme est la volonté de réunir toute la droite. Sur le plan électoral, il a disloqué le vote frontiste en reprenant des thèmes du Front National bien au-delà de la campagne présidentielle. Il s’est dressé pratiquement comme l’homme politique qui s’oppose à l’immigration, qui incarne une défense de l’identité française.Le sarkozysme est un libéralisme qui joue sur les registres du Front National tout en se disant « ouvert », « pas sectaire », « reconnaissant les qualités » ailleurs que dans son camp. Cette stratégie constitue un vrai piège pour la gauche parce qu’elle donne à voir l’absence d’alternative réelle face au sarkozysme. La gauche ne peut se sortir de ce brouillard qu’à condition de se démarquer et de reprendre le travail de refondation.A ce niveau de l’analyse, il convient d’introduire une périodisation. La première phase du sarkozysme s’étend du 6 mai 2007 au discours de Toulon (25 septembre 2008). Durant cette phase, Nicolas Sarkozy avance ses réformes allant de succès en succès. Malgré les résistances rencontrées, il impose sa frénésie réformatrice : paquet fiscal, suppression des régimes spéciaux de retraite, encadrement de la grève dans les transports publics, bouclier fiscal, etc. Les syndicats se heurtent au chantage de s’intégrer en participant à l’amélioration des projets gouvernementaux ou d’être stigmatisés comme irresponsables, dogmatiques, voire dangereux. Ce chantage a bien fonctionné, plaçant les syndicats, pour reprendre le jeu de mot d’un collègue politologue, dans un sarkophage.L’ouverture de la crise inaugure une deuxième phase du sarkozysme. Le Président n’a plus la possibilité de prétendre avoir été élu pour réaliser son programme. Il est obligé d’inventer une réponse à la crise. Une réponse qui n’est pas contenue dans son programme originaire. Face à l’explosion du chômage, le problème n’est plus l’augmentation des heures supplémentaires mais la création de nouveaux emplois. Sur cette question, le programme de Nicolas Sarkozy ne disait rien et ne pouvait rien dire parce qu’il est profondément libéral. D’où l’infléchissement économique qui consiste à introduire une dose de keynésianisme, en réinjectant des capitaux et en soutenant l’investissement. Sans pour l’instant réintroduire du pouvoir d’achat dans l’économie.Dans cette nouvelle phase, les faiblesses du sarkozysme vont éclater au grand jour. Comment refonder le capitalisme sans le changer fondamentalement ? Comment et jusqu’où réguler le marché des capitaux ? Que faire des paradis fiscaux ? L’équilibrisme de la phase précédente est difficilement tenable au vu de la gravité de la crise actuelle. Le sarkozysme aura du mal à trouver un second souffle. D’autant plus qu’en termes de calendrier, la reprise se fera probablement au moment de l’élection présidentielle de 2012. Plus fondamentalement, Nicolas Sarkozy risque d’apparaître comme un homme politique n’ayant pas eu de véritable projet. Toutefois, il pourrait encore l’emporter par défaut parce qu’il conserve la capacité de montrer qu’il n’y a rien face à lui.— A partir de la périodisation mentionnée, comment analyser la recomposition des résistances à la politique de Nicolas Sarkozy ?René Mouriaux — Il faut bien distinguer dans le mouvement social, le mouvement de la société, les luttes, et les organisations syndicales qui, certes, y participent, tout en ayant un caractère institutionnel, voire institutionnalisé qui met une partie d’entre elles en porte-à-faux. Les contradictions économiques, notamment la montée du chômage et la baisse du pouvoir d’achat, sont à l’origine d’une reprise du mouvement social. Il existe une véritable mobilisation collective. Mais elle est insuffisamment prise en charge par les organisations syndicales, à commencer par la CFDT. On voit mal de leur côté une volonté d’accélérer le processus. Les syndicats n’impulsent pas le combat, ils l’accompagnent.En parallèle, Nicolas Sarkozy a joué la carte de la division syndicale, en particulier sur les règles de la représentativité. Mécontentes, FO-CGT, CFTC, CFE-CGC ont mis du temps à rejoindre la CGT et la CFDT dans la grève du 29 janvier 2009. En même temps, ces deux dernières confédérations divergent sur les objectifs de la mobilisation, même si la CGT se méfie de toute politisation à l’ancienne – nous y reviendrons.— Précisément, quelle est la portée politique de ces mobilisations collectives ?René Mouriaux — D’une part, c’est l’appel à une pratique politique qui s’oppose à l’application d’un programme électoral sans alternative possible. D’autre part, c’est le contenu propre de la politique qui est en jeu. Dans le domaine de la santé, par exemple, il y a manifestement un décalage entre les règles budgétaires indexées sur l’objectif de mise en équilibre (et en concurrence) et le fait que chaque plan de « sauvetage » de l’hôpital et de la Sécurité sociale sera suivi d’un nouveau plan, encore plus « impératif ». L’idée que le libéralisme peut régler ces problèmes ne tient pas la route. Le programme de Nicolas Sarkozy comporte une certaine cohérence dans les objectifs poursuivis. Mais au lieu de résoudre les problèmes sociaux, il tend plutôt à les accentuer. Le mouvement social est le refus de cette dégradation. Pendant « les années des victoires-défaites » (1995-2007), il met des crans d’arrêts, mais la situation globale continue à se dégrader.Le mouvement social est par ailleurs handicapé par le fait que les organisations qui devraient le soutenir en partie le paralysent, le contrecarrent, ou au mieux, l’accompagnent. Prenons la mobilisation du 29 janvier 2009. La date a été repoussée en raison des élections prud’homales, puis de l’attitude de certaines confédérations, dont la CFDT, qui voulaient prendre du temps. Ce qui a accéléré la prise de décision, c’est la détérioration du contexte économique, en particulier la montée en flèche du chômage en décembre 2008 qui a provoqué un électrochoc. Il n’était guère possible pour le syndicalisme de rester « l’arme au pied ». En même temps, la plate-forme revendicative commune (salaires, emploi, services publics, etc.), large, est restée très floue. Mais quel niveau de SMIC, quelle hausse pour les traitements des fonctionnaires, quel objectif de création d’emplois ? Tous les amendements destinés à les préciser ont été écartés. Or, rester dans le vague n’est pas une manière de dynamiser les mobilisations.— Une telle absence de précision dans la définition de l’agenda revendicatif n’exprime-t-elle pas dans une certaine mesure le souci de maintenir le cadre syndical unitaire ?René Mouriaux — Ce dilemme n’est pas soluble immédiatement. Si la dynamique de l’action sociale se développe, la plate-forme s’enrichira. Autant dire que l’équilibre est mouvant. Ainsi, la CGT a parfaitement raison de ne pas exiger que ses objectifs soient repris tels quels tout de suite par tous. En même temps, c’est un handicap parce que cette indétermination permet à Nicolas Sarkozy de moduler sa réponse en l’adaptant à telle ou telle sensibilité syndicale. La fragmentation est un facteur d’affaiblissement structurel du syndicalisme français qui retentit sur l’ensemble du mouvement social.— Comment les failles de la gauche politique impactent-elles le mouvement social dans la conjoncture actuelle ?René Mouriaux — Dans le cas français, on peut distinguer quatre modèles du rapport syndicats-partis. Le premier type est celui de la subordination. Il comporte trois formules : le parti dicte au syndicat sa stratégie (à l’instar des relations les plus fréquentes CGT-PCF avant 1995) ; le syndicat domine le parti (travaillisme anglais, expérience historique de députés mineurs en France qui n’a pas fait école) ; l’apolitisme qui conduit indirectement le syndicalisme dans la mouvance des partis de droite au pouvoir.L’opposé de la subordination est la rivalité. Cela fut le modèle de Force Ouvrière qui se posait comme anti « PC-GT ». La plus belle manifestation de cette posture fut en 1981 quand FO-CGT lança une mise en garde solennelle à propos de la présence de quatre ministres communistes dans le gouvernement Mauroy. C’est le cas exemplaire d’un syndicat qui se définit essentiellement comme étant tourné contre la politique d’un parti. L’étiolement de l’anticommunisme historique atteint aujourd’hui Force Ouvrière dans son ressort identitaire.Le modèle contradictoire (et non plus contraire, opposé) de subordination est le modèle de la substitution. Ainsi la Charte d’Amiens stipule que le syndicalisme fait tout. Le syndicat se prétend être le « vrai parti ouvrier », un instrument totalisant de l’émancipation sociale. On trouve actuellement une forme particulière de pan-syndicalisme dans le cas de SUD, de l’École émancipée au sein de la FSU, chez les gréve-généralistes. Mais leur influence est sans commune mesure avec la tradition du syndicalisme révolutionnaire des débuts du XXe siècle.Enfin, le modèle contradictoire de la rivalité est le modèle de la coopération. C’est celui qui est le plus difficile à mettre en œuvre en France. Le mutisme de la gauche politique pendant les grèves de l’automne 1995 ou son aphasie sur la question des banlieues limitent intrinsèquement les chances d’une convergence et nuit de ce fait au mouvement social.Relevons à ce propos la grande difficulté de la gauche, à la fois politique et syndicale, à se situer à l’égard de la violence. Il ne s’agit absolument pas de légitimer le terrorisme. Toutefois, il est nécessaire de conduire des analyses fines sur ce qui est ou n’est pas légitime dans la contreviolence face à la violence systémique. D’autant plus que la crise autorise à parler de la violence systémique du capitalisme. Dans ce domaine comme dans d’autres, le réarmement intellectuel de la gauche, indispensable, est désormais possible. Entre les simplifications enthousiastes du programme commun et le pragmatisme de nos jours, il y a une marge considérable. Mais la fragmentation politique de la gauche entrave les possibilités d’aller de l’avant.— Après l’expérience historique d’instrumentalisation, le syndicalisme français se montre aujourd’hui très attaché à son indépendance, soucieux de défendre son égale dignité à l’égard des formations partisanes. Quels sont les obstacles pour envisager une forme de coopération entre syndicats et partis politiques sur d’autres bases que la subordination ?René Mouriaux — Il n’existe pas d’attitude commune au sein du syndicalisme. A partir de son recentrage, la CFDT a tourné la page et ne s’est plus inscrite dans le mouvement ouvrier qui comportait un trépied : les partis, les syndicats, les associations. Elle s’est autonomisée au nom de l’idée de représenter la société civile. « Ni neutre ni partisan » : telle fut la nouvelle ambition. Cette rupture légitime le fait que la CFDT peut discuter aussi bien avec Lionel Jospin qu’avec Nicolas Sarkozy. Ce qui est en partie inexact parce qu’il y avait plus d’agressivité à l’égard de Jospin et de Martine Aubry qu’à l’égard de Sarkozy, à l’exception des 35 heures. Dans le cas de la CFDT, la muraille de Chine sera difficile à détruire. La démarche cédétiste est ancrée, théorisée, liée fondamentalement à la certitude qu’il n’existe aucune alternative au libéralisme. La transformation sociale se fait de l’intérieur, lentement, par la base, par capillarité, en introduisant des valeurs qui ne sont pas celles du marché.Force Ouvrière défend toujours l’héritage de la Charte d’Amiens. Mais elle réactualise cet héritage en introduisant la proposition que le syndicat défend les seuls intérêts des salariés. De la sorte, la Charte d’Amiens perd son ambition de transformation totale. Ce n’est donc pas par le biais de Force Ouvrière que se fera la revitalisation du rapport syndicats-partis sur une base coopérative. Quant à l’UNSA, elle est trop « marqueterie » pour être un élément dynamique dans ce domaine. A l’image du PS, elle s’est divisée lors du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen.Il reste alors la CGT en interaction avec la FSU, voire avec SUD. Ces deux derniers syndicats n’ont pas la taille critique pour être des vecteurs principaux du renouveau, mais ils peuvent y contribuer. En revanche, le débat principal se passe au sein de la CGT. La confédération a déjà mené une critique des pratiques anciennes qui, sans être forcément unilatérales (la « courroie de transmission »), conduisaient à ce que dans son écosystème syndicat-parti la CGT avait pour interlocuteur principal, et quasiment unique, le PCF. En raison du déclin objectif du PCF, et plus généralement de l’effondrement du communisme, le modèle léniniste a vécu.En même temps, la CGT a peur de son ombre. C’est-à-dire de son passé. Elle hésite à entrer dans le débat politique par crainte se comporter comme avant. Elle n’entend pas se référer à un programme extérieur dont elle pourrait pourtant évaluer la portée et l’intérêt. Elle risque ainsi de tomber d’un excès à l’autre. La négation immédiate du passé aboutit à sa simple inversion.— Quels gages les partis doivent-ils donner pour conforter les syndicats fort frileux à leur égard ?René Mouriaux — La frilosité ne peut être levée qu’en allant au fond des choses. Il s’agit de défendre l’idée d’un syndicalisme « pain complet », d’en développer le contenu. D’un syndicalisme qui intervient aussi bien dans le champ de la société civile que dans l’espace étatique (État-employeur, politiques publiques, fiscalité, etc.). D’un syndicalisme qui s’adresse à la scission État/société civile en luttant des deux cotés pour faire passer ses objectifs.Le syndicalisme n’est pas une compagnie d’assurance, ni une espèce de Croix Rouge du social. Il défend l’amélioration de la condition sociale des salariés tout en s’inscrivant dans une perspective transformatrice. Il faut être réformiste, immédiatement, mais en mettant les réformes au service d’un projet beaucoup plus large. Un bon révolutionnaire sait qu’il faut être réformiste hic et nunc, sinon il ne saurait jamais accréditer dans les esprits l’idée que le changement est possible. C’est un processus qui combine court terme, moyen terme, long terme. Un bon réformiste doit être révolutionnaire.De ce point de vue, il serait intéressant de regarder de près l’expérience historique de la Première Internationale. L’Association Internationale des Travailleurs (AIT) recevait dans ses rangs les partis, les syndicats, les associations, les coopératives. Et même une fanfare ouvrière suisse ! C’est assez symbolique de l’idée que le mouvement ouvrier inclut toutes ces organisations. Elle reconnaissait qu’il y avait une distinction de rôles mais pas une distinction de champ d’intervention parmi ses membres. Certains visaient à conquérir le pouvoir d’État, d’autres à remplir essentiellement une fonction de représentation économique des intérêts des travailleurs. Mais la distinction de fonctions opérait dans le même champ. Le modèle de l’AIT n’est pas celui de la division du travail entre le social et le politique, le syndicat et le parti. Cette césure correspond plutôt à l’expérience de la Seconde Internationale qui postule la hiérarchisation des tâches.Bien entendu, il ne s’agit pas de revenir en arrière, nous sommes dans une phase inédite. Mais il s’avère nécessaire à l’heure actuelle d’envisager des concertations, voire des collaborations sur des thèmes précis entre partis, syndicats, associations. Je ne trouve pas choquant, à la limite, qu’il y ait des projets de loi communs. Mais il ne s’agit point pour le parti de « filer » son projet au syndicat. Chacun devrait prendre en charge le sujet et ce n’est que dans la convergence que le travail peut et doit s’effectuer.Aller au fond des choses implique pour le syndicalisme « pain complet » de reconnaître qu’il peut nouer des partenariats politiques sur la base de convergences idéologiques, stratégiques, programmatiques. Un discours de droite et un discours de gauche doivent être distingués. Ils ne peuvent être considérés de la même manière ! La condition fondamentale d’une telle coopération est que chacun reste maître chez soi et respecte l’autre. C’est beau à dire, plus difficile à faire. Inversement, si chacun se réfugie chez soi, tout le monde y perd : les partis s’appauvrissent, les syndicats se rabougrissent.— Comment concevoir aujourd’hui l’activité politique comme une activité d’émancipation collective qui déborde la sphère partisane stricto sensu ?René Mouriaux — Il faut partir de la fragmentation du salariat et de l’ensemble de la population. Le rôle des forces politiques est d’établir les transversalités en montrant que d’autres objectifs sont possibles. Syndicats et partis critiques ont à travailler dans cette perspective de mise en commun afin d’en dégager à la fois les raisons idéologiques et les objectifs rassembleurs. Un tel travail d’élaboration ne peut s’accomplir qu’en auscultant les besoins vitaux de la population, en récusant vigoureusement l’ésotérisme des appareils bouclés sur eux-mêmes.— Toutefois, certains partis de gauche, à l’instar du PFC, prétendent être parties prenantes du mouvement social.René Mouriaux — Des communistes sont dans le mouvement social, mais le parti communiste n’y est pas vraiment. D’ailleurs, si l’on prend la problématique de la diversité, on constate que les communistes beurs sont assez peu nombreux. Précisément, sur la question des banlieues, le PCF a participé au mieux à des mouvements d’encadrement pour éviter les débordements, sans jamais réaliser un travail de fond pour politiser la jeunesse issue de l’immigration.— Les partis politiques de gauche sont-ils capables à l’heure actuelle de s’engager dans un processus de construction de transversalités ?René Mouriaux — Le Parti socialiste me paraît difficilement réformable en raison même du poids écrasant de ses élus ainsi que de sa logique institutionnelle. Il ne s’agit pas de l’écarter, mais de solliciter les divers éléments dont il se compose, en espérant l’entraîner plus à gauche sur tel ou tel sujet. Il est pourtant clair que la rénovation ne viendra pas de ce côté.Quant au PCF, j’ai longtemps pensé qu’il était réformable. Mais au vu de son extrême fragmentation et de son incapacité à discuter, à commencer dans son sein, il est permis d’en douter. En l’état actuel, il n’y a pas de dialogue possible entre les huistes, les buffetistes, les marchandistes et les rénovateurs. Le Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot ayant opté pour un développement autonome, il n’y a pas d’interaction dialectique entre le PCF et le NPA. Nous sommes en mars 2009.Autant dire qu’il subsiste un décalage entre les besoins d’unité politique vers le cap de la transformation sociale et la dispersion de « l’offre » politique de gauche. Or, instaurer la légitimité d’une alternative requiert à la fois un programme indiquant des objectifs atteignables (à ne pas confondre avec un catalogue de mesures) et une pratique portée par des forces politiques qui incarnent ce projet de transformation.— Comment envisager une reprise politique de ce projet dans le contexte d’éparpillement des forces de gauche ?René Mouriaux — Pour le moment, le seul élément d’optimisme pourrait venir du côté du mouvement social si un rapprochement s’établissait entre CGT, FSU, et peut-être SUD. Sans que cela soit un bouleversement, une telle convergence pourrait accréditer l’idée qu’on n’est pas simplement dans une phase d’éclatement : la recomposition serait en marche. Malgré la morosité de la conjoncture, il y a des gens qui luttent et qui essaient d’avancer des idées, d’inventer des pratiques.La crise actuelle devrait durer et personne ne peut prédire à quel moment elle prendra fin. Mais à la différence de la Grande dépression de 1929, il ne s’agit pas simplement d’une crise économico-financière. C’est aussi une crise écologique au sens large du terme. D’une part, les conditions de travail, le respect de l’homme, sont bien plus affectés qu’en 1929. D’autre part, c’est le monde naturel lui-même qui est malmené par le modèle de développement dominant incompatible avec la protection de l’environnement. Productivité et profitabilité sont conjointement mis en cause.Globalement, la crise nous confronte à des enjeux extrêmement importants. La droite surfe tant bien que mal sur la nouvelle donne socio-économique, mais elle ne la maîtrise pas. Le MEDEF n’est pas à la hauteur de la situation. Le côté pragmatique selon lequel on se sortira de la crise en bricolant prédomine parmi les économistes. La vision historique de la crise actuelle fait défaut. En fait, celle-ci est à la fois anthropologique et écologique.— Que faut-il entendre par projet politique de sortie de crise dans une perspective d’émancipation ?René Mouriaux — Il faut d’abord se décomplexer et arriver à redire des « gros mots » : internationalisme, coopération au lieu de concurrence, émancipation sociale. Comment mettre en chantier un projet politique qui réactive la visée transformatrice ? Nous n’avons pas la réponse. Nous pouvons conceptuellement désigner le souhaitable, mais actuellement il n’y a pas de forces collectives pour le dire. Nous sommes sur la défensive. D’où la nécessité de reparler d’alternative. De reparler d’une économie où ce n’est pas la rentabilité qui l’emporte mais la satisfaction des besoins sociaux, en y intégrant la valeur de la force de travail.Cette démarche est extrêmement complexe d’autant plus que toutes les relations sociales dans le capitalisme en crise tendent à être indexées sur le principe de la concurrence. Mais pour agir efficacement, il faut nommer les fins de l’action collectivement engagée. Au moment où le capitalisme « purge » ses capitaux toxiques, il faut que la gauche achève de purger son passé stalinien et aille jusqu’au bout de sa visée émancipatrice. La phase actuelle de la déstructuration n’est pas encore achevée. La tentation de « se compter » aux élections est toujours d’actualité. Or, la priorité pour la gauche est de se réunir sur la construction d’un projet dans une pratique nouvelle. Il existe des bribes dans cette direction, il reste à amplifier le travail.
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سميح القاسم
رد: Du mouvement à la politique : retrouver la voie de l’alternative
مُساهمة الخميس يوليو 21, 2011 5:41 pm من طرف سميح القاسم
re. Mais ce n’est que dans les années 1980 que le thème s’impose en
liaison avec les désenchantements suscités par la relève socialiste.
Les espoirs que l’Union de la gauche irait plus loin que le Front
populaire et transformerait la v
 

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