C’est une première dans le règne animal. Dans un groupe d’insectes brésiliens cavernicoles, les femelles utilisent un organe sexuel spécialisé pour pénétrer les mâles. Pour les scientifiques, leur présence bouleverse ce que nous connaissons de la sélection sexuelle. Les insectes sont tous les membres du genre Neotrogla, dont les quatre espèces peuvent mesurer de 3 à 4 mm environ à maturité. Il y a plusieurs années, un chercheur brésilien nommé Rodrigo Ferreira en a envoyé quelques échantillons à un entomologiste suisse nommé Charles Lienhard, qui a identifié les insectes comme appartenant à un genre entièrement nouveau. Lienhard a aussi remarqué que les femelles avaient comme "une structure de pénis" érectile qu’ils ont appelé "gynosome" que vous pouvez admirer dans l’image ci-dessous.
Image tirée de l’étude, le gynosome du Neotrogla aurora (Yoshizawa, 2014) :Les neotrogla ne sont pas les seules créatures femelles sur la planète à avoir un organe (structure) en forme de pénis. Les soi-disant “pseudo-pénis" sont connus dans d’autres espèces, cela va du clitoris élargi des hyènes aux grandes lèvres de l’atèle (singe). Mais dans chacun de ces cas, le mâle doit toujours pénétrer la femelle pendant l’accouplement. Chez le neotrogla, le gynosome pénètre réellement le mâle pendant les rapports sexuels, même si ces derniers restent les fertiliseurs. Ferreira et Leinhard ont étudié les espèces avec des collègues chercheurs japonais Kazunori Yoshizawa et Yoshitaka Kamimura afin de comprendre l’anatomie des organes génitaux du Neotrogla dans le contexte de son comportement d’accouplement.
Ils ont découvert que lorsque les insectes ont des rapports sexuels, le gynosome de la femelle, une fois en érection, est inséré dans le mâle. Lorsqu’elle l’a pénétré, le gynosome gonfle, libérant un ensemble d’épines qui pourraient être utilisées pour empêcher le mâle de s’échapper. Le rapport dure de 40 à 70 heures.
Les chercheurs ont trouvé les épines quand ils ont essayé de séparer physiquement les deux insectes alors qu’ils étaient en plein accouplement.
Ils indiquent que :
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Le fait de séparer le couple a conduit à la séparation de l’abdomen du mâle du thorax, sans séparer le couplage génital.
En d’autres termes, ils ont coupé le mâle en deux. Cela a démontré que la femelle peut fermement retenir son partenaire. C’est une importante capacité pour les insectes qui doivent maintenir le coït pendant deux ou trois jours.
Avec le mâle maintenu fermement en place, le gynosome est prêt à recevoir le sperme. Mais ce n’est pas tout ce qu’ils obtiennent : les mâles offrent également des paquets nourrissants de nutriments qui aident les femelles à survivre dans l’environnement dépourvu de nourriture de la grotte dans laquelle ils vivent.
Dans l’ensemble, il est clair que :
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La fonction relative et le modèle d’élaboration des organes génitaux masculins et féminins, chez le neotrogla, sont complètement inversés par rapport à celle généralement observée.
Mais pourquoi ?
Les chercheurs soupçonnent que le Neotrogla a évolué de cette façon par le biais d’une sorte de sélection sexuelle "inversée", par rapport à la plupart des autres espèces.
Quand on parle de sélection sexuelle, nous pensons généralement que les membres d’un même sexe sont pointilleux sur le choix de leur partenaire, car beaucoup d’énergie ou de ressources sont impliquées dans la reproduction. De ce point de vue, les spermatozoïdes ne sont pas chers, mais les oeufs sont couteux, sans parler de l’énergie associée aux soins parentaux.
Les Neotrogla évoluent dans un environnement pauvre en nutriment. Les sources principales de nourriture pour les insectes, dans leurs cavernes brésiliennes desséchées, sont les carcasses de chauves-souris mortes, avec le guano qui les accompagne. Mais les carcasses sont assez rares. Les femelles ont un besoin alimentaire constant pour soutenir leur reproduction et elles obtiennent ce complément alimentaire par le biais des “cadeaux” séminaux des mâles. Ainsi, le sperme est bien plus précieux.
Dans ce contexte, la sélection naturelle aurait opéré pour renverser les schémas habituels, plaçant la femelle Neotrogla en concurrence avec d’autres pour l’accès aux mâles, qui ont mis un peu de leur propre énergie dans l’alimentation des femelles grâce à leurs “cadeaux séminaux”. Ici c’est les mâles qui sont le pus pointilleux dans leur sélection. À ce stade, cela reste une hypothèse. Les chercheurs l’appellent le “facteur le plus susceptible de favoriser l’évolution du gynosome”, mais ils reconnaissent que la preuve est "essentiellement circonstancielle”.
Il y a encore beaucoup de travail à faire et celui-ci pourrait apporter une compréhension beaucoup plus nuancée de la sélection sexuelle et des rôles sexuels. Les scientifiques espèrent créer des colonies d’insectes en laboratoire pour de futures recherches.
الإثنين أبريل 11, 2016 9:42 am من طرف جنون