[size=16]Auteur de Kafka Cola et Peeping Tom, Alessandro Mercuri monte le dossier Alvin en suivant respectueusement le journal de bord du submersible.[/size]
Au commencement Hollywood. La projection du film de Kubrick [size=16]Dr Strangelove. Ou plutôt la tentative de projection du film de Kubrick, car tout est annulé au dernier moment, un drame vient de survenir : la mort de Kennedy. En pleine guerre froide, nait Alvin, de son vrai nom Alvin DSV-2. C’est un submersible de la U.S. Navy, la marine de guerre des États-Unis. Durant son existence, l’engin effectuera près de 5000 plongées sous-marines, au large d’îles mystérieuses et paradisiaques, mer de corail et d’azur, aux plus obscures, infernales et glaciales profondeurs.[/size]
Agrémenté d’archives et de photographies, cette enquête au cœur d’un mystère des profondeurs, l’histoire d’un submersible employé dans le cadre des missions sous-marines secrètes des services de renseignements américains, Alessandro Mercuri manie, détourne, construit une vérité autre, comme les espions manipulent l’information ; il raconte une fiction à partir d’une réalité, – mais quelle est-elle cette réalité ? La réalité n’est-elle pas une fiction comme les autres ? Un pur produit de l’entertainement américain ?
A partir d’archives déclassifiées, de documents et de photographies, Alessandro Mercuri compose un « Wikileak poétique-fictionnel », récit diffracté à l’ère d’Internet où s’entremêlent sans discrimination discours scientifiques et théories complotistes, mythes et mythomanies, créatures réelles et imaginaires, eaux troubles et eau salée. D’où les références nombreuses dans tout l’ouvrage à Dr. Strangelove, l'assassinat de Kennedy, les îles Bikini, Alvin en Espagne, Argus Island, les sirènes, les Village People, la psyché, les hippocampes, les créatures extrêmophiles, les extraterrestres, la Guerre Froide, le Titanic, le Galathée Yeti, Ovide, Euripide, Andromaque, Cervantes, Galatée, Pygmalion, un lac sous-marin du golfe du Mexique, Du côté de chez Swann, We all live in a yellow submarine, Assange et Snowden, et le célèbre et génialissime That’s All Folks des cartoons américains.
L’Histoire, selon les mots de Duchamp que Mercuri place en épigraphe de son livre, est une autre histoire. C’est l’histoire d’un récit, d’une fable, la fable de l’humanité, faite d’imaginaire et de fantasmes ; une histoire structurante, un récit collectif que nous avons l’habitude de nous raconter avant de nous endormir.
Cette formidable aventure d’un sous-marin de l’armée américaine est l’histoire d’une plongée dans les profondeurs de la psyché humaine. De ses rêves ; de ses fantômes ; de ses peurs ; de ses joies ; de ses fulgurances à se raconter des récits imaginaires. L’Histoire n’est alors qu’une belle fable qui nous permet de donner du sens.
Refermant ce livre, si l’on suit bien l’esprit de l’auteur, tout ce qu’on peut alors dire à propos de l’Histoire de l’humanité, c’est une seule phrase, plagiée sur une formule anglo-saxonne : [size=16]this is only entertainement ![/size]
[size=16]A propos d'Alessandro Mercuri, Le dossier Alvin, Enquête, archives, photographies, 23X 17 cm, 176 pages, Re : Pacific, 2014.[/size]
(Chronique parue dans le Grand Genève Magazine, n°4, avr-mai-juin 2015)