Paloma, 31 ans, n’a pas envie de ressembler à sa mère : « Quand je la regarde, je vois une femme aigrie, fatiguée, agressive, à la fois sur la défensive et en demande permanente d’affection. Et j’ai peur de suivre le même chemin. Car je me surprends parfois à adopter des comportements identiques, notamment vis-à-vis de mes enfants. » Le cercle serait-il à ce point vicieux que nous serions voués à reproduire le même schéma, à vivre le même destin ? Si l’individu se construit en fonction du modèle parental, certains y voient toujours un antimodèle. Et craignent pour leur propre devenir.
Pourquoi ?
Je me vois « vieux »
Pour la psychanalyste Brigitte Allain-Dupré, « cette peur renvoie d’abord à celle de vieillir ». Dans nos sociétés où la vieillesse est constamment dévalorisée, il est difficile de s’enthousiasmer à l’idée d’avoir un jour le même âge que maman. Or nos points communs, notre ressemblance physique nous confrontent à la dure réalité. Face à elle, nous nous voyons « vieux ». Et peut-être fragiles. La présence d’une mère qu’enfant nous imaginions invincible et qui nous apparaît faillible désormais nous renvoie l’image de la personne que nous sommes, inconsciemment, appelés à devenir. Et nous interroge : allons-nous faire mieux ? Moins bien ? Allons-nous connaître nous aussi un tel déclin ?
J’ai encore besoin de m’opposer
Nous voyons en nos parents des épouvantails auxquels nous ne voulons pas ressembler, et exprimons ainsi un besoin d’opposition qui n’arrive pas à se définir comme tel. « Quand il n’est pas soumis, notre positionnement face au modèle parental est rebelle », explique le psychothérapeute Pierre Lassus. Mais pourquoi rester rebelle à l’âge adulte ? Pour exister ! « Nous passons tous par des épisodes de confrontation avec nos parents, poursuit Brigitte Allain-Dupré. Ces conflits sont structurants pour l’individu, qui a besoin de s’opposer pour s’affirmer. Quand la confrontation n’a pu avoir lieu, à l’adolescence notamment, à cause de parents trop fragiles ou trop autoritaires, elle surgit plus tard à grand renfort de rivalité ou demeure latente mais bel et bien présente. »
Je manque d’autonomie
Pour Pierre Lassus, « craindre de ressembler à l’un de nos parents ou de faire les mêmes erreurs, c’est manquer, vis-à-vis de lui, de distance ». Pourquoi sommes-nous liés à ce point ? « Sans doute ce parent a-t-il (eu) du mal à nous considérer en tant que sujet autonome, parce qu’il avait besoin de projeter ses espoirs sur nous. Du coup, nous avons du mal à nous appartenir », répond le psychothérapeute. Il arrive que, trop anxieux dès la petite enfance, nous n’ayons pas été capables de nous séparer symboliquement de nos parents. Aussi vivons-nous encore sous la coupe de maman. Par ailleurs, « une femme pressent qu’elle est appelée à avoir le même destin que sa mère puisque, très tôt, vient l’idée de devenir mère à son tour », ajoute Brigitte Allain-Dupré. Un conflit psychique surgit : nous sommes « comme elle », mais nous devons trouver notre place, notre rôle. Et apprendre à dire « je suis moi », tout en la laissant être ce qu’elle est.
Que faire ?
A DÉCOUVRIR
TEST
L’accepter en tant que personne
Votre mère n’est pas parfaite ? Personne ne peut prétendre l’être. Sans doute pourriez-vous mieux accepter la personne qu’elle est en considérant ses talents et ses vulnérabilités. « Aimez aussi celui ou celle que vous êtes devenu grâce ou à cause d’elle, suggère Brigitte Allain-Dupré, psychanalyste. Êtes-vous par exemple plus sensible, plus généreux ou à l’écoute ? » Une façon de dédramatiser le modèle parental, qui n’est jamais tout noir ou tout blanc.
Trier dans ce qui a été transmis
Pour Pierre Lassus, psychothérapeute, il convient de se libérer d’une fidélité inconsciente et parfois toxique : « Nul n’est tenu d’hériter et d’assumer des siècles de névroses ! Faites l’inventaire de ce que vous avez reçu et ne prenez que ce qui vous convient. Il ne s’agit pas de rejeter tout en bloc, mais de faire le tri pour mieux vous responsabiliser et devenir adulte. »
Analyser l'histoire parentale
Brigitte Allain-Dupré propose de modifier son point de vue : « Si vous vous sentez prisonnier d’une histoire ou d’une personnalité, réfléchissez et notez, par exemple : “Ma mère est agressive”. Puis trouvez tout ce qui s’oppose à cette idée : “Elle est née pendant la guerre et a souffert” ou “Sa propre mère était dépressive”. L’idée n’est pas de justifier, mais de sortir d’un point de vue partial qui engendre