Maurice Hauriou (1856-1929)
Eminent professeur des Facultés de droit ayant marqué son époque. Maître de l'Ecole dite de Toulouse. Républicain social modéré souhaitant l'élection du président de la République par le peuple souverain.
Une vie et une oeuvre de juriste (§ 1) pour une philosophie du droit d'un ordre social juste (§ 2).
§ 1. Une vie et une oeuvre de juriste
Maurice Hauriou est né le 17 aodt 1856 à Ladiville en Charente (France). Il fait ses études secondaires au Lycée d'Angoulême et ses études de droit à Bordeaux où il soutient sa thèse de doctorat en droit en 1879.
Il est reçu premier au concours d'agrégation en 1882 et enseigne à partir de 1883 jusqu'à sa mort, qui survient le 11 mars 1929, à la Faculté de droit de Toulouse dont il est doyen du 1er novembre 1906 au 31 août 1926.
Ses oeuvres principales sont les suivantes :
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Précis de droit administratif, 1ère édition 1892, 11ème édition Sirey 1927.
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La science sociale traditionnelle, Larose, Paris 1896.
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Principes de droit public, 1ère édition 1910, 2ème édition Larose, Paris 1916.
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Précis de droit constitutionnel, 1ère édition 1923, 2ème édition Sirey 1929.
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L'ordre social, la justice et le droit, Revue trimestrielle de droit civil, 1927, p. 795-825.
§ 2 - La philosophie du droit de Maurice Hauriou : La justice dans l'ordre social institutionnalisé
A - La justice dans l'ordre social
Selon le doyen Maurice Hauriou "
le droit est une sorte de conduite qui vise à réaliser l'ordre dans la justice".
Maurice Hauriou croit au caractère inné de la notion de droit dans l'esprit humain, la justice n'étant que l'expression d'une loi absolue et éternelle supérieure au droit positif.
Ce droit naturel est
universel et immuable, c'est un des aspects de Dieu car "
le bien moral objectif est un des aspects de Dieu".
Le droit naturel est le droit de l'espèce humaine : "
Le droit naturel humain et universel n'est autre chose que le droit de l'espèce humaine", ce droit est nécessairement universel et fixe, car l'espèce humaine est une et fixe, et ce droit naturel est individualiste car 1'homme, de par sa nature, rapporte tout à sa personne.
Cependant c'est l'ordre social qui a la primauté car il assure la cohésion du groupe et la stabilité des relations sociales, il représente le "
minimum d'existence du groupe".
Par définition l'ordre social est conforme à l'ordre naturel des choses jusqu'au moment où le contraire peut être démontré. Toutefois l'ordre social ne peut maintenir la paix que s'il contient une certaine dose de justice et le but du droit c'est la réalisation progressive de la justice dans l'ordre.
L'ordre juridique et social est toujours en mouvement car :"
Tout ordre social est toujours en conflit avec une nouvelle dose de justice qui n'est pas encore incorporée".
Ainsi le droit est en progrès et
ce progrès c'est le développement de l'individu par l'institution.
B - L'Institution
Si le droit est en progrès, le progrès du droit passe par des seuils successifs.
Il y a dans l'histoire alternance entre des périodes organiques et des périodes critiques : "
Des périodes organiques, caractérisées par un développement rationnel du droit et des institutions, des périodes critiques, dominées par une "écorce de violence" où les organisations sociales sont désintégrées, où les principes naturels sont ignorés".
Les périodes de progrès du droit sont les périodes de développement du droit naturel, les périodes historiques qui correspondent au règne de la démocratie :"...
c'est le droit commun de l'ensemble des peuples civilisés d'une époque démocratique qui provoque la vision d'un droit naturel idéal et assure le progrès du droit".
La démocratie c'est l'institutionnalisation du pouvoir dans l'Etat. L'autorité des gouvernants trouve son fondement dans le consentement des gouvernés. C'est la nation souveraine qui investit les gouvernants d'un droit de domination.
La souveraineté politique est une souveraineté de sujétion et non une souveraineté de délégation. La nation ne délègue pas son pouvoir aux gouvernants, elle permet aux gouvernants d'exercer un pouvoir autonome, mais de l'exercer en son nom et dans son intérêt : "
La nature des pouvoirs du gouvernement est d'être des droits de domination : il exerce le droit de légiférer, de rendre la justice, de faire l'action directe pour réaliser ses services quand il est le plus fort, il les exerce comme des pouvoirs propres avec une autonomie entière, s'il cesse d'être le plus fort, son autonomie peut être limitée par un contrôle de la nation, mais pourquoi le pouvoir de domination cesserait-il de lui être propre ?" (
Principes de droit public, p. 429).
Dans l'Etat-Institution l'exécutif aura donc la primauté. C'est que celle-ci est nécessaire pour faire face à l'urgence de l'événement et cela se manifeste dans le monopole de la décision exécutoire et de la force publique.
C'est pourquoi, constatant notamment que sous la IIIème République le pouvoir est aux mains d'une oligarchie parlementaire, Maurice Hauriou préconise l'élection du Président de la RépubliQue au suffrage universel :
"
Seul un Président de la République élu directement par le peuple peut devenir un centre efficace de résistance parce que ce mode d'élection réalisera déjà un peu de gouvernement direct"(Précis de droit constitutionnel, 1ère éd. p. 388).
Ce renforcement de l'exécutif démocratique devrait permettre, par ailleurs, d'éviter que l'Etat ne tombe aux mains des extrémistes de gauche et de droite, les communistes et les fascistes.
Car Maurice Hauriou, catholique libéral, est hostile aux uns et aux autres.
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