[size=33]PSYCHOPATHOLOGIE ET HUMANISME[/size]
28 SEPTEMBRE 2015 PATRICK JUIGNETSelon certains, « entre les termes « humaniste » et psychopathologie, il y a incompatibilité dans la mesure où l’humanisme fait référence à un principe idéologique et « Psychopathologie » à la démarche scientifique. Un scientifique peut être humaniste mais une science, par définition, est a-idéologique et se contente (ce qui est déjà énorme) de décrire et tenter d’expliquer selon la méthode expérimentale, les phénomènes qu’elle observe, et de prévoir à l’aide des statistiques, les phénomènes observés et non encore observés qui découlent logiquement de sa théorie explicative ».
Pour notre part nous considérons que la psychopathologie est une science humaine. En tant que science humaine, d’évidence, elle doit s’occuper de l’homme. Dans la mesure où l’humanisme est la doctrine selon laquelle l’homme doit être mis en avant et respecté, elle semble parfaitement compatible avec la psychopathologie. Expliquons nous…
L’humanisme est un mouvement intellectuel, apparu d’abord en Italie, qui s’est propagé à la France au XVe et XVIe siècles. Au sens philosophique, il est fondé sur une assertion selon laquelle l’homme existe et doit être respecté dans son être. En premier lieu se pose donc la question de savoir ce qu’est l’homme. La même question se pose pour la psychopathologie qui s’appuie toujours, qu’elle l’avoue ou pas, sur une conception de l’homme. Il s’ensuit que selon la conception de l’homme qui sera adoptée les conséquences seront différentes du point de vue de la théorie, comme de la pratique.
D’emblée, pour situer notre propos, nous dirons que l’homme est complexe et que cette complexité se retrouve dans sa personnalité. Une psychopathologie comme science humaine sera donc centrée sur la personnalité qui, du point de vue de la théorisation en ce domaine, se ramène à la structure psychique. L’humanisme est non seulement compatible mais congruent avec la psychopathologie. Il indique le véritable objet de cette connaissance qui est l’homme et non une portion d’homme, une partie, tout simplement parce que les conduites humaines auxquelles s’intéresse la psychopathologie sont d’abord déterminées par l’ensemble de ce qui constitue l’homme même si parfois elles ont un primum movens plus limité.
Etudier des faits par la méthode expérimentale et selon de procédures statistique n’est en rien scientifique en général. Dans les conditions simples et maîtrisables comme celles de la physique, de la de la chimie ou de la biologie, c’est la méthode adaptée. Dans des conditions complexes, comme l’étude de l’homme et des sociétés, c’est une méthode désadaptée qui ne conduit pas une science, mais à une parodie de science. La différence de complexité implique une différence de méthode.
Humanisme et psychopathologie sont liés, car le véritable objet de la psychopathologie est l’homme tel qu’il est dans sa complexité. Les conduites humaines auxquelles elle s’intéresse sont déterminées par l’ensemble de ce qui constitue l’homme (la conjonction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux), même si parfois certains aspects sont prépondérants et doivent être privilégiés. De plus, l’intérêt et le sérieux porté à chacun, individuellement, la mise en place d’un espace libre de conflits d’intérêts et protégé des contraintes sociopolitiques, donnent à la pratique thérapeutique une dimension que l’on peut qualifier d’humaniste.