[size=32]Personnalités psychotique graves (psychose de l'enfant)[/size]
Patrick Juignet, Psychisme, 2011.
Lorsque l’organisation psychotique de la personnalité prend d’emblée une tournure grave, l’évolution de l'enfant est bloquée et c’est ce qui fait la différence avec les autres formes cliniques décrites (paranoïaque, distanciée, histrionique). Les manifestations évidentes et fortement pathologiques apparaissent dès l'enfance, même en dehors de moment de décompensations, c'est pouquoi on parle souvent de "psychose de l'enfant".
[size]
PLAN DE L'ARTICLE[/size]
[size]
Avertissement
Le tableau clinique a été décrit depuis le milieu du siècle par différents auteurs. Parmi les plus intéressants, citons Margaret Mahler (1946) et sa
psychose symbiotique. Dans le cas ou le trouble psychique entraîne une détérioration des fonctions cognitives, on parle de
psychose déficitaire. Afin de mettre l’accent sur les potentialités évolutives Misès (1981) a individualisé la
disharmonie évolutive de structure psychotique. On parle de
psychose précoce, ou tardive, selon la date d’apparition (en gros avant ou après trois ans ). En ce qui concerne les premières se pose le problème de la distinction d’avec l’autisme.
Ces formes psychotiques ont des aspects divers que nous ne détaillerons pas, nous contentant d’une description moyenne. De toutes les façons, la clinique de l’enfant se caractérise par une grande variabilité et il est assez souvent difficile de distinguer une forme clinique précise Ce qui est important est évidement le diagnostic de psychose qui va imposer un prise en charge lourde.
Clinique
On remarque au premier abord des difficultés de communications. Le contact est discontinu, l’attention difficile à soutenir. L’enfant a tendance à réduire les échanges en s’isolant ou une hyperactivité qui rend la communication impossible.
L’enfant soufre d’angoisses massives d’anéantissement de disparition par fusion ou morcellement. Cela entraîne des conséquences variées telle l’inhibition, l’instabilité, le repli sur soi. On trouve aussi des actes compulsifs, des cérémoniaux qui servent à contrôler l’angoisse. On remarque des terreurs nocturnes récidivantes, des peurs intenses concernant un objet (un bibelot) ou une activité (être évacué dans l’eau). On retrouve aussi des aspects dépressifs qui se manifestent pas une asthénie une inactivité une inhibition massive.
Les anomalies dans l’évolution du langage sont caractéristiques. L'apparition peut être précoce, mais elle est le plu souvent retardée. Elle peut être précoce puis l'évolution va se ralentir considérablement, ce qui est caractéristique. avec une indistinction pronominale ou des bizarreries le rendant incompréhensible (ou seulement par la mère). C’est surtout un trouble de la parole au sens ou elle est l’actualisation du langage et implique une intention de communication. Misès (1974) note que l’enfant se dessaisit des moyens de communication.
On remarque des lacunes dans les capacités instrumentales et cognitives ainsi que des troubles psychomoteurs variés (aspect figé, maniéré, tics). Il y a une persistance d’activités primitives : flairage, mise à la bouche, jeux fécaux.
La pauvreté, la fixité, des intérêts et des modes de relation sont typiques. L’enfant est fixé à la mère ou son substitut et se désintéresse du reste. La relation avec la mère se fait sur un mode fusionnel, mal différencié, mais très ambivalent. Les séparations donnent lieu à des crises, puis ultérieurement à une indifférence donnant les aspects décrits au dessus de retrait dépressif, d'abandonnisme.
L’évolution
Elle est spontanément défavorable. Le développement est grevée sur le plan psychique et intellectuel mais aussi et somatique (retard de croissance, disharmonie). Le déficit intellectuel s’installe rendant les apprentissages scolaires impossibles. Le rapport à la réalité est trop déficient pour qu’arrivé à l’âge adulte une adaptation sociale se fasse et le sujet ne pourra vivre qu’assisté.
La limitation très importante du développement psychique et le placement en institution donnent une vie rétrécie, émaillée d’angoisses intenses, de moments délirants. Les troubles du caractère sont importants : incohérence, irritabilité, ritualisation, etc.
Certains auteurs évoquent une évolution vers la schizophrénie. Ceci est possible mais discutable pour trois motifs. D'une part rien n'exclut qu'une schizophrénie n'éclose sur une personnalité psychotique, puisque les étiologies sont disjointes. D'autre part, la désorganisation psychique peut prendre en fin de compte une forme commune aux deux, si bien qu'elles deviennent cliniquement indistinctes. Enfin, il peut peut être y avoir des manifestations précoces de la schizophrénie. Tout ceci est insuffisamment connu à l'heure actuelle.
En cas de prise en charge thérapeutique, le pronostic et meilleur et on peut aller vers l’une des formes décrites ci-dessus, en particulier les personnalité distanciée, avec des variantes tant en ce qui concerne le mode d’expression que les symptômes.
Théorie
L’explication est la même que dans les autres formes de psychose mais il faut considérer que le dysfonctionnement psychique est plus précoce et plus accentué. L’individuation est difficile voire impossible et il se produit un blocage dans une relation symbiotique et très ambivalente à la mère. Les aménagements défensifs par identification projective identification à l’agresseur repli narcissique sont rigides.
La capacité représentationnelle est réduite et l’accession à l'ordonnacement humain est fortement grevées. L’objet reste primitif et le soi n’en est pas différencié. Du coup le rapport au référent objectal est incertain car la fonction réalitaire ne s’établit pas. Les autres n'apparissent pas comme des personnes extérierues et autonomes prises elles aussi dans l'ordonnancement humain (les règles de conduite), mais comme des personnages tout puissants et le plus souvent effrayants.
Les phases structurantes suivantes ne sont pas abordées ce qui arrête l’évolution et fige le fonctionnement psychique dans un mode archaïque. Ce sont les manifestations clinique de cet archaïsme qui permettent d'inclure ces personnalités dans la sphère psychotique.
On peut rappeler l’hypothèse de base de Mélanie Klein (1946) sur la psychose. Les craintes persécutives trop fortes, les premières situations vécues trop anxiogènes et la capacité à supporter l’angoisse insuffisante, empêchent l’élaboration et le dépassement de la position schizoparanoïde que l’auteur situe avant trois mois. De ce fait, l’objet reste partiel, le soi, en tant qu'instance unifiante, ne joue pas son rôle et l'enfant passe par des moments d’agrégation et de désagrégation de sa personne.
[/size]