[size=32]PSYCHOTHÉRAPIE DES PERSONNALITÉS LIMITES[/size]
Une psychothérapie dynamique est généralement efficace et indiquée dans le cas des personnalités limites peu graves, mais pas dans les autres formes, car dans ces cas, il faut se montrer prudent et privilégier le soutien.
PLAN
1. Les indications
Les états-limites graves constituent des cas difficiles. Ils ne sont pas accessibles à une psychothérapie, tout simplement parce qu'ils ne manifestent aucune demande en ce sens. La demande de soin arrive lors décompensations et conduisent généralement à une prise en charge hospitalière, d'ailleurs assez difficile, car ces personnes provoquent des mouvements institutionnels houleux. L'importance de l'angoisse et de la dépression rendent un traitement médicamenteux indispensable. Mais là aussi on tombe sur une difficulté, car ce traitement peut toujours induire une addiction médicamenteuse et être détourné de son but. Une prise en charge sociale est souvent indispensable du fait de la désinsertion fréquente de ces sujets.
Dans le pôle intermédiaire, la seule indication pour une psychothérapie dynamique concerne les sujets limites peu graves. Il est préférable de commencer par une psychothérapie d'inspiration analytique. Nous allons décrire les modalités du traitement qui correspondent aux problèmes à traiter successivement.
Pour exposer le déroulement du traitement, on peut reprendre l'idée d'une psychothérapie en trois temps : temps préparatoire, temps narcissique et temps œdipien. Le temps préparatoire est indispensable pour amener des conditions favorables en mettant en place des éléments stabilisateurs qui seront très utiles tout au long de la thérapie. Accessoirement, ce temps préparatoire permet de s’assurer de la bonne indication et éventuellement de rectifier et modifier la prise en charge si besoin est, ce qui évite des échecs très préjudiciables pour tout le monde. Cette succession n'est pas strictement chronologique. En pratique, l'enchaînement est complexe, il y a des aléas évolutifs et la nécessité de nombreuses reprises (les acquis sont progressifs et doivent être confirmés plusieurs fois).
2. Le début
La mentalisation
La mise en route vise à installer les conditions de possibilité de la thérapie. C'est une étape importante qui s'impose d'elle-même le plus souvent. L'apprentissage de la mentaisation y tient une place de choix. En effet, on se heurte généralement à des possibilités de mentalisation pauvres voire absentes dans certains secteurs. Ces patients ne disent rien ou des banalités, décrivent des événements, ou parfois restent muets. Ce n'est pas qu'ils ne veuillent pas parler, mais que rien ne leur vient : nulle idée, nulle image, nul sentiment ayant trait au fonctionnement psychique. C'est le vide mental. Le premier travail est de forger un outil, c'est-à-dire de faire émerger la mentalisation par un patient apprentissage. Ce vide a un caractère défensif ; il vient en grande partie de l'effet de deux mécanismes de défense, la répression et le déni.
Pour que la mentalisation se développe, il faut la susciter, l’encourager et compter sur un auto-apprentisage qui se fait au fil du temps. Il faut montrer l'absence de danger de la mentalisation et insister sur ses avantages. Lorsque les premiers effets s’en manifestent, il ne faut pas manquer, lors des séances suivantes, de faire remarquer que rien de néfaste ne s’est produit. L'un des écueils de cette phase, que l'on rencontre dans les formes caractérielles, est la mise en place d'un discours vide, désaffectisé, à caractère littéraire, philosophique, voire même psychanalytique ! C’est parfois un obstacle redoutable au travail, car il n’est pas possible de dénouer directement la défense comme chez le névrosé. D’une part, on se heurte à un mode de fonctionnement qui est ancien puissant et très organisé. D’autre part son interprétation serait prise pour une attaque par le sujet et ne serait pas supportée. C’est donc un problème difficile qui est parfois insurmontable.
Le transfert et la distance
Le transfert est extrêmement variable et violent, peu mentalisé et peu verbalisé. Une stabilisation de ce transfert par l'interprétation des mouvements les plus intenses et la prévention de leurs effets désastreux est indispensable. Il faut éviter les passages à l'acte, (arrêt, agression, séduction, mise en échec). Cette interprétation préventive demande beaucoup d’attention car, du fait de la mauvaise mentalisation et des défenses, très peu de choses sont communiquées du transfert. Il faut donc se fier à des éléments assez ténus (attitudes, regards, propos allusifs). Il faut aussi tenter d’éviter les fabulations mythomaniaques sur l’analyste, favorisées par le mauvais rapport à la réalité. La stabilisation se fait aussi par la proposition d'une relation stable basée sur un accord mutuel. Il faut éventuellement rappeler la règle en insistant sur le fait qu’elle est nécessaire et n’est pas le fait d’un arbitraire (voir après, le paragraphe sur le maintien du cadre). La stabilisation des mouvements transférentiels divers tient donc à la qualité du transfert de base permettant l’alliance thérapeutique. C’est un rappel et un renforcement des fonctions du moi pour permettre le déroulement pratique.
Il est toujours difficile de trouver une bonne distance. Par distance, on entend le degré de communication du fonctionnement psychique et la prise qui est donnée sur ce fonctionnement grâce à la qualité transférentielle. Cette distance a, par contrecoup, des effets transférentiels dont il faut tenir compte. Le rapprochement est vécu comme un risque (risque d'être démuni devant une attaque ou risque de mainmise du thérapeute). L'éloignement induit au contraire une blessure intolérable et un risque d'interruption. Il faut donc naviguer entre les deux du mieux possible. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps, qu’une distance favorable peut s’installer et permettre un travail efficace. Passée la difficulté première, une interaction tranférentielle forte, permettant un travail actif et intéressant, peut se produire.
Le maintien du cadre et les renforcements
Le maintient du cadre en dépit des attaques est très important. Les mouvements transférentiels, la faiblesse du symbolique, les tendances à l'agir, produisent des retards, des absences, l'oubli des paiements, la disqualification du thérapeute. Il peut y avoir aussi une agressivité directe avec menaces, des tentatives de séduction, des arrêts intempestifs. Il convient d'être tolérant, tout en traçant sans cesse les limites à ne pas dépasser et en rappelant le contrat de départ. On est amené à insister régulièrement sur la nécessité de la régularité et de la stabilité dans le déroulement de la psychothérapie.L’instauration du cadre a, à lui tout seul, un effet très favorable sur ces sujets manquant de repères.
Les renforcements de divers types sont utiles, mais il convient de les faire avec précaution (afin d'éviter de figer le transfert ce qui constituerait une répétition). On peut procéder de manière indirecte par une lutte contre les aspects nocifs en soulignant combien ils diminuent les qualités pourtant existantes du sujet. Devant les difficultés, on peut aussi évoquer l'avenir et les possibilités d'épanouissement qu'il réserve, en conservant une attitude confiante et optimiste. Les exigences mégalomaniaques, sans rapport avec les capacités du sujet, sont la cause de bien des déboires. Une analyse de ces exigences, de leur caractère irréaliste et nocif est fréquemment nécessaire. La valorisation d'un idéal plus modéré peut être utile (évidemment sans en proposer un en particulier). Cette attitude temporisatrice évite des épisodes dépressifs dévastateurs. Ces deux dernières attitudes (renforcement et temporisation) reproduisent le rôle parental de stabilisation narcissique qui n’a pas eu lieu en son temps ce qui laissé l’enfant osciller entre mégalomanie et dévalorisation.
Cette mise en route peut durer de un à deux ans. Si elle réussit, les capacités de mentalisation s'accroissent, le transfert se stabilise et la personne finit par venir régulièrement aux séances. Il peut y avoir des interruptions et des reprises. Ce n'est qu'à la fin de cette période que l'on peut juger de la possibilité d’aller plus loin dans le travail thérapeutique. Sa poursuite dépend de l'accrochage transférentiel qui s'est effectué durant cette période. S'il est faible et dominé par des éléments négatifs, aucun travail sérieux n'est envisageable, car ce sont des couches archaïques du psychisme qui demandent à être remaniées. S'il est puissant et dominé par des aspects positifs, alors un travail important et fructueux pourra se faire. Dans ce dernier cas, il s'agit d'un transfert archaïque idéalisé qu'il convient (au début) de ne pas analyser et de mettre au service du travail thérapeutique.
الجمعة فبراير 19, 2016 10:22 am من طرف جنون