André Green est un penseur contemporain rigoureux. On lui doit l’apport du négatif en psychanalyse, trop ambitieux pour pouvoir être introduit ici. En revanche, nous pouvons introduire la notion de blanc telle qu’elle apparait dans la psychose blanche.
La Folie Privée Remarque: Cet article appartient a une série d’article publiés sur le site Philautarchieaujourd’hui fermé. Ces articles n’étant plus disponible sur le net nous nous permettons de les présenter sur notre blog (voir à ce propos l’article de présentation surPhilautarchie dans cette même catégorie).
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Freud dans un premier temps, distinguait l’inconscient du conscient. L’inconscient était soumis aux processus primaires (qui visent le plaisir et la décharge), alors que le conscient était soumis aux processus secondaires (plus élaborés, comme les mots, les pensées). Conscient et Inconscient étaient séparés. Par la suite, face au fétichisme par exemple, face à la perversion ou à l’enlisement de certaines cures (comme celles de l’Homme au Loups) il commença à se dire que c’était peut-être plus compliqué. Le Moi peut par exemple entendre la réalité, mais tout en même temps la nier. Le pervers peut tout à la fois savoir que sa mère est une femme, qu’elle n’est pas phallique, et tout en même temps le refuser, fétichisant le pied comme un pénis féminin. Le Moi peut ainsi posséder différentes zones qui s’accommodent plus ou moins bien entre elles. Processus primaires et processus secondaires peuvent coexister sans se mélanger. Prenons un exemple trivial et actuel:Processus Secondaire: Dans mon quartier, c’est la misère, j’aimerai que ça aille mieux.Processus Primaire: Je fous le feu à mon quartierDeux logiques différentes qui se jouent toutes les deux, sans se croiser. Naturellement, tout le monde va crier : « ce n’est pas logique, vous vous contredisez ». C’est simplement parce qu’il y a coexistence de deux façon de pensées qui s’ignorent, qui ne se mêlent pas.
Finalement dans le Moi peut coexister des zones primaires, des zones brutes qui visent la décharge, des zones psychotiques, et des zones plus élaborées, plus secondarisées. Si c’est le refoulement qui sépare le conscient de l’inconscient, c’est le clivage du Moi qui fait coexister deux manières de penser différentes. C’est la cliniques des cas limites (ou Border-Line, ou État-limite) qui s’ouvre. Les état-limites sont en « limite d’état », c’est-à-dire ni franchement névrosé, ni franchement psychotique, un peu des deux. Dans le Moi existerait des zones brutes, informes, passionnelles. C’est ce qu’André Green nomme la Folie Privée
Alors comment lier ces deux logiques différentes, celles des processus primaires et secondaires, si tout deux s’excluent sans s’entendre l’une et l’autre ? Comme lier la pensée élaborée et la matérialité sourde qui gronde ? Pour André Green, il ne s’agira jamais d’étouffer la passion de la Folie Privée sous les mots du Secondaire, mais de lier le plus possible par les processus tertiaires. Les processus tertiaires sont la liaison entre le primaire, et le secondaire, liaison entre pensée et passion, entre ça et Moi.
Le Blanc, Le Vide – Mère Morte Quelles sont les modalités de ce secteur touché par la Folie privée ? Sans être du délire comme dans la psychose, ni dépression, la psychose blanche (telle que Green la nomme) touche la pensée elle-même. Être frappé de blanc, d’incapacité à penser, se sentir vide, avoir la tête vide, trouée… S’ouvre la passionnante clinique du vide. Pensons par exemple a celui qui mange sans mâcher, qui se remplit, ou à celui qui parle, parle, parle, parle, pour remplir un vide, une absence profonde de sens. La psychose blanche agit comme une paralysie de la pensée.Green apporte alors dans un article qui a fait date (in Narcissisme de Vie, Narcissisme de Mort) le concept de mère morte. La mère morte n’est pas réellement morte, mais psychiquement morte. Accaparée par la dépression, par la souffrance, la mère désinvestit l’enfant, laisse un vide… Tout ce que l’enfant a, c’est un trou, un vide, qui est préférable à rien n’avoir. Alors, il s’identifie négativement à ce vide, ce trou, trouant ainsi son Moi, laissant du blanc. L’informe, l’absence de contenant, seront les caractéristiques de ce secteur de la pensée. Le sujet est ainsi mobilisé par cette dame blanche.
Reprenons les deux pulsions originaires : La pulsion de vie lie alors que la pulsion de mort sépare et disjoint. Deux énoncés contradictoires peuvent ainsi se lier ou alors devenir paradoxaux. Le devenir paradoxal est le fruit de clivage. Le clivage coupe, pose un hiatus sans communication, la pensée est déliée et semble incohérente. La déliaison du clivage lorsqu’elle touche la pensée est ressentie comme une paralysie intellectuelle, comme des trous dans la tête…
Le clivage lui, n’est pas l’expulsion dans l’inconscient d’un contenu symbolisé, puisqu’il traite avec des contenus asymbolisés, des contenus informes. Pour ne pas en entendre parler, c’est tout la subjectivité qui se retire du clivé, qui se retire de l’expérience qui n’a pu trouver une place dans la vie subjective. Si le retour du refoulé est angoissant, le retour du clivé est vécu comme une agonie, une grave menace. Pour chasser le clivé, celui va exploser en un passage à l’acte ou dans une décharge psychosomatique.
On peut résumer tout ça comme suit : La pulsion de mort forme des hiatus, des blancs. Mais pourtant, si le blanc excessif immobilise la pensée, il reste nécessaire. Un exemple tout simple : l’exercice de pensée, d’articulation, de critique, est un exercice qui découpe. Articuler deux concepts, c’est mettre du blanc entre eux, c’est disjoindre, couper. Le travail du négatif est ainsi un travail de la pulsion de mort qui permet la pensée. Bref, c’est la mort qui permet à la vie d’être.On peut ainsi définir une certaine topologie du blanc, que Green tente de mettre en place dans L’enfant de ça. Si la pensée advient sur du blanc, qui permet de disjoindre les éléments, alors ce blanc est structurant. Le Moi et le ça s’appuient dessus, le blanc créant de la pensée et par la même, créant de l’inconscient car effectivement, l’inconscient névrotique est fait d’éléments refoulés déjà symbolisé.
Or, chez le psychotique, le Blanc est trop vaste, destructure la psyché. Le psychotique est contraint d’une part à remplir ce blanc, à sursignifier, et ce, par le délire par exemple. D’autre part, il est aspiré par ce blanc, par ce zéro, pas le vide de ladésignification.
Mais sa pensée est complexe, subtile, nuancée. On ne peut se passer de lire et relire ses ouvrages, incontournables pour la pensée clinique contemporaine.