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Le matérialisme aléatoire de Stanislas Lem
Stanisław Lem, (francisé en Stanislas Lem), né le 12 septembre 1921 à Lviv et mort le 27 mars 2006 à Cracovie, en Pologne, est un philosophe écrivain de science-fiction polonais.
Gautero Jean-Luc. Le matérialisme aléatoire de Stanislas Lem. 2015. Philosophie, science et société, 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com
« Mon affiliation philosophique, si je devais l’exprimer selon la nomenclature reconnue, se situerait pour une large mesure du côté des sceptiques »[1], affirme Stanislas Lem, se réclamant ainsi du scepticisme plutôt que du matérialisme — mais les deux doctrines ne sont pas vraiment du même ordre : la première relève fondamentalement de l’épistémologie, et la seconde de l’ontologie. D’ailleurs, quand Peter Swirski lui demande s’il est matérialiste, Lem ne s’en défend que mollement, commençant par avancer l’argument, fort juste, selon lequel « le concept de matérialisme est polyvalent à l’extrême »[2]. Ainsi, se contenter d’affirmer que Lem est matérialiste, ce ne serait pas dire grand chose, encore convient-il de préciser en quel sens il l’est. On verra donc qu’il se rattache à ce « courant souterrain » du matérialisme appelé par le dernier Althusser « matérialisme de la rencontre », ou « matérialisme aléatoire ».
On peut aisément critiquer le matérialisme si l’on y voit l’affirmation que tout dans le monde serait composé d’une substance, la matière, seule réelle et permanente derrière tous les changements qui ne seraient qu’apparents. De longs développements ont en effet été consacrés à la mise en évidence des méfaits de l’idée de substance, notamment, au-delà de leurs différences, par Russell et Whitehead, qui y voyaient « une erreur métaphysique, due au fait que l’on a reporté sur la structure du monde la structure des phrases composées d’un sujet et d’un prédicat »[3], Une formule qu’il emploie pourrait peut-être permettre d’attribuer à Lem ce matérialisme substantialiste : « la matière, si elle existe (et je crois qu’il en est ainsi) »[4]. Dès lors que l’on parle de « la matière », en effet, en affirmant, circonstance aggravante, que l’on croit qu’elle existe, la force de l’habitude, de l’emploi philosophique de ce terme par la modernité, suggère que l’on entend par là une substance. Mais l’expression est bien pratique, et sans doute faut-il se garder de trop lui faire dire. Ainsi quand Russell écrit au début de « Ce que je crois » : « On pense que la matière se compose d’électrons et de protons, qui sont de dimension limitée et dont le nombre est également limité »[5], on serait tenté de lui prêter comme à Lem une conception substantialiste de la matière, Ce serait ne pas remarquer qu’il précise quelques pages plus loin, de manière plus conforme à sa critique du substantialisme : « L’esprit, la matière, ce sont des termes commodes, mais ils ne constituent pas des réalités dernières. Les électrons et les protons, comme l’âme, sont des fictions logiques : chacune de ces notions représente une histoire, une suite d’événements, et non pas une entité singulière et permanente »[6].
Bien sûr, s’agissant de la matière, le rapprochement de Lem et Russell ne peut être un argument suffisant. Car c’est justement sur une question liée à « la matière » que Lem exprime des désaccords avec Russell : « DansHistoire de la Philosophie Occidentale, […] Bertrand Russell décrit la matière comme tout ce qui satisfait les équations de la physique théorique. La raison toute simple pour laquelle je ne peux être d’accord avec cette conception est qu’il y a des théories rivales en physique théorique, et la matière […] n’est que l’une d’entre elles »[7]. Pour autant, il ne semble pas que Lem ait une conception substantialiste de « la matière » : il ne lui reconnaît pas la permanence d’une substance : « Plus probablement, quand on la soumet à la compression, la matière ne peut exister de manière continue que dans certaines valeurs limitées de paramètres comme le temps, la gravité et l’espace. Peut-être est-elle annihilée dans les trous noirs, et peut-être subit-elle seulement une forme de “transfert” intercosmique »[8]. Elle n’en a pas non plus la fondamentale simplicité : « Quand on examine la matière sous les lunettes grossissantes de l’expérience et des théories, cela conduit au bout d’un moment à un circulus vitiosus, un cercle vicieux. Celles qui étaient les particules les plus petites, ou les plus élémentaires, ne le sont plus, parce qu’elles consistent en fait (par exemple) en quarks, qui n’ont même pas été observés — c’est-à-dire perçus. Cependant, quoique en théorie on puisse extraire de la matière des quarks libres— bien que sous de monstrueuses températures et pressions — ils ne sont même pas regardés comme de “minuscules” blocs de construction des particules élémentaires, puisque, assez bizarrement, ils s’avèrent être quelque chose de “gros” (entre temps, on n’épargne pas les efforts pour “fouiller” plus profondément dans les quarks, afin de prouver qu’ils sont même plus “profonds”) »[9].
Si tout emploi de l’expression « la matière » fait courir le risque de se voir imputer une position substantialiste, il faut trouver une façon de caractériser le matérialisme sans se référer à la matière. Cette façon existe heureusement, et elle permet de plus de bien prendre en compte la polyvalence du concept : il suffit de donner du matérialisme une caractérisation négative, qui nous indique ce que le matérialisme refuse. Pour lui, écrit l’Encyclopédie Philosophique Universelle, « il n’existe aucune réalité spirituelle ou idéelle autonome »[10]. On ne se situe donc pas dans un dualisme de type cartésien, où le monde de l’esprit est indépendant de celui de la matière : les diverses expériences de pensée que mène Lem dans le chapitre 6 de Summa Technologiae reposent sur l’idée qu’il suffit de reproduire à l’identique les molécules qui composent un corps humain (cerveau compris), avec bien sûr leur structuration, pour reproduire l’esprit de l’humain considéré. On ne se situe pas non plus dans une théorie des trois mondes poppérienne, puisque chez Popper, le monde trois, qui contient notamment les idées (mais plus largement les théories scientifiques, vraies ou fausses, les contenus des œuvres littéraires, Hamlet, par exemple…), quoique produit par les êtres humains, est composé de régions qui acquièrent leur autonomie dès lors qu’elles sont créées : on peut les explorer et en découvrir les propriétés, mais on ne peut plus les modifier.
Lem apprécie Popper : « ce qu’écrit Popper est très sensé » [11], écrit-il ; et s’il lui arrive de commencer une formulation élogieuse par une tournure qui laisse attendre une critique finale : « Je ne peux nier l’importance de la contribution et le caractère sensé de Popper et de son école de pensée. La falsifiabilité est une notion utile, et Popper lui-même était un penseur astucieux » [12], la critique, qui vient en effet, porte sur les élèves et non sur le maître. Il est pourtant clair que Lem ne suit pas Popper pour ce qui concerne le monde 3 : ce n’est pas tant qu’il voit les objets du monde 3 en tant qu’information (« S’il n’y avait pas un seul être vivant dans tout l’Univers, […] alors l’information existerait-elle ? Hamlet existerait-il ? »[13]), car il ne s’agit là que d’une différence terminologique, mais que, très nettement, il nie leur autonomie : « C’est pourquoi l’information obtenue ne reflète pas l’état des choses réel (le monde), mais plutôt une fonction de cet état — une fonction dont la valeur dépend à la fois de la Nature (c’est-à-dire la part qu’on en examine) et du cadre de référence fourni par l’homme »[14]. Le contenu d’un texte, que ce soit Hamlet ou l’exposé d’une théorie physique, ne reflète pas ce texte (dans ce cas, on pourrait, paradoxalement, considérer qu’il a une autonomie, parce qu’il n’est pas lié à tel ou tel support du texte considéré, qui peut se trouver en livre de poche, en livre relié, sur un CD-Rom, etc., et qu’il subsiste dans le Monde 3 alors même que tous les supports en ont disparu), mais il dépend à la fois du texte et de la lecture qui en est faite. Hamlet n’est pas un objet figé du Monde 3 dès lors que Shakespeare a écrit sa pièce, car Hamletn’est pas le même au dix-septième siècle et au vingt-et-unième, après par exemple l’écriture de Rosencrantz et Guilderstern de Gilbert et de Rosencrantz et Guilderstern sont morts de Stoppard (et au vingt-et-unième siècle, il n’est pas le même selon que l’on connaît l’une ou l’autre de ces deux pièces, ou aucune des deux).
À plus forte raison, bien sûr, s’il n’existe aucune réalité spirituelle ou idéelle autonome, il n’y a pas primauté de l’Esprit, des esprits ou des Idées. C’est-à-dire, d’une part, que ce n’est pas l’Esprit qui crée le monde, comme chez Hegel, sur lequel Lem partage le jugement très sévère de Russell (« l’une des raisons pour lesquelles j’apprécie tant Russell est qu’il avait l’intégrité intellectuelle et morale d’appeler Hegel — sans prendre de gants — un parfait idiot. Je suis entièrement d’accord : Hegel est un idiot »[15] ); ce ne sont pas non plus, d’autre part, les esprits : ce n’est pas notre connaissance des choses qui fait exister ces choses, les entités matérielles dépourvues de conscience existaient bien avant les êtres conscients, et n’ont pas besoin de ces êtres conscients pour exister. C’est là une position que Lem affirme déjà dans Summa Technologiae en 1964 (« S’il n’y avait pas un seul être vivant dans tout l’Univers, les étoiles et les pierres existeraient encore »[16]), et qu’il exprime encore, de façon répétée, une trentaine d’années après : « Le monde existe indépendamment du fait qu’il soit ou non habité par l’humanité »[17] ; « Le monde existe sans nous »[18]. On remarquera cependant une petite différence de formulation : à la fin du vingtième siècle, il n’est plus question que du monde, et non de ces découpages humains du monde que sont les étoiles et les pierres.
Car certes, quand nous ne sommes pas dans une pièce, qu’aucune caméra, cachée ou non, ne nous informe de son contenu, son contenu n’en est pas moins là. Mais pas plus qu’il n’y a primauté des esprits, il n’y a primauté des Idées, le monde n’est pas le simple sous-produit d’Idées qui lui préexisteraient et qui nous préexisteraient (l’Idée d’Étoile, l’Idée de Pierre, dont toutes les étoiles et les pierres de l’univers ne seraient que des copies dégradées) : « les faits bruts (données) des néopositivistes sont accessibles au sensorium humain, mais non d’une façon qui serait transhumainement ou suprahumainement “objective” »[19]. Nos descriptions du monde n’existent que par nous, elles ne sont que nos descriptions du monde : ainsi, « cela n’a pas de sens de chercher des réponses à des questions comme : “À quoi ressemblerait une pièce s’il n’y avait personne pour voir à l’intérieur ?” » [20]. (Et, bien sûr, cela n’a pas plus de sens de demander : « À quoi ressemblerait l’Univers s’il n’y avait personne pour voir à l’intérieur ? ».) « Je vois le problème de la manière suivante : s’il y avait une mouche dans la pièce, nous pourrions être capables de photographier la pièce à travers ses yeux et de voir comment elle voit la pièce. Si à la place d’une mouche il y avait un chien, nous pourrions faire de même. Mais demander si, en l’absence de qui que ce soit pour la voir, la pièce est une collection d’atomes ou une collection d’objets n’a pas de sens. Tout dépend de l’échelle de perception. Nous sommes faits comme nous sommes, avec des mains, des jambes, le sens de l’ouïe et la vision, et nous sommes faits pour percevoir les choses d’une certaine façon »[21].
L’expression « Nous sommes faits pour » ne doit pas induire en erreur : Lem ne croit pas à un Dieu immatériel (ou même matériel) qui nous aurait faits « pour percevoir les choses d’une certaine façon ». C’est l’évolution qui nous a faits, et « à son commencement, l’évolution était un Robinson sur une planète vide — manquant non seulement comme lui d’outils et de toute sorte d’aide, non seulement de connaissance et de la capacité à faire des prévisions, mais manquant aussi d’elle-même, c’est-à-dire d’un esprit capable de dresser des plans sur l’avenir, parce qu’en dehors de l’océan chaud, des éclairs et du tonnerre, de l’atmosphère dépourvue d’oxygène et du soleil brûlant, il n’y avait personne. En disant que l’évolution a commencé de telle et telle façon, qu’elle a fait ceci et cela, nous personnifions le premier déploiement d’un processus d’auto-organisation, qui ne manquait pas seulement du caractère d’agent mais aussi d’un but »[22]. Il n’y avait aucun projet, il n’y avait personne sur une planète déserte, bref il n’y avait rien. « Dire qu’au début était le néant ou le désordre, c’est s’installer en deçà de tout assemblage ou de toute ordonnance, renoncer à penser l’origine comme Raison ou Fin pour la penser comme néant. À la vieille question : “quelle est l’origine du monde ?”, cette philosophie matérialiste répond par : “le néant” — “rien” »[23].
Quand Lem insiste sur nos limitations physiques, sensorielles, il ne s’agit pas pour lui de considérer qu’elles nous empêchent de savoir comment le monde est vraiment, mais plutôt de dire que c’est une question dépourvue de sens : « La question à propos de la pièce est aussi dépourvue de sens que celle qui demanderait ce qu’une étoile est vraiment. Nous pouvons dire qu’une étoile est une boule de gaz incandescent et continuer en énumérant ses paramètres physiques. Mais si nous voulions l’approcher de vraiment près pour l’examiner avec nos propres yeux, la seule réponse sensée à ce stade est que nous nous transformerions en gaz sous l’effet de ses monstrueuses radiations et températures »[24]. On voit ici que s’il n’y a pas une réalité première, supérieure et objective des Idées, il n’y a pas non plus, en conséquence, une objectivité suprahumaine de la physique : la description qu’elle nous donne, en termes de gaz incandescent dont elle nous précise les divers paramètres, n’est pas plus vraie que celle que nos yeux sont incapables de nous donner (mais elle n’est pas non plus moins vraie). D’une part, même si nos théories scientifiques nous autorisent à dépasser les limitations de nos sens (elles nous permettent, par exemple, de détecter des rayonnements dans l’infrarouge et dans l’ultraviolet, donc d’une certaine façon de « voir » ce que nous ne voyons pas avec nos yeux), elles portent le poids de leur origine humaine : « Il n’y a aucun doute que, du moins dans une certaine mesure, toutes nos théories doivent être anthropomorphiques »[25] ; « l’homme en tant qu’Homo sapiens — en comptant plus ou moins à partir des Néanderthaliens — est équipé d’un cerveau spécifiquement adapté pour vivre dans l’environnement terrestre, c’est-à-dire quelque part entre les échelles macroscopique et microscopique (le cosmos et les quanta). En conséquence, nos moyens de cognition sont insuffisants pour pénétrer entièrement dans tous les aspects du monde qui n’ont pas contribué au progrès de notre “encéphalisation” »[26].
D’autre part, en plus de cette limitation biologique essentielle, il y a aussi le fait que les idées scientifiques, comme les idées humaines d’une manière plus générale, ne se développent pas de manière autonome. Pour le dire en termes marxistes : les idées font partie de la superstructure, et celle-ci s’appuie sur l’infrastructure. Sans doute Lem aurait-il refusé vers la fin de sa vie ce rapprochement entre sa pensée et le marxisme, car il se montrait alors très sévère avec ce dernier : « Les seuls systèmes qui peuvent affirmer leur infaillibilité sont les dogmes religieux aussi bien que certaines formes d’idéologie comme le marxisme. La différence entre les deux est qu’aussitôt que le marxisme a été confronté à la vie et à la réalité, il a commencé à se briser et en tomber en ruines, avec les conséquences que l’on peut voir dans ce qui avait l’habitude d’être le bloc communiste »[27]. On ne peut complètement lui donner tort : pour qui, comme lui, n’a pour l’essentiel connu du marxisme que la forme dogmatique qui faisait office de vérité officielle en Europe de l’Est, il s’agit d’un jugement pertinent sur la réalité qu’il a eue sous les yeux. Peut-être aussi, comme Popper, et comme le dernier Althusser, trouve-t-il qu’il y a dans le marxisme vraiment trop d’hégélianisme.
Il n’en reste pas moins qu’il y a chez Lem cette idée, parfaitement conforme à l’analyse de Marx, que d’autres conditions matérielles de base auraient entraîné une autre histoire des idées scientifiques, une autre science : « L’intelligence humaine nous a conduits à l’Âge Technologique parce que l’environnement terrestre a un certain nombre de caractéristiques uniques. La Révolution Industrielle aurait-elle été possible s’il n’y avait eu le Carbonifère, une période géologique pendant laquelle les réserves d’énergie solaire ont été entreposées dans les forêts englouties qui subissaient la carbonisation ? Aurait-elle été possible s’il n’y avait eu les réserves de pétrole, qui ont surgi au cours d’autres transformations ? »[28]. Les questions, bien sûr, la phrase qui les précède l’éclaire, n’en sont pas, ce sont des affirmations, parfaitement indiscutables : sans les ressources énergétiques qu’elle a utilisées, la révolution industrielle n’aurait pu avoir lieu. Dira-t-on qu’avec la révolution industrielle il n’est pas question de la science, mais qu’il ne s’agit que de l’industrie et du commerce ? Mais « où serait la science de la nature sans industrie ni commerce ? »[29]. L’industrie et le commerce, avec les ressources matérielles, nourrissent le développement de la technique autant qu’ils sont nourris par lui, et ce développement de la technique, à son tour, nourrit celui des sciences de la nature, et est nourri par lui, Lem y insiste, passant de la révolution industrielle, qui relève avant tout de l’économie, à des âges du développement technique pour finir avec de grands noms de l’histoire des sciences : « Il aurait cependant été impossible d’atteindre l’Âge de l’Atome sans l’Âge du Charbon et l’Âge de l’Électricité qui l’ont précédé. Ou un environnement différent aurait au moins nécessité une succession différente de découvertes, qui auraient mis en jeu plus qu’une simple réorganisation des calendriers des Einstein et des Newton d’autres planètes » [30]. Il faut bien sûr considérer d’autres planètes pour avoir un environnement géologique différent de celui de la Terre, mais là n’est pas l’important, il est dans « plus qu’une simple réorganisation des calendriers » : il n’y aurait donc pas eu les mêmes théories scientifiques dans un ordre éventuellement différent, il y aurait eu d’autres théories scientifiques.
C’est ainsi que le matérialisme de Lem débouche sur son scepticisme à l’égard de la science : les scientifiques subissent les mêmes limitations que tous les êtres humains, non seulement les limitations géologiques et physiologiques, mais aussi les limitations morales (que l’on peut d’ailleurs estimer de moindre importance) : « La sociologie des sciences nous montre que les scientifiques sont, par dessus tout, des êtres humains tout à fait comme le reste d’entre nous, avec les mêmes types de passions, ouverts de la même façon à l’erreur ou à un besoin maladif du pouvoir »[31]. Il lui fait garder par rapport à la science un certain recul critique : « Je ne me consacre pas à me prosterner devant les sciences de la nature, et j’ai souvent adopté envers elles dans mes histoires une attitude tout à fait irrespectueuse »[32]. Ses histoires nous conduisent ainsi à « ne pas nous raconter d’histoires » à propos de la science — « ne pas se raconter d’histoires », c’est ainsi qu’Althusser caractérise la « dialectique négative critique », qu’il conserve lorsqu’il rectifie « le matérialisme dit “dialectique” en le définissant comme un matérialisme aléatoire par l’abandon de « la dialectique positive [qui] est en effet une mystification bourgeoise à effet conservateur et apologétique »[33].