Bref aperçu du structuralisme Le structuralisme fut la pensée dominante dans les sciences de l’homme en Europe durant la seconde moitié du XXe siècle. Dans les années 60, la plupart des intellectuels se rattachèrent au structuralisme (après le déclin de l’existentialisme et de la phénoménologie). Le structuralisme est devenu le dogme à cette période. C'est vrai tout particulièrement en France où il a connu un succès considérable. PARISIEN François-Hugues. Bref aperçu du structuralisme. Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com Histoire d'une mode
La doctrine s'est développée dans les années cinquante et atteint son apogée vers 1965. Le succès du structuralisme peut être attribué à son rôle de recours contre des humanités classiques. Il vient en contre-point de cette approche qui semble surannée et il apporte la caution de scientificité dont ont besoin les sciences humaines en pleine expansion. Il arrive à un moment ou l'on recherche des modèles nouveaux et il accompagne le succès de la psychanalyse, de l'anthropologie et de la linguistique. Il a semble être le nouveau paradigme scientifique à opposer à la démarche littéraire et interprétative qui prévalait.
Puis soudainement la mode a passé. Vers les années quatre-vingt, l'engouement pour le structuralisme disparaît, car les intellectuels vedettes qui l'ont porté meurent et la génération suivante ne reprend pas le flambeau. Le structuralisme a été victime de son succès et de sa popularité qui lui ont donné une extension si vaste que les conditions d'une transmission sérieuse se sont perdues. Il a aussi été victime d'une ambition excessive, la volonté d'unifier derrière une même structure les diverses activités humaines.
Mais alors pourquoi s'intéresser encore au structuralisme ? Parce que, sur le plan méthodologique, lorsqu'il est appliqué avec sérieux il donne des résultats intéressants et il se peut très bien qu'il renaisse de ses cendres sous d'autres formes.
Aperçu
Le terme de structure a au départ un sens architecturale. Il désigne la manière dont est bâtit un édifice, ses lignes de force. Mais c'est la linguistique du XXe siècle qui lui donne son emploi dans les sciences de l'homme avec l'école de Prague (Troubetzkoy, Jakobson) et le Danois Hjelmslev (1939).
La méthodologie structurale cherche à repérer un ordre présent derrière les faits et leurs variations. La saisie de cet ordre a donné l’espoir de sortir la connaissance de l’homme de la « compréhension » et des interprétations subjectives, afin de la faire entrer dans l’ère de la scientificité. La « structure » ainsi conçue est un modèle explicatif synthétique qui est extrait par abstraction des faits épurés et de leurs transformations dynamiques. On petu aussi donner la définition donnée par Michel Foucault, selon laquelle le structuralisme est la méthode d'analyse qui consiste à dégager des relations constantes à partir d'éléments qui peuvent changer (Interview, 1971). Par cette méthode jugée largement applicable le structuralisme a tenté une unification des sciences humaines.
Passé ce principe, qui fait l’objet d’un accord général, les conceptions du structuralisme sont bien différentes et parfois très floues. Le degré de formalisation jugée indispensable, le mode d’existence de l’organisation étudiée et son pouvoir de genèse, sont conçus de manière diverses et ont été sujets à d’âpres controverses. La structure est tantôt considérée comme un schéma théorique (position formaliste et instrumentaliste) tantôt comme un être véritable (position réaliste). Parfois, il faut bien le dire c'est un mot fétiche qui en renvoie à rien de précis. Le structuralisme se rattache surtout au langage car les années soixante ont été un moment de rayonnement de la linguistique considérée comme "science pilote" pour les sciences de l’homme. La conception structurale se retrouve dans la mise en avant de la « fonction symbolique » avec Lévi-Strauss et de « l’ordre symbolique » avec Lacan. Elle prend une tournure littéraire avec des auteurs comme Roland Barthe ou Gérard Genette.
Le structuralisme a permis de sortir de l'abord purement empirique et de ses pièges (du fait de l'identité entre l'objet d'étude et celui qui explique, entre explanans et explanandum) pour aller vers la recherche d'un sous-jacent mieux objectivable. Il apporte donc, sur le plan de la méthode, quelque chose d'intéressant pour les sciences de l'homme. La critique du sujet, en tant qu’unité transcendantale, amorcée par le structuralisme est également utile. L’idée d’un sujet hors du monde, d’une unité synthétique ultime, paraît sans fondement. L’homme est au contraire multiple et divisé, en interaction avec le monde et avec ses semblables. S’il y a une unité relative c‘est celle de l’individu à situer dans son environnement, ou celle de l’agent se mettant dans une position particulière vis-à-vis d’une tâche donnée.
Pour Piaget dans Le Structuralisme (1968), « le danger permanent qui menace le structuralisme, est le réalisme de la structure ». Ce réalisme de la structure risque d'être un nouvel idéalisme car la structure n’est pas concrète. Mais on constate qu'il y a eu peu de véritables discussions sur l'ontologie de la structure.
Critiques du structuralisme
Une partie du mouvement structuraliste, reprenant la séparation culture/nature a eu la volonté de donner une prééminence au culturel. Il paraît actuellement plus intéressant de se placer dans une perspective d’intégration et de différenciation de l’un et de l’autre.
L’importance extrême donnée au logico-linguistique par le structuralisme nous paraît sans fondement. La mise en avant de la syntaxisation, la prévalence du signifiant qui viennent d’une double inspiration linguistique et computationnisme ressemble bien à un effet de mode. Ramener l’humain à une combinatoire désincarnée, dire que la signification ne vient que du jeu combinatoire des rapports structuraux, a été un dogme admis sans démonstration. L’idée que l’une des structures déterminante pour l’homme serait la « structure du symbolique », mérite d'être confrontée avec la diversité de systèmes cognitifs et représentationnels.
Sur le plan de la méthode, le structuralisme voulait saisir derrière la diversité phénoménale un arrière-plan fondateur qui serait la structure. Mais aller vers une ontologie de la structure (un réalisme structural) pose un problème car la structure est d'abord un modèle théorique. L’affirmation réaliste selon lequel cette structure théorique serait le fondement réel des choses est trop abrupte ; une affirmation plus nuancée serait acceptable. On peut supposer que les structures mises en évidence donnent une idée du réel et laisse supposé qu'il soit structuré (organisé).
Le structuralisme a ignoré la pensée systémique (la complexité, l’auto-organisation, l’interactivité) alors que dans le principe il en est très proche. La différence entre structure et système est parfois nulle au point que les structuraliste parlent parfois de système. Mais la pensée structuraliste est plutôt portée sur les rapports fixes, la reproduction, l’invariance, alors que la pensée systémique est plutôt dynamique.
Sur le plan idéologique on trouve chez certains structuralistes un antihumanisme. Cette attitude est motivée par la constatation d’une hétéronomie objective : l’homme serait déterminé par des structures qui lui sont extérieures (celle du langage, celle de l’économie). Mais il n’y a pas de motif valable pour passer de l'idée d'un déterminisme structural à une dévalorisation de l'humain. Par l'antihumanisme le structuralisme participe à ce qu'on nomme l'idéologie postmoderne. Il y participe également par sa volonté de chasser le sens de la pensée pour la réduire à un jeu de signifiants. Il y participe également par le refus de la temporalité qui laisse de côté le mouvement de l'histoire et les processus de genèse. Pour partie seulement car il a toujours maintenu l'idée d'une validité de la science que la postmodernité contestera.