[size=34]La Psychologie des Profondeurs[/size]
ParadigmeNotre nature intérieure est l’expression de forces qui s’originent dans la volonté primordiale du vivre. Les prendre en compte libère des dysfonctionnements individuels, et même collectifs.A l’origine de la psychologie des profondeurs : FreudA la fin du XIXe siècle, pour nombre de médecins, psychologues s’intéressant à l’hystérie, à l’hypnose et à la suggestion, il était devenu évident que la vie psychique débordait du cadre de la seule conscience. Plus généralement, à cette époque, le climat d’esprit conduisait à reconnaître, à travers les créations artistiques et littéraires, la « ténébreuse demeure » de l’âme (Maeterlinck, Le temple enseveli).
En étudiant les phénomènes humains, Nietzsche était parvenu à rejeter tout ordre surnaturel, moral ou religieux, qui place l’esprit au-dessus de la nature. Pour lui, l’homme est un être corporel, animal, dirigé par des pulsions et des affects qui expliquent ses croyances. Schopenhauer, pour sa part, avait développé l’idée d’un vouloir-vivre primordial.
C’est dans ce contexte que naquit « la psychologie des profondeurs », une méthode élaborée par Sigmund Freud (1856-1939) et d’autres « médecins de l’âme » dans le but d’explorer le psychisme, théâtre des processus inconscients.
La psychologie des profondeurs est donc la science de l’inconscient, la science des profondeurs de la psyché.
Le terme aurait-il eu des répercussions insoupçonnées ? Warwick Fox, philosophe d’origine australienne s’inscrivant dans le courant de la Deep Ecology et qui a contribué à l’émergence du champ de l’écopsychologie pose avec pertinence la question du lien entre la dénomination « deep » (profonde) de la nouvelle philosophie instaurée par Arne Naess et l’attrait que la psychanalyse, autrement dit la psychologie des profondeurs, a exercé sur ce dernier alors qu’il résidait à Vienne en 1934.1 - اقتباس :
« Pour Naess, “l’essence de l’écologie profonde est de poser des questions profondes. L’adjectif ‘profond’ souligne que nous questionnons le pourquoi et le comment, alors que d’autres ne le font pas.“… Naess répète ce point encore et encore dans son travail sur l’écologie profonde. Il dit que, par ce terme, il veut se placer “avant tout au niveau du questionnement et ne pas se contenter de la réponse…“ L’implication précoce de Naess dans la psychanalyse en même temps que sa participation au Cercle de Vienne* influença le développement de son travail sur la sémantique empirique. L’une des idées majeures de ce travail – la profondeur de l’intention – impliqua une idée complémentaire – la profondeur des questions – qui, à son tour, inspira le développement suivant, à savoir le choix de Naess pour une approche profonde de l’écologie. » * un cercle de philosophes |
Le mérite de Sigmund Freud est d’avoir accordé de l’importance à la dimension corporelle, plus animale et pulsionnelle, de l’être humain, d’avoir en quelque sorte mieux pris en compte les racines profondes de la psyché, pour créer à partir de sa vision une méthode d’aide de résolution des problèmes psychiques.
L’intérêt de son approche réside dans la reconnaissance que le pouvoir de vivre a sa source dans l’insaisissable, dans une capacité obscure de l’être à venir à l’existence, dans une affectivité originaire qui échappe à l’entendement et ne peut être approchée que par ses seules manifestations. En ce sens et selon le philosophe Michel Henry, Freud est un des premiers chercheurs à avoir abordé, à travers le terme d’inconscient, ce qu’est la « pure vie phénoménologique ».
Comment naquit la psychanalyse ?En 1885, Freud, qui s’était spécialisé dans l’étude des maladies nerveuses, s’inscrivit comme élève auprès de Charcot à la Salpêtrière. Frappé par les phénomènes de suggestion post-hypnotique auxquels il assistait, il axa ses recherches sur la pathologie hystérique, persuadé qu’il existait un mobile profond à l’origine de ces troubles. Cette démarche le conduisit à découvrir l’association libre, méthode permettant au patient d’exprimer tout ce qui lui vient à l’esprit et qui allait devenir la technique par excellence du traitement psychanalytique.
Dès ses débuts, la pratique de la psycho-analyse permit à Freud de réaliser que l’inconscient n’est pas seulement le réceptacle de souvenirs oubliés, traumatiques ou honteux, mais surtout un foyer actif de désirs et de tendances vivaces, qu’il a appelé « le Ça ». Ce pôle pulsionnel, du côté de l’animalité, est lié au principe de plaisir. Il pousse à la satisfaction des envies premières (faim, défense du territoire, sexualité). « Le Moi » est l’entité qui, face aux contraintes de l’environnement, va rendre la vie sociale possible en permettant de fonctionner selon le principe de réalité. Il devra prendre en compte les exigences du « Surmoi », constitué par les interdits parentaux intériorisés et jouer un rôle de médiateur entre le Ça (naturel) et ce Surmoi (civilisé).
Pour Harold Searles, il ne fait pas de doute que Freud situait le psychisme humain à l’intérieur du monde animal 2. Pour preuve, ce texte que ce dernier écrivit en 1917 : - اقتباس :
« Au cours de son évolution culturelle, l’homme s’érigea en maître de ses co-créatures animales. Mais non content de cette hégémonie, il se mit à creuser un fossé entre leur essence et la sienne. Il leur dénia la raison et s’attribua une âme immortelle, allégua une origine divine élevée, qui permit de rompre le lien de communauté avec le monde animal. Il est remarquable que cette outrecuidance soit encore étrangère au petit enfant de même qu’à l’homme primitif et historique. Elle est le résultat d’une évolution ultérieure prétentieuse. » |
Dans le déroulement plus tardif de sa pensée, Freud développa l’idée de l’existence de deux pulsions opposées : la pulsion de vie, Eros, et la pulsion de mort, Thanatos. Aujourd’hui, cette théorie est encore controversée mais elle montre combien il avait conscience de la tendance de l’être humain à faire retour au non humain, à l’inanimé (Thanatos).
L’intérêt majeur de l’œuvre de Freud est d’avoir montré qu’en l’homme, soi-disant raisonnable, survit toujours l’enfant mu par la vie pulsionnelle. Freud a su mettre en lien des phénomènes aussi différents que les étapes du développement infantile, les créations des rêves, les récits mythologiques, les œuvres des artistes…, faisant ainsi apparaître ce qui se joue dans les profondeurs, à l’insu de ce qui est convenu. C’est ainsi que le rapport entre ce qui est normal et ce qui est anormal s’en est trouvé profondément révolutionné. Ce qui était jusque-là considéré comme de l’ordre de « la folie » est devenu un conflit légitime pour que des instances profondes de la psyché se fassent entendre.
Le mouvement psychanalytique en pleine croissance vécut très vite des mouvements dissidents, qui donnèrent lieu à l’émergence de nouvelles approches.
Alfred Adler et la volonté de puissancePour Alfred Adler (1870-1937), neuropsychiatre viennois, le problème vient surtout de la manière qu’a l’individu d’affronter le sentiment d’infériorité éprouvé pendant son enfance face au monde adulte.
Si, en raison des obstacles rencontrés (éducation maladroite, difficultés sociales, place dans la fratrie, handicap physique ou intellectuel…) il n’arrive pas à dépasser ce sentiment, il éprouvera le besoin de compenser par un désir accru de puissance. Cette tendance à la domination aura des conséquences problématiques non seulement dans les rapports sociaux mais plus largement dans toute relation où l’autre résiste à sa volonté, notamment la nature.
Alfred Adler adhéra dans un premier temps aux idées de Freud. Puis, se trouvant en désaccord sur le rôle central de la sexualité dans l’étiologie des névroses, il finit par s’en démarquer.
Pour lui, chaque être est engagé dans un processus de croissance vers une finalitéqui lui est propre. Pour dépasser la position d’infériorité qui, au départ, est la sienne, il lui faut non seulement du courage mais aussi l’aide des personnes de son entourage. C’est cette dernière nécessité qui fait de lui un être social, en développant un esprit communautaire. La grande affaire est donc la construction d’une manière d’être permettant d’harmoniser les exigences de l’individu et celles de la société.
Sandor Ferenczi : la vie psychique naît de la relationSandor Ferenczi (1873-1933), psychanalyste hongrois, a le mérite d’avoir tenté d’aller au plus près des zones les plus archaïques de la psyché. Dans son ouvrage,Thalassa, il fait un lien entre le développement de l’être humain et le développement de la vie organique sur terre, récapitulée en quelque sorte dans la transformation de l’ovule en nouveau-né. Il met son lecteur en présence de ce qui existe en lui depuis la nuit des temps et, à l’instar de Freud, fait l’hypothèse d’un désir de régression en chacun pour retourner au « monde océanique » des origines humaines.
Sandor Ferenczi fut « l’enfant terrible » du mouvement psychanalytique en train de se constituer. Son désir de suivre aussi loin que possible le processus dynamique vécu par les patients le conduisit à contester la manière de faire de ses collègues. A l’inverse de ces derniers, il reprit l’hypothèse du traumatisme lié à une séduction précoce qui avait été abandonnée par Freud : pour lui, un traumatisme a véritablement été vécu (au lieu d’être seulement fantasmé) par le patient au cours de son enfance. Ferenczi a remanié la technique analytique pour qu’elle soit plus adaptée à ces pathologies, notamment en préconisant une approche du corps par la relaxation et en prônant un engagement plus complet et plus chaleureux de l’analyste dans l’ensemble du processus.
Cherchant des voies de compréhension pour aborder les cas les plus difficiles, il s’est intéressé aux périodes les plus précoces et a développé la notion d’« introjection », un processus d’intériorisation des qualités de l’entourage – d’assimilation des phénomènes nourrissants qui se produisent dans l’interaction relationnelle – permettant au Moi de se constituer et de croître peu à peu.
Malgré l’ostracisme qui affecta son œuvre, de nombreux psychanalystes s’en sont inspiré : Donald Winnicot, Melanie Klein, les post-kleiniens, Heinz Kohut… Parmi ceux qui ont franchement marché dans les pas de Ferenczi, Nicolas Abraham et Maria Taurok ont développé la notion d’ « ennemis de la vie », correspondant aux obstacles qui empêchent le processus d’introjection, notamment ceux d’origine transgénérationnelle.
Wilhelm Reich et l’inscription somatique de la psychéPour Wilhelm Reich (1897-1957), il existe une énergie de vie qui anime le cosmos et traverse les êtres vivants. Elle se manifeste au moment du plaisir sexuel mais sous-tend de manière invisible tous les aspects de l’existence. A cette énergie, il donna le nom d’« orgone ».
Reich a continué à développer la théorie fondamentale de Freud sur la libido. En 1927, il publia La fonction de l’orgasme, dans lequel il avance l’idée que les névroses ont une origine sociale, la forme patriarcale de notre société entraînant une répression sexuelle. Dans la foulée, parut son ouvrage L’analyse caractérielle.
Les problèmes humains résulteraient des blocages à l’écoulement du flux de vie à travers la personne. Pour des raisons liées à l’enfance, une cuirasse caractérielle, à la fois psychique et physique (manière de se comporter et contractions musculaires devenues pérennes) se met en place pour protéger le sujet des émotions douloureuses, entravant du même coup la circulation de l’énergie et l’accès au plaisir. Ces blocages contaminent insidieusement l’entourage, créant à grande échelle une véritable « peste émotionnelle ». Dans cette théorie, Reich passe d’une préoccupation concernant le seul individu à une préoccupation qui concerne l’ensemble du corps social.
Militant politique engagé, Reich créa l’Association pour une politique sexuelle prolétarienne à Berlin en 1930, puis il écrivit Psychologie de masse du fascisme, ouvrage dans lequel il dénonce l’idéologie nazie comme étant totalitaire. Fuyant le régime hitlérien, il s’installa aux Etats-Unis en 1939. Sa technique thérapeutique, « l’analyse caractérielle », prit alors le nom de « végéto-thérapie ». Cette démarche implique une mobilisation de la « cuirasse corporelle » pour aider les défenses à se relâcher et repose sur l’idée d’une unité fonctionnelle du vivant. Elle fut reprise par Alexander Lowen dans la mouvance du Potentiel Humain.
الأربعاء فبراير 17, 2016 3:32 am من طرف فدوى