A la frontière du vivant et du
non vivant, se trouvent des « structures » qui semblent avoir refusé
toute évolution. Il s’agit, vous l’avez certainement deviné, des virus.
Ils ne sont pas des êtres vivants comme les organismes unicellulaires,
car seuls, ce sont de simples objets inanimés. Ils ne sont pas
entièrement des objets inanimés car, mis en contact avec un organisme
vivant, ils se raniment et acquièrent certaines propriétés du vivant.
Ces traits font qu’il n’est pas facile de définir un virus. A titre
d’exemple, le Petit Littré définit le virus comme un « principe de
transmission » de plusieurs maladies contagieuses. Même
en biologie, les savants ne sont arrivés à définir un virus que par ses
manifestations au sein des organismes vivants infectés. Ils ont, grâce à
de nouvelles techniques d’observation (microscope électronique), décrit
avec exactitude de nombreux virus qui causent parfois des maladies
mortelles : le virus de la variole, le virus de l’influenza, le virus de
la varicelle, le virus de la rage, le virus du sida, le virus de la
poliomyélite, le virus de la mosaïque du tabac, etc.
Pourquoi ces « structures » n’ont-elles pas évolué ? Etant classés
parmi les êtres les plus primitifs dans les classifications
évolutionnistes, pourquoi montrent-ils une organisation et un
comportement très complexes et une grande stabilité ? Le présent texte
tente d’y répondre.
Quelques caractéristiques du VivantL’examen simple de notre univers permet de classifier tout ce qui
existe en deux grands systèmes : le vivant et le non vivant. Qu’est-ce
qui caractérise le Vivant ? On peut relever de nombreux traits qui
différentient le Vivant et le non Vivant. La vie, phénomène unique,
complet et complexe, se manifeste sous diverses facettes. Voici quelques
exemples de ses caractéristiques.
1. l’organisation cellulaire: tous les organismes, végétaux et
animaux, sont constitués de cellules, dénominateur commun de la vie ;
2. la perpétuation de la vie : la vie ne provient que de la vie,
c’est le principe de la biogenèse, qui ne souffre d’aucune exception
depuis la brillante et célèbre démonstration en 1862 du savant français
Louis Pasteur (1822-1895) ;
3. l’organisation chimique : tous les organismes, végétaux et
animaux, sont constitués de substances chimiques tels que les sucres,
les protéines, les matières grasses et autres substances. Ces
constituants sont organisés en système et accomplissent des activités
chimiques coordonnées ;
4. le métabolisme (nutrition et excrétion) : tous les êtres vivants
ont besoin d’une source d’énergie constante afin d’assurer le bon
déroulement de toutes leurs activités chimiques. Cette énergie vient du
soleil après sa transformation par les végétaux en énergie chimique
qu’ils stockent dans des substances complexes. Certains êtres vivants
(l’humain compris) tirent leur énergie de la dégradation de ces
substances pour se reproduire, se maintenir en vie et pour assurer leur
croissance, etc. Les déchets résultant de toutes ces activités sont soit
convertis directement en d’autres substances au sein de l’organisme
même soit éliminés par différents modes d’excrétion.
4. la reproduction : la reproduction est essentielle à la pérennité
de la vie, elle peut être asexuée (division cellulaire, régénération,
bourgeonnement, bouturage, etc.) ou sexuée impliquant alors l’union des
cellules sexuelles (par exemple ovules et spermatozoïdes). Quel que soit
le mode de reproduction pratiqué, force est de constater que le nouvel
organisme-fils porte en lui des caractères génétiques de ses parents ;
5. la croissance : pour croître, les organismes vivants absorbent des
substances nutritives, ils ne les accumulent pas comme le feraient les
cristaux et les glaçons, mais par divers processus chimiques, ils les
organisent et les assimilent ;
6. la forme et la taille des organismes vivants : par leur forme et
leur taille, tous les organismes d’une même espèce se ressemblent entre
eux et ressemblent à leurs parents et ce, malgré les variations dues à
la pression de l’environnement que l’on peut enregistrer chez certains
individus du groupe. Un ours ressemble aux ours de son espèce comme
l’Iris ressemble aux Iris de son espèce ;
7. la durée de vie des organismes vivants : tous les organismes
vivants ont une durée de vie limitée, un temps d’existence moyen
généralement subdivisé en 5 périodes : origine, croissance, maturité,
déclin et mort. Ce temps de vie varie selon les espèces et semble réglée
par des facteurs prédéterminés.
8. l’irritabilité des organismes vivants : c’est leur capacité à
réagir à des changements dans les conditions du milieu ou stimuli (son,
lumière, température, molécules chimiques), etc.
Ces caractéristiques (et d’autres encore non citées ici) ne se
rencontrent pas chez les virus. Un virus n’est qu’un objet, une
particule acellulaire : il n’a pas de noyau, il n’a pas de cytoplasme et
il n’a pas de membrane cellulaire, il est plus petit que la plus petite
cellule, il traverse les pores extrêmement fins de filtres en
porcelaine que ne peut traverser une bactérie, la plupart des virus ne
sont visibles qu’au microscope électronique.
Vers la découverte des virusEn 1796, Edward Jenner pratiqua la
première vaccination contre la variole en transférant le liquide d’une
lésion de vaccine de la main d’une fermière à une égratignure sur le
bras d’un garçon de 8 ans. Cent ans plus tard, Louis Pasteur établit que
la rage était une infection du cerveau et de la moelle épinière. Il
transmit cette maladie à des animaux sains en leur injectant un liquide
extrait du cerveau et de la moelle épinière des animaux infectés. Ni
Jenner ni Pasteur ne se doutèrent de l’existence des virus.
En 1892, Dimitri Iwanowski, un biologiste russe, étudiant la maladie
dite « la mosaïque du Tabac » démontra que cette maladie n’était pas
inoculée par les bactéries mais par des agents plus petits que ces
dernières. Il ne put aller plus loin dans ses recherches.
En 1898, Martinus Beijerinck, botaniste hollandais, reprit les
travaux de Iwanowski et conclut que la mosaïque du Tabac était due à un
agent plus petit que la plus petite bactérie, il nomma cet agent Virus
(du Latin « poison »)
En 1935, Wendell Stanley de Rockefeller Institute (Etats-Unis
d’Amérique), fut le premier à isoler le virus de la mosaïque du Tabac.
Il broya environ une tonne de feuilles de Tabac malade et obtint un jus.
De ce jus, il obtint environ une cuillerée de cristaux en forme
d’aiguilles. Stanley gardait ces cristaux apparemment inertes dans un
flacon. Mais, quand il les mettait en suspension dans l’eau et les
appliquait à des feuilles de Tabac saines, ces cristaux provoquaient la
maladie! Cette découverte lui valut le prix Nobel de Chimie en 1946.
Structure du VirusDepuis cette époque jusqu’à ce jour, les savants ont réussi à décrire
la composition chimique des virus. Chaque particule virale est
constituée d’un centre d’acide nucléique (Acide ribonucléique, ARN ou
Acide désoxyribonucléique, ADN) entouré d’un revêtement de nature
protéinique appelé manteau. Cet ADN est le même rencontré chez tous les
êtres vivants ! C’est sa présence dans un virus qui fait classer ce
dernier parmi les organismes vivants (voir dessin).
Mais ce statut d’organisme vivant est souvent remis en question par
quelques propriétés des virus : un virus n’est actif qu’en association
avec le contenu d’une cellule spécifique d’un hôte vivant. Un virus ne
peut pas se reproduire seul, pour le faire, il doit envahir une cellule
et prendre le contrôle de celle-ci.
ConclusionSans être totalement un vulgaire cristal inerte ni totalement un être
vivant, le virus est à la frontière du vivant et du non vivant. A ce
niveau, il devrait avoir une organisation très simple. Ce n’est pas le
cas, il nous présente par contre une structure plus complexe et un
comportement qui défie toute imagination. Pourquoi cette complexité ?
Pourquoi ce comportement tout particulier ? Peut-on imaginer que les
virus, inertes à l’état isolé, aient évolué ? Si oui, quels pourraient
être leurs ancêtres ? Comment étaient-ils ? Un fait attire l’attention,
c’est la présence de la molécule d’ADN (ou d’ARN) dans un virus que l’on
retrouve également dans toutes les cellules animales et végétales.
Cette molécule affiche une incroyable stabilité dans le monde vivant :
du Virus à l’Homme en passant par tous les représentants de différents
groupes animaux et végétaux, elle présente une même composition : c’est
une succession des bases nucléotidiques dans laquelle l’Adénine (A) est
toujours liée à la Thymine (T) et la Cytosine (C) à la Guanine (G),
accompagnées de leurs molécules de sucre (le désoxyribose) et de
phosphate. Elle contient le code génétique (alphabet génétique à 4
lettres), lequel contrôle toutes les caractéristiques du vivant. L’ADN a
une structure conservatrice, elle semble n’avoir connu aucune évolution
à travers les millions d’années proposés alors qu’elle est à la base de
toute variation observée dans la nature.
Le Virus n’est pas le produit de l’évolution, il entre tout
simplement dans l’organisation du monde vivant tel qu’il a été créé par
son Créateur, selon son propre plan.
Références bibliographiques- Corbeth, M.K., (eds), 1966.- Plant Virology. Gainesville :
University of Florida Press.
- Fraenkel-Conrat, H.- The genetic code of a Virus. Scientific American,
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