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الموقع : منسقة و رئيسة القسم الفرتسي بالمدونات تاريخ التسجيل : 10/04/2010 وســــــــــام النشــــــــــــــاط : 4
| | Espace public et démocratie : La philosophie d’Habermas | |
« Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? »: L’acte de naissance de l’espace public moderneLa notion d’ « espace public » a été employée pour la première fois par Habermas dans sa thèse, publiée en 1960, intitulée L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, dans laquelle il dégageait, tant sur le plan historique que théorique, l’émergence du principe de publicité. Selon lui, Kant a, le premier, donné à l’espace public « sa structure théorique achevée » dans un texte de philosophie politique, plus précisément dans sa réponse envoyée au journal le Berlinische Monatsschrift, intitulée Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? Il s’agit pour nous de montrer à travers l’étude de la notion kantienne de publicité la nouveauté et la radicalité de ce texte, autrement dit en quoi Kant signe l’acte de naissance de l’espace public moderne. L’Espace public et la philosophie politiqueDans l’héritage de Lessing et de Mendelssohn, Kant définit les Lumières comme la « sortie hors de l’état de tutelle » c’est-à-dire la situation de l’homme hors d’état de faire usage par lui-même de sa raison. Cette condition hétéronome est le fait de l’homme. Or, pour Kant, cet état de minorité n’est pas naturelle : l’homme est doté d’une raison qui lui permet de découvrir des vérités. Cependant si sa raison n’est pas cultivée, il restera en enfance. Ainsi, les Lumières sont précisément un appel adressé aux hommes à devenir majeurs, leur permettant d’accéder à l’autonomie du jugement. Néanmoins ce processus d’affranchissement par rapport aux tuteurs est plus facile à conquérir collectivement qu’individuellement. C’est pourquoi l’éclaircissement progressif d’un peuple est suspendu à une condition : que l’usage public de la raison, la libre circulation des idées et des opinions, de manière orale ou écrite, soit érigé en « droit sacré de l’humanité ». La censure est jugée comme un « despotisme spirituel » qui ne nie pas seulement la liberté de publier ou de communiquer oralement des idées, mais également la liberté de penser puisque, comme nous allons le constater, la raison ne s’élève qu’au contact de celle d’autrui. A partir des « quelques êtres pensant par eux-mêmes », un effet d’entraînement se crée, la libération se propage en cercles concentriques pour atteindre tous les citoyens : le processus est qualifié « d’inévitable pourvu qu’on accorde [au peuple] la liberté ». La publicité, coeur de l’espace publicLa notion de « publicité » intervient ici : penser par soi-même signifie en fait penser tout haut. L’échange libre et public des opinions produit une scène publique, une scène où s’entrecroisent les regards, et où les raisons, au contact les unes des autres, s’élèvent concomitamment. De plus, l’usage public de la raison entraîne un dédoublement du rôle du citoyen, d’une part en acteur, d’autre part en spectateur. La figure du « savant » correspond à l’individu qui fait un tel usage de sa raison, et, en outre, désigne tout individu doué de raison. Cette dignité universelle des opinions exprimées publiquement montre à quel point Kant est éloigné de toute conception élitiste, qui ferait primer le savoir sur l’opinion . L’auteur donne l’exemple du juriste s’adressant à un auditoire, le plaçant alors en position d’acteur. Mais en même temps que le public qui lui fait face, il évalue lui-même ce qu’il dit et est en cela également spectateur de lui-même. Tout homme doit donc, en tant que citoyen, acteur de l’espace public, être un publiciste, mais également savoir être passif, c’est-à-dire capable d’observer et de commenter. L’usage privé de la raison est celui que doivent faire les individus dans le cadre de « charges civiles » , lesquelles ne doivent pas faire l’objet d’une réflexion publique, comme en témoigne l’exemple de l’officier qui « [ratiocinerait] à voix haute sur le bien-fondé ou l’utilité [d’un] ordre ». On voit ainsi une nette séparation entre la scène des opinions et celle des actions. Nous avons noté que les Lumières étaient fondées sur l’injonction à penser par soi-même avec la finalité de découvrir des vérités, et que l’usage public de la raison impliquait l’entrecroisement et l’échange des points de vue sur la scène publique. De la conjonction de ces thèses, on peut en conclure que la conception kantienne de la rationalité et de la vérité est fondée sur l’intersubjectivité, même si Habermas et Apel ont instruit un procès contre Kant, en lui reprochant de fonder monologiquement les normes morales et politiques :« Quelles seraient l’ampleur et la justesse de notre pensée, si nous ne pensions pas en quelque sorte en communauté avec d’autres à qui nous communiquerions nos pensées et qui nous communiqueraient les leurs ! ». La communication politiqueL’exercice de la pensée doit être ouvert, susceptible d’une communication publique. A l’élaboration solitaire d’une opinion doit succéder une confrontation de cette dernière aux autres opinions, ce qui constitue pour elle une mise à l’épreuve salutaire, car elle peut dès lors être reconnue, ou pas, comme rationnelle et digne d’être mise en pratique. Le cadre de l’espace public kantien est, en cela, déjà dialogique, et donc non monologique. En ce sens, la publicité est à la politique ce qu’est la « pensée élargie » à l’esthétique : l’orient. Le jugement politique ne nécessite pas de réunir en soi-même un public imaginaire afin de « penser en se mettant à la place d’autrui » , puisque l’individu, du point de vue politique et à la différence de l’esthétique, fait partie du public concret. C’est alors que l’on voit clairement le rapport entre l’espace des opinions et celui des actions : le premier est un préalable à l’autre. La conséquence de ceci est l’implication du public dans la politique, l’avènement d’un rôle prédominant puisqu’il convient d’« autoriser [les] sujets à faire publiquement usage de leur propre raison et à exposer publiquement au monde leurs idées sur une meilleure rédaction de [la] législation, même si elles sont assorties d’une franche critique de celle qui est en vigueur ». Le citoyen critiqueLe public est non seulement doté d’un pouvoir de légiférer, mais de surcroît, il peut mettre en question le pouvoir. Il est important de noter que l’espace public kantien n’évacue pas les conflits, car s’il admet la diversité des points de vue, il leur permet en même temps de s’exprimer et de se régler par la discussion. Il ne s’agit donc pas d’une vision angélique qui nierait la conflictualité inhérente à toute société, liée au simple fait que les individus sont différents, le « fait du pluralisme » selon l’expression de J. Rawls dans la Théorie de la Justice. L’espace public apparaît donc précisément comme le lieu de débats infinis où pourront être jugés collectivement les idées des individus, mais aussi la scène d’où pourra être jugé et contrôlé le pouvoir politique. Le public acquiert ainsi une nouvelle fonction : celle d’instance critique auquel doit s’exposer le pouvoir. Cette instance critique constitue par conséquent la médiatrice entre la société civile, qui désigne l’ensemble des individus faisant un usage privé de la raison, et l’Etat. L’espace public implique que tout pouvoir politique se fasse par et pour le peuple. C’est-à-dire d’une part que le pouvoir émane du public et, d’autre part, en retour, que le pouvoir politique réponde de ses décisions et les justifie. Kant et HobbesPar ailleurs, nous avons souligné la nouveauté de cette théorie, qui réside essentiellement dans une innovation par rapport aux contractualistes. Chez Hobbes, qui a pensé l’état de nature, il n’existe pas de lieu d’où l’Etat se fasse voir du peuple. Il développe une métaphore théâtrale dans laquelle les individus, rassemblés en peuple, sont certes l’auteur de l’Etat, qui est l’acteur unique de la pièce, du moins tant que la sécurité du peuple n’est pas mise en danger. Ainsi, Hobbes ne place pas l’acteur sous le contrôle permanent de l’auteur, autrement dit il ne donne à la structure politique d’un Etat aucun spectateur habilité à juger, commenter et débattre de l’action étatique. Et même dans le cas d’une atteinte à la sécurité du peuple, ce dernier n’a pas à délibérer puisque le contrat est automatiquement et spontanément rompu. Kant introduit ainsi l’existence d’une scène des opinions, non seulement garantie par la publicité, mais également nécessaire car elle fonde la rationalité de l’action étatique, en mettant cette dernière sous le contrôle permanent du public. Le promoteur de la liberté d’expression achève en cela la métaphore théâtrale ébauchée par Hobbes : à l’acteur fait désormais face un spectateur, incarné sous la figure du public . Kant et RousseauL’apport kantien est également important quant à l’autre versant du contractualisme, non absolutiste, mais démocratique. Rousseau fonde, certes, l’Etat de droit sur le règne de la volonté générale, mais celle-ci ne résulte aucunement des débats au sein d’un espace public. Elle est comme spontanée, irréfléchie et naturelle : dans la démocratie de Rousseau, le consensus des cœurs prime sur celui des arguments. Rousseau se méfie des débats, au point de les exclure des procédures législatives, car il considère qu’ils entraînent la résurgence des intérêts particuliers, ainsi qu’ils permettent l’émergence de démagogues qui influenceraient le peuple et le détournerait de l’intérêt général. Chez ce contractualiste, le peuple occupe une fonction législatrice, mais non critique. Alors que chez Kant, l’espace public est le lieu d’une dialectique vivante, un processus de confrontation où les idées s’entremêlent et s’ajustent mutuellement. Le contexte est cependant différent : Rousseauréfléchit dans le cadre d’une démocratie directe, où toute la législation provient du peuple, alors que Kant, dans le cadre de ce qui ressemble à une monarchie constitutionnelle, n’admet qu’une participation du public au pouvoir.La nouveauté introduite par Kant est donc également cette réunion des deux fonctions accordées au public, législatrice et critique, qui justifie de parler d’un espace public moderne, c’est-à-dire démocratique. Le mérite d’Habermas a été de retracer cette généalogie de l’espace public et d’en dénoncer la corruption. | |
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