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 Prémisses et origines philosophiques du lib

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فدوى
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فدوى


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26022016
مُساهمةPrémisses et origines philosophiques du lib

Prémisses et origines philosophiques du libTextes de Locke


Introduction:


Je voudrais d’abord signaler une équivoque concernant le terme de libéralisme pour la lever : chez nous le mot, sous l’expression de néo-libéralisme, est synonyme de capitalisme sauvage et de la liberté d’entreprendre des seuls détenteurs des capitaux aux dépens des salariés, alors qu’aux USA le terme est connoté à gauche ; il désigne le courant culturel et politique qui fait de progrès social et des libertés concernant les mœurs et les opinions la conditions de la liberté individuelle. Or, si on se rapporte à l’origine philosophique du terme c’est à l’évidence le sens nord américain qui s’impose car le libéralisme est une invention des Lumières contre les formes conservatrices traditionnelles-religieuses et inégalitaires  du pouvoir sociétal pour promouvoir le progrès politique, social et culturel pour tous. Ma thèse sera ici de montrer en quoi cette équivoque procède d’un véritable détournement de sens visant à présenter les progressistes comme des ennemis de la liberté, comme des anti-libéraux, sinon des totalitaires voulant asservir les individus à la toute puissance de l’état ; ce détournement vise à faire consentir le plus grand nombre aux mesures les plus anti-sociales d’un capitalisme dérégulé
Mais ce détournement est pire encore dans ses effets politiques lorsque les progressistes le reprennent à leur compte pour dénoncer le libéralisme en général en oubliant son sens authentique. Le but de mes interventions sera donc de rétablir ce sens originaire afin de redonner au libéralisme ses lettres de noblesse progressistes et d’opposer au pseudo-libéralisme, non un anti-libéralisme politiquement dommageable (tous les totalitarismes se sont réclamés de l’anti-libéralisme), mais un authentique libéralisme au sens progressiste et social du terme, en montrant en quoi ce détournement est philosophiquement fallacieux et politiquement dangereux.
Le libéralisme philosophique apparaît au XVII et XVIII ème  comme une rupture radicale avec la vision chrétienne traditionnelle idéale de l’homme social: là ou celle-ci pense la sociabilité idéale (bonne et juste pour tous), comme fondée sur un altruisme plus ou moins sacrificiel de soi aux autres, à l’ordre hiérarchique divin,  au seigneur, au roi et à Dieu, celui-la pense la société comme un agrégat d’individus-propriétaires de leur corps, de leur esprit et de leur biens, égaux entre eux en droit sinon en fait, dont il faut défendre l’autonomie vis-à-vis des puissances politiques et religieuses et poursuivant leur intérêt propre, qu’ils savent mieux définir que quiconque, dans le cadre de relations d’échange  soumise au seul principe régulateur de réciprocité  donnant/donnant. Tout pouvoir collectif ne peux valoir comme légitime (juste et consenti) qu’en vue de définir, de préserver et de garantir leur droit à faire valoir leurs intérêts personnels, dès lors que ceux-ci sont rendus également compatibles par la loi  avec ceux des autres,  contre qui et en particulier les puissants, fussent les gouvernants, pourraient utiliser leur pouvoir pour les soumettre à leur domination, les voler ou les détruire. Ni Dieu ni maître absolus (sauf pour Hobbes, cas charnière paradoxal, nous y reviendrons) ne peuvent et ne doivent faire que les individus se plient sans conditions à leur volonté ou désir. Chacun ne doit travailler au service d’un autre que si celui-ci en fait autant dans le cadre d’un contrat négociable  garanti par la puissance publique. Pas d’allégeance personnelle, chacun ne s’appartient qu’à lui-même. Toute puissance extérieure, qui ne serait pas approuvée et donc déléguée, est illégitime dès lors qu’elle n’est pas une puissance bénéfique aux intérêts mutuels, et non pas communs, de chacun. L’intérêt est, en effet, tout ce qui contribue à la mise en œuvre du droit bonheur ici-bas de chacun et non pas au prétendu bonheur collectif de tous qui ne peut être qu’une fiction absurde.
Ainsi cette liberté individuelle, spontanée, voire naturelle, nous y reviendrons, est de fait ego-centrée, voire égoïste ; chacun est à lui-même sa propre fin et fait des autres, dans le meilleur des cas un moyen, et dans le pire un obstacle-concurrent à écarter, sinon à détruire. Elle implique la capacité reconnue  d’entreprendre sans se soucier des intérêts des autres, à l’exception éventuelle de ses proches, sinon à ne les considérer que pour se satisfaire soi-même. Plus de fidélité ou d’attachement durables, de soumission à un ordre social immuable, et encore moins transcendant. L’égoïsme est inscrit dans la nature passionnelle des hommes et ce que le christianisme voyait comme un péché originel est un état nécessairement indépassable pour l’immense majorité des individus. Loin de prétendre les transformer, ce qui est impossible sans les terroriser, il faut donc les mettre en condition de satisfaire leur égoïsme sans nuire aux autres. Les saints, s’ils existent, sont au delà de l’humaine condition et une société de saints serait proprement inhumaine. L’idéal de sainteté est, pour l’immense majorité, irréaliste et, de fait, ne peut qu’encourager l’hypocrisie et inciter à la haine violente de soi et des autres.

Mais  chacun sait, les libéraux en premiers, que la liberté individuelle comme fondement du droit, plus encore lorsqu’elle s’exprime d’une manière privilégiée dans le droit de propriété privée des biens de production et d’échange, n’implique  qu’une égalité formelle et non pas une égalité sociale ou réelle et que cette inégalité réelle risque de compromettre à son tour l’égalité des droits et en particulier celle des chances, pourtant considérée  par les libéraux comme indispensable à la société  libérale qu’ils appellent de leur vœux , c’est à dire à une société qui accorde à chacun le même droit au bonheur et à la réussite.  Pensons à l’héritage économique et culturel : celui-ci ne tarde pas  à introduire des différences en terme de chances et de handicaps  dans la concurrence pour la réussite et l’accès au bonheur. La liberté définie comme la capacité d’agir par pour soi au mieux de ses intérêts est alors dépendante du pouvoir social, des moyens de les obtenir et des ressources au départ inégales que chacun a à sa disposition pour le conquérir. Un société vraiment libérale abolirait l’héritage, mais du même coup prendrait le risque de se mettre en contradiction avec la motivation principale qu’elle reconnaît aux individus, à savoir : agir pour le plus grand profit possible pour soi-même et ceux qui seront nos héritiers. Que ce passerait-il en effet si les individus ne visaient qu’à satisfaire leurs seuls intérêts, sans autre perspective que leur fin de vie ? En vieillissant ils se détourneraient de toute initiative d’enrichissement productif pour ne plus songer qu’à dilapider leurs biens, selon la formule :  « Après nous le déluge ».
Cette réelle inégalité des chances risque alors de reproduire une société de castes de fait et cela sans aucune justification religieuse ou de mérite aux yeux de ses victimes et devient donc illégitime et contestable au point d’être nécessairement ressentie comme injuste par ceux qui ne bénéficient pas de conditions suffisantes pour faire valoir leur droit, en droit identique, de s’enrichir. Et cela d’autant plus que, sous la forme du salariat, est réintroduite dans les faits la dictature des possédants sur les dépossédés qui doivent vendre leur force de travail pour vivre et se reproduire. Le libéralisme, sous la forme du capitalisme,  apparaît engendrer l’injustice comme les nuées engendre l’orage et cette injustice à son tour compromet la liberté du plus grand nombre qu’il prétend défendre. La légitimité du pouvoir capital et de la propriété privée des biens sociaux que sont les biens de production et d’échange est radicalement compromise par son incapacité à se transformer en valeur valant pour chacun, car son universalité théorique  (tout le monde peut devenir capitaliste ou propriétaire) alors apparaît pratiquement comme une mystification au service des seuls intérêts des possédants dans l’exploitation « légalisée » qu’elle autorise et garantit de la force de travail. Le capitalisme se retourne contre le libéralisme dont il s’efforce sans succès d’exploiter le prestige sous la forme de l’apparente valeur de la liberté universelle (pour tous sans contradiction).

Si, comme il a été démontré historiquement,  aucune société ne peut être à la fois libérale et réellement égalitaire et que néanmoins une société libérale ne peut se dispenser de se soucier de justice sans prendre le risque de la violence sociale, peut-on sinon résoudre, du moins traiter cette contradiction pour en réduire les effets potentiels de violence et de domination? Peut-on, sans sortir du libéralisme théorique,  penser une société plus juste dans les faits et sinon égalitaire du moins inégalitaire et qui serait libérale ? Si non pourquoi et si oui à quelles conditions et dans quelle limites ?

1)    Libéralisme politique et droit naturel

Pour comprendre le libéralisme il faut d’abord comprendre qu’à la fois il vient de la conception chrétienne traditionnelle de la liberté  et qu’il la refuse.

1-1 Le liberté au sens traditionnel chrétien.
Les sociétés théocratiques ou fondées sur la référence à une puissante divine transcendante, ne reconnaissent, au mieux, la liberté que comme capacité à choisir entre le bien exigé par Dieu et le mal dont une des sources réside dans la corps et les passions humaines, particulièrement, dans le désir égoïste illimité de possession et de jouissance sensible et sensuelle et la vanité ou l’orgueil.. Ce désir est naturel mais il est aussi source de conflit et de guerre permanente et de violence indifférenciée de tous conte tous (Hobbes); Les hommes ne peuvent vivre sans s’entredétruire qu’en se soumettant volontairement et sous la menace de sanction post-mortem, à la volonté divine inscrite dans des textes sacrés et relayée par l’autorité, morale et politique , des prêtres et des princes investis de la puissance divine. Pour les chrétiens le péché originel  réside d’un part dans la nature corporelle et désirante de l’homme  (la chair) et d’autre part dans le choix du mal humain (la chair) contre le bien divin (l’esprit ou amour de Dieu). La liberté est donc ambivalente, elle est à la fois puissance du mal et du bien. Aussi doit-elle être encadrée par la puissance ecclésiale et politique-spirituelle pour être orientée au bien. Il convient toujours, et ce si possible dès l’enfance, de forcer les hommes à être libres en vue du bien, c’est à dire à faire le choix, à la fois contraint et consenti en vue du salut,  de Dieu, du surnaturel, de l’au-delà paradisiaque de la mort, contre la mal naturel. Alors  les hommes seront sauvés grâce à Dieu et contre la partie désirante d’eux-mêmes. Si la liberté est naturelle, inscrite dans la nature de l’homme, elle ne peut spontanément s’exprimer que sous la contrainte salvatrice consentie, indissociable de la foi religieuse. Les droits de l’homme se confondent alors avec le droit divin à exercer sa grâce et sa puissance contre sa nature peccable condition du plein exercice du bon usage de son entière liberté de choix.

Or cette vision chrétienne traditionnelle de la liberté suppose un monde hiérarchique stable ordonné par les puissances spirituelles (l’église et la pape) et temporelle (le monarque de droit divin) plus ou moins réconciliées par la soumission du second au premier. Lequel ordre exclut nécessairement la pluralisme des croyances et des valeurs, qui dans un contexte fortement théocratique, met en péril l’unité politique et sociale des royaumes, voire la paix civile sous la formes de guerre de religions ; guerres par nature  hyperviolentes et interminables car s’auto-justifiant indéfiniment de l’autorité divine absolue contre les mécréants et les hérétiques et les autres confessions désignées comme le mal radical avec qui aucun compromis n’est permis et donc possible, tout au moins en interne. De plus cette vision est incompatible avec le développement des relations marchandes comme modèle général des relations humaines qui opèrent sur une base non–hiérarchique égalitaire et contractuelle donc volontaire : celle du donnant/donnant entre valeurs équivalentes exprimables sous une forme monétaire abstraite en vue de la satisfaction des désirs matériels mais toujours aussi symboliques et culturels mutuels d’ individus libres de les manifester sans aucune restriction morale et/ou promesses sacrificielles en vue du salut : dans la relation marchande la libre concurrence permet à chacun de choisir à chaque instant la relation à qui lui propose le meilleur produit au meilleur coût du seul point de vue de ce qu’il estime sont intérêt personnel égoïste qui peut inclure, mais pas nécessairement, ses proches, mais exclu les autres en général. L’intérêt privé est affirmé sans souci d’un intérêt général quelconque, sauf sous la forme d’une agrégation strictement descriptive et arithmétique et non pas normative des intérêts individuels : les tendances du marché. La société tend à devenir une société de marché sans interdit moral transcendant vis-à-vis de l’affirmation du désir de jouir de ses biens et de s’enrichir ici-bas et, plus largement de sa libération des carcans traditionnels religieux opérant au nom d’un bien supérieur antagoniste . Entre dieu et l’argent, il faut choisir (Mathieu).  Et ceux qui ont de l’argent et qui se livre au commerce, y compris de la monnaie, dans le but d’en avoir toujours davantage, feront toujours passer leur intérêts terrestres avant la nécessité de la charité quant ils ne feront pas de celle-ci un paravent de leur avidité. Enfin cette vision chrétienne traditionnelle qui interdit ou fait obstacle à toute remise en question des savoirs et des techniques qui désenchanteraient la vision religieuse et finaliste, sinon fataliste, du monde, désenchantement dont pourtant la développement de la société marchande a nécessairement besoin. Seuls ceux, certains néo-calvinistes anglo-saxons,  qui verront dans  la réussite économique et la richesse capitalistique le signe d’une élection divine due à des capacités morales paradoxalement hautement puritaines (au moins en apparence) tenteront outre-atlantique de récuser hypocritement, consciemment ou non, un tel choix  et feront des inégalités entre riches et pauvres l’expression d’un inégal mérite moral fondé en religion. Sans grand succès dans les pays catholiques ou luthériens. Le dollar deviendra pour les USA, comme vous le savez,  l’expression même de la vérité divine. Ce qui continuera à nous choquer comme nous choque aujourd’hui certains aspects de la politique états-unienne qui mêle sans vergogne  la religion à l’argumentation politique et la guerre pour le pétrole au combat pour la démocratie et contre l’axe du mal.

Pour se sortir de la guerre de religion permanente en Europe la tradition chrétienne a d’abord tenté le fameux principe de compromis « un prince, une religion » ; or ce principe aboutissait, sur fond de crise religieuse et de la foi du au développement des sciences et du commerce, à expulser hors de France au profit de la Prusse, par exemple,  les protestants les plus dynamiques pour le développement économique et à continuer à pratiquer l’intolérance d’état à l’intérieur. L’échec était alors patent : on ne pouvait concilier liberté chrétienne d’un côté et liberté de conscience et économique de l’autre. Le modèle théocratique et hiérarchique/monarchique du pouvoir ne pouvait plus fonctionner, c’est à dire ne pouvait plus garantir la sécurité et la paix dans la justice vécue. Sa légalité s’imposera progressivement comme  illégitime et tyrannique au regard et au profit des droits dits naturels des hommes par opposition aux devoirs et droits divins et cela d’autant plus que les guerres politico-religieuses incessantes ruinaient leurs espoirs de s’enrichir, voire de survivre.
Dans ces conditions l’idée de  liberté est libérée de la soumission, de moins en moins consentie, à Dieu et à une morale extérieure, voire contraire, au désir humain, c’est à dire au « devoir par devoir » selon la formule de Kant, et tend à se confondre avec le droit de chacun, défini comme naturel, de rechercher son propre bonheur ici-bas.

    1-2 La liberté comme droit naturel



     Parler de droit naturel au bonheur, c’est à dire à la réalisation de son désir spontané indissociablement d’être et d’avoir dans le monde, c’est inscrire la liberté dans l’immanence de notre nature désirante. Le droit naturel devient alors le fondement du droit civil en l’arrachant au droit divin reçu alors comme un devoir contraignant injustifié, car contraire à la nature sensible de l’homme. La déclaration d’un  droit naturel à la liberté du désir est donc l’affirmation que les individus n’appartiennent ni à une église, ni à une société, mais qu’ils s’appartiennent à eux-mêmes et qu’il sont seuls juges  de leurs relations  aux autres dans le cadre de contrats volontaires négociables. Ceci veut dire aussi que les droits de l’homme sont le fondements des droits du citoyen et non l’inverse . L’idée de droit naturel à la liberté ou autonomie est donc opposée à celle d’une nature soumise des hommes à un quelconque ordre transcendant , fusse celui de Dieu ou de l’état, pour qu’un ordre social soit possible . Mais encore faut-il , pour cela , définir plus précisément cette nature humaine qui est supposée devoir être considérée comme libre par et pour elle-même et l’usage social qu’il convient d’en faire pour éviter l’anomie sociale et la guerre de tous contre tous . En quoi et pourquoi la nature humaine peut-elle dite libre et devenir le principe fondamental d’un ordre social juste , au point de considérer comme in-humaines ou infra-humaines ou pré-humaines  toutes les sociétés théocratiques et holistes traditionnelles et jusqu’à  faire de la monarchie de droit divin absolue et des hiérarchies sacralisées des institutions sociales contre nature ? Plusieurs positions libérales sont ici possibles et se sont fait concurrence, jusqu’à marquer encore de nos jours la vie politique. Trois d’entre elles sont significatives: 
- Celle qui fait du droit civil et politique inégalitaire le prolongement apparemment paradoxal du droit naturel égalitaire, et qui légitiment les inégalités sociales et politiques , dès lors qu’elles sont le fruit des talents individuels tels qu’ils s’expriment « justement » dans le jeu de la concurrence ou d’un contrat politique indispensable à l’unité et à la cohésion du corps social.
- Celle qui fait du droit civil formellement mais non réellement égalitaire, le prolongement du droit naturel.
 
- Et celle qui fait du droit civil  un droit construit pour refondre artificiellement un équivalent de l’égale liberté naturelle dans l’état de société en visant à réduire les inégalités qui la traversent.


Nous reconnaissons là les oppositions entre les conceptions de Hobbes, de Locke et de Rousseau qui sont au cœur de la pensée libérale et continuent en profondeur à l’animer,  mais dont la première et la dernière en sont les bornes extrêmes ou limites, au point, pour certains, d’en devoir être exclues. Ces oppositions ne doivent pas nous étonner : elles sont l’expression du problème majeur de la pensée libérale, à savoir : comment concilier la liberté individuelle toujours tentée par l’égoïsme avec l’exigence d’un ordre collectif qui suppose peu ou prou que chacun se soumette à une loi extérieure contraignante ?

1-3 Les oppositions internes du libéralismeéralisme 
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فدوى
رد: Prémisses et origines philosophiques du lib
مُساهمة الجمعة فبراير 26, 2016 11:12 am من طرف فدوى
La première position charnière et paradoxale, celle de Hobbes, est moralement pessimiste, mais socialement optimiste. Pour elle, en l’absence de la contrainte politique, la nature humaine réside d’abord dans la propension passionnelle des individus à désirer toujours davantage de biens, à s’affirmer aux yeux des autres, à s’en faire reconnaître, voire à chercher à leur être supérieur en les dominant pour pouvoir se juger positivement eux-mêmes. Se comparer pour exister en une compétition permanente, afin de jouir égoïstement de soi comme valeur, ce que l’on appelle l’amour propre ou la vanité et l’honneur, serait au fond de la nature désirante des hommes laquelle les distinguerait des animaux qui eux ne connaissent que le besoin vital en vue d’obtenir des ressources nécessaire à leur existence biologique et à leur reproduction. Mais cette égoïsme peut être socialement régulé par la soumission à l’état absolu de telle sorte qu’il ne débouche pas sur la violence ou guerre de tous contre tous et grâce au commerce marchand généralisé et à la pratique du contrat qui fait de la compétition un jeu pacifique et profitable à tous dès lors que tout perdant peut espérer devenir dans un domaine ou un autre gagnant un jour s’il travaille pour les autres avec compétence en vue de satisfaire au mieux ses intérêts propres dans un cadre concurrentiel et social adéquat qui l’obligera à faire que son vice privé serve à la vertu publique; nous y reviendrons.

La seconde, celle de Locke, est moralement et socialement optimiste ; elle considère que la liberté naturelle de chacun est d’emblée bienveillante aux autres moyennant une révélation religieuse fondatrice de l’amour universel, soit par l’effet d’un identification spontanée avec ses semblables, soit par la nécessité d’une coopération indispensable à la survie de chacun. L’état doit limiter son rôle à garantir  la liberté d’entreprendre naturelle de chacun  en se contentant de garantir le droit de propriété de son corps et de ses biens dans le cadre de la libre concurrence sans lequel aucune liberté n’est possible ainsi que la tolérance religieuse  indispensable à la cessation de la guerre civile (à l’exception de l’athéisme et du papisme qui menacent  l’unité bienveillante de tous avec tous  )
La troisième, celle de Rousseau est moralement optimiste et réellement socialement pessimiste, bien que socialement idéalement optimiste ; elle considère que, dans l’égalité  naturelle des conditions, l’homme est spontanément pacifique et enclin à la sympathie vis-à-vis de ses semblables , mais que c’est l’état social d’inégalité qui pervertit son amour de soi et de ses semblables en amour exclusif de soi aux dépens des autres, en amour égoïste de soi ou amour propre. Il suffirait alors de restaurer civilement un équivalent de l’égalité naturelle entre les individus pour que la liberté naturelle se transforme en liberté civile et que chacun puisse être entièrement libre sans nuire aux autres, tout en coopérant volontairement en vue de la satisfaction de leur intérêt général commun et de leurs désirs particuliers mutuels, rendus, par l’égalité des droits et des conditions, compatibles entre eux.
Dans tous les cas, les individus sont censés devenir raisonnables dans l’usage qu’ils font de leur liberté désirante, soit par nécessité intéressée, c’est à dire par calcul de l’intérêt bien compris, soit par conviction solidaire (sympathie) , mais non pas par l’effet d’un pouvoir transcendant de menace de type théocratique, mais celui, délégué par les individus-citoyens, de l’état, sur une très petite minorité qui seraient assez inconsciente ou perverse pour ne pas comprendre ce qui peut faire son bonheur et son intérêt véritable, qu’il faudrait alors forcer à être libre dans son propre intérêt ou qu’il faudrait exclure de la société pour non respect de la vie et de liberté des autres.
Mais il y a une grande différence politique, économiques et sociales entre ces trois positions libérales  : dans la première (Hobbes), on ne peut concilier l’immoralisme du désir humain et la morale sociale pacificatrice que si les désirs égoïstes s’expriment sous la domination consentie d’un intérêt personnel absolument dominant devenu par contrat l’intérêt de tous à la paix civile, celui du monarque absolu de droit humain ; dans la seconde (Locke) les désir égoïstes peuvent et doivent s’exprimer pour que les hommes soient heureux et ces désirs ne deviennent mauvais que lorsqu’ils s’expriment dans la guerre et non dans la relation commerciale (le doux commerce cher à Montesquieu) ou la politique sous le contrôle démocratique des autres dans le cadre d’un état de droit qui dispose d’une délégation de pouvoir de la part de la majorité des individus-citoyens et cela  dans une société égalitaire en droits mais non en richesse ou  en puissance sociale ; inégalité réelle nécessaire pour rendre possible un dynamisme compétitif favorable à tous; dans la troisième (Rousseau) il convient rendre les individus solidaires, c’est à dire bons, dans une société égalitaire en droit et en moyens. Dans la première, et la seconde l’état est réduit à sa fonction de régulation et de pacification plus ou moins contrainte,  des égoïsmes nécessaires, indissociables de l’exercice de la liberté naturelle et dans la troisième l’état est le régulateur et l’éducateur de la liberté qui, devenue civile, n’est plus naturelle et le régulateur, voire le gestionnaire de le vie économique en un sens moral en vue d’une réelle égalité et coopération solidaire, volontaire et désintéressée entre tous . Ainsi dans la première (Hobbes) le libéralisme économique privé a pour condition un anti-libéralisme politique radical conventionnel (artificiel), seul capable de mettre fin par la loi et la puissance du souverain absolu au risque de la guerre de tous contre tous. Dans la seconde (Locke) le libéralisme économique a pour condition le libéralisme politique et religieuse (mis à part l’athéisme et le papisme intolérant) et l’état est réduit à sa fonction de régulation et de pacification,  des égoïsmes nécessaires, indissociables de l’exercice de la liberté naturelle limitée et garantie. Dans la troisième (Rousseau) le libéralisme politique a pour condition  une limitation par l’état du libéralisme économique afin de promouvoir l’égalité sociale réelle de producteurs et artisans autonomes et sans employés;  pour ce faire, l’état doit être l’éducateur de la liberté qui, devenue civile, n’est plus naturelle pour en préserver l’égalité,  ainsi que le régulateur, mais non l’administrateur, de le vie économique en un sens moral en vue d’une réelle égalité et coopération solidaires, volontaires et désintéressées entre tous ?
Chaque position revendique la bonne définition du libéralisme contre l’autre :
        Les deux premières au nom de la liberté naturelle tempérée par une religiosité plurielle traditionnelle dépourvue d’église disposant d’un pouvoir supra-étatique et/ou par un état (absolu ou démocratique) garant des libertés individuelles et du droit de propriété qui favorise la concurrence économique et l’égalité des droits économiques sinon des chances.
L’autre au nom d’une liberté naturelle remodelée ou transformée en liberté civile ou civilisée par l’état éducateur qui instaure l’égalité des droits et la soumission des intérêts particuliers à l’intérêt commun, expression d’une volonté générale dont l’état revendique le monopole de la  représentation rationnelle.

Les deux premières considèrent que la libre concurrence et l’égalité formelle du droit à la propriété privée suffit à établir la justice sous condition de faire cesser l’insécurité, dès lors que les différences sociales entre les individus ne sont que l’expression des différences des mérites et des talents individuels ; la dernière considère que les inégalités sociales sont à l’origine de l’inégalité des chances,  donc d’une réelle inégalité des droits et d’un égoïsme mettant en danger l’expression d’une authentique volonté générale solidaire. Pour elle, la justice, au contraire des deux premières positions, implique, comme condition nécessaire, la réduction des inégalités réelles afin d’instaurer une véritable égalité des droits et que la liberté naturelle, retravaillée par l’éducation des citoyens par l’état républicain, puisse s’exprimer dans les conditions de la société.
Si les hommes son également libres en nature pour l’une et l’autre position, il suffit pour les premières de mettre en jeu cette liberté naturelle dans des conditions qui mettent chacun en situation de faire valoir pacifiquement ses talents pour bénéficier justement de son mérite propre sans avoir à se soucier des autres sinon pour satisfaire, par son travail soumis à la concurrence, leurs désirs individuels de s’enrichir et de consommer. Pour la dernière au contraire, il convient d’ instaurer les conditions de l’égalité sociale, au moins des chances,  pour faire en sorte que la liberté naturelle des uns, les riches et les puissants, ne devienne pas « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »


Entre ces trois positions le choix est problématique, si la première, celle de Hobbes, s’est trouvée rapidement disqualifiée au profit de la seconde par l’effet de cette contradiction interne qui consiste à faire garantir la liberté privée de chacun sur celle d’un monarque échappant à tout contrôle et donc susceptible d’abuser de son pouvoir aux dépens de la liberté des autres, ce que l’histoire démontre, le choix entre la seconde (Locke) et la troisième (Rousseau) repose sur la question de savoir si la concurrence et la compétition sociale réglée par le droit contractuel garanti par l’état est mieux à même que l’état pour obliger les individus à faire un bon usage de leur liberté naturelle afin de la rendre civile (pacifique et coopérante). On peut tout aussi bien penser, en effet, que la concurrence en vue du profit est plus libérale, c’est à dire conforme à l’initiative individuelle, au bout du compte profitable à tous, que penser que la concurrence n’est jamais égalitaire et qu’elle avantage nécessairement les plus favorisés ou les plus chanceux aux dépens de la majorité mettant en cause leur initiative ou marge de manœuvre sociale, récréant ainsi les conditions de la guerre des pauvres contre les riches, voire de tous contre tous . Il nous faut donc étudier la relation complexe entre le libéralisme, d’une part, et la concurrence économique et la compétition sociale, d’autre part pour nous interroger ensuite sur le rôle de l’état dans la mise en œuvre d’une authentique égalité ou justice libérale, si cette notion a un sens, entre les individus.
فدوى
رد: Prémisses et origines philosophiques du lib
مُساهمة الجمعة فبراير 26, 2016 11:12 am من طرف فدوى
ans la mise en œuvre d’une authentique égalité ou justice libérale, si cette notion a un sens, entre les individus.
2) Libéralisme et Concurrence
De la liberté naturelle à la liberté civile par la médiation du marché
2-1 Du libéralisme paradoxal ou inconséquent

Les positions de Hobbes et de Rousseau sont du point de vue libéral paradoxales.

Dans la première (Hobbes), Le souverain absolu est et reste un homme passionné. De plus  il est spontanément moins raisonnable que les autres car l’absoluité de son pouvoir même limite sa capacité à avoir peur des autres, seule condition pour devenir raisonnable selon Hobbes lui-même; de fait, s’il ne rencontre aucune limite à l’expression de ses passions il est en permanence tenté d’abuser de son pouvoir sans limite contre la liberté privée d’entreprendre et la sécurité de ses sujets, ne serait-ce que parce qu’il est en état des guerre permanent contre les autres souverains, car nous dit Hobbes, en l’absence d’état mondial, les relations entre les chefs d’états restent un état de nature et donc de guerre. Nous savons que la question des impôts pour la guerre de défense et d’extension de sa puissance prélevés sur ses sujets par la souverain afin de l’emporter sur les autres a été au centre de toutes les révoltes bourgeoises et populaires en Europe contre les monarchies absolue. Les guerres et la nécessité de faire subir aux citoyens la poids financier et l’impôt du sang a entraîné la misère et la réduction des capacités d’ initiative des sujets qui, loin d’avoir gagné en sécurité perdent, par l’aliénation totale de toute liberté politique au profit du souverain, la capacité de se défendre eux-même contre les  exactions inhérentes de l’absolutisme. Sauf, bien sur,  s’ils  se révoltent contre leur souverain tyrannique, les citoyens aliènent alors à la fois la liberté et la sécurité ; mais cette révolte, en tant que conséquence nécessaire du pouvoir absolu,  fait revenir à l’état de guerre civile, c’est à dire, à l’état de nature que la monarchie absolue, bien que consentie par contrat mutuel, devait justement réduire ; c’est dire qu’un tel échange contractuel par lequel chaque citoyen abandonnerait la liberté politique au profit de la sécurité privée est un marché de dupe car en perdant la liberté politique le citoyen perd tout comme l’affirmera Rousseau. La position de Hobbes, en prétendant fonder et garantir la liberté privée sur et par la non-liberté politique  est donc contradictoire en elle-même. Qu’en est-il de celle de Rousseau qui semble s’y opposer radicalement.
La seconde  (Rousseau) tente de fonder la liberté politique sur la réduction, voire la suppression  des inégalités sociales et économiques. Ce faisant elle fait du peuple absolument souverain la  source d’une législation égalitaire, voire égalitariste, seule capable de rendre possible un authentique intérêt commun et une volonté générale qui s’impose aux intérêts particuliers. Mais l’expression de cette volonté générale suppose trois conditions extrêmement restrictives: D’abord que tous les citoyens unis par contrat au tout de la société soient, sinon d’accord sur tout, au moins sur la nécessité de réduire la liberté économique afin de rendre impossible le développement d’une économique dynamique et progressive mettant en jeu les désirs et passions illimités des individus. Cette économie frugale du besoin naturel par opposition à celle des désirs artificiels implique à son tour une société communautaire, voire communautariste peu nombreuse dans laquelle tous se connaissent personnellement, fermée et indépendante des autres, réellement, c’est à dire socialement et économiquement, égalitaire, dont le ciment idéologique est une religion civile obligatoire qui « sacralise » la communauté aux dépens des désirs individuels et des autres sociétés. Ensuite elle suppose le pouvoir exécutif fort d’une élite de magistrats non directement contrôlables par les individus-citoyens , indépendante du pouvoir législatif du peuple, afin de faire respecter par chacun, y compris par la contrainte et la menace de mort, cette égalité et l’expression de cette volonté générale transcendant les désirs et intérêts particuliers qui en est la conséquence. Enfin elle exige des citoyens vertueux dans leur plus grande majorité, dépourvus d’égoïsme et qui accepteraient, plus volontairement que par la contrainte, de sacrifier ou de mettre au service de la communauté leurs personnes, leurs biens et leur liberté ou pouvoirs naturels. Autant dire que la position de Rousseau reste inapplicable à la quasi-totalité des sociétés humaines existantes, sauf à prétendre les révolutionner par la violence et la terreur extrêmes ; ce qui de l’aveu même de Rousseau conduirait au pire désastre social qui soit : la fin du contrat social et à  la guerre civile qui elle même fait cesser toute moralité.

Ainsi les positions de Hobbes et de Rousseau se rejoignent malgré leurs oppositions apparentes de principe pour dénier ou réduire le droit à liberté individuelle politique dans un cas et/ou privée dans l’autre, au nom d’une conception idéaliste à la fois incohérente et inapplicable d’un pouvoir absolu souverain plus ou moins nécessairement terroriste et despotique dans les faits, que ce soit celui d’un homme, du peuple incarnant une volonté générale égalitariste, ou des magistrats chargés de la mettre œuvre, afin d’établir prétendument la paix et la concorde civile. C’est pourquoi, non sans que le problème de l’inégalité sociale ne reste posé au sein même de leur réflexion, les libéraux conséquents tels que Locke et A. Smith ou chez nous Benjamin Constant, n’ont jamais voulu séparer les libertés économiques et les  libertés politiques ; l’économie libérale et la démocratie, au moins représentative (que refusait du reste Rousseau comme attentatoire à l’expression directe de la volonté générale par les citoyens ). D’où la nécessité de nous interroger sur ce qui fait la nature de ce lien nécessaire entre la liberté privée et économique et les libertés  politiques chez ceux qui se considèrent, à mon sens à juste titre, comme les seuls vrais libéraux.

2-2 La théorie des sentiments moraux de Mandeville à A.Smith
Idéalisme et réalisme éthique.
Hobbes, nous venons de la voir,  fonde la sociabilité humaine sur la peur, au point disait-il qu’il faut toujours supposer l’homme naturellement méchant (possessif et vaniteux) et qu’ il convient qu’il se soumette et soit soumis  à  un souverain au pouvoir absolu afin de sortir de l’état de guerre spontané de tous contre tous, alors que Rousseau  fonde cette sociabilité sur la vertu cultivée par une société civile égalitaire répressive de la liberté égoïste d’entreprendre et de la perversion sociale de l’amour de soi transformée par l’inégalité sociale en amour propre ;  laquelle vertu sociale communautaire est censée retrouver l’innocence naturelle perdue, constituée par l’amour de soi indissociable de la pitié naturelle. Mais par delà leur opposition de principe les deux conceptions reviennent au même, à savoir  refuser l’humaine condition telle qu’elle est , à la fois spontanément et indissociablement sociale et égoïste. Ce refus repose sur l’idée que la sociabilité est toujours forcée. Or la condition humaine est au contraire dira plus tard Kant, en employant l’expression d’ « insociable sociabilité », irréductiblement marquée par l’alliance conflictuelle entre l’égoïsme et la sociabilité qui traverse et anime le désir spontané, à la fois individuel et universel, du bonheur et de la reconnaissance,. Refuser l’un au nom de la vertu égalitaire et communautaire ou l’autre au nom de la méchanceté violente naturelle de l’homme, c’est donc refuser l’humain dans l’homme au profit, soit d’un infra-humain politiquement liberticide, soit d’un surhumain moral inaccessible et qui l’est tout autant, bien qu’individuellement. Par contre ce qui permet de lier, chez les philosophes  libéraux cohérents de Mandeville à Hayek, la liberté politique et la liberté économique, c’est l’idée et le fait que la liberté individuelle n’est pas nécessairement associable, voire qu’elle peut être, dans son égoïsme même et à certaines conditions,  la condition d’une sociabilité pacifique et coopérante. Pour penser le fondement indissociablement rationnel et factuel de ce lien, les penseurs libéraux vont s’efforcer de développer non une morale idéale de ce que devraient être les comportements humains pour devenir sociaux mais une théorie des sentiments moraux tels qu’ils rendent spontanément possible cette sociabilité, sans répression excessive de l’initiative individuelle.


Ainsi pour Mandeville, une société humaine moralement vertueuse ou purement altruiste serait invivable, ce sont au contraire les vices : à savoir le désir égoïste de posséder, de consommer le maximum de plaisirs, le goût du luxe et du pouvoir,  autant d’expressions de la passion vaniteuse, qui motivent les hommes à jouer un rôle social et qui font marcher la société toute entière dans le sens d’un progrès dans lequel chacun peut croire y trouver son compte ; sans cette frénésie du désir, tous s’appauvriraient puisque les pauvres ne pourraient pas être employés par les plus riches et dans l’égalité vertueuse nul n’aurait l’espoir de s’enrichir et de voir sa condition s’améliorer. Une société vertueuse serait frugale, c’est à dire ne satisferait que les besoins vitaux (naturels et nécessaires), chacun pour soi et ses proches, et non les désirs artificiels et superflus  indéfiniment  croissants qui seuls obligent les hommes à travailler, à créer et à produire les uns pour les autres, connus ou inconnus, proches ou lointains, à échanger sans limites ni frontières (qu’on songe à la route de la soie autrefois et  à la mondialisation aujourd’hui), et se rendre des services mutuels en une compétition stimulante et bénéfique à tous. L’appât du gain et du prestige indissociables est ainsi le moteur de la vie collective. De plus  sans le vice de l’hypocrisie la société ne connaîtrait  ni la politesse, ni donc la civilité indispensable pour que les individus se supportent les uns les autres. L’égoïsme et la seule motivation socialisante pour qui n’est pas un saint et nous savons que les saints sont nécessairement des individus hors du commun, les moines, quant à eux , soit s’abîment dans la contemplation et la prière mais vivent de la charité intéressée du commun des mortels en vue de leur salut post-mortem, soit font travailler des sous-moines comme des esclaves. . Les vices privés font donc, pour reprendre la formule de Mandeville, le bien public.. Par contre, outre de conduire à la misère générale et à l’apathie  ou démotivation des individus,  une société morale serait répressive des passions qui font la nature humaine et serait donc nécessairement liberticide. Ainsi aucune société ne peut être morale et heureuse et c’est l’amoralisme, voire l’immoralisme qui font l’histoire, c’est à dire le développement économique, la prospérité générale et le bonheur ou l’espoir de bonheur de chacun.

Mais ce que Mandeville ne nous explique pas c’est comment à partir de cette vision  cynique, amorale, voire immorale de la cité prospère et heureuse, on peut combattre  le déferlement passionnel qui conduit à la violence et de la domination ; bref comment cette société, qu’on peut dire réaliste, se donne des règles du jeu collectives, des lois afin d’éviter de s’autodétruire et sombrer dans l’anomie suicidaire. Il faut, en effet, pour comprendre cette régulation sociale nécessaire des passions soit invoquer un bridage ou corsetage instinctif et faire de la société humaine une société biologiquement prédéterminé à la sociabilité pacifique (par sélection naturelle ou par constitution divine), soit en revenir à la position de Hobbes, à savoir celle d’une soumission à la fois  volontaire et contrainte par la force à la volonté d’un seul : le souverain absolu. Le libéralisme économique a alors pour condition le non libéralisme politique et religieux. Ce qui , nous l’avons vu, est contradictoire : nul ne peut être libre dans ses actions, et garanti quant à la sécurité de son corps et ses biens s’il est totalement soumis à le volonté particulière (et pour Hobbes il n’y a pas de volonté générale, sinon par agrégation arithmétique des volontés particulières) d’un autre et le fait que cette soumission soit volontaire ne peut faire que le souverain soit raisonnable et/ou moins passionné dans l’usage qu’il fait de sa puissance illimitée.
Or faire du seul jeu spontané d'autorégulation par sélection naturelle la source unique de la régulation pacifiante des relations entre les individus, comme semble le penser Mandeville, c'est refuser de voir l'importance décisive de la  vie politique et son implication permanente délibérée dans le jeu économique; mais cela est démenti par l'histoire des hommes qui montre à l'évidence que le  droit, par exemple commercial, est l'objet privilégié des décisions politiques; ainsi la déclaration des droits égaux des hommes et par exemple du droit de propriété qu'elle affirme comme sacré est une décision politique délibérée prise dans de cadre de luttes politiques explicites contre l'arbitraire du droit féodal inégalitaire. Le droit n'est pas instinctuel (inscrit dans nos gènes), mais toujours culturel et politiquement ouvert à la contestation et à la décision transformatrice délibérée des relations, y compris passionnelles, entre les hommes.
Nous savons d'expérience que l’instinct biologique chez l’homme et le seul instinct de survie, au contraire de chez les abeilles, ne sont  pas suffisants pour éviter la violence intra-sociale collective et interindividuelle autodestructrice ; il nous faut donc aller chercher dans l’égocentrisme passionnel  humain, c’est à dire dans le désir proprement humain d'être et de paraître (de valorisation de soi), dans son rapport  aux autres, aux institutions et aux échanges économiques, ce qui rend possible une autorégulation pacifique des relations mutuelles dans des conditions sociales favorables qu’il s’agit d’instituer (de construire) politiquement, sans avoir nécessairement recours à un menace liberticide extérieure permanente généralisée, qu’elle soit politique ou religieuse. 

C’est A.Smith qui, dans son ouvrage « La théorie des sentiments moraux », va tenter de trouver ce fondement spontané de la sociabilité dans ce qu’il appelle les sentiments d'estime de soi et de sympathie , en tant qu'ils rendent possibles, voire nécessaires, une économie, une politique et un droit libéraux.

La sympathie, pour lui, est le sentiment d’identification spontané qui permet d’interpréter les actions des autres et ce qui les affecte et les meut (émotions) en fonction de son propre désir ou amour de soi. Or en cela la position de Smith n’est pas celle de Rousseau, car la sympathie n’implique pas forcément la bienveillance et la générosité vis-à-vis des autres, mais la conscience de cet universel humain donc réciproque qu’est l’amour de soi ; C’est pourquoi selon lui (contrairement à Rousseau) la sympathie est toujours plus grande au vue de la joie affichée des autres que de leur souffrance qu’au fond nous refusons pour nous même. Cette sympathie n’empêche nullement le conflit voire la haine, lorsque ce sentiment de l’amour de soi n’est pas reconnu, voire est contredit, par celui d’autrui. Mais cela veut dire qu’il faut s’aimer soi-même pour  comprendre les autres et entretenir avec eux des relations éventuellement positives (heureuses) de réciprocité. Du fait de cette sympathie, chaque individu en société cherche la reconnaissance ou l’estime des autres pour s’aimer lui-même et peut ainsi comprendre qu’il en est de même pour les autres. Il convient donc pour chacun de chercher cette estime des autres, dans le cadre de relations réglées par la coutume et l’habitude, de telle sorte que cette réciprocité positive devienne quasi-automatique.
Or cette bienveillance automatique en vue du bonheur mutuel se manifeste dans les relations commerciales ou, pour reprendre une célèbre formule de Montesquieu, dans le « doux commerce ». Pour acheter et vendre il faut renoncer à la violence ou au vol et s’engager à satisfaire les désirs d’autrui sans abandonner ou sacrifier sa propre satisfaction ou intérêt personnel. Le commerce implique l’idée d’un échange bénéfique aux deux partenaires (vendeur et acheteur) car exige, dans les conditions de la libre-concurrence supposée parfaite (nous y reviendrons), que chacun reste libre de consentir ou non à la transaction tout en étant contraint de tenir compte de la satisfaction d’autrui., par son propre désir, et non par une quelconque morale ou puissance politico-religeuse extérieure ou encore par une générosité inconditionnelle (et donc sacrificielle de soi) bénéfique à autrui, De plus le relations commerciales exigent un contrat de confiance des partenaires les uns vis-à-vis des autres, or celle-ci suppose ce désir d’être estimé qui est au cœur de toutes les relations, voire passions, humaines. Donc pour A.Smith les échanges économiques et commerciaux de biens et de services sont toujours aussi des échanges moraux au sens où est mis en jeu le désir de reconnaissance de soi dans le désir de reconnaissance de l’autre. C’est en cela qu’une réciprocité positive des relations est toujours associée et non contraire à l’égoïsme de l’amour de soi que Smith ne différencie pas nettement, contrairement à Rousseau,  de l’amour propre. Par contre Smith distingue, contrairement à Mandeville, pour les opposer, la vanité qui prétend affirmer l’amour de soi sans réciprocité  dans le mépris des autres, mais qui échoue car il ne trouve que le mépris, voire la haine des autres, et l’amour de soi authentique de soi car réciproque toujours récompensé dans l’estime des autres, ainsi par leur fidélité commerciale, gage de prospérité mutuelle. C’est pourquoi les hommes s’efforcent constamment d’accroître leur fortune pour se faire estimer positivement  par les autres ; or cette estime exige que le fortune soit acquise par l’épargne dans des conditions honnêtes qui fasse droit à la satisfaction des autres. Pour A. Smith donc, le désir de s’enrichir par l’épargne est la conséquence de celui d’obtenir la sympathie des autres et une image sociale positive de soi dans le cadres de relations commerciales mutuellement bénéfiques. Il est indissociable du fait que l’on sympathise plus avec le bonheur qu’avec le malheur car nous désirons tous être heureux, a savoir s’aimer soi-même ; or la richesse bien acquise (ou l’intérêt bien compris) est un facteur essentiel de cet amour de soi.
Ainsi
 « le désir de devenir l’objet propre [adéquat] de l’estime et de la considération peut provenir soit de l’ amour même de la vertu », soit de celui de la vraie gloire méritée, soit de celui de la  vaine gloire vaniteuse imméritée. Seul le second est  motivant et efficace pour le plus grand nombre , donc seul il peut fonctionner comme un facteur central bénéfique aux échanges sociaux.
Pour lui, la relation commerciale, bien qu’amorale au sens chrétien du terme car intéressée, n’est pas immorale dès lors qu’elle ne peut pas ne pas tenir compte de l’intérêt bien compris du partenaire de l’échange qui ne peut pas être traité comme un adversaire et encore moins comme un ennemi. De là provient la théorie reprise de Montesquieu du « doux commerce » qui peut permettre de réduire le risque de violence entre les hommes.
Mais encore faut-il que cet échange soit égalitaire et libéral et pour cela réglé par cette main invisible qu’est pour Smith le marché concurrentiel.
فدوى
رد: Prémisses et origines philosophiques du lib
مُساهمة الجمعة فبراير 26, 2016 11:36 am من طرف فدوى

2-3 Du principe libéral de la concurrence comme principe idéal de justice



Pour A. Smith, le marché et la libre concurrence sont des facteurs contraignant d’égalisation. En effet ils détruisent nécessairement  les hiérarchies et les statuts traditionnels figées. En faisant de chacun  un consommateur capable de choisir son fournisseur selon son intérêt mesuré en terme de coût/qualité, le marché concurrentiel détruit le rapport monopolistique qui assure la suprématie des producteurs aux dépens du plus grand nombre : les consommateurs. Au contraire, le marché concurrentiel assure le primat de la demande sur l’offre, mais comme tous sont autant des vendeurs qu’ acheteurs, les positions s’égalisent dans le circuit économique de l’offre et de la demande, du fait que celui-ci doit nécessairement par le jeu de la concurrence atteindre l’équilibre à terme. De plus la libre concurrence interdit à un producteur de prétendre rendre captive une clientèle à son profit car aussitôt il serait alors victime de la défection de ses clients au profit d’un concurrent ; Du coté de la production, la force de travail étant elle aussi  une marchandise (et là c’est l’employé qui est vendeur et le capitaliste l’acheteur) s’échangeant librement contre salaire sur le marché de l’emploi concurrentiel, chaque employé, est a priori capable de s’adapter à ce marché de telle sorte qu’il ne peut en être exclu et encore moins être tenu à travailler pour tel ou tel employeur à des conditions qu’il refuserait. S’il est soumis à la concurrence des autres et en cela ne peut prétendre avoir un place privilégiée ou protégée aux dépens des autres, il ne peut non plus être victime d’un quelconque ostracisme extérieur ou d’une situation imposée de dépendance qui lui interdirait toute liberté de manœuvre et la possibilité de la défection. S’il ne réussit pas dans ce conditions il ne peut alors que s’en prendre qu’à lui-même. Ainsi le marché concurrentiel agit comme un automatisme autorégulé (main invisible) qui produit nécessairement l’ajustement  entre l’offre et la demande au profit de la satisfaction optimale des producteurs, des consommateurs, des employeurs et des employés, c’est à dire de tous. Il est anti-corporatiste et anti-protectionniste et par là permet à chacun de faire valoir dans les rapports de production comme dans les échanges (les rapports de distribution) son autonomie et ses intérêts propres, en l’obligeant à se soucier des intérêts d’autrui ; il réalise sur le plan économique et par le simple jeu de l’intérêt, l’impératif non plus idéalement catégorique mais hypothétique, et par là d’une manière encore plus réellement contraignante, de ne jamais prendre autrui comme seul moyen de son action mais de toujours le considérer comme fin. Ce que la morale idéaliste du devoir est incapable de garantir, l’intérêt bien compris le fait et cela sans effort sur soi-même, ni sacrifice.

Mais dira-t-on qu’est-ce qui empêche l’escroquerie, la manipulation, les fausses promesses pour profiter d’une situation immédiate favorable d’inégalité au profit du vendeur dès lors que seul l’intérêt à court terme pourrait compter pour tel ou tel? Deux choses : la poursuite du jeu pour qui veut continuer son activité et pour cela il lui faut éviter la menace de la sanction par la perte de confiance des clients et, si cela ne suffit pas, la menace d’exclusion du jeu par la force publique, mais surtout le sentiment de sympathie et d’estime réciproque réglé par les habitudes selon la théorie des sentiments moraux de Smith : l’intérêt est ordonné par la sympathie à la réciprocité donc oblige à rester honnête dans les transactions et les échanges ; chacun sait que son intérêt et la recherche de l’estime des autres exige qu’il considère ce même intérêt chez son semblable. Ce qui veut dire que chez Smith l’intérêt est toujours accompagné, chez la plupart, du désir d’obtenir l’estime des autres ; au travers des échanges et les habitudes sociales, les mœurs fixent par un codage symbolique fort les comportements valorisés et valorisants de telle sorte qu’il faudrait être fou ou totalement inconscient vis-à-vis de son propre intérêt  pour oser s’attirer le mépris et la défiance de ceux dont on a besoin pour vivre. Là encore la confiance se mérite et chacun, d’expérience, le sait. Dans la plupart des cas il n’est nul  besoin d’une autorité extérieure pour l’imposer, du reste elle ne s’impose pas vraiment par la contrainte ou alors c’est que la défiance l’emporte déjà et celle-ci menace en permanence la possibilité même de l’échange réciproque libre et mutuellement fructueux. On ne fait pas affaire avec un escroc avéré ou soupçonné tel.
L’économie libérale est donc une économie contractuelle généralisée sans relations de dépendance hiérarchique statutaire : tous les individus sont en droit maîtres de leur décision et de leur engagement vis-à-vis des autres et ont, sous conditions fixées par contrat, le droit d’y mettre fin. Dans un tel contexte de fluidité libérale des relations de production et d’échange, celles-ci ne peuvent sous l’effet de la concurrence pure et parfaite maintenir dans le durée les inégalités existantes, nous y reviendrons ; chacun peut décider de (re) jouer  sa partie dans des conditions plus favorables pour lui, soit en proposant des produits et services mieux à même de satisfaire la demande que ceux de ses concurrents, soit en offrant un travail plus demandé et donc mieux rétribué. C’est en effet la loi de l’offre et de la demande qui décide du prix ponctuel des marchandises, y compris le travail (salaire) et le capital (intérêt), et si le travail est la source de toute valeur d’échange, celle-ci ne peut se réaliser sur le marché, c’est à dire s’exprimer en prix ou valeur monétaire, que par le jeu de l’offre et de la demande. Or en moyenne ce jeu dans le cadre de la concurrence tend à l’équilibre, c’est à dire que les prix tendent vers une valeur moyenne proche de la valeur du travail et de la rémunération minimale de capital, proche du taux moyens d’intérêt (5%). Le concurrence des investissements et des producteurs fait que des taux durablement supérieurs sont à terme impossibles. Les revenus du capital sont donc justifiés dès lors qu’ils ne sont que la rétribution du risque prix et de l’épargne qui a permis l’investissement productif aux dépens de la dépense destructrice de pure consommation. L’investisseur est  en effet récompensé du fait d’avoir renoncé à la satisfaction égoïste exclusive immédiate au profit des autres consommateurs, en faisant travailler son capital dans des activités productrices de moyens de satisfaire les désirs d’autrui (les consommateurs ou clients). En moyenne donc, dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite ,  c’est à dire sans entrave , ni position dominante durable, les rémunérations du travail et du capital ne peuvent être que la juste récompense des mérites égo/altruistes des différents acteurs du jeu économique. Ainsi, le jeu du marché concurrentiel idéal réalise donc par lui-même sans contrainte étatique extérieure et sans hiérarchie sociale qualitative prédéterminée, l’idéal de justice distributive cher à Aristote. 
En s’efforçant de satisfaire son propre intérêt chacun participe nécessairement au bien être de tous sans y être forcé par l’intervention, au moins sous la forme de menace permanente,  d’un pouvoir transcendant supérieur coercitif (le souverain absolu) , ni être contraint par des exigences morales désintéressées exigeant un sacrifice de soi aux autres. La liberté s’auto-régularise par le jeu immanent d’une mutualisation réciproque automatique des égoïsmes transformés en facteurs de coopération.; Dans le cadre du marché concurrentiel, la société, comme les jeux sportifs, institue d’une manière immanente des règles de fonctionnement qui rendent possible la confrontation sans violence des intérêts et oblige à une coopération immédiatement consentie fondée sur une confiance sympathisante dans l’honnêteté intéressée, donc spontanée, des autres. La liberté d’entreprendre laissée aux individus, loin de générée la violence et la domination, devient un facteur de pacification égalitaire et de réelle justice distributive qui s’exprime par le principe « à chacun selon son mérite »; l’état n’a pas à inventer les règles de la libre concurrence ou à instaurer un hiérarchie contraignante pour imposer un ordre social, mais doit se contenter de les fixer (formaliser) ces règles librement instituées et d’en garantir le respect par la sanction en tant que règles d’une liberté spontanément coopérante. Le société peut devenir donc à la fois libérale sur le plan économique et sur le plan politique, dès lors que nul n’a intérêt de détruire ou d’exploiter à son profit exclusif ce jeu de la libre concurrence sans se mettre lui-même socialement en danger et perdre la sympathie confiante des autres, ce qui le conduirait nécessairement à l’exclusion du jeu économique et, en cas d’escroquerie manifeste, de sanction pénale par l’état. Celui-ci n’est plus alors que l’arbitre d’un jeu économique et social dont il ne définit plus le contenu, ni même les règles, laissant aux joueurs (acteurs sociaux) le soin de les instituer librement par contrat mutuel. La position de A. Smith, contrairement  au modèles de Hobbes et de Rousseau, est libérale sur tous les plans : politique, sociétal et économique. Le risque le plus important est que les gouvernants  tentent de profiter de leur rôle d’arbitre pour profiter du jeu en le détournant à leur profit ; c’est pourquoi il convient de les soumettre à des règles de droit qui garantissent les libertés individuelles (droits de l’homme et du citoyen) contre les abus de pouvoirs des gouvernants et la corruption ont il pourrait être l’objet, voire le sujet, lesquels mettraient en cause leur rôle neutre d’arbitre libéral. Pour se garantir contre ce risque et protéger les citoyens contre les forfaitures éventuelles des dirigeants de l’état, il convient d’instituer ce que l’on appelle la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et surtout juridique, fondement de l’état républicain anti-despotique de droit moderne. Bien que fort en tant qu’arbitre disposant du monopole du pouvoir de sanction pénale et de l’usage légitime de la force (force publique), l’état libéral n’est donc pas un état de domination, mais de direction au service des citoyens disposant de la liberté d’entreprendre contractuelle et coopérative, auto-régulée par la libre concurrence . Il se doit pour cela de lever les obstacles à la libre concurrence (ex : les obstacles protectionnistes préconisés par les mercantilistes), dite pure et parfaire afin d’assurer l’équilibre général de l’offre et de la demande dans tous les domaines, c’est à dire les lois naturelles de l’économie spontanément justes, selon Smith, de l’économie. Quelles sont-elles ?

2-4 Les conditions de la libre concurrence


On peut en distinguer cinq, qui sont, selon Arrow, prix Nobel d’économie en 1972.
1) La transparence immédiate et gratuite  de l’information pour tous les acteurs ;
2) un grand nombre d’acteurs pour qu’aucun ne puisse utiliser sa puissance propre pour peser sur le marché à son avantage exclusif ; d’où l’absence nécessaire de tout monopole, voire de toute position dominante d’un ou de plusieurs des acteurs ;
3) l’homogénéisation des produits de telle sorte qu’ils soient véritablement concurrents ;
4) La totale moblité des acteurs, surtout des travailleurs et des capitaux et le libre mrché pour tous
5) Mais la condition la plus importante, celle qui conditionne le bon usage des autres est la rationalité des acteurs de l’économie qui sont (doivent être) animés du désir dominant de s’enrichir à long terme dans un cadre éthique intériorisé qui privilégie l’estime honnête de soi par la médiation de rapports valorisés et valorisants avec les autres, comme le souligne A. Smith dans sa théorie des sentiments moraux. Ce qui signifie que sans homme raisonnable, capable de raisonner et de dépassionner son désir d’être et d’avoir, il n’y a pas d’homme économique possible susceptible de faire que le libre marché soit juste et équilibré.

Autant dire que le libre concurrence ne peut être dite « juste » que si l’état ou les institutions politiques nationales ou internationales garantissent, donc imposent le respect de  ces conditions ; or celles-ci sont contraire  à la stratégie des entreprises qui vise toujours à fausser la marché à leur profit exclusif et donc à mettre tout en oeuvre pour réduire la contrainte de ces conditions : Elles s’efforcent toujours de 
- conquérir une position de monopole ou dominante par l’élimination du marché des concurrents réels et potentiels (rachat, dumping ou capture juridique ou technologique de la clientèle) ;
- faire croire faussement à l’hétérogénéité qualitative des produits ;
Ainsi la libre concurrence n’est juste que si est respectée l’égalité sur le marché  au moins potentielle  des situations, que si la compétition économique reste ouverte, que si les consommateurs ont également accès au marché ainsi qu’à l’information qui leur donne un réle pouvoir de décision et surtout que si les consommateurs sont rationnels dans l’expression de leur désir. Le libéralisme économique est donc un idéal normatif qui implique, nécessairement  l’intervention de la politique et l’éducation des consommateurs pour qu’il soit mis en œuvre, sous peine de générer les inégalités qui transformeraient cet idéal en son contraire : le dictature sur le marché de l’offre sur la demande et du capital sur le travail comme l’avait compris déjà A. Smith (voir textes).
Mais il est curieux de constater, et significatif de sa naïveté optimiste sur l’autorégulation du marché, que malgré sa lucidité il n’aborde pas l’économie mafieuse et l’esclavage comme des tendances tout aussi spontanées du marché sans règles ni loi, c’est à dire sans l’intervention d’une régulation politique. On ne peut donc rendre le libéralisme économique , en tant qu’idéal , responsable des inégalités et de ces dérives possibles, mais au contraire il convient de bien comprendre que c’est son détournement idéologique par un capitalisme à prétention monopolistique sous la forme d’un pseudo ultra-libéralisme qui récuserait toute intervention de l’état dans la régulation de l’économie qui est responsable du développement d’un marché de moins en moins concurrentiel, de plus en plus mafieux, et donc de plus en plus anti-libéral et injuste.
Ainsi  c’est cette naïveté originaire qui voit dans la main invisible de la concurrence le seul régulateur de l’économie qui fait que le libéralisme classique réel est pour partie responsable de ce détournement dès lors qu’il n’a pas su évaluer précisément les conditions légales et politiques nécessaires au fonctionnement d’un libre-marché au service de chacun et de l’intérêt général ou mutuel. La liberté en général et économique en particulier suppose toujours des lois pour en faire un droit et une réalité pour tous et en cela éviter qu’elle ne devienne la liberté mafieuse et/ou dominatrice « du renard libre dans le poulailler libre »… 
Or comment peut-on régulariser l’économie en faisant en sorte que  la position libérale soit politiquement développée dans un sens social plus juste c’est à dite  plus égalitaire et plus universaliste conformément à son idéal originaire? 

Nous rencontrons là la limite de a position d’A.Smith qui reste pour le moins ambiguë, voire contradictoire. En effet s’il refuse de reconnaître à l’état un rôle de régulateur de l’économie dès lors que pour lui celle-ci doit spontanément s’autoréguler et qu’il considère que le fonctionnement  nécessairement bureaucratique de l’état le rend incapable à maîtriser le jeu complexe des égoïsmes en vue de la satisfaction de l’intérêt général, il admet que les riches et les puissants peuvent très bien utiliser leur position pour exploiter les pauvres et utiliser leur pouvoir économique pour contraindre l’état, sous prétexte de faire respecter la liberté d’entreprendre indissociable du droit de propriété des moyens de production et d’échange, à soumettre les employés par la force à leur intérêt particulier exclusif mais aussi, et cela est pour lui encore plus grave, à fausser les règles du jeu à leur avantage en multipliant les obstacles à le libre concurrence (ex : le maintien voire l’élévation des droits de douanes, préconisés par les mercantilistes,  pour avantager les nationaux sur le marché intérieur en les protégeant de la concurrence étrangère, et les ententes validées par l’état pour augmenter les prix et les profits). Donc A. Smith est partagé entre la réalité des comportements sociaux des capitalistes, des dérives anti-libérales, voire criminelles et des conflits qu’ils génèrent, et l’idéal de la libre concurrence qu’il prend, non seulement pour un idéal, mais comme une description et explication de la réalité (et en cela il est dans l’illusion idéologique la plus classique) sans être capable de réduire la contradiction entre sa position qui affirme le principe universel de la  non-intervention de l’état dans l’économie et ses conséquences sociales et le fait qu’il constate que cette non-intervention revient, dans les faits, à favoriser les investisseurs aux dépens des salariés et de l’intérêt général, ne serait-ce qu’en vue du maintien de la paix civile (voir textes). Il admet que l’état doit jouer un rôle d’investisseur quant au services et aux biens d’équipement qui concernent l’intérêt général et qui ne peuvent être rentables à court terme pour des particuliers (infrastructures, équipement du territoire, éducation de masse) et aux moyens de protection répressif en vue du maintien de la paix civile, mais il refuse toute politique systématique de redistribution en faveur des plus démunis et accepte le risque politique de l’inégalité des chances tout en soulignant le danger de violence sociale qu’elle génère ; en comptant sur la tradition plus ou moins religieuse de servilité des pauvres par rapport aux riches, il pense que la hiérarchie entre eux est nécessaire et qu’il suffira à la police de faire son métier pour maintenir l’ordre, alors même que l’Angleterre à connu un mouvement populaire extrêmement violent appelé « les niveleurs » revendiquant l’égalité sociale radicale comme une valeur chrétienne. ( L'appellation de niveleurs (en anglais levellers) a été réservée, à partir de 1645, à ceux des révolutionnaires anglais qui, non contents de vouloir éliminer la monarchie encore incarnée par Charles Ier, souhaitaient lui substituer une république où le peuple composé de tous les citoyens adultes serait souverain. Plus que des combattants de la liberté, ils sont des démocrates. Leurs adversaires, qui les baptisèrent, les considéraient comme des « partageux » et pensaient que des hommes sans propriété, s'ils étaient dotés du droit de vote, imposeraient une redistribution des richesses. Accusation alors mortelle, mais qui, au mieux, serait à réserver à un groupuscule qui, derrière Gerrard Winstanley, et entre 1648 et 1652, a agité le drapeau des « vrais niveleurs » ou diggers (« bêcheurs ») et réclamé effectivement une grande mutation de la propriété foncière et des modes de production.
Les niveleurs authentiques ont souvent eu une origine baptiste : soucieux de rapprocher le règne de Dieu ici-bas, ils se muent en activistes révolutionnaires, transposent dans le politique le message religieux de leur secte, leur foi dans l'égalité de tous les hommes, leur tolérance, leur rejet de toute autorité spirituelle. Beaucoup sont imprégnés de l'idée de prédestination et, « saints en marche », tirent de leur foi la conviction qu'ils portent un message divin. Les plus représentatifs sont Richard Overton, un imprimeur, l'un des plus « radicaux », peut-être tenté de déborder du politique et du religieux vers le social ; William Walwyn, marchand londonien aisé et qu'on a pu comparer à Lamennais, dont il précède largement l'espoir d'un christianisme appliqué ; et surtout John Lilburne, un temps colonel de l'armée de Cromwell, une des grandes victimes de l'intolérance prérévolutionnaire, auteur de vigoureux pamphlets en même temps que redoutable organisateur. Leurs disciples sont surtout recrutés dans les villes, dans un petit peuple dont la Révolution française fera les sans-culottes. Ils auraient représenté vers 1649 un bon quart des Anglais et un cinquième des Londoniens. Et, plus important sans doute, le message a été abondamment propagé dans l'armée du Nouveau Modèle, il est l'évangile de nombre de conseils d'officiers et de soldats et très particulièrement des porte-parole (ou agitators) sortis du rang pour siéger dans de véritables soviets militaires hiérarchisés. Tous lisent ou commentent tracts et brochures répandus par milliers (de titres) et qu'un libraire de l'époque a su rassembler (ils constituent aujourd'hui la collection Thomason de la British Library).
© Encyclopædia Universalis 2004, tous droits réservés)

C’est cette difficulté centrale de sa théorie quant aux rapports entre la politique et l’économie libérale qui a probablement amené A. Smith a renoncer à publier sa théorie politique et, selon certains témoignages, lui aurait fait détruire les documents dans lesquels il en aurait écrit les prémisses.
فدوى
رد: Prémisses et origines philosophiques du lib
مُساهمة الجمعة فبراير 26, 2016 11:36 am من طرف فدوى
) Démocratie politique et libéralisme économique


Spinoza disait déjà que si les individus étaient spontanément toujours raisonnables dans toutes leurs actions, il n’y aurait besoin ni d’état, ni de politique, ni, ajouterais-je, d’éducation. L’expérience le démontre tous les jours dans la  vie économique , contrairement à la position confiance naïve voire aveugle, et il n’ y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dans le puissance  autorégulatrice automatique du marché (main invisible) : sans droit commercial pas de commerce honnête; sans loi contre les monopoles, pas de libre concurrence ; sans droit sociaux, pas de réduction des inégalités et de l’exploitation de l’homme par l’homme, voire pas de salariat , car l’esclavage s’imposerait comme la forme la plus sûre et la plus immédiatement rentable de faire du profit à court terme. Après tout disait Keynes à long terme nous serons tous morts ; autant alors en profiter ici et maintenant…Pourquoi alors choisir une problématiquement rentable à long terme, alors que la concurrence joue dans l’instant même de l’échange marchand?
3-1 De l'utilitarisme éthique

C’est justement  cette difficulté que John Stuart Mill saisit pour tenter de la dépasser : comment construire une société libérale, dans laquelle chacun poursuit son bonheur  et qui soit en même temps telle pour tous sans contradiction, ni conflit irréductibles. Ce qui est en effet utile aux uns ne l’est pas pour les autres et nous savons bien que le bonheur des uns ne fait pas nécessairement celui des autres.
3-1-1 Les difficultés de l'utilitarisme de Bentham
Les utilitaristes comme Bentham , lequel a été un des maîtres avec Auguste Comte de notre auteur, pensaient qu’il suffisaient alors de soumettre le bonheur de chacun à celui du plus grand nombre et aux devoirs qu’il impose pour résoudre cette difficulté, mais cela supposait une double condition :
- Que les plaisirs qui font le bonheur de chacun soient  homogènes (comparables et mesurables) et donc arithmétiquement  calculables, ce qui permettrait, par simple sommation des plaisirs et bonheurs des uns et des autres, après enquête de satisfaction comme on dit aujourd’hui, de passer du bonheur de chacun au bien être majoritaire ou général.
- Que chacun soit dans le camps majoritaire, au point que, si ce n’était pas le cas, son sacrifice éventuel devienne justifié par la poursuite du bonheur de la majorité ; mais alors cela exigeait de mettre en cause la liberté individuelle comme telle au profit d’un conformisme obligatoire, c’est à dire de la soumission inconditionnelle à la majorité et aux habitudes et aux mœurs que celle-ci impose.
Mais ces deux conditions sont contestables: les plaisirs individuels ne sont pas nécessairement composables ; on ne peut, en effet, en faire la sommation, car ils ne sont pas compossibles entre eux chez un même individu et encore moins entre les individus. Rien ne permet plus alors de justifier le sacrifice de la liberté individuelle au bien être majoritaire qui  n’est qu’une fiction confuse mêlant des formes de bonheurs et de plaisirs hétérogènes et souvent contradictoires entre eux et on ne peut décider d’une satisfaction globale plus ou moins importante hormis le seul critère de la survie et/ou de l’enrichissement financier comme seule types de finalités comptables et rationnelles. Or le rapport de ces finalités au bonheur général lequel suppose une certaine égalité des conditions et comme vécu qualitatif est pour le moins problématique. De plus cette position repose sur le paradoxe qu’il y aurait un bonheur général, mais non pas unanime, possible, qui transcenderait les bonheurs individuels minoritaires et pourrait éventuellement s’imposer contre eux, aux dépens par conséquent de la liberté individuelle. Chacun serait en effet appelé, pour le bonheur de la communauté dont il fait partie, soit à s’engager à suivre la voie des autres, soit à renoncer au droit au bonheur personnel dès lors qu’il ne conviendrait pas à la majorité (position du père de notre auteur). Ce qui supposerait que chacun devrait accepter d’être surveillé en permanence dans sa vie personnelle par les autres pour que sa soumission soit validée, reconnue et récompensée. On trouve dans la société américaine, animée de valeurs égalitaires et démocratiques, observait déjà Tocqueville, cette tentation absurde de faire de la liberté individuelle et de son usage l’enjeu d’une surveillance religieuse ou morale, qui dénie non seulement l’autonomie personnelle dans la recherche du bonheur, mais même la liberté de conscience et celle d’exprimer des idées différentes des lieux communs et préjugés dominants. Ce que cet auteur appelait la « douce » tyrannie de la majorité , laquelle est contraire au droit à la recherche de son bonheur propre, inscrit pourtant dans la constitution américaine comme l’expression fondatrice du droit libéral et démocratique. C’est pour tenter de surmonter ces difficultés et ces paradoxes d’un utilitarisme purement quantifiable et au bout du compte liberticide que John Stuart-Mill va développer une nouvelle conception de l’éthique du bonheur, c’est à dire une vision du bonheur qui prennent en compte tout à la fois l’ exigence d’une  relation éthique (bien général) aux autres et la liberté individuelle (bien individuel) ; conception elle même susceptible de fonder une économie politique libérale soucieuse de solidarité.

3-1-2 L'utilitarisme de John Stuart-Mill

"La seule liberté digne de ce nom, affirme J.Stuart-Mill, est celle de travailler à notre propre bien de la manière qui nous est propre, pour autant que nous ne cherchions pas à en priver les autres ou à leur faire obstacle dans leurs efforts pour l'obtenir." Après avoir précisé auparavant :
"Celui qui laisse le monde ou une partie de celui-ci, choisir le cours et le sens de sa vie à sa place, n'a pas besoin d'autre faculté que celle d'imitation des grands singes."
Telle est la conception libérale radicale, à l’encontre de celle, à ses yeux incohérente de Bentham, de son ex-disciple qu’est J. Stuart-Mill ; mais cette position implique
 aussi, si l’on veut éviter les difficultés de la position de Bentham qu’il convient de montrer que la  finalité éthique fondamentale de chacun est le bonheur général (c’est à dire de tous) ; si le bonheur de chacun réside dans l’expérience personnelle de plaisir et de  la cessation de la douleur, les devoirs ne sont, et ne doivent et ne peuvent être, que des moyens subordonnés en vue du maximum de bonheur universel possible, comme partie prenante de son propre bonheur. Bonheur personnel et bonheur général sont selon lui  indissociables.
     3-1-3 La question du bonheur chez John Stuart-Mill


Le bonheur général (universel) est bien comme le pensait Bentham la source ultime de la moralité et les règles de la recherche du bonheur pour tous celle du droit . Les devoirs ou impératifs ne valent que comme moyens dérivés nécessaires mais non suffisants. Une morale du sacrifice de soi est en effet absurde et invivable si elle prend le sacrifice de son bonheur en vue du bonheur général comme fin en soi inconditionnelle et salvatrice; elle ne peut valoir comme moralité concrète et agissante que si elle se donne comme fin le bonheur des autres, en tant qu’il est une composante et une condition du bonheur personnel. Il n’y a pas de morale du devoir en soi comme le croyait Kant, car toute action ne peut être motivée que par le recherche d’une satisfaction ou l’évitement d’une souffrance, y compris une action morale ; il n’y a qu’une morale du bonheur qui inclut et subordonne le devoir tout en la fois comme instrument et comme partie prenante du bonheur personnel.
La politique et l’économie sont des moyens de parvenir aux bonheur général ; il faut en effet distinguer sans les opposer le bonheur individuel et le bonheur général car si celui-ci n’est pas la seule sommation des bonheurs individuels, spontanément apparemment incompatibles, il convient de  les rendre compossibles par des lois et règles qui autorise chacun à faire un égal  usage de sa liberté sans nuire à celle des autres ; il n’y a du reste pas d’autre limite à la liberté individuelle que celle des autres et  c’est pourquoi, dans le cadre des échanges marchands visant la mutualisation des intérêts individuels,  il faut du droit économique politiquement discuté et décidé. Ainsi l’obligation de participer au bonheur des autres est seconde par rapport à celle qui nous ordonne d’éviter la violence et de porter atteinte aux droits des autres de rechercher leur propre bonheur, car elle ne constitue qu’un devoir indirect subordonné à la seconde ; une trop grande sollicitude peut, en conduire à la domination des autres, c’est à dire, sur un mode faussement positif, à mettre en cause leur propre initiative en les condamnant à la passivité, en en faisant du pure et simple victimes d’un sort injuste. La maxime libérale ne peut être que « Aide toi et les autres t’aideront à agir plus librement encore ». Mais une difficulté apparente de la position de Mill surgit : Comment, dans sa perspective individualiste passer de la satisfaction  personnelle égoïste au désir altruiste en chacun du bonheur général dès lors que celui-ci  implique la soumission au devoir de respecter la liberté d’autrui qui peut, semble-t-il, nuire à celle-la ?

C’est pour répondre à cette question que Mill fait intervenir une distinction fondamentale entre les plaisirs immédiats matériels et égoïstes et les plaisirs spirituels qui leur sont qualitativement  supérieurs, à savoir les plaisirs qui sont le fruit des activités  intellectuelles esthétiques et éthiques (altruistes) dans lesquels chacun même matériellement insatisfait peut être heureux en tant qu’ils permettent à chacun de se reconnaître dans sa dignité humaine. En quoi ces derniers sont-ils supérieurs ? en cela qu’ils sont spécifiquement l’expression de la supériorité spirituelle et sociale des hommes et que chacun peut éprouver par là qu’il incarne cette valeur et que cette valeur ne dépend principalement que de lui, par delà les circonstances extérieures. Ainsi nous dit Mill mieux vaut être Socrate insatisfait (matériellement) qu’un porc satisfait, car si Socrate est matériellement insatisfait, il est  heureux d’être l’homme valeureux car moral et donc pleinement humain qu’il a été. Donc pour Mill le bonheur ne recouvre pas tout les plaisirs d’une manière indistincte et le bonheur ne se mesure pas à la « quantité » de plaisir mais à sa « qualité » et si les plaisirs matériels et narcissiques sont souvent nécessaires, ils ne sont pas suffisants car ils ne valent au mieux que comme moyens  du bonheur spirituel; seuls les plaisirs qui portent une dimension éthique peuvent nous procurer le bonheur authentique, c’est à dire le sentiment positif de notre pleine humanité.  Mais cela veut-il dire que cette accession au bonheur éthique soit spontanée ou immédiate? 
Certes non, car l’expérience de ce bonheur est une conquête de l’histoire de l’humanité et de l’évolution des sociétés. Le sens du devoir en tant qu’il organise le bonheur altruiste de chacun, mais aussi  et surtout  en tant qu’il fait partie et devient intégrante du bonheur personnel doit être forgé au feu de l’habitude acquise par l’éducation cognitive et affective dans une société juste et libérale ; qui n’a pas reçu d’éducation libérale ( non religieuse et non-sacrificielle), altruiste et donc heureuse ne peut savoir clairement qu’il existe un bonheur qualitativement supérieur à la seule satisfaction matérielle ou égoïste . D’où la nécessité de penser sur fond de l’analyse des relations sociales  existantes et de leur contradictions, les conditions politiques et économiques d’une société à la fois juste et libérale ; libérale parce que juste et juste parce que libérale ; en tant que cette société serait la fin du progrès en vue du plus grand bonheur pour tous, sans distinction entre les sexes et les positions .

3-2 Libéralisme économique et justice sociale chez Stuart-Mill



La liberté économique individuelle comme liberté d’entreprendre dans le domaine de la satisfaction de désirs et des besoins est pour Mill le fondement de toute relation de réciprocité positive entre les individus qui ne sont pas liés entre eux par des relations de dépendances particulières permanentes (type allégeances communautaires, amicales, amoureuses ou familiales). L’économie libérale est bien l’ensemble des échanges de biens et de services produits en vue de l’échange  marchand qui égalise dans un sens contractuel  universel, voire anonyme, c’est à dire volontaire et non contraint, les relations vitales entre les humains : chacun sait mieux que quiconque ce dont il a besoin ou ce qu’il désire et doit seul prendre la décision d’acheter ou non et s’il achète c’est à lui seul de décider qui lui offre les conditions les plus favorables. La liberté d’entreprendre au mieux de ce qui est utile à chacun exige donc bien un choix individuel et qui dit choix dans le domaine économique dit concurrence libre et non faussée; tout corporatisme, en effet, fausse la concurrence et provoque  toujours une réduction et/ou captation de l’initiative de chacun en vue de sa satisfaction, laquelle initiative  définit sa liberté individuelle, au profit exclusif et/ou dominant de celui qui cherche à vendre.  L’échange marchand libéral soumis à la concurrence est donc pour Mill comme pour A.Smith garant de la liberté individuelle universelle car avant que d’être des producteurs spécialisés nous sommes tous des consommateurs. De plus l’échange marchand obéit à la règle donnant /donnant et ce faisant égalise les conditions de l’échange selon un règle simple : À chacun selon ses revenus et, par delà ses revenus, son travail, si l’on admet que les revenus du travail, directs ou sous une forme différée ceux du capital, sont l’expression du travail en tant que seule source de création des richesses . Cette règle de justice distributive automatisée fait que chacun consomme selon son travail et donc que chacun reçoit selon son mérite dans le processus de production et d’échange.
Mais à la différence de Smith, Mill ne pense pas que le développement à l’infini des échanges marchands puissent se faire sans déséquilibre entre les ressources et les besoins ou désirs, dès lors que ceux-ci croissent plus que les premiers et cela pour deux motifs : l’excès illimité des désirs au delà des besoins chez les plus riches et l’accroissement de la population mondiale de plus en plus intégrée aux échanges marchands et à l’économie du désir sans limite. Le progrès ne peut que déplacer, en le masquant, le moment où les ressources seront épuisées. La rareté s’imposera alors comme un facteur croissant d’inégalité entre les riches et les pauvres, d’autant plus que ceux-là  bénéficieront d’un avantage décisif du fait de l’héritage et de la propriété du sol et cela dès la naissance. L’équilibre entre l’offre et la demande se fera au profit de la demande solvable et aux dépens des besoins des plus pauvres de plus en plus insolvables; les inégalités seront telles qu’aucun progrès économique envisageable ne pourra les réduire sauf à envisager l’arrêt autoritaire  de la croissance démographique et le réduction des inégalités dans l’accès aux ressources par la loi et la redistribution par l’impôt. Les riches sauront profiter de la pauvreté croissante des pauvres pour leur imposer une réduction des salaires en vue de continuer à satisfaire leurs désirs sans limite aux dépens de la satisfaction des besoins de ces derniers , c’est à dire de leur espérance de survie. Ainsi le progrès infini du capital et des richesses en terme de bénéfices pour ceux qui en disposent déjà n’est pas un critère de réussite pour les pays les plus avancés dès lors que s’aggravent les inégalités ; de plus selon Mill l’état stationnaire des richesses et de la population ne serait  pas une catastrophe pour un  pays très développé mais au contraire la condition d’un véritable progrès de civilisation dans le sens d’une spiritualisation de la vie sociale qui passerait par l’utilisation des techniques dans le but de réduire le temps de travail contraint au profit du temps de la relation libre et désintéressé aux autres et de la contemplation de la nature qui ne serait alors plus seulement considérée comme réservoir de matière première exploitables en vue de la production et du profit, mais comme une source illimitée d’émotions esthétiques, ce qui suppose que cette liberté passe aussi et peut-être surtout par la solitude, c’est à dire le retrait par rapport aux obligations sociales et économiques. Le bonheur, pour Mill, n ‘est pas, nous l’avons vu en effet, dans la quantité de biens matériels accumulés ou consommés ou des richesses acquises mais dans la qualité de la vie, des relations aux autres, à la nature et à soi.
Ainsi limiter les naissances en vue du seul renouvellement de la population, limiter l’héritage à ce qui peut rendre chacun indépendant, redistribuer les richesses, limiter le temps de travail et la production, développer les moyens de formation personnelle et l’éducation des citoyens, sont pour Mill les conditions d’un progrès de la société lequel implique à terme l’arrêt de la progression illimitée dans production des richesses matérielles en vue d’atteindre ce qu’il appelle l’état stationnaire et équilibré qu’il souhaite pour assurer les conditions de l’existence harmonieuse de l’espèce humaine. La justice sociale implique donc pour lui non pas moins de liberté personnelle mais plus, c’est à dire plus de temps libre pour soi, tant il est vrai que l’économie reste le domaine de la nécessité et  que le développement infini des richesses produit des inégalités que la croissance économique, loin de réduire, accroît; d’où la nécessité de mettre au service de la liberté de tous, par la loi, l’économie libérale et qui ne peut être telle que par cette subordination au but final de l’état stationnaire et de l’égalité sociale. Le justice n’est pas pour lui le résultat d’un processus mécanique mais l’expression d’un programme politique qui doit orienter la société et l’économie libérale vers cet état final. La justice présuppose le libéralisme économique mis au service d’une société régulée par le droit en vue du bonheur universel des individus. Le libéralisme économique doit être subordonné au libéralisme éthique, c’est à dire à la recherche du bonheur général, qui est un devoir politique dans le mesure où il est un droit universel. C’est dire que les droits individuels et les droits sociaux, pour Mill sont indissociables, dès lors qu’il s’agit de réduire, voire d’abolir,  les inégalités que génèrent en permanence le libéralisme économique lequel, s’il n’est pas politiquement régulé, se transforme nécessairement en dictature  anti-libérale du capital sur le travail et des entrepreneurs (ou mieux des investisseurs)  sur les consommateurs. Il est indispensable de limiter la liberté des riches et des puissants afin que tous aient non seulement en théorie mais en réalité les même droits.

« Ce qui vaut, écrit-il,  pour un pays arriéré ne vaut pas pour un pays avancé. Ce qui est économiquement nécessaire en ce cas est une meilleure distribution, dont le moyen nécessaire est une contrainte plus stricte sur la population. La mise à niveau plus ou moins juste des positions sociales, ne peut pas s’accomplir par les seuls moyens de l’accroissement de la production et de l’accumulation ; ils peuvent abaisser les hauteurs de la société, mais ils ne peuvent pas, d’eux-mêmes, de manière permanente faire progresser le sort du plus grand nombre qui se trouvent plus bas. D’autre part, nous pouvons supposer que cette meilleure distribution de propriété peut être atteinte par l’effet commun de la prudence, de la frugalité des individus et par un système de  législation favorisant l’égalité des fortunes, dans la mesure où est juste la revendication permanente de chaque individu de participer aux fruit,  grand ou petit, de sa propre industrie. Nous pouvons supposer, par exemple (selon la suggestion jetée dans un chapitre précédent) que les cadeaux transmis par héritage  aient  la quantité suffisante pour constituer une indépendance modérée. Sous cette influence double, la société exhiberait ces principaux dispositifs : un corps bien-payé et riche des travailleurs ; aucunes énormes fortunes, excepté ce qui ont été gagnés et accumulés pendant une vie simple ; mais un corps beaucoup plus grand des personnes qu’exemptent actuellement, non seulement des travaux durs et brutaux, mais avec des loisirs suffisants, physiques et mentaux, des moyens pour cultiver librement les grâces de la vie, et que les classes moins favorisées se permettent de suivre  l’exemple des plus favorisés pour leur croissance. Cet état de la société, tellement préférable au présent, est non seulement parfaitement compatible avec l’état stationnaire, mais, il semblerait, plus naturellement lui être  lié  que tout autre.
Il y aurait autant de place que jamais pour toutes sortes de culture de l’esprit, et de progrès moral et social et autant de moyens d’améliorer l’art de la vie, et beaucoup plus de probabilité d’y parvenir, quand des esprits aurons cessé d’être dirigés par l’art d’obtenir toujours plus. Même les arts industriels pourraient être sincèrement et avec succès cultivés, avec cette différence unique, qu’au lieu de n’atteindre aucun autre objectif que l’augmentation de la richesse, les améliorations industrielles produirait leur effet légitime qui est d’abréger le travail »
 (voir texte en annexe)

Ainsi, pour cet auteur, dans une société libérale, les droits individuels, sont indissociables des droits sociaux, et le fonctionnement de l’économie libérale, qui n’est pas automatiquement équilibré et juste doit être politiquement orienté dans le sens d’une plus raisonnable production des richesse et une meilleure d’utilisation des ressources afin que les richesses profitent à tous et que chacun puisse développer ses capacités spirituelles en autonomisant le plus possible sa vie par rapport aux contraintes du processus de production. Cette Autonomie, elle même,  est rendue possible par le développement des sciences et des techniques et rendu nécessaire par le risque de l’épuisement des ressources. Il ouvre en cela le grand débat entre ce que l’on appelle l’ultra-libéralisme et le social libéralisme écologique qui reste pour le moins d’actualité . 
Suite: Libéralisme et social-libéralisme




Réponse à une objection contre A. Smith

"La fameuse "main invisible du marché" d’Adam Smith est une escroquerie intellectuelle, qui servait à l’époque de Smith, non pas à l’avancée de la science économique et de la science, mais à la domination de l’empire britanique sur toutes les autres nations."
Cette affirmation est erronée: ceux qui préconisaient la domination des intérêts britaniques étaient les plus grands adversaires théoriques de Smith, à savoir les mercantilistes qui voulaient à la fois l’impérialisme à l’extérieur et le protectionisme à l’intérieur, dans un but d’enrichissement exclusif des commerçants impériaux et colonialistes britaniques. Smith pensait qu’un autre usage du colonialisme plus équitable, grace au libre échange, était théoriquement possible, dès lors que ce dernier permettrait le développement des pays les plus pauvres en prenant en compte leur avantages compétitifs (ex: coût de la force de travail, des matières premieres et des produits agricoles etc..). Ce qui en réalité est tout à fait problématique, voire utopique, car les rapports de forces étaient tels que cet équilibrage automatique était pratiquement impossible par le fait même de la domination coloniale. Il y a là une limite majeure de la position de Smith: il ne fait pas la théorie politique de sa théorie éthique et économique; il semble qu’il y ait renoncé face à la mise en cause (et à la contradiction entre) de l’idéal du marché auto-régulateur par la réalité politique. Il ne voit pas comment on peut réduire le poids de la politique impérialiste et mercantiliste (et du capitaliste sauvage soutenue par l’état dont il voit très bien les conséquences en terme d’exploitation, analyses avortées qui seront reprise par Marx dans le sens que l’on sait).
C’est là qu’il convient de mesurer l’écart entre un modèle théorique et la réalité économique  et introduire dans l’examen réel du fonctionnement de l’économie des considérations politiques et humaines non-économiques. Lire à ce sujet A. SEN (voir plus loin)





 

Prémisses et origines philosophiques du lib

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