Auguste Comte (1798-1857)
Le fondateur de la sociologie philosophique positive
"L'Amour pour principe, l'Ordre pour base, et le Progrès pour but"
Auguste Comte (1798-1857) est un auteur aujourd'hui méconnu.
Mais sa vie et son oeuvre (§ 1) ainsi que sa sociologie positiviste ([url=http://www.denistouret.fr/ideologues/Comte.html#sociologie positive]§ 2[/url]) sont pleines d'intérêts.
§1. La vie et l'oeuvre d'Auguste Comte
Isidore Auguste Marie François Xavier Comte est né à Montpellier le 19 janvier 1798. Son père est un catholique traditionnel, un monarchiste.
Entré en 1806 comme interne au Lycée de Montpellier Auguste Comte découvre la philosophie des Lumières, perd la foi catholique, conteste l'autorité, manifeste contre la politique napoléonienne, et obtient le premier prix d'éloquence en classe de rhétorique tout en étant particulièrement brillant en mathématiques.
En 1814, à l'âge de 16 ans, il est reçu premier pour le midi, et quatrième pour la France entière, au concours d'entrée à Polytechnique. Comte se distingue notamment par ses aptitudes pédagogiques (déjà révélées au Lycée), son indiscipline et sa contestation politique républicaine ; mais en avril 1816 Polytechnique est fermée pour jacobinisme et pour vivre Comte doit donner des leçons de mathématiques.
En août 1817 Comte devient le "secrétaire" du comte de Saint-Simon (1760-1825) et tout en s'initiant aux problèmes économiques et sociaux de son temps lui écrit quelques ouvrages. Leur collaboration cesse en 1824 à propos de la publication du premier ouvrage important de Comte, Système de politique positive que Saint-Simon signe également sous le titre Le Catéchisme des industriels.
En 1818 il a une liaison avec une femme mariée qui lui donne une fille. Il fréquente les professionnelles du Palais Royal et commet l'erreur de se mettre en ménage avec l'une d'elle en 1823 puis de l'épouser civilement en 1825. Après une cohabitation désastreuse la séparation définitive sera consommée en 1842.
Le 2 avril 1826 Comte ouvre à son domicile, devant quelques amis et scientifiques de qualité, son cours de philosophie positive, qui doit en 72 leçons présenter l'ensemble des sciences saisies dans l'unité de leur principe positif. Mais le 18 avril il doit être soigné pour dépression. Sa mère en profite pour le faire marier religieusement le jour de sa sortie de clinique, le 2 décembre. Son cours reprend le 4 janvier 1829, en présence notamment du mathématicien Joseph Fourier (1768-1830).
En 1832 il obtient un poste de répétiteur à l'Ecole Polytechnique, qui lui sera retirée en 1851, et d'examinateur d'admission en 1837, qui lui sera retiré en 1844.
Du 16 mai 1845 au 5 avril 1846 (date de son décès) Comte a une liaison amoureuse non consommée avec la tuberculeuse Clotilde de Vaux (rencontrée pour la première fois en octobre 1844). Cette découverte de l'amour non physique va donner au positivisme de Comte une orientation subjectiviste qui sera contestée par certains de ses disciples (en France Emile Littré en 1852, John Stuart Mill en Angleterre).
La révolution républicaine de 1848 semble pour Auguste Comte l'occasion rêvée de faire connaître le positivisme au peuple. Il fonde la Société positiviste, qui a pour devise Ordre et Progrès. Puis Auguste Comte organise la religion positiviste, la religion de l'humanité, une sociocratie dogmatique qui dégénère en sociolâtrie, dont l'objectif est la régénération de la société "par l'institution d'un sacerdoce nouveau, par la réglementation des mariages, par un culte, un dogme et un régime nouveaux, calqués sur la pratique catholique au point qu'il préconisait une rénovation du culte de la Vierge ou une structuration du clergé positiviste sur le modèle des jésuites".
Auguste Comte décède, d'un cancer selon son disciple indépendant Emile Littré (1801-1881), le 5 septembre 1857.
Les principaux ouvrages d'Auguste Comte sont :
Cours de philosophie positive, 1826-1842 ;
Discours sur l'esprit positif, 1844 ;
Système de politique positive, 1851-1854 ;
Catéchisme positiviste ou
Sommaire exposition de la religion universelle, 1852 ;
Appel aux conservateurs, 1855 ;
Synthèse subjective ou
Système universel des conceptions propres à l'état normal de l'humanité, 1856.
§2 La sociologie positiviste d'Auguste Comte
Réformateur scientifique Auguste Comte entend concilier les anciens et les modernes dans la construction d'un monde pacifié, un monde organique réellement rationnel fondé sur le nouvel ordre social de la sociologie positive, c'est-à-dire de la sociocratie, dont la formule est :"
Savoir pour prévoir et prévoir pour pouvoir".
L'organisation positive de l'Humanité est la troisième étape de l'évolution historique, d'une dynamique sociale (I) conditionnée par une statique sociale (II) dans laquelle les mentalités jouent le premier rôle.I. La dynamique sociale
Auguste Comte qui utilise pour la première fois en 1839 le mot "sociologie" dans le sens de physique sociale, "découvre" en 1822 ce que l'on a appelé "La loi des trois états et des trois étapes" ; la Loi des trois états (A) qui expliquerait le développement de l'Histoire en trois périodes (B).A/ La loi des trois états
Les états sont les états mentaux de la personne humaine dont l'évolution devrait être logique.
1° Les trois états mentaux
Chacun des trois états est défini par référence à un mode de pensée :
- Le premier état mental est l'état théologique, un état mental dominé par la référence au surnaturel.
-Le deuxième état mental est l'état métaphysique, philosophique, qui laïcise le premier en substituant la Raison à Dieu, le naturel rationnalisé au surnaturel.
- Le troisième état mental est l'état scientifique ou positif, sociologique, celui qui élimine les préjugés et les tabous et connaît la méthode scientifique, expérimentale et déductive.
A un moment donné du développement de toute personne, nous dit Auguste Comte, l'un de ces trois états mentaux est dominant chez elle.
2° L'état dominant
Les trois états de l'intelligence, du mental, peuvent coexister en même temps dans la même personne mais, nécessairement à un moment déterminé, l'un des trois états mentaux domine les deux autres. L'état dominant donnant sa connotation à l'ensemble.
Cet ensemble évolue, ou du moins peut évoluer. Selon Auguste Comte l'évolution logique du mental conduit à la méthode scientifique.
3° L'évolution logique
Normalement les trois états mentaux se succèdent dans la personne :
- L'état théologique est l'état mental de l'enfance, dominé par l'imagination.
- L'état philosophique est l'état mental de la jeunesse, dominé par la rationnalisation abstraite.
- L'état scientifique est l'état mental de la maturité, celui de l'expérience.
Mais, de fait, l'évolution logique n'est pas certaine.
4° L'évolution de fait
De fait, par incapacité ou par défaut de formation, l'état mental de l'adulte peut rester au niveau de l'enfance ou à celui de la jeunesse, de telle sorte que son comportement dans la société restera dominé par le premier ou le deuxième niveau, ce qui, bien entendu, influe sur la constitution de sa personnalité et donc sur son comportement.
B/ Les trois périodes du développement historique
Selon Auguste Comte ce qui est vrai pour les personnes est vrai pour les sociétés, les groupes sociaux, qui sont composés de personnes.
Les sociétés connaissent trois grandes périodes, étapes de développement, qui correspondent à leur enfance, à leur jeunesse et à leur maturité.
Auguste Comte qualifie ces périodes de : "théologique et militaire" pour la première, "métaphysique et légiste" pour la deuxième, "scientifique et industrielle" pour la troisième.
A chacune de ces périodes c'est une logique particulière qui est dominante.
A chacune des périodes du développement historique c'est soit la logique première ou primaire, soit la logique deuxième, seconde ou secondaire, soit la logique troisième ou supérieure qui domine.
La logique première est celle de l'imagination. La logique primaire est la logique imaginative, qui fait appel à la magie des images et à la répétition des rites. C'est une logique de la conservation et de la reproduction de ce qui est perçu comme étant satisfaisant parce que voulu et protégé par une puissance tutélaire, un Grand Tuteur, Dieu.
La logique deuxième est la logique de l'abstraction rationnalisante. La logique secondaire est une logique qui se veut rationnelle, c'est à dire dégagée de la protection du Grand Tuteur. Mais en réalité elle se place sous la protection d'un substitut. Par besoin fonctionnel d'être encore guidé vers l'indépendance de la maturité, la logique secondaire substitue à Dieu une Idée : la Liberté, l'Egalité, la Justice, l'Amour, et/ou la Nature, qu'elle envisage à son image, c'est à dire une Nature à transformer. Derrière l'Idée la logique deuxième accroche son énergie, sa soif de parvenir, c'est à dire sa soif d'indépendance réelle, la recherche de sa maturité.
Selon Auguste Comte
la logique supérieure est la seule à être véritablement rationnelle. Elle est rationnelle, réellement, parce qu'elle est dégagée des images de l'enfance et des illusions idéales de la jeunesse. Elle entend voir les choses telles qu'elles sont et non pas telles qu'on peut les imaginer et/ou telles qu'elles devraient être.
Volontiers critique dans son premier développement, celui qui succède au dernier développement de la logique secondaire, la logique supérieure devient sereine, avant de sombrer, peu à peu ou brutalement, dans l'imagination sénile du "retour à l'enfance".
II. La statique sociale
A/ Famille, propriété-travail social, patrie, religion
Pour Auguste Comte la société est nécessairement première, composée de familles, qui l'emporte sur l'individu en tant que celui-ci n'est que la partie du tout qu'est la famille. La vérité de la société n'est donc pas à chercher dans l'individu mais la vérité de l'individu est à chercher dans la société.
C'est la sociologie, en tant que science humaine, donc naturelle, qui nous dit ce qu'est l'ordre social d'un lieu déterminé à un moment déterminé, car "tout est relatif : voilà le seul principe absolu". Or la sociologie nous apprend qu'un ordre social ne peut exister et subsister sans consensus. Le premier consensus concerne la famille, le second la propriété et donc le travail, le troisième la patrie.
C'est sur la famille monogamique, qui unit non pas deux individus abstraits mais deux personnes, un homme et une femme, avec leurs qualités propres, que repose tout l'édifice social.
La propriété, en tant qu'accumulation de biens nécessaires à la satisfaction des besoins humains, est le fondement matériel indispensable au développement de l'action de l'homme sur la nature. C'est la propriété qui permet le travail, un travail qui ne peut être que social, orienté vers la solidarité de tous par le gouvernement, un travail qui civilise l'homme.
La patrie ce sont les racines, c'est le sol et la mémoire qui permettent une forme supérieure de cohésion sociale, le consensus indispensable.
Mais c'est la religion, le
pouvoir spirituel, qui parachève la
cohésion sociale par le consensus moral qui est indispensable à la civilisation. Dans la société industrielle cette religion est la religion de l'Humanité.
B/ La société industrielle et la religion de l'Humanité
1° La justice sociale de la société industrielle
Auguste Comte pense que la société industrielle est l'aboutissement du progrès de l'Humanité. C'est la société industrielle qui permettra de donner à chacun une place proportionnée à ses capacités et ainsi sera réaliser la justice sociale.
Dans cette société le pouvoir temporel est exercé par les banquiers et les entrepreneurs, dans le cadre d'un système hiérarchisé qui permet aux plus riches et aux plus forts d'exercer une souveraineté qui est fondé sur la puissance, car dans toute société c'est une élite qui détient le pouvoir.
Mais ce pouvoir temporel est subordonné au pouvoir spirituel qui a pour fonction de relier les parties du tout, une religion du troisième type, une religion qui remplace les religions de l'état théologique et les philosophies de l'état métaphysique, la religion de l'Humanité, une religion qui impose sa morale sociale.
2° La religion de l'Humanité des sociologues et des savants
Si le pouvoir temporel est fondé sur la puissance que permet la fortune et la force, le pouvoir spirituel est fondé sur le mérite moral.
Le but de chacun ne doit pas être d'obtenir la première place dans l'ordre temporel mais d'obtenir la première place dans l'ordre spirituel. Ainsi l'ouvrier qui est le dernier dans la hiérarchie temporelle peut être le premier dans la hiérarchie spirituelle.
Le mérite moral consiste à faire prévaloir l'intérêt social, l'intérêt public, sur l'intérêt individuel, l'intérêt privé. Le mérite moral doit faire prévaloir la "socialité sur la personnalité", le dévouement social sur l'égoïsme individuel.
Le pouvoir spirituel, qui est détenu par les sociologues et les savants, doit réguler les passions humaines, unir les hommes dans le travail et pour le travail, consacrer les droits des gouvernants mais également modérer leur arbitraire et leur égoïsme, car les humains sont fondamentalement égoïstes.
Les hommes se comportent en fonction de leurs sentiments et non de leur raison.
Toutefois l'être humain a des tendances altruistes et il convient de développer par la religion ces tendances, ce qui devrait permettre de réaliser la formule sacrée du positivisme :"
L'Amour pour principe, l'Ordre pour base, et le Progrès pour but".