[size=32]La psychothérapie[/size]
Patrick Juignet, Psychisme, 2011.
Nous allons voir la psychothérapie en une suite de trois articles
1/ Définition et caractérisation
2/ Les psychothérapies de soutien
3. Les psychothérapies dynamiques (analytiques)
[size=32]1/ Définition et caractérisation[/size]
Il existe plusieurs méthodes psychotérapiques mais, comme le nom l’indique, pour prétendre à la qualité de « psycho - thérapie », il faut obligatoirement que le procédé employé agisse sur le psychisme dans un but thérapeutique. Si ce n’est pas le cas, il ne s’agit pas de psychothérapie.
1/ La spécificité de la psychothérapie
Définition de départ
Une psychothérapie est une pratique qui a pour objet le psychisme individuel et qui se donne les moyens techniques pour agir directrement sur lui ou sur ses effets dans les conduites. Elle trouve sa légitimité si la technique est intégrée à l'ensemble de la connaissance sur le psychisme, y compris dans ses organisations pathologiques. La pratique psychothérapique se différencie de toutes les pratiques normatives, rééducatives, ou d'inspiration religieuse. Elle ne vise pas à normaliser, ni à endoctriner.
La pratique psychothérapique se fonde sur l’existence d’une relation interpersonnelle au travers de laquelle une mobilisation du psychisme est possible. Une telle entreprise s'effectue dans des conditions précises et elle a pour but d'amener une meilleure santé psychique. Elle produit un remodelage au niveau des investissements affectivo-relationnel et au niveau du fonctionnement cognitivo-représentationnel.
Les moyens
Les façons d’intervenir passent toutes par l’expression et la communication sur le mode verbal, imagée, ou gestuelle, c'est-à-dire toutes les formes élaborées de productions signifiantes.
La conversation en face à face est la manière de procéder plus courante et la plus facile à mettre en œuvre. D'un point de vue pratique cela se traduit par des consultations régulières une fois par semaine, par exemple. L'art-thérapie, la musicothérapie, la relaxation, etc., utilisant un média autre que le langage, peuvent avoir une dimension psychothérapique selon la personne qui les pratiquent. Enfin, chacun connaît la technique divan-fauteuil de la cure psychanalytique classique.
Ce qui importe surtout, c’est l’utilisation du procédé approprié, c’est-à-dire de celui qui est le mieux adapté au cas du patient. Aucun procédé ne peut être « le bon » pour tout le monde. La technique ne peut pas être le même pour un enfant ou un adulte, ni pour traiter une névrose anxio-phobiqiue ou pour traiter des symptômes psychosomatiques. Le praticien doit adapter la technique au cas ( l’inverse n’étant pas possible).
Le langage verbal reste le média le plus pratique et le plus délié. Cela étant dit, le média compte moins que la capacité du psychothérapeute, c’est à dire sa connaissance du psychisme, de la psychopathologie, des procédés psychothérapeutiques, et enfin de la connaissance qu’il a de lui-même pour contrôler ses réactions et ses mouvements contre-transférentiels.
La conduite du traitement dépend de l’organisation psychique du sujet et varie donc considérablement selon sa personnalité. Nous voudrions insister sur cette différence. Il y a peu à voir entre la cure du névrosé, la psychothérapie du psychotique et celle de l’état-limite. Il existe aussi des contre-indications à poser pour éviter les échecs, ou pire, les erreurs dommageables pour le patient.
2/ Les conditions de la pratique psychothérapique
Pour avoir les effets désirés la psychothérapie implique le respect d'un cadre qui comporte obligatoirement la règle d'abstinence. Il est nécessaire pour laisser la place au déroulement de la psychothérapie, que le thérapeute n'intervienne pas directement dans la vie du patient, ce qui signifie l'interdiction de toute relation sexuelle, amoureuse entre le thérapeute et son patient ou de tout rapport direct, familial ou professionnel. Les pratiques qui ne respectent pas cette règle ne sont pas efficaces car l'interférence entre la vie concrète et la cure rend le processus psychothérapique impossible ou aléatoire.
La thérapeutique n'implique pas seulement une connaissance mais aussi une action au sens d’interventions amenant des modifications du psychisme. Cette action du praticien consiste dans le maniement du transfert, les interventions et les interprétations verbales qui vont avoir des effets représentationnels. Seules des interventions pertinentes, diligentées à partir d'une bonne connaissance de la situation, peuvent avoir un effet thérapeutique. Ce travail demande l'apprentissage d’une technique qui est une manière d'appliquer la connaissance.
L'apprentissage de la technique est long et se fait après des études supérieures ayant amené les bases nécessaires. Il implique dans un premier temps l'acquisition de connaissances et d'une capacité technique qui se forge par l’expérience. De plus, la psychothérapie exige une maturité personnelle, obtenue par un travail sur soi éclairé d'une large fréquentation de l’humain. Vérité, profondeur, authenticité sont, à notre avis, la base de la relation thérapeutique.
La clinique et la pratique thérapeutique sont particulières, car le praticien est sollicité à titre personnel. Cela implique une réflexivité qui passe avant tout par sa propre analyse. Il faut s'être dépris des illusions intersubjectives, des normes sociales et des tendances projectives-attributives qui masquent la réalité psychique. Cela implique une réflexivité qui passe avant tout par sa propre analyse. Ceci est bien plus important que l'apprentissage d'une technique quelconque.
Le contre-transfert est l'obstacle majeur à la mise en œuvre de la technique. Cet obstacle est insurmontable spontanément, car il est inconscient au sens clinique du terme. Il échappe à la perception (à la conscience) et reste donc totalement méconnu sans un travail personnel préalable (psychanalyse personnelle) et continu (contrôle, supervision). C’est un obstacle majeur en ce qu'il contamine les faits, les fausse et produit des illusions. Il peut aboutir à des catastrophes traumatisantes pour le patient.
3/ Ces considérations permettent la définition suivante
Le traitement psychothérapeutique est une pratique de la relation humaine qui s'effectue dans un cadre précis. Cette pratique permet une mobilisation du psychisme faite dans une visée thérapeutique. Cette transformation du fonctionnement psychique, qui concerne les structures, instances et processus, se fait progressivement grâce à un travail dont le transfert et le remodelage cognitivo-représentationnel sont les moyens essentiels. Parfois le traitement se limite à un soutien et à une élucidation des problématiques relationnelles qui sont la conséquence du fonctionnement psychique.
La pratique de la psychothérapie implique nécessairement une connaissance de la psychopathologie, un savoir-faire clinique qui donne l’éclairage indispensable à la conduite du traitement. Le praticien doit de posséder une technique complexe et faire preuve d'uen distance et d'une réflexivité constante eu égard à lui-même pour se déprendre des illusions intersubjectives. La pratique psychothérapique est un art difficile intimement soudé à l’ensemble de la connaissance du psychisme humain.
La psychothérapie ne peut se réduire à une technique. Les « thérapies » consistant en une application de techniques isolées de la connaissance globale du psychisme humain ne sont pas des psychothérapies. Ce sont des pratiques inutiles, des simulacres faits par des personnes naïves ou peu scrupuleuses.
Ces considérations conditionnent notre présentation qui délaissera les très nombreux procédés proposés. Nous nous attacherons, tout au contraire, à exposer les connaissances et les principes à suivre pour mener à bien une psychothérapie, ces principes pouvant faire l’objet de divers aménagements selon la nécessité du cas et à la demande formulée par le patient.
Nous verrons les psychothérapies généralistes de soutien qui visent une amélioration au quotidien par la résolution de problèmes et les conseils, auxquelles on peut adjoindre des techniques particulières. Nous finirons par les psychothérapies psychanalytiques (ou dynamiques) qui cherchent à produire une modification du psychisme en profondeur. Nous montrerons les inflexions qu’elles doivent prendre pour s’adapter à la personnalité du sujet.
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