ognition et représentation
Partie I
À l'origine de la pensée
D'où viennent la pensée, le langage, l'intelligence et, par extension, l'immense production culturelle de l'homme ? Nous allons faire une proposition concernant les capacités intellectuelles humaines en nous interrogeant sur la manière dont elles peuvent émerger.
JUIGNET Patrick. A l'origine de la pensée. Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com
PLAN DE L'ARTICLE
- 1. Une pluralité d'approches
- 2. Un remaniement épistémique préalable
- 3. L’hypothèse proposée
- 4. La situation du niveau considéré
- 5. Trouver un nom
- 6. Conclusion
1. Une pluralité d'approches
Il y a à la fois une polysémie langagière et un flou conceptuel concernant la catégorisation des faits à considérer dans le vaste domaine de l'intellect. Lorsqu’on veut caractériser un fait de ce type, on ne sait comment dire : est-il mental, spirituel, sémantique, sensé, représentatif, cognitif, psychologique, psychique, intellectuel, intelligent, raisonnable, symbolique, idéel, eidétique, propositionnel, phrastique, etc. ?
Les diverses dénominations correspondent à des divisions universitaires telles que philosophie, psychologie, anthropologie, linguistique, ou des écoles de pensée telles que psychanalyse, cognitivisme, phénoménologie, philosophie de l'esprit, etc. Ces orientations ne s’accordent guère les unes avec les autres et divisent le champ concerné en domaines de recherche séparés.
À ces divisions, s’ajoute l’opposition idéologique qui traverse et dépasse toutes ces disciplines, celle du matérialisme et du spiritualisme. Les matérialistes dénient à l’esprit une existence vraie et le réduisent à une détermination naturelle de type neurobiologique ; au mieux ils en font une superstructure épiphénoménale de peu de poids. Les spiritualistes prétendent le rapporter à une substance spéciale et transcendante, qui est soit dominante dans le monde, soit juxtaposée à la matière (dualisme).
Nous allons faire une proposition permettant de considérer les choses autrement, mais d'abord voyons sur quels principes s'appuie cette proposition nouvelle.
2. Un remaniement épistémique préalable
Pour comprendre l'hypothèse qui va être avancée, il faut connaître le socle épistémique sur lequel elle se fonde. Il est constitué par les concepts d'organisation, d’émergence, de complexité. Il s'agit d'une ontologie pluraliste explicitée par l’idée d'organisation. Dit plus précisément, cela signifie que ce le réel n’est pas uniforme mais présente divers champs ou niveaux identifiables et que ceux-ci peuvent être expliqués par des différences d’organisation. Ce qui revient à remplacer l’idée de substance par celle d’organisation.
Pour résumer, le réel n'est pas homogène et on peut distinguer dans le monde divers modes d’organisation/intégration, de complexité croissante. Selon les connaissances scientifiques actuelles on peut grossièrement différencier trois régions relativement homogènes : physique, chimique, biologique. Aux différences ontologiques dans le réel correspondent des différences empiriques dans la réalité qui permettent de les identifier.
La relation entre niveaux ou champs contigus peut être comprise sous le concept d'émergence. Il y a, d'une part, une hiérarchie (le mode les plus simple étant nécessaire au plus complexe) et, d'autre part, un ajout à chaque niveau (le mode supérieur ayant des propriétés différentes). On trouvera de plus amples explications dans les articles des rubriques Ontologie, métaphysique, réel et réalité et Complexité, organisation, émergence Cette conception du monde est applicable à l’homme, car l’homme est inclus dans le monde et ne constitue pas une entité à part. Et plus précisément on peut l'appliquer au problème qui nous préoccupe l'origine de la pensée et faire l'hypothèse d'un niveau d'organisation/intégration qui permettrait l'apparition de capacités intellectuelles développées de l'être humain. Une explicitation de la spécificité cognitive humaine est alors possible, sans avoir à supposer de substance spirituelle ou d'idéalité transcendante. C’est dans cette optique que nous situerons notre propos.
3. L’hypothèse proposée
Il faut d'abord rappeler cette évidence que la pensée, l'intelligence, l'imagination dépendent de l’homme, qu'elles sont produites, générées par les individus humains. Selon certains ce n'est pas le cas, elles existeraient ailleurs dans un espace idéal. Nous récusons l'hypothèse idéaliste et pour notre raisonnement nous admettons que la pensée est générée par les êtres humains que nous sommes. Cela étant, il est nécessaire de désigner ce qui, chez chaque individu, le permet. L'homme ne pense pas avec ses pieds, mais l'affirmation banale selon laquelle il ne penserait avec sa tête, ou plus précisément avec son cerveau est insuffisante.
Le système nerveux central de l'homme est organisé selon des degrés ou de complexité croissants. Nous proposons de considérer trois degrés de complexité : le degré ou mode anatomophysiologique, le degré ou mode du traitement de l'information (neurosignalétique), qui est encore mal connu. Mais est suffisant ? Probablement pas et nous verrons pourquoi. Nous faisons donc une hypothèse supplémentaire et nouvelle en proposant de considérer un degré d’organisation supplémentaire qui constituerait un troisième mode d'organisation plus sophistiqué.
Nous supposons que depuis l’organisation neurosignalétique, par un degré de complexification supplémentaire, peut émerger un troisième mode d'organisation permettant un saut qualitatif dans les propriétés. Ses composants se forment, au moment où les éléments codés du signal neurobiologique se mettent en relation par auto-organisation. Il se forge alors des éléments autonomes, possédant des qualités qui leur sont propres. L'ensemble de ces éléments constitue le niveau natif (le plus élémentaire) du niveau considéré, sa forme primitive la plus simple. Nous le nommons psychologique et plus précisément cognitivo-représentationnel, car il a trait à la cognition et la représentation
Cette formation autonome porteuse de différence est ce que l’on appelle émergence, ce qui signifie qu'il y a à la fois une filiation et une différenciation avec le niveau précédent. Par auto-organisation le niveau les éléments psychologique se forment puis, la composition à des degrés supérieurs de complexité se poursuit à partir du premier niveau, formant par réorganisations successives, les diverses strates et systèmes cognitivo-représentationnels. L’ensemble n’est pas uniforme mais possède une unité, au sens où tous ses élément interagissent entre eux et obéissent au même type de détermination.
Selon notre hypothèse, la pensée, le langage, l'intelligence, sont produites par un niveau ou mode d’organisation autonome formé par la complexification du niveau neurobiologique. Ce mode nous le nommons le niveau psychologique ou cognitivo-représentationnel. Il est appelé niveau symbolique par certains.
4. La situation du niveau considéré
Notre hypothèse centrale est que le mode organisationnel constitué par la complexification du niveau neurobiologique-neurosignalétique permet un saut qualitatif dans les propriétés. La nouvelle organisation apparaît au moment où les éléments neurobiologiques se mettent en relation, de telle sorte que cette relation constitue une entité autonome possédant des qualités qui lui sont propres et qui entre en relation avec d'autres entités du même type.
Passé le premier moment constitutif (natif) il se forment diverses strates et systèmes que seule la recherche permettra de théoriser. Sur le plan empirique, le cognitivisme, la psychanalyse, l'épistémologie génétique, ont déjà proposé des modèles. Ils sont certes peu compatibles, mais précisément notre proposition devrait permettre de les homogénéiser. Au vu de son ampleur, il est certain que ce champ n’est pas uniforme et comporte de nombreux types de systèmes indépendants.
الخميس فبراير 18, 2016 10:11 am من طرف سوسية