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Régimes politiques
Platon serait-il toujours d'actualité ?
Nous commencerons par un avertissement afin d'éviter des illusions rétrospectives et l'utilisation anachronique des propos de Platon. La jeunesse de Platon se passa à Athènes au milieu de troubles politiques graves : guerre, alternance entre tyrannie et démocratie. Il vit son maître Socrate mourir, après sa condamnation. Vers la fin de sa vie, il fut fait prisonnier et l'un de ses meilleurs amis fut assassiné. C'est donc un homme qui a une forte expérience de la vie politique. Mais, il ne faut pas oublier que c'est un homme de l'antiquité qui vécut de 427 à 348 av JC : les concepts qu'il emploie et sa manière de voir le monde sont très différents des nôtres. Sa "grille de lecture" de la société appartient à son temps.
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JUIGNET Patrick. Régimes politiques - Platon serait-il toujours d'actualité ?. Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com 1/ Le cadre général de la pensée de Platon
Les idées
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Pour Platon, les idées font partie du monde objectif, elles préexistent à l’homme, et constituent un mode d’être différent du sensible. Les idées sont en soi, éternelles et immuables. L'âme a acquis antérieurement à son entrée dans le corps la connaissance des idées. Elle les a vues en accompagnant les dieux du ciel dans leur course circulaire. Les idées sont dans "un lieu au-delà du ciel ", "sans couleur et sans forme". Elles sont au-delà du monde sensible et même du monde divin. L'idéalisme de Platon est donc un réalisme : les idées (essences des scolastiques) existent réellement, objectivement dans le suprasensible, la partie transcendante et immuable du monde. Le monde sensible, fluctuant et changeant, est une incarnation transitoire et confuse des idées. Selon Platon, les idées ne sont pas dernières, car elles sont multiples et la réalité suprême doit être une, simple et inconditionnée. Ce principe inconditionné ultime est le Bien.
Comment l'homme accède-t-il aux idées ? De même que le sensible n’est pas « inventé » par la sensation mais simplement rencontré, de même l’intelligible est vu par « l’œil de l’âme » (République,VII,533d). Pour l'expliquer, Platon reprend la notion de réminiscence socratique. L'âme par la réflexion découvre des vérités parce qu'elle les possède déjà. Le philosophe s'efforce de retrouver la mémoire des idées présentes dans son âme. Cette réminiscence est difficile. Il faut une éducation philosophique pour accéder aux idées qui est double : il faut se détourner du monde sensible et entraîner notre âme à se souvenir. Dans ce dessein, il faut d’abord ramener la multiplicité des sensations confuses à une unité et simplicité. Le travail intellectuel à effectuer ensuite est double : d'abord de type mathématique des hypothèses vers les conclusions, puis dialectique, qui remonte des hypothèses vers leurs principes (idées) et jusqu'au Bien, si le philosophe en est capable.
Chez Platon, l’homme est divisé en un corps et une âme. L'âme a trois parties : la raison permettant du savoir et l’intelligence, le courage permettant l'affrontement la lutte, l'appétit sensuel, dirigeant la nutrition, la reproduction, la conservation. Pour Platon, si tous les hommes ont une âme tripartite, il existe des inégalités dans la répartition de ces attributs : certains sont dominés par la recherche de la gloire, d’autres par leurs talents domestiques et, d’autres enfin par leurs capacités à raisonner justement.
Sa sociologie est calquée sur l'organisation sociale de l'antiquité. La population est divisée en deux classes bien distinctes : les esclaves et les hommes libres. Parmi ces derniers on trouve le peuple et les dirigeants. Sa conception sociopolitique se fonde sur une correspondance entre l'homme et la société. À la domination d'une partie de l'âme correspond une catégorie sociale. Si l'appétit sensuel est le plus fort il forge un homme du peuple (paysans, artisan et commerçants qui excellent dans la vie domestique). L'âme dominée par la force et le courage formera les guerriers, chargés d’assurer la défense. Si la sagesse et le savoir sont au commande de l'âme , ces hommes philosophes seront appelés à former les dirigeants et les magistrats. La séparation des rôles est stricte : les philosophes doivent diriger la cité, les guerriers la défendre et le peuple la nourrir. Les esclaves ne comptent pas.