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Le réductionnisme appliqué aux sciences de l'homme
Le réductionnisme veut ramener le complexe au simple. Nous allons voir les effets néfastes de ce principe. Les errements provoqués par le réductionnisme concernent principalement les sciences humaines et sociales, les autres sciences empiriques comme la physique, la chimie et la biologie, en sont beaucoup moins affectées.
JUIGNET Patrick. Le réductionnisme appliqué aux sciences de l'homme. Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences.com
- PLAN
- 1/ Un principe de base étrange
- 2/ Une réduction imparfaite
- 3/ Une auto invalidation permanente
- 4/ Des franchissements intempestifs
- 5/ Une négation des différences
- 6/ Une rhétorique tendancieuse
- 7/ L’utilisation d’analogies abusives
- 8/ Conclusion
1/ Un principe de base étrange
De nos jours, le réductionnisme s’inscrit dans la démarche de naturalisation de l’homme, très en vogue. Depuis le XVIIe siècle, s’est forgée une opposition devenue classique entre la nature et la culture, le corps et l’esprit, la substance matérielle et la substance spirituelle. L’esprit qui est le propre de l’homme permet la pensée et la culture. La nature est extérieure à l’homme ou se retrouve en l’homme dans le corps. D’où finalement l’opposition fondamentale des deux substances l’une matérielle, pour la nature, et l’autre spirituelle, pour l’esprit.
Deux possibilités s'offrent, vis à vis de cette opposition : on peut l'accepter ou la récuser, de même que le dualisme qu’elle engendre. Si cette opposition est injustifiée il n’y a pas lieu de la reprendre. Ce qui est curieux dans le processus de naturalisation de l’homme, c’est de partir de l’opposition pour résorber l’un des termes dans l’autre, c’est-à-dire résorber l’esprit, la culture, et l’homme dans la nature et, finalement, dans la matière.
Voyons le raisonnement concernant la naturalisation de l’esprit. Si on admet l’existence de l’esprit, il est hors de la nature, puisqu’il se définit par opposition à la nature. Il est donc difficile d’intégrer quelque chose qui se définit comme extérieur. Si on n’admet pas l’esprit, il ne peut y avoir de naturalisation de quelque chose qui n’existe pas. La conclusion est que s’il existe, l’esprit ne peut être naturalisé et s’il n’existe pas, évidemment non plus. Le paralogisme de la "naturalisation de l'esprit" apparaît d’évidence.
Pour éviter ce paralogisme, il existe une autre manière de penser, plus simple, consistant à récuser d’emblée la distinction esprit/nature. C’est tout à fait possible, puisqu’il s’agit d’une distinction ontologique a priori, qui ne se retrouve pas dans les faits de manière irréfutable. On est en droit de considérer a priori le monde de manière continuiste nuancée (un monde continu mais diversifié). Au sein de ce monde continu apparaissent alors, à qui veut le voir, des domaines empiriques qualitativement différents.
Ce monde unique et continu n’est pas homogène. Essayons maintenant de considérer les différents champs existant dans ce monde considéré comme un ensemble continu mais non homogène. L’un d’entre eux, assez vaste, correspond à l’activité de pensée de l’homme avec ses conséquences culturelles, sociales et relationnelles. C’est l’aspect factuel de ce qui est nommé esprit par les dualistes. Récuser le dualisme n'implique pas de nier les faits.
Or, c’est ce que récusent les naturalistes. Il leur faut donc entrer dans une démarche de réduction qui aboutit à la négation de cette partie du monde. La naturalisation-réduction de ce domaine consiste à le ramener à un autre champ, le champ biologique. La démarche de réduction cherche à remplacer un champ par un autre jugé plus légitime. L’inconvénient, ce sont les pertes considérables occasionnées au passage. Il existe, là aussi, une autre manière de penser. On pourrait supposer que se dégage là un champ empirique d’étude possible ayant une autonomie ontologique relative.