Le terme de néo-libéralisme désigne le renouvellement des thèses économiques libérales à partir de la fin des années 1970.
Les théories économiques libérales s'étaient d'abord développées à l'intérieur de l'économie politique classique, dont les figures de proue furent Adam Smith et David Ricardo. Elles ont été prolongées tout au long du XXe siècle au sein du courant néo-classique. Dès son origine, ce courant est composé de nombreuses écoles. Les trois plus importantes sont : l'école de Lausanne, fondée par Léon Walras, l'école autrichienne, fondée par Karl Menger, et l'école anglaise, fondée par William Stanley Jevons. Au-delà des nuances non négligeables qui les caractérisent, le dénominateur commun des approches néo-classiques est de représenter le monde comme une somme de marchés interdépendants sur lesquels des agents économiques rationnels effectuent leurs calculs compte tenu de l'information dont ils disposent, celle-ci étant plus ou moins parfaite et véhiculée par le système de prix.
Les renouvellements de la théorie libérale se sont attachés à développer certains domaines de la théorie traditionnelle, ou à compléter les zones d'ombre laissées par les premiers libéraux néo-classiques dont les représentations manquaient souvent de réalisme. L'objectif des nouvelles théories est en premier lieu positif ; il vise à améliorer le caractère opérationnel de la théorie, c'est-à-dire à lui permettre de rendre compte de phénomènes observables non intégrés jusqu'alors dans les représentations théoriques. L'ambition est en deuxième lieu normative ; elle veut fournir les recommandations de politique économique jugées nécessaires pour enrayer le chômage et l'inflationcaractéristiques des années 1970.
Les thèses néo-libérales ont, en large partie, inspiré les politiques économiques appliquées par la plupart des pays occidentaux durant les deux dernières décennies du XXe siècle. Ces politiques ont elles-mêmes contribué à dessiner les contours des régimes de croissance économique qui caractérisent l'économie mondiale actuelle.
[size=22]1. Les théories néo-libérales
Les théories néo-libérales ne constituent pas un ensemble parfaitement cohérent. Quatre courants, ayant exercé une influence particulière sur les politiques économiques pratiquées durant les années 1980 et 1990, peuvent être répertoriés. L'économie de l'offre (
supply-side economics) a voulu développer une théorie de la dépense publique et du taux d'imposition optimal. Le monétarisme s'est focalisé sur les normes de croissance de la masse monétaire. Le courant néo-walrasien a tenté d'expliquer la persistance de rigidités de salaire et de prix sur les marchés. Le courant néo-institutionnaliste a cherché à produire une théorie générale des institutions ou structures de gouvernance observables dans l'économie.
• L'économie de l'offre
L'économie de l'offre veut montrer que la part croissante prise par l'État dans l'économie compromet inévitablement le dynamisme économique. Cette omniprésence de l'État se manifeste par le poids des dépenses publiques dans le P.I.B., dont le caractère excessif est susceptible de produire deux effets pervers.
Critique de l'interventionnisme étatique
Le premier effet produit par la prise en charge de l'État est un effet d'éviction. Les dépenses et investissements publics ont tendance à remplacer les dépenses et investissements privés, dont l'efficacité est supposée meilleure car elle est guidée par l'incitation sélective, inhérente à la concurrence sur les marchés.
Le deuxième effet de l'accroissement des dépenses publiques est qu'elles tendent à augmenter indéfiniment le besoin de financement de l'État et se traduisent, au final, par un alourdissement continu de la ponction fiscale.
L'augmentation des impôts entraîne elle-même trois conséquences. D'abord, elle diminue l'incitation à travailler et à investir, ce qui laisse craindre un ralentissement de l'activité économique et de la croissance. Ensuite, elle favorise l'extension du travail au noir, qui échappe au fisc, ou encore l'évasion des hauts revenus vers des zones à fiscalité avantageuse. Enfin, les sources de l'épargne privée risquent de se tarir si la fiscalité sur le capital est trop lourde. L'insuffisance d'épargne raréfie alors le capital, ce qui en renchérit le coût ; les
taux d'intérêt sont poussés à la hausse.
Dans tous les cas, il s'ensuit mécaniquement une baisse des recettes fiscales, soit que le nombre de contributeurs s'amenuise en raison d'une croissance économique ralentie, soit que ces derniers échappent à l'imposition. Cette baisse des recettes entretient elle-même, mécaniquement, une pression à la hausse du taux de prélèvement obligatoire, si la part des dépenses publiques continue de croître.
Taux optimal d'imposition
La courbe en cloche élaborée par Arthur
Laffer est désormais célèbre. Elle rapproche le taux d'imposition (en abscisse) avec le montant des rentrées fiscales (en ordonnée). Elle entend signifier qu'il existe un taux d'imposition optimal, donné par les coordonnées en abscisse du point correspondant avec le sommet de la courbe. Ce taux est celui qui se révèle compatible, à la fois avec l'
investissement et avec les rentrées fiscales les plus fortes.
DessinCourbe de Laffer, 2La courbe de Laffer relie le taux moyen d'imposition au produit de l'impôt. Lorsque le taux d'imposition s'élève, les recettes augmentent, mais de moins en moins vite, jusqu'au niveau d'imposition optimal t* pour lequel la recette fiscale est maximale. Au-delà t*, les recettes fiscales décroissent,… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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Si l'économie se situe sur la pente descendante de la courbe, cela signifie que le taux d'imposition est trop élevé. L'investissement s'en trouve découragé, le travail au noir et l'évasion des capitaux favorisés, ce qui contribue à ralentir encore la croissance et donc les recettes fiscales. De même, si l'on considère que les anticipations des agents sont « rationnelles », qu'il prévoient les conséquences des mesures de politique économiques, toute augmentation des dépenses publiques suscitera une désincitation au travail car les agents anticipent un futur alourdissement des prélèvements.
Pour les économistes de l'offre, la condition nécessaire pour relancer la croissance est de réduire les dépenses publiques. Cette mesure permet d'abaisser le taux d'imposition jusqu'à ce taux optimal capable d'encourager l'épargne et l'incitation au travail et de provoquer une reprise de l'investissement privé.
Réforme fiscale
La réforme fiscale proposée repose sur une idée-force. Cette dernière consiste à réduire, voire à supprimer la progressivité de l'
impôt. La progressivité de l'impôt signifie que la contribution fiscale d'une personne physique s'élève proportionnellement à mesure que son revenu augmente. Par exemple, des tranches marginales faibles pour les bas revenus, et fortes pour les hauts revenus, témoigneraient d'une forte progressivité. Dans une perspective keynésienne, la progressivité de l'impôt est justifiée par son caractère redistributif, qui permet de drainer des flux de revenus qui auraient entretenu une épargne « oisive » vers l'investissement public ou vers les classes dont la propension à consommer est forte et dont les dépenses alimenteront le circuit économique. Pour les libéraux au contraire, les hauts revenus sont perçus comme la récompense du talent individuel et une gratification méritée de l'initiative privée. À ceux qui invoquent l'injustice ou l'iniquité, les économistes de l'offre répondent que la réduction de la progressivité de l'impôt ne peut, au final, que bénéficier à la communauté dans son ensemble. Les bénéficiaires de hauts revenus sont en effet ceux qui entreprennent et créent des richesses au bénéfice de tous, notamment en termes de créations d'emploi. Enfin, la condition
sine qua non de l'investissement est la présence d'une épargne préalable, dont l'abondance réduit la rareté du capital et donc son coût, c'est-à-dire le taux d'intérêt. Il est donc irrationnel, dans cette perspective, de taxer les revenus dont la propension à épargner est forte.
La réforme fiscale radicale préconisée par les économistes de l'offre consiste à instaurer une
flat tax, c'est-à-dire un taux d'imposition unique et réduit (estimé à 7 p. 100 aux États-Unis) pour tous les revenus, sur la base d'une assiette élargie. Dans les faits, les réformes libérales effectivement
mises en œuvre au cours des années 1980 et 1990 aux États-Unis et en
Europe ont réduit le nombre de tranches d'imposition et leur taux marginal, diminuant ainsi la progressivité de l'impôt, tout en allégeant la fiscalité des sociétés.
• Le monétarisme
Le monétarisme est la version moderne de la « théorie quantitative de la monnaie » de
Irving Fisher (1867-1947), elle est fondatrice du point de vue libéral sur la monnaie. Cette théorie quantitative postule que la monnaie est neutre, c'est-à-dire que la variation de la masse monétaire n'exerce aucune influence sur la production et l'emploi.
Le postulat quantitativiste
Cette théorie opère une dichotomie entre la sphère monétaire et la sphère réelle. La production et l'emploi sont des grandeurs réelles qui ne dépendent que de leurs déterminants réels, et en premier lieu du prix relatif des biens échangés : un agent économique n'a aucune raison de demander un bien en quantité supplémentaire si son prix par rapport aux autres biens ne diminue pas. Dans la sphère réelle, ce sont des utilités marginales, exprimées en prix relatifs, qui règlent les échanges de biens et de services entre les agents. La monnaie ne sert que d'unité de compte. Elle n'exerce d'influence que sur le niveau général des prix et en aucun cas sur la structure des prix relatifs, celle à partir de laquelle les agents effectuent leurs calculs.
En transposant ce raisonnement sur le
marché du travail, on en déduit que le niveau de l'emploi ne dépend que du coût réel du travail par rapport au coût du capital (les deux facteurs entrant dans la combinaison productive). Si ce coût relatif ne varie pas, l'économie se fixe spontanément sur le long terme à sa position d'équilibre. L'emploi ne peut augmenter (sous certaines conditions) que si le coût relatif du travail diminue par rapport au coût du capital. L'injection de monnaie n'exerce aucun effet sur le coût relatif des facteurs et donc sur l'emploi. Elle ne produit que des effets inflationnistes. D'où le théorème de Fisher : toute injection de monnaie exerce un effet nul sur la production mais un effet proportionnel sur le niveau général des prix.
Les versions néo-quantitativistes de la neutralité de la monnaie
Les théories monétaristes constituent le courant ayant eu l'influence la plus forte, tant sur le plan académique que sur le plan politique. Elles ont pour ambition d'actualiser la thèse quantitativiste traditionnelle tout en maintenant les propriétés des modèles néo-classiques, et en particulier l'hypothèse d'une neutralité de long terme de la monnaie. Au plan normatif, elles cherchent à démontrer l'inefficacité des politiques keynésiennes d'action par la demande globale. Celles-ci, pour avoir accru démesurément la quantité de monnaie en circulation (notamment en maintenant des taux d'intérêt réel négatifs ou en finançant les dépenses publiques par création monétaire) et alourdi le coût du travail, sont rendues responsables du chômage et de l'inflation caractéristiques des années 1970. Pour défaire rigoureusement les thèses keynésiennes, les monétaristes se devaient de fournir une explication à la corrélation, constatée durant les Trente Glorieuses, entre l'accroissement de la masse monétaire (consécutive à l'exécution des politiques keynésiennes de relance de la demande) et la croissance de l'emploi. Autrement dit, il fallait expliquer comment la monnaie, malgré sa neutralité de long terme, pouvait à court terme pénétrer la sphère réelle.
L'article de
Milton Friedman The Role of Monetary Policy, publié en 1968, constitue une référence centrale. Le célèbre économiste de l'
université de
Chicago introduit certaines hypothèses essentielles qui seront ensuite longuement reprises et discutées dans la communauté des économistes, notamment par le courant dit des « nouveaux classiques ».
La première hypothèse est l'hypothèse du taux de chômage naturel (encore appelé chômage d'équilibre). Ce taux, défini comme le « taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation », correspond à la position d'équilibre de long terme de l'économie. Il est stable et unique : il n'a aucune raison de bouger tant que la structure des prix et coûts relatifs ne se modifie pas dans l'économie.
La deuxième hypothèse porte sur les anticipations des agents ; elle concerne plus exactement les anticipations des travailleurs. Friedman développe sur ce point l'hypothèse d'anticipations adaptatives : contrairement aux entreprises, les ménages anticipent imparfaitement les effets d'une variation de la masse monétaire. Les entreprises savent que toute politique d'expansion monétaire (une baisse des taux d'intérêt par exemple) induit une augmentation proportionnelle du niveau général des prix, ce qu'ignorent les salariés. Ces derniers formulent leurs revendications salariales de façon adaptative, compte tenu de l'inflation (plus faible que l'inflation courante) constatée durant la période précédente. Les travailleurs pensent avoir obtenu une augmentation de salaire, alors qu'ils sont victimes d'une illusion monétaire : l'augmentation du salaire nominal est plus faible que l'inflation courante. Il en résulte une baisse du coût relatif réel du travail (le salaire réel) par rapport au coût du capital. Les entreprises sont donc incitées à accroître le niveau de l'embauche, ce qui réduit le taux de chômage effectif en dessous de son taux « naturel ». Les politiques d'expansion monétaire ne peuvent fonctionner qu'en présence d'erreur d'anticipation des salariés. Ces derniers, ne percevant pas tout de suite qu'elles sont inflationnistes, ne réclament pas immédiatement l'indexation des salaires sur les prix. Le salaire réel baisse alors temporairement, provoquant l'embauche des entreprises. Mais au final, les salariés finiront par réclamer une indexation des salaires sur les prix effectifs. Le salaire réel retrouvera son niveau initial, engendrant un retour du taux de chômage à son taux « naturel » pour un niveau d'inflation supérieur. Les gouvernements peuvent certes tenter de maintenir le taux de chômage effectif en dessous de son taux naturel sur une succession de courts termes, mais cela ne peut se faire qu'au prix d'une accélération de l'inflation, sans effet au final sur l'emploi. C'est ce processus, enclenché par le « laxisme monétaire » des politiques keynésiennes des années 1960, qui expliquerait l'emballement inflationniste constaté durant les années 1970.[/size]
السبت فبراير 13, 2016 2:20 pm من طرف فدوى