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فدوى
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فدوى


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13022016
مُساهمةRAISON D'ÉTAT

Notion ancienne de la tradition politique des Occidentaux. Le terme se trouve déjà chezCicéron (consul en ~ 63), ratio reipublicae. D'autres expressions ou maximes, souvent empruntées au droit romain (utilité publique, raison de l'Empire, nécessité n'a pas de loi), furent les conducteurs du concept chez les juristes du Moyen Âge, dont les analyses raffinées ont préparé des théories plus modernes, inséparables du nom de Machiaveldepuis le XVIe siècle. En son sens actuel, hérité de l'expérience des États libéraux du XVIIIeau XXe siècle (système baptisé « État de droit » par la philosophie allemande), la raison d'État englobe les diverses espèces d'illégalités commises au nom des États souverains et contre lesquelles il n'existe aucune protection, sauf à contester ces pratiques par des moyens non juridiques. La liste des cas politiques ainsi soustraits aux règles de droit par ailleurs reconnues comme contraignantes ne peut être établie, chaque État s'érigeant en maître absolu pour décider d'user ou non d'une prérogative aussi dangereuse pour les libertés, cependant restreinte par les usages et la pression des opinions publiques. La raison d'État justifie les parodies de justice ; elle couvre encore, ici et là dans le monde, la pratique de la torture, théoriquement abolie partout (Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par l'Organisation des Nations unies en 1948, art. 5) ; elle fonde l'argumentation des États lorsqu'ils estiment inopportun de porter tel différend particulier devant les juridictions internationales, dont ils admettent pourtant la compétence. Il subsiste donc une large zone politique, extensible selon les intérêts en cause et les circonstances, dans laquelle les États se comportent d'après le modèle absolutiste, en dépit de l'idéologie proclamant le respect du droit. Cette réalité est aujourd'hui marquée par l'apparentlibéralisme des États, de sorte qu'il n'existe plus à proprement parler une théorie de la raison d'État, concept renié ou tenu pour périmé. Au contraire, les Anciens évoquaient volontiers sous ce terme la force brutale et le banditisme par lesquels se fondent tant d'établissements politiques (cf. la fameuse allusion de saint Augustin, reprise par les médiévaux : « Sans la justice, les royaumes ne sont rien d'autre que des brigandages »).
Les doctrines classiques ont évolué en deux temps. Le Moyen Âge a cherché dans l'idée de raison d'État l'outil logique permettant de faire prévaloir un ordre politique surmontant les classifications féodales. La science découvre alors ce concept, capable d'assimiler des groupes atomisés, dans des structures préfigurant les nationalismes modernes, à travers les notions d'Église, d'empire, de royaume. Chacune de ces notions définit, selon les juristes scolastiques, une personne fictive (persona ficta) à laquelle sont attribuées la volonté d'exprimer le droit et la puissance de commandement par l'intermédiaire de monarques (papes, empereurs, rois), chacun étant qualifié de loi vivante (lex animata). Cet anthropomorphisme transcrit une théorie du pouvoir, appuyée sur la philosophie aristotélicienne, la théologie et le droit romain ; il devait conduire à mettre en accord la rationalité et les exigences politiques des grandes institutions. L'État, dans cette perspective, et suivant une exégèse du terme latin status, désigne l'ensemble des prérogatives reconnues à l'Église, à l'empire, au royaume et, d'après la tradition romaine, la balance des droits penche du côté du pouvoir (« ce qui a plu à l'empereur a force de loi », « le pape sait tout dans son cœur », « le roi empereur en son royaume »). La raison d'État, en ce sens primitif, définissait la souveraineté, antinomique du système féodal.
La Renaissance et l'Ancien Régime ont modernisé la théorie, sans la changer radicalement. Les États nationaux devenus systèmes de pouvoirs surclassant la féodalité, Machiavel exposa crûment, dans son ouvrage Le Prince (1513-1521), que la politique est affaire d'intérêts, non de morale ; le souverain doit avoir « l'entendement prêt à tourner selon que le vent et changement de fortune lui commandera, et ne s'éloigner pas du bien, s'il peut, mais savoir entrer au mal, s'il y a nécessité ». Appuyée sur l'expérience constante et non plus sur les concepts de l'ancienne casuistique, la raison d'État prit alors le sens d'une notion ersatz de l'absolutisme pratiqué méthodiquement par les monarchies européennes d'Ancien Régime. Machiavel, que Voltaire appelait « ce monstre ingénieux et politique », disait la vérité, apprise par lui soit comme fonctionnaire de Florence, soit en prison où il avait subi la torture. Les grands politiciens modernes, tels que Richelieu,Louis XIV et les « despotes éclairés » du XVIIIe siècle (Frédéric II de Prusse, Catherine de Russie), ont illustré ces vues réalistes ; à la même époque, les théoriciens du droit public (Grotius, Hobbes, Courtilz de Sandras), avec des nuances nombreuses, mirent les doctrines juridiques à l'unisson, tirant les conséquences pratiques du dogme de la raison d'État. Les nouvelles théories provoquèrent par ricochet un réexamen du concept de liberté et aboutirent à définir, par le biais du droit administratif, des contrepoids à l'absolutisme ; la raison d'État pouvait, dès lors, signifier aussi la rationalité de l'État, administrant le bonheur des citoyens (ministrare felicitatem) par sa bureaucratie.
Pierre LEGENDRE
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