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فدوى
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13022016
مُساهمةAffirmation

Affirmation

La pensée de Lévi-Strauss commence de s'imposer, pour un cercle restreint de spécialistes, avec la publication en 1949 des Structures élémentaires de la parenté, et, un an plus tard, pour un public plus large, avec celle de l'« Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss », sur laquelle s'ouvre le recueil Sociologie et anthropologie. De l'« Introduction », on retient principalement, dans la visée d'un dépassement de l'apport théorique de Mauss, dont l'importance est soulignée avec force, un rappel de la conception de l'échange venue des Structures, et, dans le sillage d'une réflexion sur les rapports entre connaissance et symbolisme, la conception d'un « signifiant flottant » propre à rendre compte de l'écart existant entre l'« intégralité du signifiant » et les signifiés. Nous sommes déjà là au cœur de la conception lévi-straussienne de la relation de l'esprit humain à ce qui est proposé à son investigation, et, plus largement, de la place de l'homme dans le monde, conçue de telle manière que l'opposition entre nature et culture, qui est au principe de l'émergence des faits de civilisation, n'oblitère pas le fait fondamental de l'immersion de l'espèce humaine dans l'ensemble des espèces vivantes et de leur environnement naturel.
Le passage du structuralisme de la scène scientifique à ce qu'il est convenu d'appeler la scène intellectuelle s'opère pour l'essentiel dans les années 1955-1960 ; n'oublions cependant pas la publication en 1952 de Race et histoire, texte dans lequel Lévi-Strauss entreprend de « réconcilier la notion de progrès et le relativisme culturel », et la parution, trois ans plus tard, de l'article intitulé « Diogène couché », roborative réponse qu'appellent à ce propos les critiques occidentalo-centriques de Roger Caillois. Paraissent alors Tristes Tropiques (1955), Anthropologie structurale (1958), le texte de la leçon inaugurale au Collège de France (1960), repris dans Anthropologie structurale II, ainsi qu'un article de Jean Pouillon promis à une belle postérité, « L'œuvre de Claude Lévi-Strauss », publié dans les Temps modernes (1956), repris en annexe aux deux rééditions de Race et histoire. Nous sommes là à l'orée de la « belle époque » du structuralisme fourre-tout, que François Dosse, dans son exhaustive Histoire du structuralisme (1991-1992), situe dans les années 1963-1966. En 1962 ont paru Le Totémisme aujourd'hui et La Pensée sauvage, qui accompagnent une réorientation des recherches de Lévi-Strauss vers l'analyse des mythes, tôt annoncée par l'article-programme « La structure des mythes », paru en 1955 pour l'original anglais, et qui fait l'objet d'une première mise en œuvre exemplaire en 1959 avec « La geste d'Asdiwal », repris dans Anthropologie structurale II. La monumentale entreprise des Mythologiques est inaugurée par la sortie en 1964 du premier des quatre volumes de la série (1964-1971) : Le Cru et le Cuit, dont le titre, à travers l'analyse d'un corpus de mythes sud-amérindiens, emblématise le passage évoqué plus haut de la nature à la culture par la médiation de la cuisson des aliments.
De la supposée belle époque – plutôt singulière aux yeux des anthropologues, qui n'en sont que marginalement partie prenante –, rappelons les principaux repères : les numéros spéciaux d'Esprit (1963, 1967), de l'Arc (1965), des Temps modernes (1966), de jeunes revues philosophiques comme Aletheia, les Cahiers de philosophie ou les Cahiers pour l'analyse (pour ces trois titres : 1966), de publications étrangères comme la revue italienneAut Aut (1965) ou les Yale French Studies (1966). Le structuralisme en anthropologie n'apparaît plus que comme une variante austère, difficile d'accès, en tout cas fort peu « mode », d'un structuralisme à vocation universalisante qui, en ces temps de guerre froide, fait figure, d'un côté, de vision du monde susceptible de damer le pion à unmarxisme fatigué, de l'autre, d'entreprise visant à dénier tout sens à l'histoire. Pour les adversaires du structuralisme généralisé, jouer l'histoire contre la structure, c'est sauver l'homme en risque de dissolution. C'est en juillet 1967 que la Quinzaine littéraire publie le dessin bien connu de Maurice Henry, repris sur les couvertures des deux volumes du livre de Dosse, représentant, assis en demi-cercle, vêtus, ou plutôt dévêtus, « à la sauvage », un Foucault disert, un Barthes attentif, un Lacan (le nœud papillon sur sa poitrine nue) soupçonneux et un Lévi-Strauss suffisamment absorbé par la lecture d'un texte pour qu'on se demande si par hasard la conversation de ses trois compères ne l'ennuierait pas, en quoi, sans le savoir, le dessinateur se fait, à chaud, historien de l'anthropologie.

  Le temps des malentendus

De l'eau a coulé sous les ponts. En 1973, sous le titre d'ensemble « Claude Lévi-Strauss : fin des mythes ou mythe de la fin ? », paraît dans Esprit « Le requiem structuraliste », de Jean-Marie Domenach, et, sous la plume d'un anthropologue de la nouvelle génération, Michel Panoff, un « Lévi-Strauss tel qu'en lui-même... », dont voici les dernières lignes : « Pour qui choisit de devenir ethnologue vers 1955, l'air de la discipline eût été irrespirable sans Lévi-Strauss. Cela ne s'oublie pas. Mais puisque notre maître veut nous entraîner dans la cendre dont il rêve d'emplir le ciel vide, il faut lui dire : „Séparons-nous, il est temps“. » Quatrième volume des MythologiquesL'Homme nu vient de paraître : c'est dans le « Finale » de cet ouvrage que Domenach et Panoff entendent discerner une tonalité crépusculaire. À de très rares exceptions près, on avait célébré l'humanisme deTristes Tropiques. Lecture faite du « Finale », voici maintenant que de divers côtés est portée l'accusation d'antihumanisme contre un Lévi-Strauss qui, tant les dés du débat intellectuel sont pipés, s'en étonne ou s'en amuse plus qu'il ne s'en scandalise : au moins l'altière singularité de sa démarche théorique est-elle reconnue.
Entre la période de l'essor du structuralisme et ces premières tentatives de déconstruction plus ou moins contemptrice à laquelle certains anthropologues prêtent leur concours, se situent les événements de Mai-68. Si ceux-ci ont pu, dans une mesure difficile à apprécier, modifier pour une part la donne intellectuelle en France, on ne saurait sérieusement prétendre que cette hypothétique transformation ait infléchi, voire seulement affecté, le développement de l'activité scientifique en général et de l'activité anthropologique en particulier. Il demeure qu'au sein d'une anthropologie toujours pour une part dominée par l'empirisme, toutes obédiences confondues, on juge alors qu'il n'est que temps, en effet, que le structuralisme passe la main. Le fait autorise à se demander rétrospectivement si les difficultés auxquelles s'est heurtée en France la réception de l'œuvre de Lévi-Strauss, plutôt que d'une libre confrontation de positions théoriques différentes, ne seraient pas nées d'une relative inadéquation de l'entreprise structuraliste au climat intellectuel qui prévalait chez les premiers intéressés, les anthropologues de métier. On peut voir dans ce hiatus l'origine de l'identification du structuralisme à un formalisme, compte tenu de ce que ce dernier mot appelle de vaguement inquiétant, sinon de menaçant, pour une ethnologie obsédée par le « concret ». Cette identification, en France, s'est appuyée sur des considérations aussi diverses que superficielles, mais qui se sont curieusement presque toutes caractérisées par la confusion qu'elles entretenaient entre formalisme et formalisation, de telle sorte qu'un débat qui aurait pu être fructueux a tourné court ; plutôt que de rompre des lances, Lévi-Strauss, à propos de l'imputation de formalisme, a préféré parler de « malentendu ». On notera à cet égard qu'aux États-Unis, on s'est plus justement efforcé de comparer le structuralisme français et le formalisme stricto sensu de la « première » anthropologie cognitive (Scheffler, 1966).
À propos du structuralisme anthropologique des années 1960 et 1970, deux précisions, de nature tout à fait différente, doivent être introduites.

  L'instauration du structuralisme

La première concerne l'existence d'une « école » structuraliste. Pour n'avoir pas acquis aussi nettement qu'on l'imagine parfois la position « dominante » qu'on s'est plu à lui assigner – dans la foulée, on en a fait une théorie « mondaine », au sens évidemment trivial du terme –, le structuralisme ne s'en est pas moins doté d'un solide ancrage institutionnel, qui a dû l'essentiel de son aménagement à la personne de Lévi-Strauss : un enseignement magistral, un séminaire, un laboratoire, une revue et, pendant un temps, un cycle de formation à la recherche. Cependant, si l'engagement structuraliste a utilisé pour une part les voies et moyens qu'offrait ce dispositif, il a procédé aussi et peut-être surtout d'adhésions individuelles à une conception radicalement nouvelle du projet anthropologique, rarement séparables d'un profond attachement à l'homme qui la proposait, mais dont tout indiquait pourtant la répugnance à tenir le rôle d'un maître à penser. En ce sens, le structuralisme a moins été une école que le partage d'une sensibilité, ou encore de ce « langage commun » dont parle Jean Pouillon dans le texte d'une communication faite devant l'Académie des sciences morales et politiques, qui l'invitait en 1983 à parler du « structuralisme aujourd'hui », soit très peu de temps après la dernière année d'enseignement de Lévi-Strauss au Collège de France (1981-1982).
Loin de nous l'idée de proposer une vision subjective, sinon anecdotique, de l'histoire du structuralisme. Il est utile, en revanche, d'évoquer ce qu'a été et n'a pas cessé d'être le structuralisme anthropologique après qu'on eut annoncé la supposée disparition des grandes « théories » ou, comme on s'est complu à le dire, des grandes « idéologies » : une fidélité assortie de quelques certitudes fortes, quoique inégalement intériorisées et assumées, nées d'une inspiration puisée dans une œuvre magistrale. On a cru réduire la portée de l'œuvre en disant de Lévi-Strauss que « c'est en séduisant qu'il convainc » ; mais, outre qu'une pensée qui ne serait pas séduisante risquerait fort de n'être pas convaincante, on oublie que ce qui a d'abord séduit, c'est, dans le contexte de l'anthropologie et plus largement des sciences de l'homme, un discours jusqu'alors et au sens strict du terme inouï.

  Marxisme et structuralisme

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