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 Cliniques 2, Paroles de praticiens en institution, De l’effraction au traumatisme, – par Jean-Luc Vannier

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فدوى
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Cliniques 2, Paroles de praticiens en institution, De l’effraction au traumatisme, Erès, 2011
Cliniques 2, Paroles de praticiens en institution, De l’effraction au traumatisme, – par Jean-Luc Vannier Cliniques2
Après un premier numéro consacré à la « Contenance » et aux « soins psychiques » dont Paradoxa avait rendu-compte dans ses colonnes (https://paradoxa1856.wordpress.com/2011/06/30/cliniques-paroles-de-praticiens-en-institution-par-jean-luc-vannier/), la revue « Cliniques, Paroles de praticiens en institution » confirme dans sa seconde livraison traitant « De l’effraction au traumatisme », l’excellente qualité de ses contributions. Dans sa lettre introductive, Patrick de Saint-Jacob, directeur de la Division « psychiatrie Clinéa », cite la formule de Gilles Deleuze : « ce qui est premier dans la pensée, c’est l’effraction, car une pensée qui ne fait de mal à personne, ni à celui qui pense, ni aux autres est à peine une pensée… ». Au commencement donc, une méditation dénuée de neutralité mais aussi, un insoutenable silence, un regard intrusif, un geste furtif ou une ambiance malsaine sont à même de provoquer cette secousse, ce débordement, cette « effraction des assises identitaires et des repères structurels » de l’être. Et ce, malgré la difficulté à relier fantasme, réalité du trauma et puissance des effets : trahi, le corps souffre mais, culpabilisée, la psyché doute. Une question d’après-coup qui « traverse l’histoire de la psychanalyse depuis ses débuts ».
Un thème particulièrement riche, nourri d’une réflexion clinique au quotidien et illustré par différentes vignettes : symptomatologie hystérique lorsque « le fantasme fait lui-même trauma », vécu traumatique mêlant les chaos générationnels et les identités sexuelles, hémorragie narcissique causée par un cancer engageant le pronostic vital, exil « hors de chez soi » qui « rapproche » étrangement une population de réfugiés et l’avancement de la maladie d’Alzheimer obligeant à quitter son domicile pour vivre dans un « ailleurs » incommunicable.
Parmi des textes d’une remarquable acuité, on relèvera celui portant sur « Effraction pubertaire et ascèses anorexiques, du vécu adolescent à la construction du symptôme » : impressionnante présentation de Garance Belamich et de Charlotte Costantino qui pointent avec clarté l’articulation entre ce trouble de la conduite alimentaire et le trauma, tout en précisant les aspects limites d’un corps « lieu du conflit et moyen de s’en défendre ». On lira également avec attention celui d’Elisabeth Ferreira « De l’annonce à l’installation en unité spécialisée Alzheimer », étude d’une grande sensibilité empathique sur « l’information du patient » susceptible de constituer une désorganisation traumatique. « Comment informer sans effracter ? », s’interroge la clinicienne qui doit, selon la loi, obtenir du futur résident un « consentement libre et éclairé » sur un inévitable changement de lieu : un « ailleurs » impossible à dissocier, dans l’esprit de celui qui en accepte le principe, de nombreux renoncements moïques et de « deuils à vivre » par anticipation.
Dans une approche analytique plus classique, on appréciera deux autres contributions particulièrement fécondes pour la pratique thérapeutique : dans « De Charybde en Scylla », le psychiatre et psychanalyste Roland Havas décrit les formes multiples, inattendues et revêtues par le transfert dans la cure d’une jeune femme victime de séduction paternelle. Séduction mêlant confusément la suggestion et l’acte en puissance, le tout dans un climat incestueux lourd de menaces pour son intégrité physique et psychique. De quoi mettre en lumière ce clivage « qui permet aux enfants maltraités de s’abstraire de leur corps pour survivre dans la performance intellectuelle ». Trauma renforcé par « le désinvestissement du tout-petit par la mère », créant une « surcharge d’excitation que le Moi naissant de l’enfant n’avait pu assimiler ». « Je me revois sur ce divan, assise à côté de mon père », rêve un jour une de mes patientes, proie innocente des attouchements sexuels de son géniteur. Elle précise : « mais ce n’est plus mon corps, il ne m’appartient plus ».
Daniel Irago évoque quant à lui « le demandeur d’asile aux prises avec le dehors et le dedans » : une « clinique du trauma et de l’exil » impossible à séparer de son « contexte politique, social, culturel et événementiel ». Relevant les nombreux cas de patients qui se plaignent d’être « psychiatrisés » en raison des « questions posées qui n’ont pas de sens pour eux », le psychologue et psychanalyste associe librement sur les « rêves blancs » de Richard, demandeur d’un « asile réparateur » pour des violences subies. Et où les logiques antagonistes entre le temps rationnel de l’administration et celui aléatoire du trauma, imposent d’incessantes variations dans l’écoute analytique.
Au final, un ouvrage de presque deux-cents pages d’une notable exigence théorique et clinique. Et, il faut le reconnaître car c’est loin d’être toujours le cas, un livret d’une facture très agréable pour la lecture.
Nice, le 6 décembre 2011
Jean-Luc Vannier
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