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Certains composés présents dans le lait maternel favorisent l’installation de bactéries bénéfiques dans l’intestin du nourrisson. – Ph. prbacterius via Flickr / CC-BY-2.0
Il existe un lien entre allaitement, digestion et défenses immunitaires : c’est le microbiote intestinal, l’ensemble de bactéries qui habitent dans l’intestin.Comme l’expliquent deux biologistes américains
dans la revue Science, les recherches dans ce domaine explosent ces dernières années. Et elles viennent de dévoiler que le lait maternel joue un rôle important sur le développement et l’installation, dans l’organisme du bébé, du microbiote (aussi appelé flore intestinale). Un zoo de milliers de milliards de bactéries, qui pèse… jusqu’à 2 kilos chez un adulte !
Une fois qu’il est formé, c’est à dire que diverses espèces bactériennes se sont installées de manière stable dans l’intestin, le microbiote présente
un profil propre à chaque individu — si bien que chacun de nous peut être identifié par les gènes de ses bactéries ! Pourquoi est-ce important ?
Les recherches récentes convergent pour trouver des liens de plus en plus nombreux entre la composition du microbiote et la prédisposition à certaines maladies, en particulier celles qui sont liées au métabolisme et à la digestion : du diabète à l’obésité, en passant par les inflammations intestinales chroniques. C’est le type et le nombre d’espèces bactériennes composant le microbiote qui définit (en partie) cette prédisposition.
Or, le microbiote de chacun commence à s’installer lors de l’accouchement et de l’allaitement. Lors de la naissance, le nouveau-né hérite d’une partie de la microflore bactérienne de sa mère… mais ce n’est pas tout. Des indices s’accumulent pour montrer que l’allaitement forge cette microflore dans l’intestin du nourrisson.
Comment le lait maternel structure-t-il le microbiote du bébé ?
Katie Hinde et Zachery Lewis (de l’université Harvard et de l’université de Californie à Davis, respectivement) exposent dans leur article qu’il existe, dans le lait maternel humain, des composés qui ne sont pas directement destinés à nourrir le bébé, mais bien ses bactéries intestinales ! Ces glycanes, formés d’une chaîne plus ou moins longue de molécules de sucres, constituent même la plus grande part des composés carbonés présentes dans le lait.
Les nourrissons des mammifères ne peuvent pas digérer ces aliments complexes, car ils manquent des enzymes nécessaires… dont sont dotées certaines espèces bactériennes de leur microbiote intestinal. Qui peuvent donc exploiter cette source nutritive, et s’installer durablement dans l’intestin. Ces bactéries seront aidées, après l’allaitement, par des aliments dits probiotiques, qui contiennent des nutriments adaptés à leur alimentation.
Mais il y a plus : de tous les primates, l’espèce humaine est celle où le lait présente la plus grande variété de glycanes, avec près de 200 composés différents. Pour expliquer cette particularité, les chercheurs font l’hypothèse qu’elle a émergé lors de la sédentarisation des hommes, au moment où ils ont adopté l’agriculture et l’élevage. En plus d’importants changements dans leur alimentation, les populations humaines ont aussi connu à ce moment là des contacts plus fréquents avec les animaux… et leurs bactéries.
Le microbiote humain aurait donc gagné à se renforcer pour protéger davantage l’intestin.
Quel est l’avantage d’un microbiote intestinal sain ?
En s’enrichissant de ces glycanes (en particulier la catégorie des oligosaccharides), le lait humain aurait favorisé l’installation d’un groupe particulier de bactéries bénéfiques dans son microbiote : les bifidobactéries, qui en sont avides. C’est ainsi que le genre
Bifidobacterium (en particulier de l’espèce
B. longum) est le type de bactérie le plus représenté dans l’intestin du nourrisson en bonne santé. Il y prospère grâce à ses gènes qui lui permettent de se nourrir des oligosaccharides, par un métabolisme particulier.
Et ce métabolisme bactérien est triplement bénéfique pour l’intestin : il a pour produits des acétates et butyrates, des composés utilisés comme nutriment par les cellules qui tapissent l’intestin, qui prêtent main-forte au système immunitaire et créent un environnement acide hostile aux micro-organismes vecteurs de maladies.
Des recherches menées au Bangladesh montrent que les petits enfants dont le microbiote est composé en majeure partie par des bifidobactéries sont en meilleure santé. L’effet barrière de leur intestin est renforcé, les inflammations mitigées… et leurs globules blancs sont plus réactifs ! La preuve : aussi bien face à une infection par le staphylocoque doré que suite à la vaccination contre la poliomyélite et le tétanos, leur système immunitaire présente une réaction plus efficace.
Mieux comprendre comment nos bactéries hôtes agissent sur notre santé, aidées par certaines conditions et aliments, permettra à la microbiologie de faire progresser la lutte contre ces maladies encore mal cernées que sont le diabète, l’obésité et les inflammations chroniques de l’intestin.
—Fiorenza Gracci
> Lire aussi : > Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :
- Il y a un lien entre flore intestinale et diabète – S&V n°1143, 2012. Les premiers grands projets de séquençage du microbiote commencent immédiatement à mettre en lumière la relation entre sa composition et la présence de maladies chroniques, comme le diabète.
- Microbes terrestres, voici le vrai microcosmos – S&V n°1161, 2014. De la toundra aux forêts en passant par les fonds marins, la surface de la Terre regorge de microbes aussi précieux qu’inconnus. Leur mille activités jouent un rôle clé dans les écosystèmes, sans même qu’on s’en aperçoive.