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| | Le Capital - Livre premier Le développement de la production capitaliste Karl MARX III° section : la production de la plus-value absolue Chapitre VIII : Capital constant et capital variable | |
02.29.2016 10:37:59
Chapitre VIII : Capital constant et capital variable
Les différents facteurs du procès de travail prennent une part différente à la formation de la valeur des produits. L'ouvrier communique une valeur nouvelle à l'objet du travail par l'addition d'une nouvelle dose de travail, quel qu'en soit le caractère utile. D'autre part, nous retrouvons les valeurs des moyens de production consommés comme élément dans la valeur du produit, par exemple la valeur du coton et des broches dans celle des filés. Les valeurs des moyens de production sont donc conservées par leur transmission au produit. Cette transmission a lieu dans le cours du travail, pendant la transformation des moyens de production en produit. Le travail en est donc l'intermédiaire. Mais de quelle manière ? L'ouvrier ne travaille pas doublement dans le même temps, une fois pour ajouter une nouvelle valeur au coton, et l'autre fois pour en conserver l'ancienne, ou, ce qui revient absolument au même pour transmettre au produit, aux filés, la valeur des broches qu'il use et celle du coton qu'il façonne. C'est par la simple addition d'une nouvelle valeur qu'il maintient l'ancienne. Mais comme l'addition d'une valeur nouvelle à l'objet du travail et la conservation des valeurs anciennes dans le produit sont deux résultats tout à fait différents que l'ouvrier obtient dans le même temps, ce double effet ne peut évidemment résulter que du caractère double de son travail. Ce travail doit, dans le même moment, en vertu d'une propriété, créer, et en vertu d'une autre propriété, conserver ou transmettre de la valeur. Comment l'ouvrier ajoute t il du travail et par conséquent de la valeur ? N'est ce pas sous la forme d'un travail utile et particulier et seulement sous cette forme ? Le fileur n'ajoute de travail qu'en filant, le tisserand qu'en tissant, le forgeron qu'en forgeant. Mais c'est précisément cette forme de tissage, de filage, etc., en un mot la forme productive spéciale dans laquelle la force de travail est dépensée, qui convertit les moyens de production tels que coton et broche, fil et métier à tisser, fer et enclume en éléments formateurs d'un produit, d'une nouvelle valeur d'usage [1]. L'ancienne forme de leur valeur d'usage ne disparaît que pour revêtir une forme nouvelle. Or, nous avons vu que le temps de travail qu'il faut pour produire un article comprend aussi le temps de travail qu'il faut pour produire les articles consommés dans l'acte de sa production. En d'autres termes, le temps de travail nécessaire pour faire les moyens de production consommés compte dans le produit nouveau. Le travailleur conserve donc la valeur des moyens de production consommés, il la transmet au produit comme partie constituante de sa valeur, non parce qu'il ajoute du travail en général, mais par le caractère utile, par la forme productive de ce travail additionnel. En tant qu'il est utile, qu'il est activité productive, le travail, par son simple contact avec les moyens de production, les ressuscite des morts, en fait les facteurs de son propre mouvement et s'unit avec eux pour constituer des produits. Si le travail productif spécifique de l'ouvrier n'était pas le filage, il ne ferait pas de filés et, par conséquent, ne leur transmettrait pas les valeurs du coton et des broches. Mais, par une journée de travail, le même ouvrier, s'il change de métier et devient par exemple menuisier, ajoutera, après comme avant, de la valeur à des matières. Il l'ajoute donc par son travail considéré non comme travail de tisserand ou de menuisier, mais comme travail humain en général, et il ajoute une quantité déterminée de valeur, non parce que son travail a un caractère utile particulier, mais parce qu'il dure un certain temps. C'est donc en vertu de sa propriété générale, abstraite, comme dépense de force vitale humaine, que le travail du fileur ajoute une valeur nouvelle aux valeurs du coton et des broches, et c'est en vertu de sa propriété concrète, particulière, de sa propriété utile comme filage, qu'il transmet la valeur de ces moyens de production au produit et la conserve ainsi dans celui-ci. De là le double caractère de son résultat dans le même espace de temps. Par une simple addition, par une quantité nouvelle de travail, une nouvelle valeur est ajoutée; par la qualité du travail ajouté les anciennes valeurs des moyens de production sont conservées dans le produit. Ce double effet du même travail par suite de, son double caractère devient saisissable dans une multitude de phénomènes. Supposez qu'une invention quelconque permette à l'ouvrier de filer en six heures autant de coton qu'il en filait auparavant en trente six. Comme activité utile, productive, la puissance de son travail a sextuplé et son produit est six fois plus grand, trente six livres de filés au lieu de six. Mais les trente six livres de coton n'absorbent pas plus de temps de travail que n'en absorbaient six dans le premier cas. Il leur est ajouté seulement un sixième du travail qu'aurait exigé l'ancienne méthode et par conséquent un sixième seulement de nouvelle valeur. D'autre part la valeur sextuple de coton existe maintenant dans le produit, les trente six livres de filés. Dans les six heures de filage une valeur six fois plus grande en matières premières est conservée et transmise au produit, bien que la valeur nouvelle ajoutée à cette même matière soit six fois plus petite. Ceci montre comment la propriété en vertu de laquelle le travail conserve de la valeur, est essentiellement différente de la propriété en vertu de laquelle, durant le même acte, il crée de la valeur. Plus il se transmet pendant le filage de travail nécessaire à la même quantité de coton, plus grande est la valeur nouvelle ajoutée à celui ci; mais plus il se file de livres de coton dans un même temps de travail, plus grande est la valeur ancienne qui est conservée dans le produit. Admettons au contraire que la productivité du travail reste constante, qu'il faut par conséquent au fileur toujours le même temps pour transformer une livre de coton en filés, mais que Ia valeur d'échange du coton varie et qu'une livre de coton vaille six fois plus ou moins qu'auparavant. Dans les deux cas le fileur continue à ajouter le même quantum de travail à la même quantité de coton, c'est à dire la même valeur, et dans les deux cas il produit dans le même temps la même quantité de filés. Cependant la valeur qu'il transmet du coton aux filés, au produit, est dans un cas six fois plus petite et dans l'autre cas six fois plus grande qu'auparavant. Il en est de même quand les instruments du travail renchérissent ou se vendent à meilleur marché, mais rendent cependant toujours le même service. Si les conditions techniques du filage restent les mêmes et que ses moyens de production n'éprouvent aucun changement de valeur, le fileur continue à consommer dans des temps de travail donnés des quantités données de matière première et de machines dont la valeur reste conséquemment toujours la même. La valeur qu'il conserve dans le produit est alors en raison directe de la valeur nouvelle qu'il ajoute. En deux semaines il ajoute deux fois plus de travail qu'en une, deux fois plus de valeur donc, et en même temps il use deux fois plus de matières et deux fois plus de machines; il conserve ainsi dans le produit de deux semaines deux fois plus de valeur que dans le produit d'une seule. Dans des conditions invariables l'ouvrier conserve d'autant plus de valeur qu'il en ajoute davantage. Cependant, il ne conserve pas plus de valeur parce qu'il en ajoute davantage, mais parce qu'il l'ajoute dans des circonstances invariables et indépendantes du son travail. Néanmoins, on peut dire, dans un sens relatif, que I’ouvrier conserve toujours des valeurs anciennes à mesure qu'il ajoute une valeur nouvelle. Que le coton hausse ou baisse d'un shilling, sa valeur conservée dans le produit d'une heure ne sera jamais celle qui se trouve dans le produit de deux heures. De même si la productivité du travail du fileur varie, si elle augmente ou diminue, il filera en une heure par exemple, plus ou moins de coton qu'auparavant, et par suite conservera dans le produit d'une heure la valeur de plus ou moins de coton. Mais dans n'importe quel cas il conservera toujours en deux heures de travail deux fois plus de valeur qu'en une seule. Abstraction faite de sa représentation purement symbolique par des signes, la valeur n'existe que dans une chose utile, un objet. (L'homme lui même, en tant que simple existence de force de travail, est un objet naturel, un objet vivant et conscient, et le travail n'est que la manifestation externe, matérielle de cette force.) Si donc la valeur d'usage se perd, la valeur d'échange se perd également. Les moyens de production qui perdent leur valeur d'usage ne perdent pas en même temps leur valeur, parce que le procès de travail ne leur fait en réalité perdre la forme primitive d'utilité que pour leur donner dans le produit la forme d'une utilité nouvelle. Et, si important qu'il soit pour la valeur d'exister dans un objet utile quelconque, la métamorphose des marchandises nous a prouvé qu'il lui importe peu quel est cet objet. Il suit de là que le produit n'absorbe dans le cours du travail, la valeur du moyen de production, qu'au fur et à mesure que celui-ci, en perdant son utilité, perd aussi sa valeur. Il ne transmet au produit que la valeur qu'il perd comme moyen de production. Mais sous ce rapport les facteurs matériels du travail se comportent différemment. Le charbon avec lequel on chauffe la machine disparaît sans laisser de trace, de même le suif avec lequel on graisse l'axe de la roue, et ainsi de suite. Les couleurs et d'autres matières auxiliaires disparaissent également, mais se montrent dans les propriétés du produit, dont la matière première forme la substance, mais après avoir changé de forme. Matière première et matières auxiliaires perdent donc l'aspect qu'elles avaient en entrant comme valeurs d'usage dans le procès de travail. Il en est tout autrement des instruments proprement dits. Un instrument quelconque, une machine, une fabrique, un vase ne servent au travail que le temps pendant lequel ils conservent leur forme primitive De même que pendant leur vie, c'est à dire pendant le cours du travail, ils maintiennent leur forme propre vis à vis du produit, de même ils la maintiennent encore après leur mort. Les cadavres de machines, d'instruments, d'ateliers, etc., continuent à exister indépendamment et séparément des produits qu'ils ont contribué à fabriquer. Si l'on considère la période entière pendant laquelle un instrument de travail fait son service, depuis le jour de son entrée dans l'atelier jusqu'au jour où il est mis au rebut, on voit que sa valeur d'usage pendant cette période a été consommée entièrement par le travail, et que par suite sa valeur s'est transmise tout entière au produit. Une machine à filer, par exemple, a t elle duré dix ans, pendant son fonctionnement de dix ans sa valeur totale s'est incorporée aux produits de dix ans. La période de vie d'un tel instrument comprend ainsi un plus ou moins grand nombre des mêmes opérations sans cesse renouvelées avec son aide. Et il en est de l'instrument de travail comme de l'homme. Chaque homme meurt tous les jours de vingt quatre heures; mais il est impossible de savoir au simple aspect d'un homme de combien de jours il est déjà mort. Cela n'empêche pas cependant les compagnies d'assurances de tirer de la vie moyenne de l'homme des conclusions très sûres, et ce qui leur importe plus, très profitables. On sait de même par expérience combien de temps en moyenne dure un instrument de travail, par exemple une machine à tricoter. Si l'on admet que son utilité se maintient seulement six jours dans le travail mis en train, elle perd chaque jour en moyenne un sixième de sa valeur d'usage et transmet par conséquent un sixième de sa valeur d'échange au produit quotidien. On calcule de cette manière l'usure quotidienne de tous les instruments de travail et ce qu'ils transmettent par jour de leur propre valeur à celle du produit. On voit ici d'une manière frappante qu'un moyen de production ne transmet jamais au produit plus de valeur qu'il n'en perd lui-même par son dépérissement dans le cours du travail. S'il n'avait aucune valeur à perdre, c'est à dire s'il n'était pas lui-même un produit du travail humain, il ne pourrait transférer au produit aucune valeur. Il servirait à former des objets usuels sans servir à former des valeurs. C'est le cas qui se présente avec tous les moyens de production que fournit la nature, sans que l'homme y soit pour rien, avec la terre, l'eau, le vent, le fer dans la veine métallique, le bois dans la forêt primitive, et ainsi de suite. Nous rencontrons ici un autre phénomène intéressant. Supposons qu'une machine vaille, par exemple, mille livres sterling et qu'elle s'use en mille jours; dans ce cas un millième de la valeur de la machine se transmet chaque jour à son produit journalier; mais la machine, quoique avec une vitalité toujours décroissante, fonctionne toujours tout entière dans le procès de travail. Donc quoiqu'un facteur du travail entre tout entier dans la production d'une valeur d'usage, il n'entre que par parties dans la formation de la valeur. La différence entre les deux procès se reflète ainsi dans les facteurs matériels, puisque dans la même opération un seul et même moyen de production compte intégralement comme élément du premier procès et par fractions seulement comme élément du second [2]. Inversement un moyen de production peut entrer tout entier dans la formation de la valeur, quoique en partie seulement dans la production des valeurs d'usage. Supposons que dans l'opération du filage, sur cent quinze livres de coton il y en ait quinze de perdues, c'est à dire qui forment au lieu de filés ce que les Anglais appellent la poussière du diable (devil's dust). Si néanmoins, ce déchet de quinze pour cent est normal et inévitable en moyenne dans la fabrication, la valeur des quinze livres de coton, qui ne forment aucun élément des filés entre tout autant dans leur valeur que les cent livres qui en forment la substance. Il faut que quinze livres de coton s'en aillent au diable pour qu'on puisse faire cent livres de filés. C'est précisément parce que cette perte est une condition de la production que le coton perdu transmet aux filés sa valeur. Et il en est de même pour tous les excréments du travail, autant bien entendu qu'ils ne servent plus à former de nouveaux moyens de production et conséquemment de nouvelles valeurs d'usage. Ainsi, on voit dans les grandes fabriques de Manchester des montagnes de rognures de fer, enlevées par d'énormes machines comme des copeaux de bois par le rabot, passer le soir de la fabrique à la fonderie, et revenir le lendemain de la fonderie à la fabrique en blocs de fer massif. Les moyens de production ne transmettent de valeur au nouveau produit qu'autant qu'ils en perdent sous leurs anciennes formes d'utilité. Le maximum de valeur qu'ils peuvent perdre dans le cours du travail a pour limite la grandeur de valeur originaire qu'ils possédaient en entrant dans l'opération, ou le temps de travail que leur production a exigé. Les moyens de production ne peuvent donc jamais ajouter au produit plus de valeur qu'ils n'en possèdent eux mêmes. Quelle que soit l'utilité d'une matière première, d'une machine, d'un moyen de production, s'il coûte cent cinquante livres sterling, soit cinq cents journées de travail, il n'ajoute au produit total qu'il contribue à former jamais plus de cent cinquante livres sterling. Sa valeur est déterminée non par le travail où il entre comme moyen de production, mais par celui d'où il sort comme produit. Il ne sert dans l'opération à laquelle on l'emploie que comme valeur d'usage, comme chose qui possède des propriétés utiles; si avant d'entrer dans cette opération, il n'avait possédé aucune valeur, il n'en donnerait aucune au produit [3]. Pendant que le travail productif transforme les moyens de production en éléments formateurs d'un nouveau produit, leur valeur est sujette à une espèce de métempsycose. Elle va du corps consommé au corps nouvellement formé. Mais cette transmigration s'effectue à l'insu du travail réel. Le travailleur ne peut pas ajouter un nouveau travail, créer par conséquent une valeur nouvelle, sans conserver des valeurs anciennes, car il doit ajouter ce travail sous une forme utile et cela ne peut avoir lieu sans qu'il transforme des produits en moyens de production d'un produit nouveau auquel il transmet par cela même leur valeur. La force de travail en activité, le travail vivant a donc la propriété de conserver de la valeur en ajoutant de la valeur; c'est là un don naturel qui ne coûte rien au travailleur, mais qui rapporte beaucoup au capitaliste; il lui doit la conservation de la valeur actuelle de son capital [4] . Tant que les affaires vont bien, il est trop absorbé dans la fabrication de la plus value pour distinguer ce don gratuit du travail. Des interruptions violentes, telles que les crises, le forcent brutalement à s'en apercevoir [5]. Ce qui se consomme dans les moyens de production, c'est leur valeur d'usage dont la consommation par le travail forme des produits. Pour ce qui est de leur valeur, en réalité elle n'est pas consommée [6]. et ne peut pas, par conséquent, être reproduite. Elle est conservée, non en vertu d'une opération qu'elle subit dans le cours du travail, mais parce que l'objet dans lequel elle existe à l'origine ne disparaît que pour prendre une nouvelle forme utile. La valeur des moyens de production reparaît donc dans la valeur du produit; mais elle n'est pas, à proprement parler, reproduite. Ce qui est produit, c'est la nouvelle valeur d'usage dans laquelle la valeur ancienne apparaît de nouveau [7]. Il en est tout autrement du facteur subjectif de la production, c'est à dire de la force du travail en activité. Tandis que, par la forme que lui assigne son but, le travail conserve et transmet la valeur des moyens de production au produit, son mouvement crée à chaque instant une valeur additionnelle, une valeur nouvelle. Supposons que la production s'arrête au point où le travailleur n'a fourni que l'équivalent de la valeur journalière de sa propre force, lorsqu'il a, par exemple, ajouté par un travail de six heures une valeur de trois shillings. Cette valeur forme l'excédent de la valeur du produit sur les éléments de cette valeur provenant des moyens de production. C'est la seule valeur originale qui s'est produite, la seule partie de la valeur du produit qui ait été enfantée dans le procès de sa formation. Elle compense l'argent que le capitaliste avance pour l'achat de la force de travail, et que le travailleur dépense ensuite en subsistances. Par rapport aux trois shillings dépensés, la valeur nouvelle de trois shillings apparait comme une simple reproduction; mais cette valeur est reproduite en réalité, et non en apparence, comme la valeur des moyens de production. Si une valeur est ici remplacée par une autre, c'est grâce à une nouvelle création. Nous savons déjà cependant que la durée du travail dépasse le point où un simple équivalent de la valeur de la force de travail serait reproduit et ajouté à l'objet travaillé. Au lieu de six heures qui suffiraient pour cela, l'opération dure douze ou plus. La force de travail en action ne reproduit donc pas seulement sa propre valeur; mais elle produit encore de la valeur en plus. Cette plus value forme l'excédent de la valeur du produit sur celle de ses facteurs consommés, c'est à dire des moyens de production et de la force de travail. En exposant les différents rôles que jouent dans la formation de la valeur du produit les divers facteurs du travail, nous avons caractérisé en fait les fonctions des divers éléments du capital dans la formation de la plus value. L'excédent de la valeur du produit sur la valeur de ses éléments constitutifs est l'excédent du capital accru de sa plus value sur le capital avancé. Moyens de production aussi bien que force de travail, ne sont que les diverses formes d'existence qu'a revêtues la valeur capital lorsqu'elle s'est transformée d'argent en facteurs du procès de travail. Dans le cours de la production, la partie du capital qui se transforme en moyens de production, c'est à dire en matières premières, matières auxiliaires et instruments de travail, ne modifie donc pas la grandeur de sa valeur. C'est pourquoi nous la nommons partie constante du capital, ou plus brièvement : capital constant. La partie du capital transformée en force de travail change, au contraire, de valeur dans le cours de la production. Elle reproduit son propre équivalent et de plus un excédent, une plus value qui peut elle même varier et être plus ou moins grande. Cette partie du capital se transforme sans cesse de grandeur constante en grandeur variable. C'est pourquoi nous la nommons partie variable du capital, ou plus brièvement : capitalvariable. Les mêmes éléments du capital qui, au point de vue de la production des valeurs d'usage, se distinguent entre eux comme facteurs objectifs et subjectifs, comme moyens de production et force de travail, se distinguent au point de vue de la formation de valeur en capital constant et en capital variable. La notion de capital constant n'exclut en aucune manière un changement de valeur de ses parties constitutives. Supposons que la livre de coton coûte aujourd'hui un demi shilling et que demain, par suite d'un déficit dans la récolte de coton, elle s'élève à un shilling. Le coton ancien qui continue à être façonné a été acheté au prix de un demi shilling; mais il ajoute maintenant au produit une valeur de un shilling. Et celui qui est déjà filé, et qui circule même peut être sur le marché sous forme de filés, ajoute également au produit le double de sa valeur première. On voit cependant que ces changements sont indépendants de l'accroissement de valeur qu'obtient le coton par le filage même. Si le coton ancien n'était pas encore en train d'être travaillé, il pourrait être maintenant revendu un shilling au lieu de un demi shilling. Moins il a subi de façons, plus ce résultat est certain. Aussi, lorsque surviennent de semblables révolutions dans la valeur, est ce une loi de la spéculation d'agioter sur la matière première dans sa forme la moins modifiée par le travail, sur les filés plutôt que sur le tissu, et sur le coton plutôt que sur les filés. Le changement de valeur prend ici naissance dans le procès qui produit le coton et non dans celui où le coton fonctionne comme moyen de production, et par suite comme capital constant. La valeur, il est vrai, se mesure par le quantum de travail fixé dans une marchandise; mais ce quantum lui même est déterminé socialement. Si le temps de travail social qu'exige la production d'un article subit des variations, et le même quantum de coton, par exemple, représente un quantum plus considérable de travail lorsque la récolte est mauvaise que lorsqu'elle est bonne, alors la marchandise ancienne, qui ne compte jamais que comme échantillon de son espèce [8], s'en ressent immédiatement, parce que sa valeur est toujours mesurée par le travail socialement nécessaire, ce qui veut dire par le travail nécessaire dans les conditions actuelles de la société. Comme la valeur des matières, la valeur des instruments de travail déjà employés dans la production, machines, constructions, etc., peut changer, et par cela même la portion de valeur qu'ils transmettent au produit. Si, par exemple, à la suite d'une invention nouvelle, telle machine peut être reproduite avec une moindre dépense de travail, la machine ancienne de même espèce perd plus ou moins de sa valeur et en donne par conséquent proportionnellement moins au produit. Mais dans ce cas, comme dans le précédent, le changement de valeur prend naissance en dehors du procès de production où la machine fonctionne comme instrument. Dans ce procès, elle ne transfère jamais plus de valeur qu'elle n'en possède elle même. De même qu'un changement dans la valeur des moyens de production, malgré la réaction qu'il opère sur eux, même après leur entrée dans le procès de travail, ne modifie en rien leur caractère de capital constant, de même un changement survenu dans la proportion entre le capital constant et le capital variable n'affecte en rien leur différence fonctionnelle. Admettons que les conditions techniques du travail soient transformées de telle sorte que là où, par exemple, dix ouvriers avec dix instruments de petite valeur façonnaient une masse proportionnellement faible de matière première, un ouvrier façonne maintenant avec une machine coûteuse une masse cent fois plus grande. Dans ce cas, le capital constant, c'est à dire la valeur des moyens de production employés, serait considérablement accrue, et la partie du capital convertie en force de travail considérablement diminuée. Ce changement ne fait que modifier le rapport de grandeur entre le capital constant et le capital variable, ou la proportion suivant laquelle le capital total se décompose en éléments constants et variables, mais n'affecte pas leur différence fonctionnelle.
Notes [1] « Le travail fournit une création nouvelle pour une qui est éteinte. » An Essay on the polit. Econ. of Nations. London, 1821, p. 13. [2] Il ne s'agit pas ici de travaux de réparation des outils, des machines, des constructions, etc. Une machine qu'on répare ne fonctionne pas comme moyen mais commeobjet de travail. On ne travaille pas avec elle; c'est elle même qu'on travaille pour raccommoder sa valeur d'usage. Pour nous de pareil, raccommodages peuvent toujours être censés inclus dans le travail qu'exige la production la de l'instrument. Dans le texte il s'agit de l'usure qu'aucun docteur ne peut guérir et qui amène peu à peu la mort, « de ce genre d'usure auquel on ne peut porter remède de temps en temps et qui, s'il s'agit d'un couteau par exemple, le réduit finalement à un état tel que le coutelier dit de lui : il ne vaut plus la peine d'une nouvelle lame. » On a vu plus haut, qu'une machine, par exemple, entre tout entière dans chaque opération productive mais par fractions seulement dans la formation simultanée de la valeur. On peut juger d’après cela du quiproquo suivant : « M. Ricardo parle de la portion du travail de l'ingénieur dans la construction d'une machine à faire des bas, comme contenue, par exemple, dans la valeur d'une paire de bas. Cependant le travail total qui produit chaque paire de bas, renferme le travail entier de l'ingénieur et non une portion; car une machine fait plusieurs paires et aucune de ces paires n'aurait pu être faite sans employer toutes les parties de la machine. » (Observations on certain verbal disputes in Pol. Econ. particularly relating to value, and to demand and supply. London 1821, p.54.) L'auteur, d'ailleurs pédant plein de suffisance, a raison dans sa polémique, jusqu'à un certain point, en ce sens que ni Ricardo ni aucun économiste, avant ou après lui, n'ont distingué exactement les deux côtés du travail et encore moins analysé leur influence diverse sur la formation de la valeur. [3] On peut juger d'après cela de l'idée lumineuse de J.B. Say qui veut faire dériver la plus value (intérêt, profit , rente), des services productifs que les moyens de production : terre, instruments, cuir, etc., rendent au travail par leurs valeurs d’usage. Le professeur Roscher qui ne perd jamais une occasion de coudre noir sur blanc et de présenter des explications ingénieuses faites de pièces et de morceaux, s'écrie à ce propos : « J.B.. Say, dans son Traité, t.I, ch.IV,, fait cette remarque, très juste, que la valeur produite par un moulin à huile, déduction faite de tous frais, est quelque chose de neuf, essentiellement différent du travail par lequel le moulin lui-même a été créé. » (L c., p. 82, note.) C’est en effet très juste ! « L'huile » produite par le moulin est quelque chose de bien différent du travail que ce moulin coûte. Et sous le nom de « valeur », maître Roscher comprend des choses comme « l'huile », puisque l'huile a de la valeur mais comme « dans la nature » il se trouve de l'huile de pétrole, quoique relativement peu, il en déduit cet autre dogme : « Elle (la nature !) ne produit presque pas de valeurs d'échange. » La nature de M. Roscher, avec sa valeur d'échange, ressemble à la jeune fille qui avouait bien avoir eu un enfant, « mais si petit ! » Le même savant sérieux dit encore en une autre occasion : « L’école de Ricardo a coutume de faire entrer le capital dans le concept du travail, en le définissant du travail accumulé. Ceci est malhabile (!) parce que certes le possesseur du capital a fait évidemment bien plus (!) que le produire simplement (!) et le conserver. » Et qu'a t il donc fait ? Eh bien ! « il s'est abstenu de jouir autant qu'il l'aurait pu, c’est pourquoi (!) par exemple, il veut et demande de l’intérêt. » Cette méthode que M. Roscher baptise du nom « d'anatomico physiologique de l'économie politique » qu'elle est habile ! Elle convertit un simple désir de la volonté en source inépuisable de valeur ! [4] De tous les instruments employés par le cultivateur, le travail de l'homme est celui sur lequel il doit le plus faire fonds pour le remboursement de son capital. Les deux autres, d'un côté les bêtes de trait et de labour, de l'autre, les charrues, tombereaux, pioches, bêches et ainsi de suite, ne sont absolument rien sans une portion donnée du premier. » (Edmond Burke : Thoughts and details on scarcity originally presented to the R. Hon. W. Pitt in the month of November 1695, Edit. London, 1800, p.10.) [5] Dans le Times du 26 nov. 1862, un fabricant dont la filature occupe huit cent ouvriers et consomme par semaine cent cinquante balles de coton indien en moyenne, ou environ cent trente balles de coton américain, fatigue le public de ses jérémiades sur les frais annuels que lui coûte la suspension intermittente du travail dans sa fabrique. Il les évalue à six mille livres sterling. Parmi ces frais se trouve nombre d'articles dont nous n'avons pas à nous occuper, tels que rente foncière, impôts, prime d'assurance, salaire d'ouvriers engagés à l’année, surveillant, teneur de livres, ingénieur et ainsi de suite. Il compte ensuite cent cinquante livres sterling de charbon pour chauffer la fabrique de temps à autre et mettre la machine à vapeur en mouvement, et de plus le salaire des ouvriers dont le travail est occasionnellement nécessaire. Enfin douze cents livres sterling pour les machines, attendu que « la température et les principes naturels de détérioration ne suspendent pas leur action parce que les machines ne fonctionnent pas. » Il remarque emphatiquernent que si son évaluation ne dépasse pas de beaucoup cette somme de douze cents livres sterling c'est que tout son matériel est bien près d'être hors d'usage. [6] Consommation productive : quand la consommation d'une marchandise fait partie du procédé de production... dans de telles circonstances il n'y a point de consommation de valeur. » (S. P. Newman, l.c.., p. 296.) [7] On lit dans un manuel imprimé aux Etats Unis et qui est peut-être à sa vingtième édition : « Peu importe la forme sous laquelle le capital réapparaît ». Après une énumération à dormir debout de tous les ingrédients possibles de la production dont la valeur se montre de nouveau dans le produit, on trouve pour conclusion : : « Les différentes espèces d'aliments, de vêtements, de logements nécessaires pour l'existence et le confort de l'être humain sont ainsi transformées. Elles sont consommées de temps en temps et leur valeur réapparaît dans cette nouvelle vigueur communiquée à son corps et à son esprit, laquelle forme un nouveau capital qui sera employé de nouveau dans l’œuvre de la production » (Weyland, l.c., p 31, 32.) Abstraction faite d'autres bizarreries, remarquons que ce n'est pas le prix du pain, mais bien ses substances formatrices du sang qui réapparaissent dans la force renouvelée de l'homme. Ce qui au contraire réapparait comme valeur de la force, ce ne sont pas les moyens de subsistance, mais leur valeur. Les mêmes moyens de subsistance, à moitié prix seulement, produisent tout autant de muscles, d'os, etc., en un mot la même force, mais non pas une force de même valeur. Cette confusion entre « valeur » et « force » et toute cette indécision pharisaïque n'ont pour but que de dissimuler une tentative inutile, celle d'expliquer une plus value par la simple réapparition de valeurs avancées. [8] « Toutes les productions d'un même genre ne forment proprement qu'une masse, dont le prix se détermine en général et sans égard aux circonstances particulières. » (L | |
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