LAO TSEU (v.570-v.490) et le Taoïsme
LAO TZU, LAOZI
Le juste respect de la nature des choses.
1. La vie et l'oeuvre
1.1. La vie
L'on ne sait rien de certain de la vie de Lao Tseu. S'il vécut ce fut à la même époque historique que Confucius.
La Tradition veut qu'il soit né dans l'actuelle ville de Lou-yi, dans la province du Honan, vers 570, qu'il ait rencontré Confucius, puis qu'il s'en soit allé vers l'ouest, vers le pays de Ts'in, en dictant en chemin, au gardien Yin Hi (Yin Xi) de la passe de Hien-kou, son livre, avant de disparaître sans laisser de traces... pour décéder vers 490.
1.2. L'oeuvre
Selon les spécialistes, le livre qu'on lui attribue, le Tao-Tö King (Tao-Te King, Daode Jing) n'aurait pas été écrit par lui et n'aurait reçu sa forme définitive qu'au IIIème siècle avant J.C..
Très souvent
traduit en Occident le texte a été commenté plus de deux cents fois en Chine. Les commentaires les plus anciens sont ceux du légiste Han Fei-tseu (Han Feizi)(269-233), de Ho-Chang-Kong (2ème siècle de notre ère), de Wang Pi (226-249).
Deux autres textes viennent en complément : le Tchouang-tseu de Tchouang Tcheou qui vécut, semble-t-il, au IVème siècle avant notre ère, et le Lie-tseu - dont l'auteur supposé est Lie Yu-K'eou, qui aurait également vécu au IVème siècle - qui, dans l'état où il nous est parvenu est une compilation du IIIème siècle de notre ère.
2. Le Tao des Taoïstes
Lao Tseu, comme
Confucius, a une conception personnelle du Tao.
Pour lui le Tao est le "Principe d'Ordre" mais aussi la réalité qui est à l'origine de l'Univers, c'est le "Principe Suprême", encore que celui-ci ne puisse être nommé.
Le Tao des Taoïstes est, encore, tout à la fois le Principe sans forme et sans nom de l'Univers et la Voie, l'art de vie qui consiste à laisser faire la nature, à ne pas intervenir dans le cours naturel des choses. C'est un art philosophique qui a son application dans la vie personnelle ainsi que dans la vie politique.
3. Une philosophie personnelle
3.1. Les deux modes d'expression du Tao
Dans la vie personnelle le Tao s'exprime selon deux modes : le Wou (Wu) et le Yeou (You).
Le Wou c'est l'état de non-désir, que l'on traduit soit par "non-être" ou "ne pas avoir", ou encore "ne pas y avoir". C'est le Vide;, c'est l'état du Tao en repos et indifférencié. Le Yeou (You) est le contraire du Wou. C'est l'état de désir, l'"être" ou l'"avoir", l'existence d'êtres différenciés accessibles aux sens.
L'Homme qui vit dans le monde du Yeou (You), le monde des sens, est excité par ceux-ci, par son imagination, sa volonté de puissance, qui le poussent à agir, à dépenser ses forces vitales, à oublier le "Principe suprême".
3.2. Le "Principe suprême": la Voie du Vide
Si, pour les taoïstes, le "Principe suprême" est inconnaissable dans sa totalité, il est cependant accessible à l'intuition de l'Homme.
Celui-ci, selon le niveau de sa sagesse, peut pénétrer plus ou moins profondément dans la réalité.
C'est le Tao-Tö-King qui le guide sur la Voie.
La Voie c'est la voie de la vraie vie, c'est la voie qui donne la vie, une voie Yin, féminine.
La Voie est le Vide. Le Vide est efficace, car comme le soufflet est vide et peut produire du souffle à volonté, ou, encore, comme le moyeu d'une roue, qui est creux, un vase ou la maison, il est réceptacle. Le Vide est l'être du taoïste purifié des passions et des désirs et pleinement habité par le Tao.
3.3. Le respect de la nature
Pour les taoïstes, tout, dans la nature, est accomplissement par soi, sans intervention extérieure, sans "main de Dieu", sans "Providence" quelconque.
La sagesse c'est de respecter la nature. Le sage sera pleinement efficace parce que non-agissant contre la nature, parce que pratiquant le "Wou-Wei", l'"absence d'action" contre nature.
En se gardant d'intervenir dans le cours naturel des choses le sage laisse à chacun la possibilité de se développer conformément à sa propre nature. En intervenant activement l'Homme perturbe le cours des choses car toute action suscite une réaction et donc une nuisance.
3.4. Le rejet de la morale de Confucius
Les grands principes de Confucius, la bienveillance active, la Justice ( c'est à dire le respect des convenances, des devoirs et des droits), l'intelligence (des valeurs morales et rituelles), la piété filiale (y compris les devoirs du Culte des ancêtres), la loyauté ( à l'égard du Prince) sont inutiles et dangereux, car ils perturbent le Tao-nature et, par degrés, insensiblement conduisent à l'anarchie morale et politique.
La nature est naturellement juste, et non l'Homme actif qui est égocentré. Le sage n'a pas à être bienfaisant ni juste.
3.5. La vrai sagesse
Il faut renoncer à la fausse sagesse et aux faux savoirs, qui ne sont que connaissance des autres, et donc prétention à les dominer. La vraie sagesse est la connaissance de soi-même, qui conduit au Tao.
Cela ne peut se faire sans une certaine ascèse - qui n'est pas renoncement total aux biens de ce monde, mais un renoncement aux excès - sans une certaine discipline des sens.
(Ainsi, dans le domaine sexuel, les taoïstes recommandent-ils la technique de la non-éjaculation qui permet, pensent-ils, de conserver sa vitalité). L'ascèse sera accompagnée de méditations extatiques permettant de regarder en soi-même. Les techniques respiratoires et celles qui font appel à l'acupuncture sont recommandées.
4. Une philosophie politique
4.1. Des recettes
Le Tao-Tö-King est aussi un recueil de recettes politiques.
Ainsi, selon le chapitre 37, si les seigneurs et les rois étaient des sages, et pratiquaient le Wou-Wei, ils seraient sans passion et la paix serait naturellement assurée.
Selon le chapitre 60 :"Gouverner un grand pays, c'est comme cuire une platée de petits poissons"- il faut se garder de trop remuer. Ou encore, chapitre 17 :"Le meilleur (des princes) est celui dont on ignore l'existence"; chapitre 66 :"Qui prétend être au-dessus du peuple doit se soumettre à lui en parole; qui prétend le guider doit le suivre. C'est ainsi que le Sage domine sans que le peuple en éprouve des dommages".
4.2. La force de l'eau
Le Prince qui agit naturellement ne doit pas attendre de récompense de son action, et ne pas se vanter de ses mérites.
Rien n'est plus dangereux que la vanité - le meilleur moyen d'assurer la perte de quelqu'un étant d'exalter son orgueil.
Selon les taoïstes, pour un Prince, le Wou-Wei est évidemment difficile à pratiquer, mais il confère à celui qui adopte cette discipline avec constance une force véritable, car "le souple et le faible; l'emportent sur le dur et le fort".
Le Yin, en définitive, l'emporte toujours sur le Yang. Ainsi, selon le chap.78 :"Rien, ici bas, n'est plus souple, moins résistant que l'eau, pourtant il n'est rien qui ne vienne mieux à bout du dur et du fort". C'est pourquoi, selon le chapitre 32: "Quand le Sage gouverne, il vide les coeurs et remplit les ventres, affaiblit les volontés et fortifie les os, maintient le peuple dans l'ignorance et sans désirs. Et il veille à ce que ceux qui savent n'osent intervenir. Il pratique le non-agir et tout reste en ordre".
Il y aurait 30 millions de taoïstes (??).