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 Freud et les paralysies hystériques (1893) Patrick Juignet, Psychisme, 2011

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19022016
مُساهمةFreud et les paralysies hystériques (1893) Patrick Juignet, Psychisme, 2011

[size=32]Freud et les paralysies hystériques (1893)[/size]
[size=undefined]Patrick Juignet, Psychisme, 2011[/size]
Nous allons étudier ici un article de 1893 intitulé « Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organiques et hystériques ». Cet article portant sur un aspect clinique restreint (les paralysies) a une portée méthodologique générale importante et novatrice.
Pour la résumer en peu de mots, cette méthode permet une inférence sur les "représentations" à partir de faits cliniques, sans avoir besoin de passer par la mentalisation. Cela a une vertu didactique majeure à nos yeux : bien montrer que les représentations telles que conçues par Freud ce n’est pas le mental, ni le subjectif, ni l’esprit.


PLAN 



1/ L’article de 1893

L’étude des paralysies

L’article comparant les paralysies hystériques et organiques a été conçu en 1886 lors du séjour de Freud à Paris et il a été publié sept ans plus tard dans les Archives de Neurologie, revue dirigée par Jean Martin Charcot. Freud propose un modèle théorique fondé sur les notions de lésion et de fonction, destiné à expliquer les symptômes hystériques.    
À l’époque, la différenciation entre deux types de paralysies a été faite. Nous les nommerons, selon le vocabulaire médical actuel, les paralysies centrales et périphériques. Les premières sont causées par une lésion du neurone d’origine corticale qui descend jusqu’au métamère considéré et les secondes causées par une lésion du neurone qui prend le relais au sein de la moelle épinière et va vers les muscles concernés.
On trouve, au début de l‘article, une description clinique très précise des paralysies hystériques, qui est faite afin de les comparer aux paralysies organiques. La comparaison montre qu’elles ont des caractéristiques cliniques différentes. Puis une explication physiopathologique est avancée : la symptomatologie des paralysies cérébrales est « conforme à l’anatomie, à la construction du système nerveux » (p. 52-53). Ce qui est en accord avec le schéma anatomo-clinique admis : la lésion cause les symptômes et l’aspect clinique de ceux-ci est la conséquence nécessaire du fonctionnement anatomophysiologique.
Or, on constate que les symptômes hystériques ne sont pas conformes à cette détermination anatomophysiologique. Voilà qui est paradoxal. Pour résoudre cet apparent paradoxe et expliquer les symptômes « il faut s’adresser à la nature de la lésion » (p. 54) dit Freud.

S’appuyer sur la causalité

Dans son raisonnement Freud a sauté une étape qu’il faut rappeler. Selon le principe causal il ne peut y avoir d’effet sans cause et donc de symptôme sans lésion. Il convient donc de trouver la lésion causant les symptômes hystériques. Comme la clinique montre qu’ils ne peuvent être causés par une lésion cérébrale organique, il faut chercher un autre type de lésion. On voit que Freud fait fonctionner la notion de lésion comme catégorie abstraite de cause pathogène pouvant prendre plusieurs formes.
« La lésion des paralysies hystériques doit être tout à fait indépendante de l’anatomie du système nerveux, puisque l’hystérie se comporte dans ses paralysies et autres manifestations comme si l’anatomie du système nerveux n’existait pas, ou comme si elle n’en avait nulle connaissance » (p. 55). Il faut donc chercher quelle forme peut avoir cette lésion « comment elle pourrait être » (p. 56). Freud propose l’idée d’une « altération fonctionnelle » en s’appuyant sur Charcot. « M. Charcot nous a enseigné assez souvent que c’est une lésion corticale, mais purement dynamique ou fonctionnelle » qui cause les symptômes hystériques. Or, comme la clinique montre qu’elle ne peut être de type organique, il faut prendre fonctionnel dans son sens propre d’altération d’une propriété, d’une capacité. Sur le plan physiologique une telle altération « serait par exemple une diminution de l’excitabilité ou d’une quantité physiologique qui dans l’état normal reste constante ou varie dans des limites déterminées » (p. 56). Mais elle ne doit pas avoir d’effet organique et donc pour préciser cette dysfonction, il faut passer du côté de la psychologie.     
Freud s’appuie alors sur les travaux de Pierre Janet, très connu à l’époque, pour affirmer que « c’est la conception banale, populaire des organes et du corps qui est en jeu dans les paralysies hystériques » (p. 56). En effet, la paralysie cliniquement décrite correspond à cette conception. Il s’ensuit que « la lésion de la paralysie hystérique sera donc une altération de la conception ... Mais de quelle sorte est cette altération pour qu’elle produise une la paralysie ? » (57). La solution envisagée pour cette altération la coupure des représentations concernées avec les celles de l’ensemble du corps, l’abolition de l’accessibilité associative des représentations. Un tel phénomène ne se produit que si une grande valeur affective est en jeu. 

L’astuce de Freud

L’astuce de Freud est de jouer sur l’irréfutabilité de la lésion. Il n’y a pas de symptôme sans cause symptomatique, c'est-à-dire sans lésion. Il part de cette idée admise par tous et place la lésion en position d’inconnue à déterminer. Cette façon de faire donne un problème à la façon de l‘algèbre lorsqu’on pose une inconnue : soit x (la lésion) dont on sait qu’elle existe, trouver la forme de x pour telle symptomatologie.
Pour trouver x dans le cas de la symptomatique particulière de l’hystérie, il faut faire appel, comme le suggère Janet, à la "conception", c'est à dire des représentations. Pour que la conception fasse effet sur les neurones moteurs, il faut faire intervenir la "fonctionnalité" qui grâce à l’idée d’une quantité physiologique qui varie sans entraîner de dégât organique permet de passer sans rupture de l’un à l’autre. La valeur affective violente serait à l'origine de cette variation de quantité physiologique, produisant une rupture associative entre la conception concernée et les autres représentations du corps.
La particularité morbide assignable a doucement glissé de l’anatomie (lésion des neurones), à la physiologie (lésion dynamique), puis à la physiologie normale (modification de l’excitabilité), puis au représentationnel (la rupture des associations entre conceptions). 

2/ Pourquoi présenter cet article historique ?

La relation entre le biologique et le représentationnel

Le premier motif, c'est qu'il peut être pris comme modèle pour amorcer une solution au problème de la relation entre les représentations et le neurobiologique.
Ici le neurobiologique est constitué par les neurones moteurs corticaux organisés selon une somatotopie et qui sont affectés ou pas par une lésion. La représentation est constituée par la « conception du bras » et les liens de cette conception avec d'autres éléments du même type. La relation entre les deux est située dans le dynamisme fonctionnel, le fait qu’au niveau neurobiologique une quantité physiologique puisse varier dans les conditions normales de fonctionnement. Cette variation entraîne des effets réversibles.
Ce modèle suppose des représentations sans rupture avec le neurophysiologique qui lui-même est en continuité avec le neuroanatomique.

Une vertu didactique

La seconde raison est qu’il a une vertu didactique. Son mode dabord est le suivant. Soit un  (x) dont on admet l’existence il faut trouver, à partir de faits cliniquement avérés, ce qu'il est. 
Une telle démarche permet d’intégrer le mental sans se faire piéger par la subjectivité : les faits mentaux sont considérés comme des faits parmi les autres, traités cliniquement ou expérimentalement. Ils ne sont ni suspects (comme le voudrait le positivisme), ni privilégiés (comme le voudrait la psychologie mentaliste), mais on a aucun droit de les éliminer comme le voudraient le behaviorisme et la philosophie éliminativiste.
Dans le cas présenté, la « conception du bras » n’est pas mentalisée par le patient souffrant de paralysie, elle est repérée extérieurement par le clinicien et donnée comme adéquate à déterminer les symptômes. Ce n’est qu’ultérieurement dans l’effort thérapeutique que cette conception pourra être mentalisée par le patient. Ce n’est d’ailleurs pas indispensable, car ce qui est important du point de vue thérapeutique est le mouvement affectif qui va lever le clivage dont elle est l’objet. L’élément représentationnel concerné peut rester hors mentalisation.
L’attitude méthodique consistant à poser une inconnue, un " x " à déterminer, est intéressante compte tenu de l’état actuel des connaissances. Sans faire tabula rasa, elle permet de se libérer des lourds antécédents qui pèsent sur la recherche concernant la représentation. Poser un x inconnu à déterminer permet d’avoir moins de présupposés sur un domaine qui en a cumulé beaucoup.

3/ Conclusion

L’article de Freud a une valeur paradigmatique. Il permet de démentir la vulgate qui a enrôlé la psychanalyse dans le dualisme. Le psychisme chez Freud a une dimension biologique. Il comporte des représentations non conscientes et est assis sur le "roc du biologqiue". Nous dirions, dans notre langage personnel que c’est un mixte représentationnel et neurobiologique. Il n’a rien à voir avec l'âme ou l'esprit.
Cet article indique la voie pour une étude non  subjective de ce qui a été énommé à l'époque des "représentation" inconscientes.

Bibliographie : 
Freud S., 
" Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organiques et hystériques ", Archives de Neurologie, 1893.

Freud S., 
" Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organiques et hystériques ", in Résultats, idées, problèmes, p. 45-59,  Paris, PUF, 1984.
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