[size=32]2/ UN MODÈLE DU PSYCHISME[/size]
Nous allons proposer dans cet article un modèle du psychisme au sens d''un ensemble conceptuel fermé, qui forme un tout cohérent et utilisable dans la pratique.
Les fonctions principales
Nous appelons "fonctions", les processus actifs aboutissant à donner des capacités à l'individu. Le psychisme humain a cinq fonctions principales.
La fonction de contrôle : Il s'agit de la fonction qui limite l'excitation et qui permet une modération des réponses (verbales ou motrices) ainsi que des manifestations émotionnelles (en particulier de l'angoisse). Elle se met en place dans les premières années, sous l'influence des parents et en particulier grâce au rôle d’apaisement symbolisant et de pare excitation du maternage.
La fonction réalitaire : On appelle ainsi ce qui détermine ce qui est considèré comme la réalité concrète et sociale. La désignation de la réalité commence vers 6-8 mois et se poursuit jusqu'à la quatrième année. Au centre de cette fonction se trouve le jugement d'existence associé à ce que Piaget (1967) appelle le schème de l'objet permanent. Ce jugement concerne aussi bien les personnes que les choses concrètes. Il est à signaler que la déficience des premières peut mettre en péril la stabilité de la fonction réalitaire toute entière. En même temps les formes de l'intuition, que sont l'espace et le temps, apparaissent.
La capacité établie permet de reconnaître l’environnement. Celui-ci possède une résistance propre à laquelle il faut se plier si l’on veut arriver à ses fins. Ce principe permet une efficience adaptative. Jugement d'existence, principe de réalité, spatialisation, temporalisation, se combinent en une fonction dont la mise en œuvre est inconsciente. Elle oppose le sujet et le monde externe (les objets). La solidité de la fonction réalitaire varie. Elle est parfois très déficiente.
La fonction représentative : La possibilité de représentation symbolique (capacité d’imitation d'un référent absent) se construit et se transmet lors des premières années puis se développe avec l'acquisition du langage. Celui-ci permet une communication qui deviendra indépendante du contexte concret et d’une ampleur sans comparaison avec les autres formes de communication. Plus généralement, l'émergence du niveau cognitivo-représentationnel vient remodeler le psychisme et lui donner ses contenus et ses processus caractéristiques.
La capacité cognitive d’ordonnancement : Cette capacité permet l'intégration de l'ordre qui règle le rapport à l'autre (régi par des principes), qui situe la naissance (inscrite dans un lignage), qui organise le rapport sexuel (limité par l'interdit de l'inceste) et enfin qui ordonne le réseau familial (liens de parenté). Pour plus de précision voir l'article sur l'ordre symbolique et la loi constitutive
L’intégration des règles de conduite sociale provoque une réorganisation fondamentale du psychisme. L’assimilation des liens de parenté, de l’ordre générationnel et de la fonction du père, puis l’intégration des deux interdits fondateurs celui du meurtre et de l’inceste et, enfin, la saisie de l’altérité et de la nécessité de l’échange, constitue des formes primitives qui ordonnent les structures fantasmatiques et remanient le surmoi.
La fonction imaginative : La fonction imaginative résulte des processus primaire et secondaire (dans des proportions diverses) et des capacités de représentation, en particulier la représentation imagée. Elle traduit de manière variable les tendances pulsionnelles et des schèmes inscrits dans le ça. Le fonctionnement imaginatif se manifeste dans le jeu chez l’enfant, dans les diverses formes de mentalisation (rêves, rêveries, fantasmes, histoires, illusions, hallucinations, etc.) et dans les formes culturelles élaborées que sont les arts. Ce fonctionnement donne aussi des conduites qui, dans certains cas, sont la mise en acte directe de scénarios imaginaires. L’image et la pensée magique (symboliste) jouent un grand rôle dans le fonctionnement imaginaire. Les processus tels que déplacement et condensation sont des processus imaginaires. Ce dernier est principalement guidé par le ça, même si les autres instances y contribuent.
Les processus
Il s'agit des processus cognitifs de traitement des représentations concernant soi, le monde et la vie relationnelle. On peut aussi dire que ce sont des modes de fonctionnement de l'appareil psychique comme l'écrivent Laplanche et Pontalis (1967). Ils sont plus ou moins élaborés. En l'état actuel des connaissances, on considère deux processus : le primaire et le secondaire. Pierra Aulagnier a proposé d’en rajouter un troisième plus archaïque. Selon le processus dominant, les scénarios imaginatifs, les rêves, les associations, les conduites, prennent des tournures différentes.
Le processus primaire : Dans le processus primaire, les représentations sont simples, il n'y a pas de temporalité, elles sont traitées selon le mode du tout ou rien sans nuance ni partage. Il n'existe ni principe de non-contradiction (les contraires peuvent coexister) ni d’organisation temporo-spatiale classique, et l’information est traitée par déplacement et condensation. Il y a une labilité de l'investissement qui peut se déplacer. Cela permet les contre-investissements (investissement d'une tendance contraire). Ce mode de fonctionnement ne suit pas le principe de réalité mais, au contraire, le principe de plaisir à la recherche d'une satisfaction immédiate.
Le processus secondaire : Dans le processus secondaire, les représentations sont nuancées, il y a une temporalisation, et un principe de non-contradiction. L'investissement est lié et durable. Il suit le principe de réalité et organise des détours pour satisfaire le désir, lorsque les contraintes concrètes l'imposent. Les investissements sont liés (fixes) et modérés. Le degré de recouvrement du primaire par le secondaire varie selon l'âge, les circonstances, et la forme d'organisation psychique.
Le degré de recouvrement de l'archaïque par le primaire et du primaire par le secondaire varie donnant des types de personnalité différents. Il reste encore de gros progrès à faire pour mettre en évidence les "logiques" (les formes d'enchaînements cognitifs) à l'œuvre dans ces processus cognitifs.
Il y a une mixité neurobiologique et représentationnelle des processus, ce qui est logique puisque le psychisme est fondamentalement mixte. Les mouvements affectifs liés aux processus sont compris comme des déplacements de l'investissement pulsionnel ou libidinal, mais cette énergie supposée n'a pas d'existence propre, elle est entièrement supportée par des processus neurobiologiques et endocriniens.
Il est souhaitable de départager autant que faire se peut les aspects cognitivo-représentationnels des aspects neurobiologiques, car si les seconds demande une énergie émotionnelle, transférentielle, pour bouger, les premier demandent un décryptage efficace pour changer. Les deux sont liés dans les "processus", mais ils sont différents.
الجمعة فبراير 19, 2016 9:20 am من طرف سوسية