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L’économie est-elle inhumaine par nature ?
La solidarité humaine persiste dans la sphère privée, (la famille, les amour, l’amitié), elle persiste dans les sphères de la socialisation primaire (la solidarité de communauté, de voisinage, de quartier), elle persiste dans certaines formes institutionnalisées de solidarité (assurance sociale, mutuelles) ou d'activité (coopératives, association sans but lucratif). D’une certaine manière l’humain résiste. La question que l'on peut alors se poser est : la déshumanisation dans le travail et dans l’échange marchand est-elle un mal nécessaire ? L’économie est-elle par nature déshumanisante ?
JUIGNET Patrick. L'économie est-elle inhumaine par nature ? Philosophie, science et société. 2015. [en ligne] http://www.philosciences
- PLAN
- Travail et contrainte
- Le profit augmente les contraintes
- La compétition augmente les contraintes
- Conclusion
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Travail et contrainte
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Il est impossible de produire quoi que ce soit sans travail. Or, tout travail demande des efforts, une concentration et engendre une fatigue. Autrement dit la production d’un bien ou d’un service impose des contraintes assez importantes et ces contraintes comportent toujours une part de désagrément : ce sont les aspect fastidieux, pénibles, fatiguant du travail. A côté de cela le travail est aussi plaisant. Il permet de se socialiser, il apporte des satisfactions par les réalisations qu’il crée ? Un équilibre entre contraintes et satisfactions serait a priori possible.
Or de nos jour ce n'est pas le cas. On constate une insatisfaction au travail, parfois même un dégoût et dans certains cas pas si rares des dépressions et des suicides. Pourquoi en nous en somme là en occident, alors que nous avons une aisance certaine et un niveau technique élevé ? Pourquoi les contraintes restent-elles fortes et le sentiment d'aliénation demeure-t-il si présent ? Deux réponses évidentes s'imposent : du fait de la compétition et de la recherche obsessionnelle du profit.
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Le profit augmente les contraintes
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Dans l’économie capitaliste le but est de faire des profits ce qui passe par le travail des populations, mis en œuvre grâce à l’investissement (le capital). Il s’agit d’obtenir le maximum de rendement d’une masse d’argent investie en organisant le travail collectif et en vendant au plus haut prix. Obtenir le rendement maximum implique nécessairement de diminuer au maximum les coûts de production et d’augmenter la quantité produite. On voit l’inhumain pointer son nez. Le meilleur rendement sera obtenu par les travailleurs les plus productifs pour le plus bas salaire. Ce qui tend la contrainte excessive au détriment du respect humain, c’est tout simplement la volonté d’augmenter la rentabilité.
Ce sont aussi les conditions structurelles de la production qui jouent un rôle. Marx l'a évoqué avec le problème du travail devenu une valeur abstraite. Dans l'achat du travail les qualités humaines et compétences disparaissent car ce qui compte c'est la dépense d’énergie humaine, mesurée par le temps. Le travail devient une quantité déterminée qui peut être produite par n'importe quel employé. Les qualités, les compétences, les sentiment humains, disparaissent. L'individu n'a d'intérêt que comme capacité de travail.
Ce cynisme déshumanisant est parfois revendiqué. Milton Friedman (1912-2006) a déclaré abruptement que les entreprises n’avaient aucune responsabilité sociale et Friedrich von Hayek (1899-1992) a affirmé que la justice sociale était une notion dépourvue de sens du point de vue économique. L’un comme l’autre considère que l’homme comme un L’homo œconomicus « rationnel » au sens ou il servirait au mieux au mieux sa cupidité. Il y a là un travail de sape idéologique contre les vertus morales essentielle à la vie sociale.
De toutes les façons les conditions sociales permettent d'obtenir (extorquer) du travail déshumanisé de la part d’individus qui n’en profitent pas. Il faut créer des situations dans lesquelles les gens ne peuvent pas faire autrement que de travailler. Ensuite, au sein de l’entreprise, il suffit de créer des conditions qui ne laissent pas de marge de manœuvre à l’individu (par la mise en concurrence les menaces de licenciement, la pression morale).