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 Embuscade au Paléolithique tardif Il y a quelque 10 000 ans, un clan de chasseurs-cueilleurs a été massacré au Kenya. La preuve que la guerre existait déjà avant le néolithique ?

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جنون
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Embuscade au Paléolithique tardif Il y a quelque 10 000 ans, un clan de chasseurs-cueilleurs a été massacré au Kenya. La preuve que la guerre existait déjà avant le néolithique ? Empty
16022016
مُساهمةEmbuscade au Paléolithique tardif Il y a quelque 10 000 ans, un clan de chasseurs-cueilleurs a été massacré au Kenya. La preuve que la guerre existait déjà avant le néolithique ?

Embuscade au Paléolithique tardif Il y a quelque 10 000 ans, un clan de chasseurs-cueilleurs a été massacré au Kenya. La preuve que la guerre existait déjà avant le néolithique ? Cranefracture-martamirazonlahr-619
Le crâne fracturé par un coup porté à la tête de l'une des victimes du massacre de Nataruk.

Marta Mirazón Lahr



Embuscade au Paléolithique tardif Il y a quelque 10 000 ans, un clan de chasseurs-cueilleurs a été massacré au Kenya. La preuve que la guerre existait déjà avant le néolithique ? Sixmorts2nararuk-500
Six exemples de position des morts retrouvés à Nataruk.
Marta Mirazón Lahr
Embuscade au Paléolithique tardif Il y a quelque 10 000 ans, un clan de chasseurs-cueilleurs a été massacré au Kenya. La preuve que la guerre existait déjà avant le néolithique ? Armaturenataruk-500
Trois exemples de pointes d'armes en pierre retrouvées par les archéologues dans le corps des victimes. Elles sont en obsidienne, un verre volcanique prisé par les tailleurs de pierre préhistorique, et en silex.
Marta Mirazón Lahr

L'auteur

Francois Savatier est journaliste à Pour la Science.

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Pour en savoir plus

Marta Mirazon Lahr et coll.,Inter-group violence among early Holocene Hunter-Gatherers of West Turkana,Nature, vol. 529, pp. 394–398, 21 janvier 2016.

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« Les preuves de violences entre groupes de chasseurs cueilleurs préhistoriques sont extrêmement rares », souligne Marta Mirazón Lahr, de l’Université de Cambridge. Avec Aurélien Mounier, de la même université, et une équipe internationale, cette paléoanthropologue vient de documenter un exemple impressionnant d'une telle violence : à Nataruk, à une trentaine de kilomètres à l'ouest du lac Turkana au Kenya, pas moins de 27 hommes, femmes et enfants sont morts sous les coups il y a quelque 10 000 ans. Parmi eux, douze sont tombés dans l'eau de la rive vaseuse du lac Turkana, qui s'étendait alors jusque-là. Phénomène rarissime en Afrique, leurs squelettes ont été rapidement recouverts de sédiments et ont été conservés. Ils apportent un riche témoignage sur la violence intergroupe au Paléolithique.
Le massacre de Nataruk aurait eu lieu il y a entre 9 500 et 10 500 ans, comme l'indiquent les datations d'échantillons de sédiments prélevés au contact des restes humains par le radiocarbone et par luminescence stimulée optiquement (OSL). À l'époque, le grand lac du nord du Kenya était plus étendu. Le clan était peut-être en train de longer une rive vaseuse ou de traverser une étendue d'eau peu profonde quand le massacre s'est produit. Pour la plupart des préhistoriens, le Néolithique n'avait pas encore commencé en Afrique (même sicertains soutiennent le contraire), tandis qu'au Levant, les Natoufiens étaient déjà à un stade prénéolithique. Ainsi, pour l'équipe de Marta Mirazón Lahr, les individus massacrés à Nataruk faisaient partie d'un clan de chasseurs-cueilleurs paléolithiques probablement nomades.
A priori, le massacre de Nataruk pourrait aussi être la conséquence d'une dissension au sein du clan. Toutefois, les chercheurs ont exclu cette hypothèse, car le grand nombre de lésions osseuses dues à des flèches montre que, dans une première phase de l'attaque, les agresseurs étaient à distance. Pour eux, le massacre de Nataruk résulte d'une agression par un autre clan de chasseurs-cueilleurs, venu sans doute piller le clan attaqué.
Les chercheurs ignorent si parmi les morts se trouvent des attaquants. Toutefois, si l'on suppose que les attaquants ont emporté leurs morts et que les 12 squelettes retrouvés en connexion anatomique appartiennent aux attaqués, on peut imaginer qu'après une préparation de l'attaque à l'arme de jet, les assaillants ont mené un rapide et violent assaut à l'arme contondante, en visant en priorité les genoux, les mains et la tête.
Un homme a par exemple a été frappé à deux reprises sur la tête : un premier coup l’a atteint au-dessus de l’œil, puis un deuxième porté sur le côté gauche a enfoncé la paroi crânienne. Le crâne d’un autre a été percé par une petite pointe d’obsidienne (une pointe de flèche ou de sagaie ?), mais les chercheurs estiment que sa mort résulte plutôt du puissant coup qu'il a reçu sur la face. Six des défunts sont des enfants.
Une femme en fin de grossesse était probablement assise par terre pieds et poings liés quand elle a été tuée. Pourquoi ? La comparaison avec les guerres tribales dont ont été témoins des Européens suggère une interprétation possible. Les enfants assez jeunes pour pouvoir s’adapter à un nouveau clan et les jeunes femmes en âge de se reproduire ont pu être épargnés et intégrés au clan attaquant. Après avoir vaincu leurs adversaires, les attaquants les auraient garotté afin d'opérer un tri. Les individus non sélectionnés, les mains toujours liées, auraient été systématiquement mis à mort et leurs corps abandonnés sur place. Peut-être trop blessée ou rejetée pour quelque raison, la malheureuse jeune femme enceinte aurait fait partie des mis à mort.
Quoi qu'il en soit, aucune tentative n’a été faite pour prélever des scalps et d’autres trophées humains. Aucun respect n'a été témoigné aux morts, qui sont restés jusqu'à aujourd'hui dans la position dans laquelle ils sont tombés. De fait, les chercheurs ont retrouvé 764 artefacts lithiques (pour la plupart, des éclats), dont 35 outils de pierre façonnés, qui correspondent sans doute au matériel transporté par le groupe.
Peut-on conclure que le massacre de Nataruk résulte d'une véritable action de guerre ? Oui ! Une guerre est une action collective et organisée menée par un groupe humain pour s'assurer la prééminence sur un autre. Nataruk répond à tous ces critères. Or on pensait généralement que la guerre était une invention du Néolithique. En constituant des réserves, les paysans néolithiques ont en effet commencé à accumuler des richesses enviables, qui pouvaient inciter leurs voisins dans le besoin ou mû par une volonté de puissance à venir les piller par la force. En outre, la principale richesse des paysans est la terre, que l'on peut aussi conquérir.
Cette  logique simple est convaincante, et, du reste, elle nous est encore familière. Mais elle s'applique aussi aux chasseurs-cueilleurs paléolithiques, dès lors que quelque chose représentait une richesse qu'un autre groupe pouvait convoiter. Une observation faite à Nataruk va dans ce sens : les chercheurs ont retrouvé des tessons de poterie. L'usage de la poterie, sans doute accompagné de celui de la vannerie, suggère une économie comportant du stockage, donc la constitution de richesses. Or, comme l'a souligné l'anthropologue social Alain Testart (1945-2013), quand des chasseurs-cueilleurs trouvent sur un territoire des ressources régulières et périodiquement assurées (une cueillette saisonnière surabondante, par exemple), ils passent souvent de la prédation nomade à une prédation semi nomade accompagnée de stockage et d'une semi sédentarité. Ils deviennent donc territoriaux eux aussi. Les clans qui se sont affrontés à Nataruk pourraient donc fort bien avoir été des chasseurs-cueilleurs-stockeurs, c'est-à-dire des presque paysans… et donc quasiment des Néolithiques.
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