GYPTE DES PHARAONS (notions de base)L'Égypte antique nous a laissé l’image d’un roi divinisé responsable de l’ordre universel ainsi que de la crue du fleuve sacré, le Nil. Cet ordre correspondait à toute une cosmologie fondée sur des mythes et selon laquelle une multitude de dieux animaient l’Univers. La conception du monde des anciens Égyptiens s’est exprimée dans une forme architecturale – la pyramide – et une écriture, les hiéroglyphes. Cette grande civilisation a été tirée de l’oubli au XIXe siècle grâce aux travaux d’une nouvelle discipline : l’égyptologie.
[size=22]1. La civilisation du Nil au temps des pharaons
La civilisation du Nil s’organise autour de la figure du roi, garant de l’ordre immuable des choses, incarnation du lien entre le monde des vivants et celui des dieux et des morts. Les Égyptiens étaient hantés par le souci d’assurer leur
survie dans l’au-delà. Le rôle pris par l’écriture hiéroglyphique dans les
rites funéraires en donne une preuve frappante.
• Pharaon, homme-dieu
Roi d’Égypte, le pharaon est de nature humaine et divine. Au cours des cérémonies d’intronisation, ce « dieu parfait » reçoit une « titulature royale » composée de cinq noms : « Horus » (réincarnation du premier roi mythique unificateur de l’Égypte), « Deux déesses » (protectrices des royaumes du Nord et du Sud), « Horus d’Or » (il commémore la victoire d’Horus sur son oncle Seth l’usurpateur), « Roi de la Haute et de la Basse-Égypte » (le territoire égyptien) et « Fils de Rê » (le dieu solaire suprême).
VidéoPharaon, « roi de Haute et Basse-Égypte »La figuration du pharaon obéit à des canons, qui ont connu une évolution au fil du temps. Au Nouvel Empire, la statue de Thoutmosis III (env.1479-1425 av. J.-C.) se conforme à la représentation traditionnelle : géométrisation du visage compris dans un triangle, frontalité du buste et inscription du… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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Figuré sur les monuments érigés à sa gloire dans des proportions colossales, il est coiffé du
pschent, qui combine la mitre blanche de Haute-Égypte et le mortier rouge de Basse-Égypte, ou du
némès, étoffe à rayures de couleur bleu et or évoquant les rayons du soleil à son levé, et son front est orné de l’uraeus, cobra femelle dressée, prête à cracher son feu destructeur.
Dieu vivant, il en porte la barbe postiche symbole de sagesse. Seul interlocuteur des dieux et investi d’une puissance magique, le pharaon personnifie le culte divin dans tout l’empire. Le rituel divin est rendu en son nom et garantit la pérennité de la
création et la bonne crue du Nil. Régnant sur le monde, il conduit l’armée et cumule tous les pouvoirs, délégués à un ou plusieurs ministres. Lors de sa mort, le pharaon accompagne pour l’éternité son père Rê, le dieu Soleil, dans sa course céleste.
• Le monde des morts
Les anciens Égyptiens croyaient à la survie après la mort selon une conception dualiste. Momifié, le corps devenu impérissable prolonge son existence dans le monde sous-terrain tandis que ses principes spirituels poursuivent une vie éternelle dans le monde céleste où ils rejoignent la suite du pharaon uni au Soleil. Cette vie éternelle est conditionnée par une morale et assurée par des rituels funéraires et des pratiques magiques. À l’exemple d’Osiris, souverain du royaume des morts, il convient de pratiquer bonté et justice durant la vie terrestre.
La conservation du corps, support des principes spirituels, est assurée par dessiccation de l’enveloppe charnelle après éviscération (les viscères sont conservés dans quatre vases), par la protection de bandelettes, linceuls et amulettes magiques, enfin par le masque à l’effigie du mort et le sarcophage. Ainsi préparé, le défunt est pleuré dans la maison des vivants, puis sarcophage et mobilier funéraire sont emportés en procession jusqu’au tombeau, le plus souvent par voie fluviale. Devant la « maison d’éternité » on procède au rite de « l’ouverture de la bouche » censé rendre au mort l’usage des sens.
« L’adieu au mort » prononcé, sarcophage et mobilier sont déposés dans le tombeau. Accueilli au royaume des morts par
Osiris, le défunt est protégé des dangers de l’au-delà par des textes funéraires magiques inscrits sur son sarcophage. Dans la partie accessible du tombeau, le mort préside en effigie un banquet. Il ne peut subsister sans dépôt régulier d’offrandes vivrières, réelles ou figurées. Le monde des morts est le reflet de celui des vivants dans une parfaite interdépendance.
VidéoLe monde des mortsDestinée aux pérégrinations dans le monde des morts, la barque funéraire symbolise l'embarcation menant le défunt à sa sépulture. Les vivants offrent au trépassé des repas réels ou figurés pour assurer sa survie dans l'au-delà. Au Nouvel Empire, le sarcophage prend la forme de la momie pour affirmer… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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• La magie des hiéroglyphes
Écriture figurative, le système hiéroglyphique égyptien apparaît organisé dès le début du III
e millénaire av. J.-C. Il comprend, à cette époque, pictogrammes, logogrammes, phonogrammes, signes déterminatifs et vingt et un signes alphabétiques. Inscrite sur les monuments, « l’écriture des dieux » en épouse les lignes et les formes. La
lecture s’opère aussi bien à l’horizontale qu’à la verticale et dans les deux sens. L’orientation des signes représentant des êtres vivants indique le sens de lecture.
Écrits monumentaux, gravés, peints et sculptés, les hiéroglyphes possèdent une vertu magique. Les signes d’animaux néfastes dans les tombeaux sont divisés, tronqués ou percés de couteaux pour les rendre inoffensifs. Le « cartouche » d’un pharaon qui relie les deux derniers noms de son titre royal par un nœud de corde symbolise la propriété du roi sur le monde.
Effacer le nom d’un roi sur ses représentations et lui substituer le sien, c’est s’approprier son pouvoir et lui succéder dans la mémoire des hommes. Pour les anciens Égyptiens, écrire c’est à la fois nommer et figurer, pour ôter ou donner la vie.
VidéoLa magie des hiéroglyphesDès l'Ancien Empire, les hiéroglyphes sculptés en bas-relief et peints de couleurs vives, à l'exemple de la stèle de Néfertiabet, sont ordonnés de façon à révéler des lignes directrices selon une rigueur géométrique. Au Nouvel Empire, la dimension monumentale des hiéroglyphes se manifeste dans l'arc… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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2. La cosmologie des anciens Égyptiens
Le monde des dieux antiques s’organise autour de mythes de la création du monde (cosmogonies) et de grands cycles mythologiques qui exaltent l’ordre des choses, constamment menacé par le chaos. Dans ce cadre général, la religion égyptienne exprime une conception caractérisée par une très grande propension à associer entre elles les divinités et leur culte.
• Le panthéon égyptien
Depuis les hiéroglyphes des premières dynasties jusqu’à la domination romaine, la religion égyptienne offre sur plus de trois millénaires une remarquable continuité. Elle repose sur la croyance en un ordre universel, fruit de la volonté du
démiurge lors de la création. Un ordre constamment menacé par le chaos dont il faut se prémunir en pratiquant la piété envers les dieux et en faisant régner justice et bonté entre les hommes. En dépendent la course ininterrompue du Soleil et la crue bienfaisante du Nil.
Le monde religieux des anciens Égyptiens est ainsi fondé sur une conception magique du sacré où les puissances de l’Univers sont symbolisées et incarnées par des éléments de la nature : animaux ou végétaux. Ces divinités primitives, s’humanisent progressivement et sont à l’origine d’un panthéon constitué d’êtres hybrides anthropomorphes.
Elles sont le plus souvent figurées par une tête animale sur un corps humain, masculin ou féminin. Si la tête humaine est conservée, le chef peut être surmonté d’un symbole caractéristique. Enfin, la déité peut arborer un ou plusieurs attributs. Ce panthéon complexe est le fruit des multiples cultes locaux pratiqués dans les provinces (nomes) du royaume. À partir du Nouvel Empire, chaque nome possède son couple divin accompagné de leur enfant, sans oublier ceux des nombreux sanctuaires.
D’un nome à l’autre, des dieux identiques peuvent être connus sous des noms et aspects différents. Ces appellations et figures variées ont donné naissance à des centaines de divinités. Le recours aux cosmogonies et aux mythes permet alors d’ordonner la conception du monde des dieux.
DiaporamaPrincipales divinités de la cosmologie égyptiennePrincipales divinités de l'Égypte antique, avec leurs fonctions et leurs attributs distinctifs. Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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• Les cosmogonies
La richesse et la complexité du panthéon égyptien amène les théologiens à opérer des regroupements généalogiques. Les ennéades (du grec
enneas, le chiffre « neuf »,
traduction de l’égyptien
pesedjet, qui signifiait le « pluriel des pluriels », la totalité parfaite) relient un groupe de dieux à un dieu créateur (démiurge), exprimant le monde comme une totalité organisée. L’ennéade la plus ancienne, celle d’Héliopolis, dont dérive la « petite ennéade » de
Karnak, propose une cosmogonie fondée sur Atoum-Rê, le dieu Soleil.
Démiurge auto-engendré, il crée l’Univers à partir de la pierre sacrée
Benben émergeant du chaos, le
Noun. Par son souffle et sa semence, il engendre le couple Air-Humidité (Shou et Tefnout) qui enfante à son tour le Ciel Nout et la Terre Geb.
Ces derniers procréent deux nouveaux couples : Osiris et
Isis, Seth et Nephtys. Moins ambitieuses, les triades permettent de fusionner des cultes à l’origine disparates livrés dans un même lieu en constituant une famille simple, à l’exemple de la
triade thébaine, formée par le père
Amon, la mère Mout et leur fils Khonsou.
PhotographiePendentif au nom du roi Osorkon II : la famille du dieu OsirisCette triade regroupe Osiris, au centre, flanqué de son épouse Isis et de son fils Horus. Osiris est représenté accroupi, comme un signe hiéroglyphique. Il est au sommet d'un pilier, et l'aspect général de l'ensemble n'est pas sans rappeler celui du jeune soleil sortant du lotus primordial. L'associ… Crédits: Erich Lessing / AKG[/size]
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• Les grands cycles mythiques
Le monde des dieux est également organisé par des récits mythiques. Ce sont les grands cycles mettant en scène Rê, Osiris et Horus. Le cycle solaire décrit les démêlés d’un Rê vieillissant confronté à la révolte des hommes. Conseillé par son ennéade, il décide de diriger contre ces derniers son « œil » qui, se transformant tantôt en déesse lionne, tantôt en cobra féminin au souffle incendiaire, massacre les hommes repoussés dans le désert.
Dans sa mansuétude, Rê empêche la destruction totale de l’humanité infidèle, avant de se retirer dans le ciel. Le cycle du roi Osiris, quant à lui, relate son assassinat par son frère Seth, qui usurpe son trône. Son épouse, la reine vierge et magicienne Isis, conçoit alors un fils divin, nommé Horus. Ce dernier combat son oncle et reconquiert le pouvoir sur l’Égypte. Le cycle d’Horus décrit les péripéties de cette lutte et complète les deux cycles précédents.
Les pharaons historiques se réclament de la lignée d’Horus et reprennent sa dénomination dans leur titulature. Dieu de la fécondité de son vivant, Osiris se transforme à son décès en celui des morts. Ces différents cycles ont connu des variantes selon l’époque et le lieu. Mais ces recoupements ou ces incohérences ne gênaient pas les Égyptiens, qui sont restés étrangers à l’idée d’une révélation consignée dans un livre unique et sacré.
PhotographieGrande énnéade de KarnakL'ennéade d'Héliopolis comprend, dans sa forme la plus fréquente, Atoum, le dieu créateur, Shou et Tefnout ses enfants, l'air et l'humidité, Geb et Nout, leurs enfants, la terre et le ciel, puis Osiris, Isis, Seth et Nephtys, leurs enfants. La Grande Ennéade de Karnak, qui figure ici sur une scène p… Crédits: Renaud de SPENS[/size]
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3. Les pyramides d'Égypte
La pyramide constitue l’élément majeur du complexe funéraire consacré aux pharaons jusqu’au Nouvel Empire. Cette forme architecturale a une symbolique solaire. Les procédés techniques de sa construction sont encore discutés. Son évolution externe et interne n’a pas assuré la protection des sépultures royales.
• Un monument funéraire
Contrairement aux ziggourats de
Mésopotamie (II
e-I
er millénaire av. J.-C.) et aux pyramides d’Amérique centrale (à partir du
Ve siècle apr. J.-C.) qui étaient des temples ou des plates-formes de sacrifice surélevées et accessibles par des escaliers, la pyramide d’Égypte, apparue au III
e millénaire avant J.-C., est un monument funéraire, réservé pendant longtemps aux seuls pharaons et à leurs épouses. Les plus anciennes tombes égyptiennes étaient des mastabas (« banquette » en arabe), élévations massives de briques crues recouvrant un caveau sous-terrain, avec chapelle et dépendance pour le culte du défunt. Ils étaient utilisés indifféremment pour les rois et les hauts dignitaires jusqu’au milieu du
XXVIIe siècle avant J.-C.
Mastaba de pierre étagée symboliquement jusqu’au ciel, la pyramide du pharaon Djéser inaugure alors, vers 2650 avant J.-C., un modèle distinctif pour les ensembles funéraires royaux. Entourés par une enceinte, ceux-ci comprennent deux temples reliés par une chaussée ornée de bas-reliefs. Le temple haut, consacré au culte funéraire du pharaon, est situé sur la face est de l’édifice. Le temple bas réceptionne les cortèges et comporte un bassin d’accostage pour les bateaux. La forme pyramidale pure, sans degrés, naît un demi-siècle plus tard sous le règne de Snéfrou, fondateur de la IV
e dynastie, vers 2600. Cette forme parfaite matérialisait le faisceau des rayons solaires divins qui protégeait la tombe royale.
VidéoLe monument funéraireLe complexe funéraire du roi Djéser, conçu au début de la [size=9]IIIe dynastie par Imhotep, constitue, avec sa pyramide à degrés entourée d'une enceinte, le prototype de ces dispositifs architecturaux. Quatre cent cinquante ans plus tard, toujours sur le site de Saqqarah, Pépi II, derni… [/size]
Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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• La construction des pyramides
Selon l’hypothèse la plus vraisemblable, la construction des pyramides s’opérait par le moyen de levées de terre et de traîneaux pour charrier les blocs de pierre taillés. En témoignent des vestiges de rampes et les fresques représentant le chargement de ces blocs. Cette technique simple exigeait une main-d’oeuvre nombreuse. L’érection d’une pyramide permettait d’occuper et d’encadrer la population, inoccupée lors de la crue du Nil.
Les blocs tirés des carrières étaient transportés sur des chemins de terre argileuse jusqu’au fleuve et emportés par des embarcations suivant des canaux ménagés à cet effet jusqu’au débarcadère du chantier.
Suivant les pistes de terre, les traîneaux étaient halés sur la rampe d’accès, renforcée par des briques crues, située à la perpendiculaire ou à l’oblique de l’édifice en fonction de la topographie du site. Une plate-forme de manoeuvre permettait la mise en place des blocs en les faisant glisser ou basculer. Un pyramidion, en granit ou basalte, recouvert d’or ou d’électrum (alliage d’or et d’argent) venait coiffer l’édifice. On retrouve cet élément au sommet des obélisques, eux aussi liés au culte solaire.
Au Moyen Empire (env. 2000 à 1800 av. J.-C.), la pyramide est de taille plus réduite, et sa structure repose sur un système centré de murs rayonnants ménageant des compartiments, emplis, par économie, de matériaux de remblais. La brique crue tend à remplacer la pierre calcaire qui n’est plus utilisée que pour le parement.
• L’évolution architecturale des pyramides
L’évolution architecturale des pyramides, de la III
e dynastie au Nouvel Empire, couvre un millénaire et concerne aussi bien l’aspect extérieur de l’édifice que son plan intérieur. La pyramide à degrés du roi Djéser, premier monument de pierre taillée au monde, atteint 60 mètres de hauteur. Avec la IV
e dynastie, les pyramides prennent leur forme définitive et des dimensions imposantes sur le site de Gizeh, nécropole située, comme Saqqarah, près de Memphis, la capitale de l’Ancien Empire.
La grande pyramide du roi Chéops (Khéops), la plus élevée avec 146 mètres de hauteur, était comptée comme l’une des sept merveilles du monde. Sous les dynasties suivantes, les dimensions se réduisent et l’appartement funéraire s’uniformise.
C’est dans la pyramide, située à Saqqarah, du dernier roi de la V
e dynastie, Ounas, que les murs des salles sont pour la première fois couverts de hiéroglyphes : les fameuses formules magiques des Textes des pyramides assurant la survie du roi. La descenderie, traditionnellement ménagée sur la face nord, aboutit à l’espace central où se trouvent la salle du tombeau et son antichambre. Elle peut être prolongée, par un couloir à herses défensives qui donne accès à des pièces secondaires.
Au Moyen Empire, les architectes soucieux d’assurer l’inviolabilité du tombeau varient l’emplacement de cette entrée. L’accès à la chambre funéraire, excentrée, est alors compliqué par un système de labyrinthe avec herses et obturé par un mégalithe de plusieurs dizaines de tonnes. Malgré cela, aucune des pyramides n’échappa aux pilleurs. À partir du Nouvel Empire (
XVIe siècle av. J.-C.), les pharaons abandonnent cette construction pour leur
sépulture. Les temples consacrés à leur culte funéraire ne sont plus contigus à leurs tombes, creusées désormais dans la falaise de la
Vallée des Rois, près de Thèbes.
VidéoÉvolution architecturale des pyramidesLa forme pyramidale obéit à une symbolique solaire. La pyramide à degrés du roi Djéser, qui connaît deux versions à partir du mastaba primitif, figure l'escalier qui permet à l'âme du pharaon de rejoindre son père le Soleil. Atypique, la forme « rhomboïdale » de la pyramide de Dahchour est le fruit… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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4. L’égyptologie
La destruction de la bibliothèque d’Alexandrie et l’abandon de l’écriture hiéroglyphique plonge l’Égypte des pharaons dans l'oubli. Quatorze siècles plus tard, l’égyptologie naissait de la passion suscitée par l’expédition d’Égypte. Le déchiffrement des hiéroglyphes permit d’un seul coup de retrouver les trois mille ans d’histoire de l’antique civilisation.
• L’Égypte pharaonique privée de mémoire
Avec les incendies, en 47 av. J.-C., de la grande bibliothèque d’Alexandrie et de son annexe, le Serapeum, disparaît la mémoire écrite de l’Égypte et d’une grande partie de l’Antiquité. En particulier, une monumentale Histoire de l’Égypte rédigée en grec par Manéthon sur l’ordre de Ptolémée I
er. En 391, le monarque chrétien de l’Empire romain d’Orient, Théodose I
er, ordonne la fermeture des temples consacrés à l’antique religion.
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Dispersés, les derniers prêtres ne peuvent plus transmettre l’apprentissage des hiéroglyphes. Au milieu du
Ve siècle, l’Égypte a complètement perdu son histoire, sa littérature et son écriture. Seuls subsistent ses monuments, abandonnés et livrés au pillage, et sa langue, le copte.
Des bribes de la civilisation égyptienne nous parviennent avec l’Ancien Testament – Joseph réduit en esclavage puis membre de la cour du pharaon, Moïse et la fuite des Hébreux – et avec quelques écrits de voyageurs de l’Antiquité, comme Hérodote qui relate les us et coutumes des Égyptiens du
Ve siècle av. J.-C., ou Plutarque qui décrit leur religion au I
er siècle dans Isis et Osiris.
Au cours des siècles, les monothéismes chrétien puis musulman ont ainsi recouvert et occulté une civilisation dont l’histoire, remontant au IV
e millénaire av. J.-C., est deux fois plus longue que la nôtre.
• La fondation de l’égyptologie
La redécouverte de l’Égypte antique est l’heureuse conséquence de l’exploitation scientifique, alliée à l’exaltation de l’aventure, menée par le général Bonaparte au pays des pharaons. L’échec militaire de l’expédition d’Égypte (1798-1801) face à la puissance maritime anglaise se transforme en hymne à la gloire de Napoléon. Du travail d’inventaire des savants et artistes engagés dans l’entreprise naissent une œuvre éditoriale monumentale, la
Description de l’Égypte (1809-1822), sa carte (1826) et une mode artistique, l’égyptomanie.
L’encyclopédie de l’Égypte antique et contemporaine est précédée par le succès de l’ouvrage de
Dominique Vivant Denon (1747-1825) :
Voyage dans la Basse et HauteÉgypte pendant les campagnes du général Bonaparte (1802). Traduit en langues anglaise et allemande, l’ouvrage comprend deux volumes avec une centaine de planches et connaît de nombreuses réimpressions. Par la suite, l’égyptomanie est à la source des grandes collections de Turin, de Londres et de Paris, où la galerie égyptienne du musée Charles- X au Louvre est inaugurée en 1827.
Ces collections procèdent du pillage systématique des antiques organisé par les consuls européens avec l’accord du gouverneur turc Méhémet Ali, en échange de conseils et d’assistance technique pour moderniser le pays.
C’est ainsi qu’est offert à la France l’un des deux obélisques de Louxor. Cet engouement et la constitution de ces collections contribuèrent au déchiffrement des hiéroglyphes par
Jean-François Champollion, qui transforma ainsi une curiosité esthétique en une véritable discipline archéologique : l’égyptologie.
PhotographieÉgyptomanieDéjà sensible au XVIII[size=7]e siècle, la fascination pour l'Égypte sera décuplée au XIXe par l'expédition de Bonaparte (1798-1801) et le goût romantique pour l'exotisme. Service à déjeuner égyptianisant, avec portraits en médaillons de la famille du prince Paul de Wurtemberg (1785-1852). Porcelaine, 1813, manufacture de Ludwigsburg. [/size]
Crédits: E. Lessing/ AKG[/size]
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• Le déchiffrement des hiéroglyphes
La percée du mystère des hiéroglyphes obsède l’Occident depuis la Renaissance, et la première impression en 1505 suivie de beaucoup d’autres jusqu’au
XVIIIe siècle du traité des
Hieroglyphica d’Horapollon ouvre une
tradition d’interprétation allégorique et ésotérique aussi riche qu’erronée.
C’est Jean-François Champollion (1790-1832) qui perce leur secret, en 1822. Passionné de langues antiques, il est protégé par un ancien de l’expédition d’Égypte, le préfet de l’Isère Joseph Fourier, chargé de l’introduction historique de la Description de l’Égypte. Les connaissances accumulées par le jeune Champollion en langues anciennes et orientales latin, grec, hébreu, arabe, syriaque, lui donnent un avantage déterminant sur ses concurrents orientalistes.
VidéoChampollionInventeur de l'égyptologie, Champollion est portraituré par Léon Cogniet en héros romantique. Représentée trois-quarts, sa figure se détache sur le paysage de Thèbes où l'on aperçoit les colosses de Memnon. Conquérant de la mémoire égyptienne, il prend une pose victorieuse qui n'est pas sans rappele… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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Le Français Silvestre de Sacy (1758-1838) et le Britannique Thomas Young (1773- 1829) s’étaient attachés sans succès à décrypter les hiéroglyphes de la pierre de Rosette découverte en 1799. Les deux ouvrages fondamentaux de Champollion, la
Grammaire égyptienne (1836-1841) et le
Dictionnaire égyptien (1841-1844), publiés après sa mort, fondent l’égyptologie.
VidéoLe déchiffrement des hiéroglyphesEn étudiant les cartouches des souverains d'ascendance grecque, Champollion repère les lettres communes de Ptolémée et de Cléopâtre. Il peut en déduire la valeur phonétique de plusieurs hiéroglyphes, et se rend compte qu'un même son peut être rendu par différents signes. Sa connaissance approfondie… Crédits: Encyclopædia Universalis France[/size]
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